Quand la ville ouvre la porte au polar pour favoriser la lecture

1- L’auteur de l’affiche 2016 du festival Jorge Aderete expose son oeuvre dans les rues et sur les places de la ville

1- L’auteur de l’affiche 2016 du festival Jorge Aderete expose son oeuvre dans les rues et sur les places de la ville

Ils sont 43 auteurs à venir célébrer le genre sous le signe de l’humour pour cette 19e édition du FIRN qui bat son plein à Frontignan. Les coups de feu vont résonner jusqu’à dimanche très tard dans la nuit…

A la fin du printemps, la ville n’attend qu’une chose : que les manettes du festival ouvrent les vannes de la saison chaude qui démarre depuis dix-neuf ans à Frontignan par un grand bain de liberté  autour du roman noir. L’origine de l’événement en 1997/98 tient à une conjonction de planètes.

« Le contexte local était morose après les fermetures successives des sites industriels sur la commune, se souvient le maire Pierre Bouldoire (PS),  et la société  de cette ville ouvrière nourrie par différents apports migratoires se trouvait  face  à un grand vide. C’est à ce moment que nous avons pris la décision de relancer une dynamique à partir d’une politique culturelle avec deux grands axes. Le cinéma, en s’impliquant  dans le miniplexe Cinémistral, qui programme des films à la fois grand public et Arts et essais; et la lecture publique. Nous nous sommes engagés dans un plan local d’éducation artistique, un fait rarissime pour une commune de notre taille, et nous avons pleinement soutenu le festival. Le genre du roman noir est populaire. C’est aussi une littérature sociale qui évoque parfois un univers assez proche de ce qu’a pu vivre la ville. »

Suite à l’ouverture de la médiathèque l’année dernière, la structure enregistre une fréquentation 30% supérieure aux villes de taille comparable. « Ce qui couronne nos efforts en matière de lecture publique et nous encourage à poursuivre notre engagement dans le festival. »

Voilà un feu vert politique qui s’ouvre au noir avec discernement ! Pour ceux qui n’auraient pas compris le discours, c’est une façon de dire que dans un monde à feu et à sang, on oublie facilement les humains pour une poignée de pognon. Et que faire confiance à des écrivain(e)s comme les auteurs de roman noir qui n’ont pas la mémoire courte et réfléchissent un brin sur ce qui se passe, ça peut faire avancer les choses…

L’humour dans le roman noir

Le FIRN s’est donné pour mission d’apporter un regard neuf sur la littérature noire contemporaine – à l’époque de son lancement, largement sous-estimée -, de donner ses lettres de noblesse à un genre qui n’a rien de mineur et qui a considérablement enrichi la littérature.

Les spécificités de ce festival consistent en une thématique forte autour de laquelle sont invités des auteurs venus d’horizons différents. Le thème de cette édition : Mort de rire, ouvre cette année sur les différentes facettes de l’humour dans le roman noir. Elles seront déclinées dans de multiples rencontres : Rire, c’est bon pour les rides, le royaume des déjantés, la langue dans tous ses états, à gorge déployée ; l’humour, arme de critique sociale.

Situé dans un environnement populaire, au centre-ville et au coeur de la vie, le festival est aussi l’occasion de faire le plein de lectures pour l’été.  On peut se faire dédicacer les ouvrages et échanger avec les auteurs qui apprécient le contact direct qui s’opère avec le public dans une approche sensible, décomplexée et décomplexante.

Cette année le FIRN accueille deux nouvelles librairies aux côtés de La plume bleue frontignanaise. La librairie toulousaine Série B , spécialisée dans le genre, où le festival est allé présenter son édition à l’ouest de notre grande région, et la Nouvelle librairie sétoise qui accueille régulièrement des  auteurs dans ses murs. A Frontignan, on considère l’ensemble de la chaîne du livre et notamment son dernier maillon souvent oublié, le lecteur !

l Infos pratiques : http://www.firn-frontignan.fr/

Consignes de survie dans le noir absolu

Martine Gonzalez Soleil noir.

Martine Gonzalez Soleil noir.

Note de service
La ville semble désormais sous l’emprise de cette sombre littérature…

FrontiGang

Pour satisfaire à l’ère sécuritaire que nous traversons, nous rappelons en premier lieu aux personnes ayant récemment subi une opération de l’appendicite que la ville de Frontignan leur est rigoureusement interdite durant trois jours sous peine d’entrer une fois pour toutes dans les annales du FIRN sous l’épitaphe « Ci-gît un amateur trop zélé du festival mort de rire ».

Force est de constater qu’il est en effet difficile d’échapper au noir dans cette ville. Le ver est entré dans le fruit, s’il m’est permis de m’exprimer ainsi, après qu’un couple surnommé les Bonnie & Clyde de Frontignan, répondant aux noms civils de Martine Gonzalez et Michel Gueorguieff, ont introduit le virus. Ce dernier décédé en septembre 2013 était un redoutable diplomate dont le passé trotskiste ne l’a pas empêché de pactiser avec un représentant du Vatican, en la personne du curé du village, pour déréglementer la sonnerie des cloches de l’église. Il était aussi en contact avec le premier magistrat de la ville qui a fait citoyens d’honneur de Frontignan, présumons-nous sous son influence, l’activiste italien reconverti dans le roman noir Cesare Battisti. Le maire a également baptisé Gueorguieff un passage vers le Square de la Liberté pour rendre hommage à cet individu. Sa compagne Martine Gonzalez continue de sévir au sein de Soleil noir.

Depuis l’ouverture de cette 29e édition, les  activistes ont infiltré la population, des écoles aux maisons de retraite. Aujourd’hui nos services nous rapportent qu’une cinquantaine d’auteurs venus de France mais aussi des Etats-Unis, de Grande Bretagne, du Portugal, de Suisse et d’Argentine animent des réunions en présence des citoyens auprès de qui ils diffusent leurs livres. Ce soir ils iront boire et manger ensemble sur la plage des Mouettes. Et demain écouter la musique de Despentes et du groupe Zéro.

Avec La nuit des durs à cuire, on pourra voir trois films sur la plage. Des dessins bizarres d’un certain Alderete sont partout sur les maisons. Salle Izzo se tient une expo collective en lien avec le dessinateur Goossens connu pour nous ridiculiser. Le mal pénètre le coeur même de nos services. Certains de nos agents lisent des polars en cachette, d’autres voudraient se mettre à écrire. Je crains bien que nous ayons perdu le contrôle. Je dois vous quitter, pour rejoindre une table ronde qui va commencer…

JMDH

Source : La Marseillaise 27/06/2016

Voir aussi : Rubrique Livre, rubrique  Roman noir, FIRN, Les amoureux du noir, Christa Faust,

Michel Gueorguieff passeur incorruptible

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Clermont-l’Hérault,  juin 1997, le festival Roman noir et société bouge les lignes du genre  et rencontre un franc succès auprès du public. La première édition voit le jour grâce à un curieux attelage pluridisciplinaire composé de personnalités provenant du monde de l’architecture, de la justice et de la sphère littéraire. Au sein de ce collectif qui puise une partie de ses idées dans la philosophie situationniste, beaucoup de libres penseurs, on retrouve Michel Gueorguieff, président de Soleil noir, l’architecte Jean Gabriel Cochet, l’avocat Jean-Robert Phung, des auteurs français comme Gérardo Lambertoni, Serguei Dounovetz, et d’anciens taulards ayant pris la plume, Alexandre Dumal, Alain Dubrieu, Emmanuel Loi en sont, comme ce concierge parisien occasionnel dénommé Cesare Battisti… Ces personnalités ont pour dénominateur commun d’être de gauche et d’apprécier le roman noir  : pour eux, le polar s’inscrit dans une réalité sociale et souvent politique.

Des frictions entre certains membres aux caractères trempés provoquent une rupture. Michel claque la porte sans abandonner ses visions qu’il va bientôt transformer en vocation. Il voit grand et pense dans le long terme, avec l’idée vissée d’ouvrir son projet sur l’international. Il cherche alors un lieu susceptible de l’accueillir. Pour lui, implanter ce projet dans une ville de droite reste inconcevable. Par l’entremise de Françoise Bonnet et Michel Crespy, un ami sociologue et auteur, à l’époque bras droit du président du CG 34 Gérard Saumade, il va rencontrer Pierre Bouldoire qui vient d’être élu maire de Frontignan. L’affaire se conclue sur le fond. Le maire valide ce pari osé pour une ville de 20 000 habitants, en lui permettant de faire ses preuves. Michel qui n’en demande pas plus, ne va pas tarder pas à faire la démonstration du potentiel de son idée.

Deux ans plus tard, en juin 1999, la deuxième édition du festival et la première du festival international de roman noir de Frontignan (FIRN), affiche un plateau à faire pâlir la capitale : James Crumley, George V. Higgins, Gregory Mcdonald, Jim Nisbet, Daniel Woodrell … pour ne citer qu’eux, font le déplacement spécial. « Quand les Inrocks nous ont appelés pour nous dire que notre programme les intéressaient et qu’ils envisageaient de relayer des débats autour des grands auteurs, ils n’imaginaient pas un instant que ces monuments de la littérature débarquaient en chair et en os à Frontignan , se souvient Martine Gonzalez, la plupart ne s’étaient jamais publiquement produits en France.»

Dans cette première programmation figurent aussi des auteurs européens et français y compris de la région tels que Hélène Couturier, Gilles Del Pappas, Robert Gordienne, Marcus Malte, Jean-Bernard Pouy, ou Fred Vargas, bien avant le succès qui l’attendait. « Michel avait l’amour des auteurs, témoigne son ami Serguei Dounovetz, s’il avait aimé le texte, il s’intéressait à un mec venu de nulle part avec le même amour, la même sincérité qu’avec un auteur éminemment reconnu. »

Les graines de cette générosité naturelle pour ne pas dire constitutive, Michel les a fait germer dans sa ville. Une ville humaine qu’il aimait toujours retrouver au retour de ses nombreux voyages partout dans le monde où il trouvait l’occasion de se perdre. Une ville qu’il connaissait sous tous les angles, intimes et collectifs. Dans le cadre de ses fonctions politiques, il fut le créateur du journal Municipal Montpellier votre ville. Dans une dimension parallèle et jamais contradictoire, il aimait rire et boire des coups avec ses potes.

De 1997 à 2001, des cafés noirs lancés par l’association Soleil noir qu’il présidait, connaissent leurs heures mythiques. Passionnés et amateurs s’y retrouvent régulièrement dans différents lieux en ville. Au début la cave de la librairie Molière fait office de QG, mais les rencontres qui voient frayer les étoiles montantes du noir français, Jonquet, Pouy, Vargas… avec les auteurs et les lecteurs d’ici se multiplient au bar du château d’eau aux Arceaux, place de la Canourgue ou chez Pepe Carvalo. On découvre que le polar n’est pas monolithique. Montpellier devient une escale de l’école française du polar qui dresse une relation ethnographique et critique de la société française.

Ce grand bain d’idées et de confrontations fut très profitable aux auteurs de noir montpelliérains. D’ailleurs de Zamponi, à Lilian Bathelot de à Dounovetz à J-M Erre en passant par Joelle Vandenberg, force est de constater que tous ont pu se nourrir d’un échange avec Michel. C’était un découvreur de talents. Même s’il n’appréciait pas l’écriture, il voulait aider, considérant que quand un auteur de roman noir était parvenu à se faire éditer, c’était la moindre des choses de l’inviter.

Bref, si tout ça est assez logiquement resté dans l’ombre, cela n’en constitue pas moins une valeur, un héritage à ne pas trahir, et donne un sens durable aux petites choses de notre vie courante face à l’honorable société.

JMDH

Voir aussi : Rubrique Livre, rubrique  Roman noir, FIRN, Les amoureux du noir,

Roman noir : les vrais héros sont-ils morts ?

Festival international du roman noir de Frontignan

Chaque année, Frontignan vit une semaine dans le noir… et la bonne humeur. Cette éclipse correspond au Festival international de roman noir, rendez-vous prisé qui permet aux amateurs de polar de rencontrer des écrivains confirmés (une cinquantaine) et de repérer des auteurs d’avenir dans un domaine où 1 200 titres sont publiés chaque année.

Cette année, la thématique choisie est celle des « métamorphoses du héros ». On constate en effet une évolution du héros récurant avec l’apparition de nouvelles figures. « On est passé du détective dilettante, à la Agatha Christie, au héros de polar à la Humphrey Bogart, mais aujourd’hui le flic ou le détective n’est plus du tout un mec macho et de moins en moins un homme, indique Michel Gueorguieff, le Président de Soleil Noir à l’origine du festival. Les héros ont des failles, les minorités ethniques ou sexuelles sont très présentes. Cette évolution est un miroir de nos sociétés ».

Ce thème réunit des auteurs venus de tous horizons. Parmi lesquels on peut citer : Yishaï Sarid, un Israélien, jamais venu en France, qui situe son roman Le poète de Gaza au cœur du conflit israélo-palestinien ; le Suédois Inger Frimansson, plutôt connu dans la littérature « blanche », qui a obtenu le prix du meilleur roman noir suédois pour Bonne nuit mon amour ; l’Américain David Vann dont le livre au suspens insoutenable Sukkwan Island a été couronné du prix Médicis étranger 2010.

A noter que l’invitée d’honneur du FIRN n’est autre que Fred Vargas, particulièrement rare sur la scène littéraire, qui vient de publier L’Armée furieuse, où l’on retrouve le mémorable commissaire Adamsberg en prise avec un seigneur d’un autre âge.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Livre, David Vann Désolation   rubrique, Roman noir,  rubrique Rencontre, Fred Vargas, Yishaï Sarid , rubrique Festival, FIRN

Les amoureux du noir se retrouvent au Firn

Roman noir. 40 auteurs débarquent de tous les horizons pour élire leur homicide au Firn de Frontignan où l’on dissèque l’idée de frontière…

Michel Gueorguieff le Président de Soleil Noir. DR

Michel Gueorguieff le Président de Soleil Noir. DR

Chaque année à la même époque, le festival international du roman noir de Frontignan (Firn) s’allume comme un phare de nuit pour hommes en danger. Une sorte d’antibiotique à large spectre, efficace pour tous ceux dont la chute libre ne sera pas entravée par un parachute doré. Le président de Soleil noir, Michel Gueorguieff, veille à la destinée du dispositif avec la sagesse d’un ange libéré. Encyclopédie vivante des livres obscurs au regard aiguisé, ce Diderot du roman noir tire d’une production inflationniste le meilleur du moment. C’est lui qui définit le thème et choisit les auteurs invités. Cette année, une quarantaine répondent au principe indéfectible de la manifestation, à savoir?: un dosage subtil entre auteurs émergents à découvrir et monstres du genre. L’esprit de la démarche fonde la réputation du festival y compris Outre Atlantique, où les auteurs d’envergure invités les années précédentes se passent le mot. Cette année les Anglo-saxons seront représentés à Frontignan par Don Winslow, Thomas H. Cook pour les Américains, et Russel James, Tom Rob Smith et Tim Willocks pour les Britanniques.

 

 

Identité forte et indépendante

 

« ?Le thème est la priorité des priorités. L’écrasante majorité des écrivains invités le sont en fonction du thème.? Au Firn, l’actualité est secondaire.  » Loin d’être anodin, ce choix est un gage d’indépendance. Ne pas s’acoquiner aux lumières artificielles de l’actualité signifie que le festival développe et assume sa propre voie. C’est ce qui le caractérise, avec sa longévité, parmi les 20 festivals de roman noir organisés en France.  » Nous prenons totalement en charge nos invités. Ce qui signifie que ce ne sont pas les éditeurs qui décident. Mais nous entretenons avec eux de très bons rapport. Tous les grands éditeurs sont passés au festival. Un certain nombre ont rencontré leurs auteurs américains ici.? »

 

 

Aux Frontières

 

« La frontière », le thème du 12e Firn qui se déroule du 22 au 28 juin. «  Le terme de frontière invite à s’ouvrir sur l’univers du noir et ses frontières culturelles. Nous accueillons cette année, Naïri Nahapetian, la seule Iranienne à écrire du roman noir, José Ovejero, un auteur espagnol marié à une Allemande qui habite à Bruxelles et aborde dans son dernier livre de manière très convaincante le passé colonial du Congo Belge. Nous accueillerons aussi la Vietnamienne Thanh-Van Tran-Nhut, à l’origine des enquêtes du juge Tan dans le Vietnam du XVIIe. Nous n’entendons pas seulement la frontière dans son sens physique et géographique, mais également dans sa dimension psychique, frontière entre folie et raison, frontière juridique: entre la loi et l’illégalité, l’ordre et le désordre, avec des auteurs comme Claude Mesplède, Lilian Bathelot, Eric Halphen, Jan Thirion… »

Le roman noir entretient depuis toujours une relation privilégiée avec le cinéma. Cette année, le festival rend hommage à l’œuvre de Michel Deville qui sera présent vendredi 26 juin.

 

 

Derrière les murs

 

Il est encore question de frontière avec la première édition de l’opération Derrière les murs. Montée en partenariat avec la mission BD du Languedoc-Roussillon, la Drac, le SPIP et la Pjj, elle propose aux détenus de la Maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone dix ouvrages (romans noirs et BD écrits par les auteurs invités du festival). Les détenus désigneront les lauréats qui viendront s’entretenir avec eux jeudi 25 juin. Loin d’être une simple distraction, le roman noir dit le monde et le Firn en apporte la preuve.

 

 

Jean-Marie DINH

Voir aussi : Rubrique Livre, rubrique  Roman noir,