Le roman noir au féminin

Anne Secret « Le récit ne donne pas les clés ». Photo Hermance Triay

Intéressant autant que vaste, le thème « La frontière » du Festival international de Roman noir, permet d’aborder la question du genre dans le polar. Un aspect transversal que l’on retrouve chez les auteures invitées quelques soient leurs origines.

Dans son premier roman l’iranienne, Naïri Nahapetian ausculte les arcanes du pouvoir autant que la société iranienne. La jeune auteure se plait à dévoiler l’envers du décor, en pointant les espaces de liberté des femmes. Un de ses personnages principaux s’inspire de la vie réelle d’une politicienne qui a tenté à deux reprises de présenter sa candidature aux présidentielles. « En Iran, les femmes sont en première ligne, y compris dans la politique où elles mènent campagne au grand jour et exercent une réelle influence sur l’électorat, » indique-t-elle.

Plus à l’Est, Than-Van Tran-Nhut fait revivre la civilisation vietnamienne du XVIIe siècle à travers les enquêtes du mandarin Tân (Philippe Picquier) et laisse percevoir le rôle prépondérant des femmes qui transcendent la notion de devoir héritée du confucianisme. « Dans mes livres, les femmes apparaissent souvent en tant que personnages secondaires mais elles tiennent une place très importante dans l’organisation familiale et la gestion des affaires. Le Vietnam du XVIIe siècle, qui voit l’apparition de l’économie localisée, est marqué par l’apport de nouvelles techniques en provenance de l’Occident ou du Japon. Techniques à l’origine d’un changement profond de la société dans laquel les femmes ont joué un rôle majeur.

French Touch

Côté français, une nouvelle génération émerge. Jean-Christophe Brochier, responsable de la collection Roman noir au Seuil, observe que « les postures nouvelles occupées par les romancières se retrouvent en rapport de force avec les représentants masculins. On sait que les femmes lisent davantage que les hommes. Ce sont généralement elles qui achètent les livres. Et elles représentent, en France, 70% du monde de l’édition. »

Invitée du Firn, Karine Giebel met en scène un huis clos où un homme se retrouve, dans une cave, le prisonnier d’une femme assez perturbée. « Au départ il n’y avait pas de volonté féministe dans cette trame, confie Giebel, j’avais juste envie d’inverser le schéma classique : l’homme bourreau, la femme victime. C’est le suspens qui domine. J’essaie de faire en sorte que le lecteur s’attache aux personnages. Comme le prisonnier est un homme, on se demande comment il va s’en sortir parce qu’en général les hommes s’en sortent toujours… Mais les lecteurs ont aussi éprouvé une forme d’empathie pour la geôlière qui est plus pathétique qu’autre chose. »

Avec Les villas rouges (Seuil), Anne Secret ouvre une fenêtre sur la baie de la Somme et les paysage d’Ostende mais aussi sur la géographie intime de Kyra, personnage principal qui se retrouve lâchée en pleine cavale par son amant Udo. « Le récit ne donne pas les clés. Il évoque le côté opaque chez les gens. Kyra évolue dans un monde où beaucoup de choses lui échappent. Udo la manipule mais il est lui-même pris dans un cercle qui le dépasse. J’aime les personnages féminins des tragédies Grecques qui vont vers la mort les yeux ouverts.

Loin des habituelles images de femmes pulpeuses ou mystérieuses qu’ont pu nous renvoyer les polars d’autrefois, la nouvelle génération qui pointe écrit des livres porteurs d’absolu. Et ouvre sur une forme d’altérité féminine qu’il s’agit moins de s’approprier que d’accueillir.

Jean-Marie Dinh

Le peintre de la grâce intimiste à Lodève

Jour d'hiver

L’œuvre du Français Pierre Bonnard est visible jusqu’au 1er novembre au Musée de Lodève, qui consacre une exposition à ce peintre de l’intérieur intitulée Bonnard guetteur sensible du quotidien. « A partir de tableaux provenant de plusieurs musées et collections particulières, j’ai voulu livrer l’ensemble des sujets traités par Bonnard, explique le commissaire général Maïthé Vallès-Bled. Les paysages, natures mortes, personnages, et bouquets présentés dans l’exposition offrent un regard d’ensemble sur l’itinéraire singulier de cet artiste dont le travail est une célébration ininterrompue de la peinture. »

Esthétique Nabis

Issu d’une famille aisée de la bourgeoisie, le jeune Bonnard se destine à la carrière administrative avant d’être happé par la peinture. Bonnard est rapidement converti par Serusier, le catalyseur du mouvement Nabis qui se débarrasse des contraintes imitatives avec Gauguin pour s’engager sur les voies de la modernité. Les Nabis émergent en 1888, constitués d’un groupe d’individualités disparates dont Bonnard, Vuillard, Verkade, Serusier…. Adeptes des saveurs et de la sensation primitive, ils souhaitent retrouver les sources pures de l’art en s’échappant du modelage et de la perspective enseigné depuis le XVIe italien. Leur théoricien  Maurice Denis, est l’auteur de la phrase connue : « Le tableau avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs et un certain ordre assemblé. »

Miroirs complexes

Cette idée que la peinture est une interprétation de la nature, par le choix et la synthèse opérés par l’artiste, est un fil conducteur dans l’œuvre de Bonnard même si celui-ci s’éloigne du mouvement Nabis au début du XXe siècle. L’artiste participe au mouvement qui tente de lever les barrières entre art décoratif et la peinture de chevalet. C’est un contemporain du peintre tchèque Mucha que l’on peut découvrir actuellement au Musée Fabre de Montpellier. Dans la deuxième partie de son œuvre, Bonnard réintroduit la perspective et la profondeur à travers un système de reflets et de miroirs complexes plein d’ingéniosité. La totalité de son œuvre est empreinte d’une grande élégance.

Pierre Bonnard : Jour d’Hiver, 1905, Musée Calvet, Avignon

DR

« Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante… »

En trompant la torpeur de l’été ou en prolongeant la féerie des couleurs d’automne, les amateurs de peinture trouveront refuge au Musée Fleury pour découvrir le parcours d’un peintre (1867-1947) sensitif et sensoriel.

Nu aux babouches rouges

Nu aux babouches rouges

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La visite de l’exposition qui rassemble près de soixante-dix- œuvres se ponctue de citations de l’artiste qui donnent des clés sur l’état d’esprit du peintre. « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre vivante la peinture » lit-on sur l’un des murs. Bonnard semble parfois saisir les personnages de son entourage en tant que sujets, pour les confronter à sa recherche picturale. Ici, sa grand- mère s’incruste comme le temps dans son intérieur, face à la cage du serin témoignant du regard patient de l’artiste. Là, les vignerons autour du pressoir semblent écrasés par le lourd labeur de la journée. Le bas de leur corps a déjà disparu dans la masse boueuse (Le Pressoir 1893).

Le visiteur découvre plusieurs représentations de Marthe, la femme de l’artiste qui fut durant toute sa vie un sujet de prédilection et d’inspiration infini. On la voit (Nu couché au bras levé 1898), se lovant dans l’écume des draps du lit, le corps en suspension et l’expression du ravissement enfantin inscrit sur le visage. On la retrouve parmi les couleurs surgissant de son jardin. Dans des scènes intérieures (Femme nu à la lampes, 1900) où la peinture s’empare de son corps par les jeux de lumière. Une lumière qui introduit la couleur avec l’aplat sur la poitrine et saisit l’espace dans une dimension presque religieuse. Une lumière qui dévore la verticalité tandis que l’expression de contentement sur le visage reste dans l’ombre, et s’efface dans la tapisserie. Plusieurs tableaux rendent compte de l’intimité féminine dans le décor aquatique si cher à Bonnard que peut être la salle de bain. D’autres scènes d’intérieur évoquent les rêverie de la vie et notamment le regard sur ce qui se passe dehors.

Dans la première partie de l’exposition, les quelques toiles présentant des aspects de la vie de Paris, démontre l’intérêt que l’artiste portait à la décoration. Le peintre saisissait les scènes dans l’immédiateté, notant dans son agenda le temps météorologique pour retrouver la gamme chromatique. Il restituait ces instants de vie à travers un travail de mémoire, mettant en œuvre le souvenir revu et corrigé par les pensées qui le traversaient. Cette mise à distance lui permettait de laisser libre court à la liberté, la fantaisie, la mélancolie et la grande subtilité qui caractérise son œuvre.

Peintre sensualiste Bonnard s’est abandonné aux certitudes fugitives. Mais il est aussi un peintre verlainien soumis au subtilité de la lumière.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Livre, rubrique Littérature française, rubrique Exposition, De Gauguin au Nabis,

 » Les gens cherchent un médicament pour l’âme « 

René Koering : " En Région, les décideurs pensent souvent que c'est plus important d'avoir un kilomètre d'autoroute que d'avoir un orchestre ".

René Koering, compositeur, surintendant de la musique à Montpellier et directeur du festival de Radio France depuis 25 ans est aussi un homme loufoque, exigeant et sensible.

Quels ont été les grands moments et ceux plus inattendus de cette édition ?

 » La surprise vient du concert de la place de l’Europe où il y a eu beaucoup de monde. J’ai trouvé très sympa que les gens viennent avec leur bouteille de rouge leur marijuana, et se roulent des joints. Le vrai public potentiel c’est celui là. Ce sont des gens qui ne s’embarrassent pas de canons sociaux. Moi cela m’a fait plaisir de faire ce programme de tubes parce que je passe mon temps à faire ou à produire des œuvres que personne ne connaît. Ce n’est pas un hasard que ces œuvres soient tellement plébiscitées même si elles sont considérées comme des scies musicales. J’ai beaucoup apprécié le duo Boris Berezovsky et Brigitte Engerer qui ont fait un concert extraordinaire. J’ai aussi aimé l’opéra de Bellini. Question fréquentation, on est à 142 000 personnes soit presque 10 000 spectateurs de plus.

La décentralisation régionale progresse mais semble difficile et lente ?

Il y a eu beaucoup de concerts en région. On est autour de 17 000 personnes. C’est bien. Mais la région il faut la démarrer à la manivelle ce qui est normal parce qu’il y a des choses qui se tiennent pour la première fois. L’année prochaine les gens seront plus en attente. C’est un énorme travail parce que beaucoup de gens pensent en région que la culture n’est pas nécessaire à la vie. Ils pensent que c’est plus important d’avoir un kilomètre d’autoroute que d’avoir un orchestre. Beethoven disait l’homme honnête va à pied.

Grâce à la gratuité, la crise ignore le festival ?

Nous avons proposé 180 manifestations gratuites. Les sources de financement font de ce festival un service public. Je ne vois donc aucune raison d’en faire une affaire. Quand les gens sont dans une situation moins confortable, je pense qu’ils sont moins enclins à chercher le bonheur que le divertissement. Dans l’état actuel de la France, les gens cherchent un médicament pour l’âme et pas juste pour les zygomatiques. Cela dit, j’adore l’humour. Si je ne ris pas dix fois par jour je suis malheureux.

Vous pleurez aussi de temps en temps ?

Je n’ai pas tendance à pleurer. Mais j’ai remarqué des choses extraordinaires. Par exemple, l’opéra Friederike que nous avons donné en clôture est une ânerie sentimentale à un point… Mais comme je suis très sentimental, chaque fois que la fin arrive, j’ai la gorge serrée. Je suis relativement facilement ému. Pleurer c’est d’autres douleurs. Je ne pleure pas par émotion, je pleure quand cela me prend vraiment dans mon âme. La mort d’un ami ça me tue. Sinon j’aime être dans une ambiance où l’on rit. C’est important. Le reste, l’autorité tout ça, c’est un peu grotesque. Parfois l’imbécillité de certains journalistes me fait beaucoup rire. Je me dis mais comment il arrive à être aussi con. En même temps, je comprends que c’est comme si j’écrivais un article sur l’exploitation des gaz carboniques dans la fabrication de je ne sais quoi. Les gens diraient il est complètement con, il ne connaît rien !

Que pensez-vous de la presse critique ?

Il y a 150 ans c’était des gens comme Berlioz, Schumann… qui écrivaient dans les journaux. Maintenant se sont des gens dont la culture musicale se constitue à partir du disque. Des gens qui se font une opinion sur la valeur marchande de ce que l’on leur amène. Pour pouvoir lire un texte il faut être musicien. Où alors il faut dire moi je pense que. Mais pas dire c’est comme ça. Sempé a fait un dessin que j’aime beaucoup. On voit une salle de spectacle. Il y a 500 personnes qui sont debout, qui crient qui applaudissent à tout rompre. Tout en blanc comme ça avec juste le détour au milieu, on voit un petit personnage tout noir qui fait la gueule et il y a marqué : le critique. (rire)

Après un quart de siècle de pilotage, quel regard portez-vous sur le festival?

Un quart de siècle ! ne dites pas ça… Pour moi rien n’a changé, le premier festival est le même que celui d’aujourd’hui. Je fais des programmations pour des gens qui aiment la musique, si possible, et qui ne connaissent pas ce que je fais. C’est drôle parce que certains disent : il faudrait que le programme de Koering évolue. Alors qu’ils ne leur viendrait pas à l’idée que le programme d’Orange qui fait Carmen, la Traviata, et Aïda depuis 150 ans, évolue. Comment voulez-vous que ma programmation évolue, je ne vois pas en quoi.

L’explorateur, explore…

Il y a un tel réservoir dans l’histoire de la musique que l’on est très loin d’avoir entendu ce qui est beau. La beauté ce n’est pas forcément les chefs d’œuvre. Evoluer ça ne veut rien dire, par contre, lorsque je fêterai le cinquantième anniversaire du festival, j’aurai fait peut-être 150 opéras inconnus. Actuellement j’en suis à 78.

Comment travaillez-vous en matière de recherche ?

Il faut chercher dans les bibliothèques, faire des copies. Il y a en a qui ne veulent pas les donner. Et avant cela, il faut les trouver. On téléphone à des tas de gens. C’est compliqué. Là, je suis sur une œuvre que je veux absolument faire, je n’ai que le piano chant, et je ne trouve pas l’œuvre elle-même. Sur mon piano, il y a actuellement une centaine d’œuvres en attente. Elles sont là, il faut que je les regarde. Je les classe : urgent, pas tout de suite et puis jamais. Mais même le jamais je le regarde. Sur ces cent-là, il y en a une quarantaine que je ferai.

A l’heure où les politiques culturelles posent questions, quel avenir pour le festival ?

Je ne vois pas un avenir autre que l’état politique actuel. Je ne préfère pas l’imaginer. Et de toute façon je n’en ferais pas partie. Je n’ai jamais calculé la longévité de quoi que ce soit sur un état politique. Quand j’ai créé le festival en 85 avec Georges Frêche, en 86, j’ai lu dans le journal que c’était la dernière édition. On a vu le résultat. Le reste ce sont des bavardages de gens qui sont impatients de prendre le pouvoir, d’être des patrons et de pouvoir rater ce que d’autres ont réussi.

Votre succession à la tête de l’orchestre et de l’opéra a été confiée à Jean-Paul Scarpitta

J’ai proposé aux responsables politiques Jean-Paul Scarpitta qui est une personne que j’aime beaucoup, et qui bénéficie, grâce à son talent de metteur en scène, d’une vraie reconnaissance du public de l’opéra. Cela a été accepté. Je garde le festival mais j’avais envie d’arrêter cela me permettra de m’atteler à d’autres propositions. Je reste en tant que conseiller musical pour faciliter la passation. J’entends profiter un peu des 80 ans qui me restent à vivre « .

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique FestivalFestival de Radio France, rubrique Musique Le bilan du surintendantRené Koering, rubrique Politique culturelle, rubrique Politique locale, rubrique Rencontre, Aldo Ciccolini,


 

 

« J’ai fait l’aérotrain »

" Il m'a demandé de lui fournir un manuscrit pour éponger ma dette." Photo DR

" Il m'a demandé de lui fournir un manuscrit pour éponger ma dette." Photo DR

Que nous réserve la lecture performance que vous préparez au Rockstore ?

« Je sais pas… Deux choses. Une expo de planches BD sur le Firn où je tente une explication oulipienne du festival et une lecture de mon texte  J’ai fait l’aérotrain.  Vous savez, les organisateurs me font faire des trucs pas possibles. Moi, je ne suis pas acteur ni dessinateur de BD. J’accepte parce que c’est dur de se faire inviter.

D’où vous vient cet amour du rail ?

Je suis fils de chef de gare. C’est de l’atavisme. Je n’ai pas le permis. Je ne voyage qu’en train ou à pieds. Un soir à Orléans, je me suis promené le long de la nationale sur le rail de béton de 18 km construit par l’ingénieur Bertin pour tester l’aérotrain. Dans J’ai fait l’aérotrain, je raconte cette histoire. C’est un vrai roman noir auquel j’ai ajouté quelques considérations psycho-géographiques et politiques.

Vous avez commis dernièrement « Une brève histoire du noir ». Quelle était votre approche ?

Pas du tout théorique. Je ne suis pas un théoricien. Dans le livre, je mets en opposition le roman noir et le roman policier. Je n’aime pas les policiers. Moins on les voit, mieux on se porte. Le roman noir est né dans les années 30 aux Etats-Unis. C’est un roman de critique sociale. Ce qui me plait.

Vous êtes un auteur prolixe, comment avez-vous débuté ?

J’ai jamais voulu écrire. On m’a forcé. En 81, je devais de l’argent à un type qui dirigeait une petite maison d’édition. Il m’a demandé de lui fournir un manuscrit pour éponger ma dette. Il se trouve que Sanguine est devenu l’éditeur le plus important de ce qu’on appelle l’école française du roman noir. Moi ça m’a amusé d’écrire, j’ai continué en signant chez Série noire. »


Une brève histoire du roman noir, L’œil neuf éditions 14,9 euros.

Les amoureux du noir se retrouvent au Firn

Roman noir. 40 auteurs débarquent de tous les horizons pour élire leur homicide au Firn de Frontignan où l’on dissèque l’idée de frontière…

Michel Gueorguieff le Président de Soleil Noir. DR

Michel Gueorguieff le Président de Soleil Noir. DR

Chaque année à la même époque, le festival international du roman noir de Frontignan (Firn) s’allume comme un phare de nuit pour hommes en danger. Une sorte d’antibiotique à large spectre, efficace pour tous ceux dont la chute libre ne sera pas entravée par un parachute doré. Le président de Soleil noir, Michel Gueorguieff, veille à la destinée du dispositif avec la sagesse d’un ange libéré. Encyclopédie vivante des livres obscurs au regard aiguisé, ce Diderot du roman noir tire d’une production inflationniste le meilleur du moment. C’est lui qui définit le thème et choisit les auteurs invités. Cette année, une quarantaine répondent au principe indéfectible de la manifestation, à savoir?: un dosage subtil entre auteurs émergents à découvrir et monstres du genre. L’esprit de la démarche fonde la réputation du festival y compris Outre Atlantique, où les auteurs d’envergure invités les années précédentes se passent le mot. Cette année les Anglo-saxons seront représentés à Frontignan par Don Winslow, Thomas H. Cook pour les Américains, et Russel James, Tom Rob Smith et Tim Willocks pour les Britanniques.

 

 

Identité forte et indépendante

 

« ?Le thème est la priorité des priorités. L’écrasante majorité des écrivains invités le sont en fonction du thème.? Au Firn, l’actualité est secondaire.  » Loin d’être anodin, ce choix est un gage d’indépendance. Ne pas s’acoquiner aux lumières artificielles de l’actualité signifie que le festival développe et assume sa propre voie. C’est ce qui le caractérise, avec sa longévité, parmi les 20 festivals de roman noir organisés en France.  » Nous prenons totalement en charge nos invités. Ce qui signifie que ce ne sont pas les éditeurs qui décident. Mais nous entretenons avec eux de très bons rapport. Tous les grands éditeurs sont passés au festival. Un certain nombre ont rencontré leurs auteurs américains ici.? »

 

 

Aux Frontières

 

« La frontière », le thème du 12e Firn qui se déroule du 22 au 28 juin. «  Le terme de frontière invite à s’ouvrir sur l’univers du noir et ses frontières culturelles. Nous accueillons cette année, Naïri Nahapetian, la seule Iranienne à écrire du roman noir, José Ovejero, un auteur espagnol marié à une Allemande qui habite à Bruxelles et aborde dans son dernier livre de manière très convaincante le passé colonial du Congo Belge. Nous accueillerons aussi la Vietnamienne Thanh-Van Tran-Nhut, à l’origine des enquêtes du juge Tan dans le Vietnam du XVIIe. Nous n’entendons pas seulement la frontière dans son sens physique et géographique, mais également dans sa dimension psychique, frontière entre folie et raison, frontière juridique: entre la loi et l’illégalité, l’ordre et le désordre, avec des auteurs comme Claude Mesplède, Lilian Bathelot, Eric Halphen, Jan Thirion… »

Le roman noir entretient depuis toujours une relation privilégiée avec le cinéma. Cette année, le festival rend hommage à l’œuvre de Michel Deville qui sera présent vendredi 26 juin.

 

 

Derrière les murs

 

Il est encore question de frontière avec la première édition de l’opération Derrière les murs. Montée en partenariat avec la mission BD du Languedoc-Roussillon, la Drac, le SPIP et la Pjj, elle propose aux détenus de la Maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone dix ouvrages (romans noirs et BD écrits par les auteurs invités du festival). Les détenus désigneront les lauréats qui viendront s’entretenir avec eux jeudi 25 juin. Loin d’être une simple distraction, le roman noir dit le monde et le Firn en apporte la preuve.

 

 

Jean-Marie DINH

Voir aussi : Rubrique Livre, rubrique  Roman noir,