Aubry : le PS « n’entérine pas » mais « prend acte » de la candidature Frêche

frecheMartine Aubry a souligné mercredi que le PS n’entérinait pas mais avait décidé « de prendre acte » de la candidature de Georges Frêche aux régionales en Languedoc-Roussillon, estimant qu’il faut maintenant « tout faire pour que cette région reste à gauche ». « Nous n’entérinons pas sa candidature, réellement cette candidature nous a posé un certain nombre de questions », a déclaré la première secrétaire du Parti socialiste sur France Inter.

Le président sortant de la région avait été exclu du PS en 2007 après des propos controversés sur des harkis et la proportion de Noirs dans l’équipe de France de football. Mme Aubry a toutefois estimé que « le bilan de Georges Frêche et de son équipe est un très bon bilan dans la région ». Devant l’impossiblité de bâtir une autre liste de rassemblement à gauche dès le premier tour, « nous avons donc décidé hier (mardi) soir de prendre acte du choix des militants mais de ne pas donner l’investiture nationale à Georges Frêche », a-t-elle indiqué.

« Il aurait fallu » que les partenaires de gauche du PS « acceptent que nous soyons dans une liste unique dès le 1er tour, ils nous avaient dit le souhaiter, ils ne l’ont pas voulu, je le regrette. Maintenant il faut tout faire pour que cette région reste à gauche et pour battre cette droite dont je rappelle qu’elle a fait alliance avec l’extrême droite il y a encore peu de temps », a déclaré la numéro un socialiste.

AFP

Didier Decoin « « Ma Bible d’homme parle du monde entier »

Didier Decoin : "La Bible et ses progénitures."

Auteur, journaliste, scénariste romancier et actuel le Secrétaire Général de l’Académie Goncourt, Didier Decoin a présenté son dictionnaire amoureux de la Bible au Musée Fabre de Montpellier : Rencontre

Vous indiquez avoir eu un rapport précoce à la Bible, comment cette relation a-t-elle évolué avec le temps ?

« Ma première découverte était celle d’un livre d’aventures. Il était illustré d’images un peu à la Gustave Doré, pour moi qui avait huit ans, c’était un peu une BD. J’en ai fait plus tard une relecture, sur le plan littéraire cette fois, lorsque j’ai commencé à écrire. Je cherchais des modèles, des maîtres etc. Je dois avouer que cette fichue bible me donnait des leçons de grandeur, d’ampleur… J’ai même utilisé des thématiques bibliques pour certains livres, comme dans Abraham de Brooklyn qui a eu le prix des libraires en 1971. La troisième phase a été la découverte de ce que le livre contenait de spiritualité.

Pourquoi avoir choisi la formule du dictionnaire ?

Parce qu’elle permet d’évacuer des choses pour lesquelles je n’avais ni l’envie ni la compétence de parler. L’avantage d’un dictionnaire « amoureux » c’est le choix des entrées notamment subjectives qu’il permet, et la possibilité d’écarter des choses qui ne m’inspiraient pas trop. Et de faire en revanche des entrées sur ce que j’appelle les progénitures de la Bible. C’est-à-dire tout ce qui prolonge la Bible dans le monde d’aujourd’hui que ce soit en musique, peinture, dans le cinéma…

Trouvez-vous que la Bible est un livre violent ?

Oui, je ne pense pas que l’on puisse dire le contraire. Les deux époques, que ce soit celle de l’Ancien ou du Nouveau testament, sont des périodes de violences et de guerres. C’est un livre où il y a des combats, des affrontements, où on n’hésite pas à commettre des meurtres. Ce qui est troublant dans cette violence, c’est que Dieu en prend sa part. Dans le passage où il fait tomber une pluie d’énormes rochers du haut du ciel sur les ennemis du peuple juif, on est très très loin du « aimez-vous les uns les autres ». Même quand on lit les psaumes : « Seigneur, anéantis mon ennemi, fais-moi piétiner son cadavre que je me repaisse de ses yeux… » Il faut resituer dans le contexte. Ce livre a été écrit par des êtres humains qui vivaient dans une époque où on ne rigolait pas tellement.

A propos d’Abraham, vous indiquez que sa nature conflictuelle est peut-être l’origine du Dieu unique ?

Dans l’histoire d’Abraham telle que je la raconte, je rapporte la légende de son enfance où, tout en gardant la boutique de son père, il se pose la question du Dieu unique. Ce qui me fascine chez ce personnage, c’est que non seulement il conçoit l’idée du monothéisme mais en plus, il ose poser des questions, discuter avec Dieu d’égal à égal, n’hésitant pas à le mettre face à ses contradictions.

Comment avez-vous abordé la problématique des sources ?

J’ai mis six ans à faire le livre, dont quatre de recherches, livresques et géographiques. J’ai travaillé en arborescence en confrontant mes sources, j’ai interrogé des biblistes, de préférence des laïques. La Bible est un livre pour les hommes écrit par cinquante auteurs. A la différence du Coran écrit par Dieu, dans la Bible, Dieu est un acteur.

Quel regard portez-vous sur la manière dont réagit l’Eglise lorsque l’on découvre des vestiges bibliques ?

Je pense qu’elle ne réagit pas très bien, parce qu’elle perçoit souvent cela comme une contradiction. Ce qui m’exaspère un peu parce que la foi n’a rien de dogmatique ou de figé. »

Recueilli par Jean-Marie Dinh

« Le dictionnaire amoureux de la Bible ». Editions Plon

L’homme qui insultait le monde entier

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Olivier Werner (Zucco) et Christiane Cohendy (sa mère)

Quand la déraison devient un art… Elle nous renvoie à la folie de notre vie ordinaire.

Qui n’a jamais rêvé de jeter son père par la fenêtre ? De tuer sa mère après l’avoir entendue pour la dernière fois vous ressasser les lignes morales de la conduite à suivre ? Roberto Zucco l’a fait à quinze ans. Ce sont ses premières victimes. Actes irréparables que les faits diversiers, gardiens de l’ordre adjoints, se plaisent à traduire comme de la violence inhumaine à grand coup de manchettes sur l’ennemi public numéro un. Acte fondateur pour un Koltès qui tombe en fin de vie sur un avis de recherche de l’assassin placardé dans le métro. « Je trouve que c’est une trajectoire d’un héros antique absolument prodigieuse », dira l’auteur qui suit le parcours de Roberto dans les détails jusqu’à son suicide dans un hôpital psychiatrique dans les mêmes conditions que son père.

Le mythe est là. Fasciné par le personnage, Koltès s’en saisit. La pièce sera créée à Berlin en 1990, un an après le décès de l’écrivain, mort du sida en avril 1989. En France la représentation sera interdite à Chambéry. Le vrai Roberto Succo ayant tué un policier originaire de cette ville.

Théâtre de révolte humaine

La mise en scène de Christophe Perton conjugue la transparence de l’intrigue et la complexité d’un développement intérieur plus abstrait. Elle saisit toute l’authenticité et la poétique de l’œuvre. Celle d’un personnage étranger à lui-même comme le suggère dès le départ l’extrait de America América d’Elia Kazan où un jeune Grec quitte sa terre natale devenue hostile pour le Nouveau monde. Roberto Zucco ne parle pas de lui. C’est un homme seul et sauvage qui défie le monde et brise les vies au gré des désirs pervers et contradictoires qui le mènent. Entre fulgurance et retenue, Olivier Werner ( Zucco) trouve le ton juste face au sincère désarroi… des autres.

Perton inclut sa matière humaine dans le petit théâtre de music hall qui tient lieu de décor. Les 18 comédiens sont là dès le début. Ils s’animent pour répondre à la convocation du destin, meurent et renaissent sur le plateau. La vitalité radicale et la puissance d’attraction de Zucco propulse une dynamique relationnelle inusitée. Comme elle renverse les thèmes et les commandements du christianisme. La limpidité du texte ouvre sur l’omniprésence du sacré dissimulé mais cependant perceptible. La scène solaire finale donne lumineusement le pendant au film de Kazan à travers la curieuse solidarité spirituelle des grands voyageurs.

Un voyage sans fard au cœur de l’humain, hautement conseillé, à ne pas situer sous le signe du déchirement ou de la culpabilité mais sous celui de la révélation. Le travail de Christophe Perton et la remarquable et subtile distribution restituent toute la richesse de l’œuvre en nous rappelant une évidence : l’être humain ne s’appartient pas.

Jean-Marie Dinh

Au Théâtre des Treize Vents

Fiction et documentaire : Entretien avec Jean-Pierre Rhem

documentaire1 Le dernier volet de la manifestation Raymond Depardon est présenté à Montpellier jusqu’au 31 janvier. On peut découvrir le travail photographique de l’artiste au Pavillon populaire ainsi qu’au Carré Ste-Anne, ses documentaires sont présentés au cinéma Diagonal. Cette manifestation se complète d’un cycle de conférences dont la première s’est tenue mardi au Musée Fabre sur le thème Documentaire : comment ça va avec la fiction ? avec Jean-Pierre Rhem le délégué général du Festival international du Documentaire (FID) de Marseille. Entretien.

En quoi l’intitulé de votre intervention rejoint-il le travail de Depardon ?

Si Raymond Depardon est un représentant imminent du documentaire, c’est aussi un artiste qui passe d’une écriture à l’autre. Il ouvre des portes. Son travail a fécondé d’autres pratiques, d’autres façons d’approcher le documentaire.

Vous semblez prôner l’abolition des frontières entre le documentaire et la fiction, ce qui soulève le rapport complexe qu’entretiennent les deux genres avec la réalité…

Il n’existe pas de règle ou d’impossibilité. Le film documentaire, comme la fiction ont un rapport au réel. La fiction n’est pas un moyen de se détourner du réel. Cette opposition est stérile. Fiction et documentaire sont deux moyens différents d’aborder la réalité. Le film de fiction relève d’une construction élaborée des auteurs, le film documentaire implique un autre type de construction tout aussi élaboré. Des auteurs comme Flaubert, Poe ou Joyce puisent abondamment dans le réel pour nourrir leur fiction romanesque.

En tant que programmateur, comment observez-vous la dimension politique de la production documentaire ?

Dans mon travail de sélection, je suis attentif à la dimension politique qui n’échappe pas à la sphère de la représentation simplement parce que l’espace que nous partageons collectivement se situe dans l’espace politique. Mais il n’y a pas une façon unique de poser cette question. Brandir un drapeau ne certifie pas aujourd’hui la présence de la cause défendue.

Après le militantisme des années 70, observez-vous l’émergence de nouvelles formes de résistance ?

Le ton n’est plus le même. Les films ne sont pas le miroir de convictions préétablies et simplificatrices. On observe un regain de films qui sont le reflet d’un certain engagement. D’une militance qui n’a plus peur de la complexité. Depardon en est un exemple. L’approche tenace du monde rural, que l’on perçoit dans ses films, n’est pas dénuée de conscience sociale. Même si le cinéaste utilise cette forme d’engagement pour produire du romanesque.

Comment choisir ce qui fait événement dans l’immensité de la production documentaire mondiale ?

Il existe une forme de langue universelle du documentaire. Ce qui permet, entre autre, de distinguer les films qui sortent de l’ordinaire. Faire événement, c’est produire une synthèse indépendante d’un contexte tout en restant dépendant de ce contexte. L’appréciation peut porter sur la forme ou le sujet. Je m’efforce d’évaluer de quel contexte national s’est arraché le film qui fait événement à mes yeux. C’est un long travail. Je fais d’abord appel à mon intuition, à mon expérience, et après je m’informe.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Prochaine conférence mardi 1er décembre Depardon Le moderne, le classique par : Maxime Scheinfeigel (Professeure à l’université Paul Valéry)

Théâtre : De l’intime à la nation

Sanja Mitrovic et Jochen Srechmann

Sanja Mitrovic et Jochen Srechmann

Autres regards, et regards autres, au Théâtre de la Vignette qui poursuit l’exploration des possibles. Dans un espace national qui peine ou refuse d’envisager les perspectives de son temps, La Vignette joue la carte de l’ouverture, de l’interdisciplinarité et de l’échange international. Un triptyque fondateur et cohérent pour un projet où l’on ose toujours la confrontation.

Will you ever be happy again, la pièce conçue par Sanja Mitrovic, jeune metteur en scène serbe, résidente au Pays-Bas, est une œuvre originale et aboutie. Sur le fond, ce travail caractérise les symptômes du mal identitaire contemporain de l’après chute du mur et plus largement de l’ère mondialisée. La question de l’unique face au pluriel est posée :  » Quel rapport l’individu entretient-il avec une histoire nationale à laquelle il ne veut pas répondre ?  » Si cette formulation de l’auteur résonne aujourd’hui dans l’Hexagone, elle ne le concerne qu’indirectement. Sanja Mitrovic situe son action dans deux contextes historiques identifiés : celui de la seconde guerre mondiale et de la guerre froide en Allemagne, et celui de l’explosion yougoslave et des conflits ethniques en Serbie.

Une tranche de temps et d’histoire suffisamment épaisse pour induire des effets générationnels. Fondée sur l’expérience personnelle, la pièce est portée par une pulsion vitale, ludique et physique étonnante. La forme du spectacle apprivoise l’image qui intègre l’espace de jeu, autant qu’elle sert le propos.

Deux grands enfants se livrent sur scène à leurs jeux favoris. L’une est serbe, l’autre allemand. Ils se servent des objets accessibles pour construire leur univers. Un miroir, où ils apparaissent eux-mêmes comme les objets de l’Histoire. La problématique de la culpabilité qui les hante fait incessants allers-retours. Les deux comédiens libèrent leur questionnement à travers une succession de scènes qui ricochent. Les déplacements chorégraphiés et le travail sonore empruntent à l’esprit de la performance. Comme dans la vie par moment, l’acteur se métamorphose en un simple vecteur corporel. Supporters de foot acharnés ou enfants vertueux de la nation de Tito, on n’en reste pas moins enfants de la propagande nationale. Le montrer, c’est déjà le reconnaître et le reconnaître c’est se libérer du cadre pour un nouveau départ dans l’histoire…

Jean-Marie Dinh