Un premier pas vers le génocide

nuit-cristalLa galerie Saint Ravy accueille une exposition consacrée à La Nuit de Cristal. Réalisée en 2008 par le Mémorial de la Shoah, cette exposition décrypte la genèse et l’impact de cet événement, point de départ des violences faites aux Juifs par les nazis dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938. Vers l’horreur du génocide.

En amont du vernissage, le délégué à la culture, Mickaël Delafosse, a souligné l’axe développé par la ville autour de la notion de mémoire en tant qu’enjeu sociétal, « permettant l’accès à la compréhension des événements du monde ». C’est la 3e exposition de la galerie allant dans ce sens, après celle consacrée aux Brigades internationales, et le travail photographique de Michel Aguilera sur les vêtements des victimes d’Hiroshima. Force est de constater que cette politique interagit sur la programmation naguère plus variée et protéiforme de la galerie municipale, au risque d’atténuer la dynamique du renouvellement artistique qui doit déjà faire face au marché et à l’incontournable sacralisation du patrimoine.

Idéologie et antisémitisme

Le parcours de l’exposition établit clairement que La Nuit de Cristal est une suite logique aux mesures antisémites qui débutent dès 1933 par l’exclusion des Juifs de certains milieux professionnels. Les mesures se poursuivent avec les lois de Nuremberg en 1935 qui interdisent les relations sexuelles entre Juif et non Juifs. En mars 1938, la communauté internationale signifie son indifférence en refusant de soutenir le peuple juif lors de la Conférence d’Evian. Six mois plus tard, l’assassinat d’un secrétaire d’ambassade allemand par un Juif polonais sert de prétexte au déclenchement de La Nuit de Cristal, baptisée ainsi en raison des éclats de verres des 7 500 magasins détruits. Cette nuit là, on dénombre également des milliers de blessés et une centaines de synagogues brûlées. La communauté juive est condamnée à payer une amende de 1 milliard de marks pour avoir causé ces dommages « en provoquant la juste colère du peuple allemand ». Les pays occidentaux protestent mais gardent leurs frontières fermées…

Jean-marie Dinh


Voir aussi : Rubrique Allemagne Merkel : notre modèle multiculturel  a « totalement échoué »

Un mécénat de cohésion sociale

mecennatA l’heure où les finances publiques sont en berne sur le secteur culturel, La Boutique d’écriture & co ouvre un espace de réflexion avec le projet Génies civils pour ouvrage d’art, un colloque dont l’intitulé interrogatif Que peut le mécénat pour la cohésion sociale ? réunira ce vendredi, salle Jacques 1er d’Aragon à Montpellier, une trentaine d’associations.  » Il s’agit notamment d’examiner les possibilités de se regrouper autour d’un projet culturel, à monter ou à soutenir, et de saisir l’effet de levier de la loi 2003 sur le mécénat (1). On peut être concerné par cette problématique de différentes manières « , indique la coordinatrice Sadia Mohamed. Le colloque soutenu par la Drac, devrait permettre aux acteurs publics, privés et aux citoyens de confronter leurs idées et de faire part de leur expérience, autour de trois thématiques d’actualité : le mécénat des particuliers et le micro mécénat, le mécénat de compétence et le concept d’entreprise citoyenne.  » A ce stade, il reste difficile de concerner les entreprises, souligne Sadia, bien que les PME et les PMI s’impliquent de plus en plus dans des partenariats avec les collectivités et partagent de fait, un territoire commun.  » Propos que confirmait indirectement lors d’une réunion du Conseil économique et social régional, Gérard Maurice, le DG de Sogéa Sud, en soulignant que la défiscalisation constante des entreprises, ne joue pas en faveur du mécénat.

Rappropriation citoyenne

Autre enjeu émergent de ce questionnement, le micro mécénat et le mécénat particulier inscrits dans la perspective d’une réappropriation citoyenne de la politique culturelle dans un contexte où, comme le dit Sadia Mohamed,  » les aides publiques sont souvent des aides à la billetterie, en d’autres termes, à la consommation culturelle. Nous voulons questionner les formes émergentes comme le mécénat particulier. Connaître les raisons de l’implication des citoyens. Se nourrir des expériences comme celle des Amap culturelles. Mais aussi parler d’une implication non financière comme le mécénat de compétence en tant qu’outil de redynamisation sociale et professionnelle.  » Une tentative que le ministre de la Culture trouve plutôt opportune.  » La responsabilité de l’Etat et des pouvoirs publics n’est pas seulement de financer la vie culturelle mais d’encourager les initiatives de la société civile.  » Belle intention !

Jean-marie Dinh

(1) La loi sur le mécénat s’applique aux particuliers, leur permettant une déduction fiscale de 66% dans la limite de 20% du revenu imposable.

Récit d’une déchirure qui remonte à la surface

Une fiction qui extirpe sa matière de la réalité.  Photo DR

Livre : Laurent Mauvignier, qui était l’invité de la Librairie Sauramps jeudi dernier, signe avec Des hommes un des grands romans français de l’année.

L’univers de Laurent Mauvignier relève de l’intime. Son dernier livre aussi, avec cette particularité remarquable que la juxtaposition du vécu des personnages compose une histoire collective à travers le récit d’une journée et d’une nuit en quatre parties. Des Hommes n’est pas un livre fourre-tout sur la guerre d’Algérie. C’est un espace romanesque dans lequel évoluent les acteurs muets de la guerre d’Algérie. Ceux qui se sont tenus d’eux-mêmes au devoir de réserve. Non pour répondre à la lubie d’un ministre réactionnaire mais parce que cette partie de leur vie demeure inqualifiable. L’auteur fait le récit d’une déchirure qui remonte à la surface.

L’œuvre est une fiction qui extirpe sa matière de la réalité. Elle répond à un appel profond de l’auteur. Celui de faire lien avec les photos muettes d’un père appelé là-bas. Mauvignier entreprend de donner une suite à ces instants figés sur la cheminée de la maison familiale, après le suicide de son père disparu lors de son adolescence. Le livre a longtemps reposé. On se dit que l’écrivain a dû attendre pour ne pas s’exprimer lui seulement, mais parler du monde en arrachant la parole au silence, qu’il a voulu exposer, sans réserve, que ce drame n’est pas seulement le sien. La force du roman vient de cette honnêteté qui apporte de l’intelligibilité, de l’exigence et du style.

Roman de l’inconfort

Rien de confortable. Tout est tenu, y compris dans la langue employée. L’essoufflement de langue, les morceaux de mémoire manquante des personnages, leur colère et leur désespoir participent d’un seul tenant à l’action. « Et puis il y a eu un long silence. Un long moment où elle a hésité avant de raccrocher. Puis ce temps, long aussi, pénible aussi, de revenir vers nous et de rester à nous regarder sans oser une parole, sans oser vraiment non plus un geste (…) Elle est restée devant nous sans rien dire, les bras ballants, et puis elle s’est mise à remuer la tête, comme si elle se disait non, qu’en elle quelque chose voulait dire non… »

Emergence littéraire

Dans le roman, comme dans toute histoire collective, il est question de temps et de mouvement. L’auteur joue avec la dilatation du temps, faisant surgir ce qui est enfoui à partir de l’anodin. L’apport littéraire trouve une place complémentaire à la démarche historique. Des hommes pose une pierre dans le vide d’un cadre politique qui n’offre aucun écho réel aux suites de cette guerre, aucune perspective de compréhension rationnelle à ceux qui l’ont vécue et aux autres. En France, on facilite l’oubli de la guerre d’Algérie un peu comme on mythifie la Résistance pour recouvrir une partie de l’occupation. L’histoire seule ne peut parvenir à lutter contre l’oubli. « Monsieur le maire, vous vous souvenez de la première fois où vous avez vu un Arabe ? (…) Est-ce qu’on se souvient de ça ? »

Mémoire des individus

Mauvignier se garde de juger ou de commenter. Il pose juste une situation avec minutie et sensibilité, laissant aux lecteurs le soin de rafraîchir leur regard sur une histoire qui se poursuit toujours. La mémoire des individus se passe de commentaire. Ce qui fait sans doute du citoyen un être problématique. A l’heure où le devoir de mémoire est devenu un impératif catégorique souvent instrumentalisé à des fins politiques ou moralisantes, Laurent Mauvignier  inscrit son travail au cœur de la littérature contemporaine.

Jean-Marie Dinh

Les Hommes, aux éditions de Minuit, 17,5 euros.

CDN Montpellier: « Le fait du prince » pour le PS

bessetjm2La secrétaire nationale à la Culture du Parti socialiste, Sylvie Robert, a dénoncé lundi dans un communiqué la nomination « arbitraire » de Jean Marie Besset au Centre Dramatique National de Montpellier (CDN) par le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand. La procédure de désignation prévue pour le choix des directeurs de ce type d’institutions culturelles « n’a pas été respectée » précise le PS en fustigeant une nomination relevant « du fait du prince ». « Cette nomination néglige la nécessaire coopération l’État et les collectivités territoriales, qui était jusqu’ici la règle », précise Sylvie Robert en soulignant la « dérive à la fois conservatrice et centralisatrice qui est inquiétante pour la politique culturelle comme pour les réformes attendues de l’organisation des collectivités culturelles ».

Chute du mur Markus Meckel : « Nous étions pour la liberté avant l’unité »

Markus Meckel

Député social démocrate depuis 1990, Markus Meckel est co-fondateur du SDP, le Parti Social Démocrate est-allemand. Après les élections libres de RDA en mars 1990, il devient ministre des Affaires étrangères et participe aux négociations ayant abouti à la réunification allemande le 3 octobre 1990.

Vous êtes un des acteurs politiques de cette page d’histoire qui aboutit à la révolution pacifique en RDA.  Quelle lecture en avez-vous aujourd’hui ?


Pour comprendre il faut jeter un regard sur la situation de l’opposition de l’époque. Une opposition marquée par l’Eglise réformée, la seule institution qui échappait alors à l’emprise de L’État. Le mouvement s’appuyait sur l’Eglise. Je suis moi-même un pasteur protestant. Dans les années 80, on assistait à un mouvement d’opposition plutôt moral qui ne pensait pas pouvoir renverser le régime.

Dans quel terreau les racines de l’opposition ont-elles germé?

L’exemple de Solidarité et du mouvement populaire en Pologne a joué un rôle important. L’arrivée de Gorbatchev au pouvoir en 85 marque un tournant. Dès 87, surgit au sein de la société civile Est-allemande l’espoir que les chars russes n’interviendraient pas. À partir de là, le développement de l’opposition au gouvernement Honecker prit pied en dehors de l’église. C’est à ce moment que j’ai pris la décision de créer un parti social démocrate en RDA.

Quels ont été les moments clé de l’année 1989 ?

L’année 1989, débute par une vague massive de départs pour rejoindre l’Ouest via les capitales des pays voisins. En Hongrie, en Tchécoslovaquie d’autres mouvements étaient en marche. L’ idée qui dominait était de réformer de l’intérieur. On regardait du côté politique, la chute du mur n’était pas à l’ordre du jour. Depuis la grande manifestation du 9 octobre à Leipzig, qui n’avait pas dégénéré dans la violence, l’opposition savait que la situation allait aboutir sur des réformes. Le mur n’était plus un vrai problème. Le 9 novembre, le porte-parole du Politburo Schabowski déclare à la presse que tout citoyen Est-allemand peut quitter le pays au point de passage de la frontière RDA. Il n’avait pas compris que la nouvelle réglementation ne serait effective que le lendemain. Ce qui pris les dirigeants de la RDA totalement au dépourvu. Dans la rue, les gens décidèrent d’ouvrir le mur. La police des frontières n’intervint pas. Dans ce sens, on peut dire que ce fut vraiment une révolution pacifique.

Comment avez-vous réagi lorsque le mur est tombé ?

Pour moi le 9 novembre n’est pas moment le plus important. C’était plutôt le 9 octobre, lorsque nous avons eu l’assurance que nous parviendrons à démocratiser le pays. Ce récit est important si on le compare à la façon dont on a présenté la chute du mur à l’Ouest. Images simplistes montrant le mur qui tombe et slogan proclamant que les Allemands ont obtenu la liberté. On oublie le rôle majeur des oppositions et tous les événements concomitants des pays qui participent à ce mouvement. Lorsque le mur est tombé, j’ai pensé : ça va être compliqué parce que nous nous étions préparés à l’instauration de la démocratie, et là on partait d’un coup vers l’inconnu.

Au sein du gouvernement Modrow, vous avez participé aux négociations de la réunification quels en étaient les enjeux ?

Au sein de l’opposition, il y avait un scepticisme certain à l’égard du gouvernement de l’Ouest. Beaucoup ne souhaitaient pas se calquer sur ce modèle. Notre souci était d’obtenir  un contrat d’association avec la République fédérale, idée qui supposait un développement autonome de la RDA dans un cadre de relations privilégiées avec la RFA. Les sociaux démocrates défendaient un système démocratique proche des Verts et de l’esprit de Rousseau.

De quelle manière et à partir de quelle conception envisagiez-vous l’unité ?

Nous pensions que l’unité allemande devait être négociée en tant que partenaire mais nous étions minoritaires. Nous nous sommes battus pour obtenir les élections de 1990 et agir au sein du parlement. Nous pensions qu’il fallait une représentation forte des intérêts de l’Est. Mais dans le contexte de crise politique et économique, cet engagement n’a pas été compris. Beaucoup d’Allemands de l’Ouest ignorent ce passage. Kohl et les Etats-Unis voulaient une réunification rapide. Les promesses du chancelier affirmant que le processus d’unité impliquerait une égalité de niveau de vie ont fonctionné. On a d’ailleurs appliqué le même schéma pour que la Pologne, la Hongrie et la Tchécoslovaquie intègrent l’UE. Je pense que la démocratie ne s’impose pas de l’extérieur et qu’il fallait d’abord accéder à la liberté avant de construire l’unité. J’ai exprimé cet été mon désaccord à Angela Merkel sur les célébrations de la chute du mur. On invite les anciennes puissances victorieuses mais pas les pays qui sont à l’origine de la révolution pacifique. »

Propos recueillis par Jean-Marie Dinh

(à la Maison de Heidelberg de Montpellier.)

 

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