Printemps des Comédiens : Une orageuse réussite !

bedos2C’était l’heure du bilan, avant que le Printemps des Comédiens ne referme sa boîte à images. Face aux journalistes, Daniel Bedos ne s’enfonce pas dans la mousse des commentaires.  » Quelqu’un de vous a écrit que nous faisons un festival pour les riches. C’est une évidence, indique le directeur du festival qui prêche souvent une chose pour dire son contraire, ce sont les riches et les bobos qui font le public. Notre particularité est justement de le déborder un peu en concernant une partie de la population qui ne constitue pas le public culturel habituel.« 

La 24 édition proposait cette année 21 spectacles et pas moins de 79 soirées. Le taux de remplissage est estimé à 82 % soit 45 000 spectateurs.  » C’est une édition pleine de culture des autres, d’inattendu et de propositions rares. Avec des choses réussies et d’autres moins appréciées. On n’est pas obligés de faire l’unanimité« , rappelle Daniel Bedos.

La programmation artistique empruntait cette année ses couleurs à la culture tsigane, avec la Route du même nom rythmant la tranche du 18h-20h. L’hommage à Django Reinhardt et à l’été, rendu par Tony Gatlif avec Didier Lockwood, a rempli de joie vive l’amphithéâtre tout comme Le Cirque Romanès, plus modestement. On retiendra la performance imaginative du nouveau cirque du Vietnam saisissant d’un même élan la modernité et la puissance des origines. Ailleurs, mais quelque part aux mêmes sources de la richesse interculturelle, il faut citer la rencontre remarquable de deux auteurs d’exception, Sade et Mishima, dans une mise en scène très aboutie de Jacques Vincey, avec Madame de Sade, et encore, l’intelligence de Sébastien Lagord et de la Cie de l’Astrolabe qui revisitent Molière. Le travail d’ouverture exigeant avec des acteurs sud-africains s’avère dans Monsieur de Pourceaugnac suffisamment novateur pour offrir des perspectives à la langue française dans le monde interpolaire d’aujourd’hui. Un esprit situé aux antipodes des néo-classiques qui s’arqueboutent sur une identité figée.

L’autre chapitre de ce bilan est moins ensoleillé. Conformément aux vœux du vice-président du Conseil général Jacques Atlan, l’objectif des 25% d’autofinancement du budget global est atteint. Mais l’avenir de la manifestation dans cette forme demeure incertain. Avec un désengagement financier conséquent de l’Agglomération de Montpellier et de la Région, le Printemps des Comédiens fait les frais d’un climat politique délétère. Evoquant pêle-mêle un dégraissage des effectifs, une nouvelle augmentation des tarifs et une réduction de la durée du festival, Daniel Bedos, qui se sait défendu par l’institution départementale, fait monter les enchères, sans se soucier du sort moins enviable des autres acteurs et de sa propre équipe. Mais chacun sait qu’une hirondelle ne fait pas le printemps.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique politique culturelle, Crise : l’effet domino,

Connaisseurs en la chose

Les mots pour dire la chose

Les mots pour dire la chose. Photo Marie Clauzade

Au Printemps des Comédiens, on a entendu. « Les mots et la chose »: un voyage à travers le vocabulaire érotique de la langue française avec Elodie Buisson et Jean Varela.

Le café de la diversité portait particulièrement bien son nom vendredi et samedi dernier à l’occasion du spectacle Les mots et la chose. Car de diversité il fut question à propos des mots qui s’offrent à nous pour dire la chose. Le texte de Jean-Claude Carrière adapté par Daniel Bedos, fait écho à celui du galant abbé Gabriel-Charles de Lattraignant connu pour avoir pris son sacerdoce avec une certaine désinvolture. A n’en pas douter, cet homme défraierait aujourd’hui les chroniques.

De quoi inspirer Jean-Claude Carrière qui en tira une nouvelle avant de l’adapter au théâtre dans une version qui fait l’éloge du beau vocabulaire ! Il s’agit d’une correspondance qui vient au secours d’une jeune comédienne contrainte par la cruauté des temps à faire du doublage de films pornographiques. La pauvre femme qui n’en perd pas pour autant son esprit, se désespère de la pauvreté que l’on met à sa disposition. Elle s’en ouvre donc à un érudit afin que celui-ci enrichisse quelque peu son lexique. Ce qu’il fait avec grand plaisir.

Débute un voyage aux quatre coins du vocabulaire érotique qui nous fait découvrir que rien n’est plus utile que de savoir parler de ce qui ne se dit pas. Paroles succulentes, dit par le directeur de Sortie Ouest, Jean Varela dont la maîtrise du texte et la diction s’avèrent parfaitement adaptées à un exercice scénique assez difficile. On mesure également tout le talent de la comédienne Elodie Buisson qui lui donne la réplique. La complicité est au rendez-vous, le duo fonctionne à merveille. La présence et la qualité du public confirment le succès d’un spectacle parfaitement huilé. « N’ayons pas peur des mots, même quand ils nous parlent de la chose « , indique l’auteur dans la présentation. Les secrets de langue française seraient donc impénétrables !

Jean-marie Dinh

 
 
 
 
 

 

La Maison des Thés au Printemps des Comédiens

L’art de la marionnette très présent dans la représentation

La création de Daniel Bedos La Maison des thés. » condense tous les aspects de l’art traditionnel chinois. Au Printemps des Comédiens.

Là où les Chinois mettent le pied, ils apportent la coutume de boire le thé.  La proposition de Daniel Bedos répond par effet de miroir à cette vérité historique. Là où il a foulé le sol chinois, l’homme des cultures a cherché à tisser du lien qu’il compile dans La Maison de thé.

Les interrogations que peut susciter cette recherche permanentes d’autres cultures – nous l’évoquions dans ces colonnes à propos de Koteba -reviennent peut-être à discerner si l’essentiel s’appuie sur la démarche ou le résultat. Un peu des deux sans doute, ce qui rend le pari à la fois périlleux et intéressant. Au reste, le contexte culturel, historique, et interculturel de ces spectacles initiatiques appelle une approche qualitative, intime et différente.

Qualité des feuilles et de l’eau, appréciation de la température requise, choix du type de théière, juste proportion, temps de l’infusion, codification du geste, le tout accompagné par les mesures et la qualité du timbre d’un tympanon chinois. Le touché expert de Li Chunyong se conforme aux recommandations de Confucius jouant avec la variation de rythme pour emporter les spectateurs vers une lointaine Antiquité. Le spectacle s’ouvre ainsi, sur une scène de vie spirituelle et sophistiquée qui confère son esprit à la soirée. Mais la cérémonie du thé que prépare Madame Xie est également une mise en relation sincère et chaleureuse. Si les feuilles du théier font partie intégrante de la vie des Chinois, les bases du rituel de l’infusion aboutissent à une dégustation partagée. Suit un extrait de théâtre chanté, un duo entre une marionnettiste et une chanteuse qui lie l’attrait oral et visuel. Les courts extraits magnifiquement interprétés de l’opéra Liyuanxi, nous laissent un peu sur notre faim, par leur brièveté et la qualité sommaire des costumes.

On s’étonne des doigts de fée de madame Gaoshaoping qui pratique depuis l’âge de dix ans l’art traditionnel du découpage de papier. L’artiste fait preuve d’une créativité hors paire, cédant au charme romantique et au plaisir d’accomplir des idéaux nobles de vérité, en un temps record. L’art de la marionnette est très présent dans la représentation. A juste titre si l’on considère la profonde influence qu’il a exercé sur l’évolution des autres formes de théâtre. Le spectacle présente ses deux formes principales, le théâtre de figurines et le théâtre d’ombres. On plonge à plusieurs reprises dans l’univers des marionnettes à fils comme avec l’histoire légère et drôle du bonze paresseux qui se trompe et déclenche des orages.

Le clou du spectacle doit beaucoup à l’énergie insoupçonnée des anciens, qui préservent les techniques du théâtre d’ombre en puisant dans les centaines de scénarios traditionnels. Même si les figurines souffrent un peu de l’absence de décor, la représentation qui s’accompagne de mélodies très anciennes jouées et chantées, préserve ce pouvoir de fascination évoqué par Artaud.

Il y a plusieurs façons d’aborder la culture chinoise. Schématiquement, on peut opter pour une confrontation directe en se laissant transporter vers un ailleurs, totalement opposé à nos valeurs occidentales ou choisir une initiation plus lente en approfondissant les différentes formes, nuances, et subtilités de cette culture plurimillénaire.

Daniel Bedos qui a conçu le spectacle, évoque son premier voyage en Chine. Du premier choc frontal lié au poids immense de la culture chinoise à sa découverte progressive, qui appelle la relation pour percevoir et mieux appréhender la trame fondamentale de la culture et de l’esprit chinois. Plus on se rend en Chine et moins on la comprend. Invitation vers l’inconnu, La Maison de Thé est la petite lueur du phare qui s’éteint et s’allume sur un espace immense, en attendant le grand saut !

Jean-Marie Dinh

La Maison de thé mise en scène Daniel Bedos, jusqu’au 26 juin.

Voir aussi : Rubrique Théâtre Théâtre du grand guignol, Rubrique co-développement Partenariat entre l’Hérault et Quanzhou,