Culture. Le réseau international dédié aux arts vivants créé par des femmes choisit Montpellier pour sa 1ère escale en France.
Du 21 au 26 septembre, la Bulle Bleue organise en association avec le Théâtre de la Remise et Réseau en scène LR The Magdalena Project Montpellier. Depuis bientôt trente ans, Magdalena – réseau international d’échanges dédié au théâtre et aux arts vivants créé par des femmes – traverse les continents et les générations par le biais des événements régulièrement organisés dans différentes villes du monde. L’événement est porté cette année par Marion Coutarel, comédienne et metteuse en scène au Théâtre de la Remise, associée à la Bulle Bleue depuis 2012. Pour cette première en France, des femmes artistes du Danemark, d’Angleterre, de Suisse, de Biélorussie, d’Argentine, d’Inde, d’Allemagne, du Brésil, de Pologne, d’Espagne, d’Italie, du Japon et d’Australie viendront à la rencontre des professionnel(le)s de la région et de tous les publics. Magdalena Project est aussi un espace facilitant l’échange, le soutien et la formation artistique.
L’édition montpelliéraine propose des temps d’ateliers, de pratiques et de recherche artistiques animés et portés par des professionnelles à destination de professionnels.
A Montpellier JonOne se fond dans les couleurs de son art. Photo dr
Exposition. L’artiste JonOne issue du street art expose une oeuvre abstraite au Carré Saint Anne jusqu’au 1er novembre.
Free style au Carré Sainte-Anne avec les oeuvres grand format de JonOne qui occupent l’espace de l’église désacralisée jusqu’au 1er novembre. Dans l’enceinte où l’artiste a visiblement pris plaisir à composer sa mélodie en faisant exploser les couleurs sur les toiles et des volumes en plexi, on songe au cheminement étrange de ce fils d’immigrés dominicains qui a grandi à Harlem où sa famille, vit toujours.
Dans les années 70 et 80, JonOne a commencé à écrire son nom sur les murs et sur la grande flotte des rames du métro new-yorkais. Il évoque comme élément fondateur de son style, la vision d’une rame de métro graffée engendrant des traînées de couleurs avec la vitesse. Le passage de l’esprit de rue à la peinture abstraite s’opère quand il arrive à Paris au milieu des années 80. C’est au moment où le street art explose en France que JonOne passe à la toile.
Avec un coup d’avance, l’artiste s’adapte et fait les bonnes connexions en se référant à Kandinsky, Matisse et bien sûr aux expressionnistes abstraits américain, Pollock, de Kooning, Joan Mitchell… L’optique optimiste que cultive l’artiste lui réussit. L’oeuvre circule dans les galeries dont JonOne a vite saisi les codes.
L’usage des couleurs attractives parfaitement maîtrisées allié au récit de vie de l’artiste suscite cet espoir dont nous avons tant besoin aujourd’hui. Et le destin heureux de l’artiste issu du ghetto vient renouveler l’éternelle vision du rêve américain.
Il expose à Tokyo, Berlin, Hong Kong et partira pour Shanghai, après Montpellier qui manifeste son ambition muséale en matière de street art. Côté pile on retire le collage à proximité de l’église St Roch avant le pèlerinage du 15 août, côté face on investit dans le mouvement pictural urbain pour le faire entrer dans l’institution. Vous avez dit mutation ?
Dessin. Yaka, 1er festival de la liberté les 21/22/23 août à Monblanc. La manifestation est organisée par une assos citoyenne pour la culture en milieu rural.
La veille des élections départementales, on se souvient que le comité interministériel à la ruralité avait opportunément réuni 11 ministres sous la présidence de Manuel Valls dans une agglo de 40 000 habitant pour évoquer l’attractivité du monde rural et annoncer une batterie de mesures en faveur des territoires ruraux concernant l’accès à la santé les services publics ou le développement à l’accès au numérique et la connexion au téléphone mobile, rien en revanche sur l’accès à la culture.
Le maillage culturel du le monde rural souffre pourtant d’importantes zones d’ombres qui se sont considérablement élargies cette année, avec la réduction des dotations d’État aux communes et aux intercommunalités. Les élus concernés s’en plaignent mais en bout de course, finissent souvent par tailler dans les budget culturels. Et les citoyens sont en reste.
Sur la petite commune héraultaise de Montblanc la présidente de l’Assos’ Thau Mate les Anartistes, Sylvie Roblin, se bat pour créer un îlot culturel exigeant sur son lieu de vie, à raison d’une proposition de spectacle par semaine. « Ce type de bénévolat demande beaucoup de temps et d’implication, confit-elle, mais je pense que la culture est un droit fondamental comme l’accès à l’eau ou au logement. Un droit oublié qui figurait dans le programme du Conseil National de la Résistance. »
Ironie du sort son association organise ce week-end à Montblanc le premier festival Yaka du dessin de presse, au moment où le village fête la Libération avec le sempiternelle bal du dimanche soir. « L’association vient de poser ses valises à Montblanc, indique Sylvie Roblin, en 2014 nous avons organisé le festival Femme plurielle, à Roujan sans aucune subvention. On a dû éponger 20 000 euros de dette. Cette année nous partons une nouvelle fois sans subvention avec un budget plus modeste mais toujours beaucoup d’exigence. »
Le dessin réalisé par le dessinateur belge Soudron pour l’affiche du festival
Les Anartistes reçoivent notamment la dessinatrice Nadia Khiari, sur la liste noire des salafistes, dont le chat Willis from Tunis est devenus un personnage de la révolution tunisienne.
« L’idée du festival est venue après les attentats de janvier. On connaissait Tignous, on a été très touché. On travaille avec le festival international du dessin de presse de L’Estaque. Le dessinateur algérien Fathy Bourayou, son fondateur sera parmi nous. Après les attentats, beaucoup de festivals de dessin de presse ont été annulé pour des causes de sécurité. C’est un peu la double peine. »
Durant le festival les artistes animeront des ateliers de dessin pour les enfants. Il y aura des expos et des concerts. Comme le disait les membres du CNR le combat citoyen pour un équilibre moral et social ne doit pas prendre fin à la Libération.
Projet culturel. Dans un beau cadre perdu dans la garrigue, l’association poursuit sa 9e saison avec une belle énergie.
Quand la bande de potes a lancé en 2007 son projet associatif sur la terre rocailleuse du Causse de la Selle, avec l’idée de faire vivre une action culturelle de qualité en milieu rural, les prédictions bienveillantes n’ont pas dû manquer de jouer les Cassandre. Le temps de l’irrigation culturelle des territoires se tarissait, la philosophie d’éducation populaire qui sous-tend le projet perdait ses soutiens politiques et le crac financier de 2008 se profilait.
Neuf ans plus tard, « dans un petit coin improbable, là où même les cailloux sentent bon la garrigue », l’association Bouillon Cube réunit 5 000 spectateurs par an avec ses soirées culturelles et propose un bouillonnement d’activités à l’année pour tout public et tout âge. « On prépare notre 10e saison », indique Claire Pitot, une des deux salariés de la structure, « avec l’aide précieuse de notre équipe de bénévoles nous travaillons sur le volet culturel avec les mixtures spectacles concerts en juillet et août mais aussi les résidences d’artistes et La route des Voix, une série de concerts acoustiques montés en association avec l’artiste Piers Faccini pour faire vivre en musique des lieux exceptionnels du patrimoine régional ».
L’activité de Bouillon Cube s’organise également autour de deux autres axes : celui de la jeunesse, avec des interventions en milieu scolaire, un centre aéré ouvert tous les mercredis et durant les vacances, et celui des échanges européens, à travers l’accueil de jeunes volontaires européens et des projets thématiques d’échanges.
L’association fonctionne avec un budget de 150 000 euros. « Nous assurons un tiers de notre budget en auto-financement, explique Claire Pitot. La Région et la Communauté de Communes du Pic-Saint-Loup sont nos principaux partenaires mais la solidité du projet tient à un mode de gestion qui fait appel à une multitude de lignes budgétaires sans être conventionné. »
Dans la valse des robinets qui se ferment à la culture, beaucoup de structures qui dépendaient de gros partenaires n’ont pu survivre. Bouillon Cube s’adapte et envisage l’avenir avec plein de perspectives. Si le mode de gestion lié aux projets nécessite beaucoup d’implication et d’inventivité, il apparaît au final, plus solide.
« Depuis le début nous avons maintenu le fil conducteur de nos convictions, explique Claire, Ce qui a changé depuis dix ans, c’est la manière de faire et les outils. L’adaptabilité, l’ouverture et la connaissance du territoire sont des paramètres essentiels. Aujourd’hui le public nous fait confiance et pas seulement pour les concerts festifs. Durant les spectacles, les gens ne restent plus au bar. Il y a une vraie écoute. 50% des gens viennent de Montpellier. »
A une petite heure de Nîmes et de Montpellier, les urbains disposent d’un lieu à découvrir où la programmation est de qualité et le bon air au rendez-vous.
JMDH
Ce soir Soirée Groove avec Let’s fuck, le talentueux Neil Conti and the Lazy Sundaze et DJ Charly Cut, de 20h à 2h entrée 5 euros.
Franck Tenaille dans les coulisses de Fiest’A Sète
Franck Tenaille. Entretien avec le président de Zone Franche, le réseau des Musiques du monde qui réunit toute la chaîne des métiers de la musique à l’occasion du festival Fiest’A Sète 2015.
Titulaire d’une licence d’ethnologie et d’un doctorat de sociologie, Franck Tenaille est journaliste spécialisé dans les musiques du monde, conseiller artistique, responsable de la commission des musiques du monde de l’Académie Charles Cros. Il est aussi président du réseau Zone Franche.
Lors de votre conférence sur la musique durant les années de l’indépendance donnée à Fiest’A Sète, vous avez souligné que l’Afrique musicale précède l’Afrique politique. Que voulez-vous dire ?
Le choc de la Seconde guerre mondiale a fait craquer l’ordre colonial avec de sanglants soubresauts entre l’indépendance promise et l’indépendance octroyée. Durant cette période, la musique n’a eu de cesse d’affirmer l’identité culturelle niée par la colonisation. Elle a su faire entendre les plaies dans les consciences de l’oeuvre civilisatrice et faire vivre un patrimoine humain commun.
La musique accompagne aussi directement les mouvements politiques des indépendances…
Au tournant des années 60 se profile la proclamation des indépendances. En 1957, la Gold Coast rebaptisée Ghana en référence à l’ancien empire africain, devient le premier pays indépendant d’Afrique subsaharienne. E.T. Mensah, un pharmacien de métier, monte un grand Orchestre et devient le roi du highlife. Le genre musical s’épanouit dans un cadre en pleine effervescence. Dans ce contexte, la musique constitue le complément artistique au projet panafricain du premier ministre indépendantiste NKrumah.
En Guinée qui accède à l’indépendance un an plus tard, Joseph Kabassele Tshamala, le fondateur de l’African Jazz, compose le fameux Indépendance Cha Cha. Le premier président Guinéen Sékou Touré déclare : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté que l’opulence dans la servitude », et s’engage dans la modernisation des arts et notamment de la musique pour en faire le fer de lance de l’authenticité culturelle. « La culture est plus efficace que les fusils », dira-t-il encore. Le titre Indépendance Cha Cha devient le premier tube panafricain. On l’écoute dans la majorité des pays africains qui accèdent à l’indépendance : du Congo au Nigéria, du Togo au Kenya, du Tanganyika à Madagascar. Les indépendances des années 1960 passent par la musique et ouvrent tous les possibles.
Outre votre travail d’auteur et de journaliste vous êtes membre fondateur de Zone Franche. Quels sont les objectifs poursuivis par ce réseau ?
Zone Franche existe depuis 1990, C’est un réseau consacré aux musiques du monde qui réunit toute la chaîne des métiers de la musique, de la scène au disque et au médias, et rassemble 300 membres répartis majoritairement sur le territoire français mais aussi dans une vingtaine de pays. Nous travaillons sur la valorisation des richesses de la diversité culturelle et des patrimoines culturels immatériels, les droits d’auteurs, la circulation des oeuvres et des artistes, le soutien à la création artistique…
Que recoupe pour vous le terme « musiques du monde » ?
Les musiques du monde sont la bande son des sociétés, des mémoires, des anthropologies culturelles… Si on veut faire dans le cosmopolitisme, on dira que 80% des musiques écoutées sur la planète sont des musiques du monde. Après il y a les styles musicaux, les genres, les architectures, les syncrétisations… Zone Franche est un réseau transversal, on est un peu l’écosystème professionnel des musiques du monde.
N’est-ce pas difficile d’agir à partir d’intérêts différents et parfois contradictoires ?
On entre dans le réseau à partir d’une structure. Chaque nouvelle adhésion est votée en AG, et chaque membre adhère à la charte des musiques du monde. On n’est pas dans « l’entertainment », l’esprit serait plus proche de l’éducation populaire, un gros mot que j’aime utiliser. Nous avons rejeté quelques candidatures pour non respect des artistes ou des législations existantes. On n’est pas non plus à l’expo coloniale. Notre financement provient des cotisations calculées en fonction des revenus de la structure et d’un partenariat tripartite entre le ministère de la Culture, celui des Affaires Étrangères et d’organisations de la société civile comme la Sacem, Adami, Spedidam.
Comment conciliez-vous toutes les esthétiques ?
A peu près tous les genres de musiques sont représentés, de la musique savante, ethnique, à la world, le rap, les musiques inscrites dans le in situ en fonction des communautés et les emprunts conjoncturels divers et variés que j’appelle les illusions lyriques, mais au final, tous les gens inscrits dans le réseau sont des passeurs.
Intervenez-vous face au refus de visa qui reste un frein puissant à la mobilité des artistes ?
Ce problème se pose de façon crucial et il s’est généralisé. Il n’y a pas d’homogénéisation des politiques et les guichets pour obtenir un visa sont très différents. Dans le cas des tournées, il est rare d’entrer et de ressortir par le même endroit. Nous nous battons pour clarifier les textes, les procédures et les références. Souvent les politiques paraissent lisibles mais les marges de manoeuvre d’application le sont beaucoup moins. De par notre savoir-faire et notre expertise, nous parvenons à débloquer un certain nombre de situations sur le terrain,. On a souvent joué les pompiers face aux abus de pouvoir ou au manquement des managers.
Votre objet politique se présente-t-il comme une alternative à la diplomatie économique qui a transformé les diplomates en VRP de luxe ?
Qu’est ce que la mondialisation culturelle ? Est-ce le résultat d’un consensus libéral établi sur le plus petit dénominateur commun des particularismes de l’homo economicus culturel ? Sous cette forme de mondialisation digeste, nous aurions Victor Hugo pour la France, Cervantès pour l’Espagne et Shakespeare pour le R.U et pourquoi s’enquiquiner a éditer d’autres auteurs et à plus forte raison à produire de la musique Inuite…
Nous négocions régulièrement avec les agents publics de la diplomatie pour défendre la portée éminemment politique des enjeux esthétiques et leur diversité. C’est un combat permanent, à la fois une résistance et une conquête. La base, c’est celui qui n’a pas de conscience est vaincu.
On travaille sur la transmission dans le temps long. Je peux citer beaucoup de patrimoines musicaux en voix de disparition qui sont revenus à la vie, des Lobi du Burkina à la musique de Bali en passant par les Marionnettes sur l’eau du Vietnam. A partir de là, une nouvelle génération peut se rapproprier ces ressources uniques et les renouveler.
Recueilli par Jean-Marie Dinh
Franck Tenaille est notamment l’auteur de : Les 56 Afrique, 2 t. : Guide politique 1979 Éditions Maspéro. Le swing du caméléon 2000 Actes Sud, La Raï 2002 Actes Sud