Loppsi 2 : Les dictateurs en ont rêvé Sarkozy l’a fait.

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Lopsi 2 : L'Histoire sans parole

Sanction contre les agresseurs de policiers, vidéosurveillance, vols avec violence… la Loppsi 2 détaille principalement les moyens techniques que peuvent utiliser policiers, gendarmes et juges. « Manifestez, mais ne soyez pas aveugles. Si beaucoup de bruit est fait autour des retraites, la Loppsi 2 arrive dans l’indifférence générale. Cette loi constitue un véritable carcan pour nos libertés et, pourtant, elle va être votée », s’alarme Artémis, qui liste point par point les mesures les plus contestées de la loi.

Les critiques des blogueurs portent essentiellement sur les mesures qui concernent Internet. « Dans son article 4, la loi tend à mettre en oeuvre un filtrage du Net, mesure inefficace, dangereuse pour les libertés individuelles, et qui ouvre inévitablement la porte à la censure ». Pour la Quadrature du Net, une organisation de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet, « le populisme sécuritaire éclabousse le Net ». Un article décidement polémique puisque Xavier Niel, directeur du FAI Free, avait déclaré s’y opposer fermement.

La lutte contre la pédo-pornographique? Un faux prétexte

« Pour limiter l’espace de liberté qu’est Internet, il faut contrôler. Mais comment arriver à réduire à néant un espace de liberté sans avoir de contestation? C’est tout simple, grâce aux pédophiles », explique Loppsi.fr, un site qui suit l’évolution du projet de loi depuis ses débuts. « Les professionnels du Net s’accordent à dire qu’il n’y a pas de sites ou de photos pédophiles sur le Web […] Alors à quoi bon faire une liste noire des sites pédophiles? Pour protéger qui? » s’interroge-t-il. Les anti-Loppsi 2 craignent que, sous prétexte de lutter contre pédopornographie, on ne coupe l’accès à d’autres sites Internets.

« La menace que fait peser le fil­trage sur la liberté d’expression est bien sûr réelle, mais ce n’est pas, de mon point de vue, le plus ter­rible des dn gers qui nous guette avec la Loppsi, et c’est sur tout un agu ment qui ne pèse rien ou presque face à la légi time émotion sus ci tée par le crime pédophile, s’inquiète pour sa part RedWriteWeb France. Le fil trage, en réa lité, est probablement la meilleure chose qui puisse arriver aux pédophiles ». Et d’inviter ses lecteurs à consulter l’étude sur « Le commerce de la pédopornographie de 2000 à 2010 », étude qui l’a amené à cette conclusion.

La captation des données informatiques à distance

L’article 23 permettra d’installer des « mouchards » au sein même des ordinateurs. La mesure prévoit que ces « écoutes » informatiques seront rigoureusement encadrées par les juges d’instruction, mais ces précautions ne rassurent pas les sceptiques, parmi lesquels très sérieuse Commission nationale informatique et libertés (Cnil).

Guillaume Champeau, de Numerama, pointe la contradiction: « Eric Ciotti, député UMP chargé de la sécurité, a demandé à ce que l’on fasse confiance au juge d’instruction pour encadrer les cas où l’installation des mouchards pourra être autorisée. Mais c’est oublier que le gouvernement prévoit justement la suppression du juge d’instruction, ce qui donnera au Procureur de la République seul le pouvoir d’encadrer ces dispositifs! » La Blogueuse Julie Jacob se veut plus nuancée: « Ceci ne pourrait intervenir que dans le cadre d’une information menée pour des délits ou crimes graves (terrorisme, pédophilie, meurtre, torture, trafic d’armes et de stupéfiants, enlèvement, par exemple) relevant de la criminalité organisée. »

D’autres sont plus radicaux. « Grâce à Loppsi 2, un flic pourra bientôt fouiller toutes les données présentes sur votre PC. Toutes. Il pourra lire vos frappes clavier. Et activer le micro, la webcam, pour pouvoir vous regarder, vous écouter », s’indigne SuperNo. Et de grincer: « Les dictateurs en ont rêvé, Sarkozy l’a fait! »

Selon toutes probabilités, la loi va être votée, mais tout n’est pas scellé, comme l’explique Jérémie Zimmermann pour la Quadrature du Net: « Les sénateurs ont encore une chance de se ressaisir et de rejeter l’article 4 de la Loppsi. » Réponse vendredi.

COMMENT FAIRE PASSER LE FOURRE TOUT SÉCURITAIRE

Nouvel Observateur

En février dernier, avant les régionales, un certain nombre de mesures directement liées à l’actualité avait déjà été greffées à un texte déjà conséquent. Le couvre-feu pour les mineurs de treize ans entre 23 heures et 6 heures, le renforcement du dispositif de contrat de responsabilité parental, ou encore l’aggravation des peines encourues pour les vols commis à l’encontre de personnes vulnérables, avaenit été intégrés, juste après l’assassinat d’un couple de retraités. Un nouveau délit de distribution d’argent à des fins publicitaires sur la voie publique, en pleine affaire Rentabiliweb, était venu gonfler Loppsi 2 devant les députés.

Dès ce mardi, les sénateurs devaient s’intéresser aux nouveaux amendements proposés par le gouvernement, à savoir :

. Une « période de sûreté de trente ans ou une peine perpétuelle incompressible » pour les assassins de personnes dépositaires de l’autorité (policiers, gendarmes)

. « Donner au procureur la capacité de saisir directement le tribunal, sans passer par le juge des enfants, dans les affaires les plus simples et pour les mineurs déjà connus de la justice

. « Les délinquants auteurs de violences aggravées se verront appliquer des peines planchers dès le premier acte de violence, sans attendre la récidive ». Serge Portelli, vice-président au tribunal de Paris, président de la 12e Chambre correctionnelle, dénonce dans son blog « une atteinte grave aux principes démocratiques et à la nécessaire séparation des pouvoirs ».

. « L’élargissement de la surveillance judiciaire par bracelet électronique » pour les personnes condamnées en état de récidive légale à une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement.

. La vente aux enchères des biens des délinquants saisis à la suite des interpellations, pour « frapper au portefeuille les caïds des cités en les privant des biens acquis en toute illégalité, explique Brice Hortefeux.

Ces amendements s’ajoutent à une longue série de mesures de renforcement de l’arsenal répressif dont dispose l’autorité publique.

La multiplication des fichiers suivie de près par la CNIL

La CNIL, institution indépendante chargée de contrôler l’utilisation des données personnelles, a formulé des réserves sur certaines dispositions de Loppsi 2. Elle estime que les fiches Judex et Stic des personnes ayant fait l’objet une mise à jour du type classement sans suite, absence d’infraction ou infraction insuffisamment caractérisée, ne soient plus consultables.

La commission nationale de l’informatique et des libertés dénonce également l’utilisation d’outils de captation dans les points publics d’accès à Internet, qui présente selon elle « un caractère particulièrement sensible puisqu’elle conduit à placer sous surveillance l’ensemble des postes informatiques mis à disposition du public. » Elle rappelle qu’une telle pratique doit répondre à des conditions exceptionnelles, et que la loi impose la traçabilité des accès aux outils de captation. La Cnil met également en cause un article de Loppsi 2 prévoyant la mise en place de logiciels de rapprochement judiciaire.

Enfin la Cnil critique les mesures sur la vidéo-surveillance (ou « vidéo-protection » dans le texte), qui donnent la possibilité aux autorités publiques de déléguer l’exploitation de leur système à des opérateurs publics privés, notamment à l’étranger, rendant impossible tout contrôle de l’utilisation des données personnelles..

Internet dans le collimateur de Loppsi 2

La toile n’est pas en reste. Le texte crée un délit d’usurpation d’identité sur internet. Si la mesure paraît légitime, reste à voir comment elle s’applique. Le site spécialisé Numerama pointe d’ailleurs « le risque qu’une telle disposition puisse viser également les caricatures et les faux profils ‘humoristiques’, créés sans véritable intention de nuire, mais qui peuvent ‘porter atteinte à son honneur ou à sa considération’. »

Loppsi 2 prévoit l’installation de dispositifs d’enregistrement de l’activité d’ordinateurs, sorte d’écoute informatique, encadrée par le juge d’instruction (avant sa suppression), et réservée à certains types de crimes et délits, parmi lesquels le « délit de solidarité » ou la « non-justification de ressources correspondant au train de vie », explique Numerama.

Le site spécialisé s’interroge également sur le filtrage des sites pédopornographiques et rappelle que cette mesure fait l’objet de nombreux amendements visant à rétablir l’obligation, pour bloquer un site via un fournisseur d’accès, de passer par un juge. Le site déplore également l’inefficacité d’une telle mesure contre les pédocriminels, « qui ne passent pas par les méthodes traditionnelles d’accès au web », et redoute l’extension à l’avenir de cette procédure à d’autres types de délits.

« Ethylotests anti-démarrages » et « cartons jaunes »

Le projet de loi instaure la confiscation du véhicule en cas de conduite sans permis de récidive de conduite sous l’emprise de l’alcool ou de grand excès de vitesse. Le trafic de points de permis sera puni d’une peine de 6 mois de prison et/ou de 15.000 euros d’amende. Les bars et discothèques auront pour obligation de mettre à disposition de leur client des dispositifs de dépistage de l’imprégnation alcoolique. Des dispositifs d’éthylotests anti-démarrages pourront être imposés dans certains cas. Les peines encourues en cas de délit de fuite sont aggravées.

Au premier incident dans les tribunes des stades et leurs abords, Brice Hortefeux souhaite la délivrance d’un « carton jaune », avec application d’une ou plusieurs mesures individuelles, telle une interdiction administrative de stade dont la durée « est passée de trois à six mois » et pouvant atteindre un an « en cas de réitération dans les trois années » par mesure judiciaire. Outre le « carton jaune », si besoin est, « on n’attendra pas la fin de la saison pour sortir le rouge », a par ailleurs prévenu l’Intérieur. Ainsi, la mesure d’interdiction administrative de stade pourra s’assortir d’un « couvre-feu supporteurs », par arrêté préfectoral prohibant non seulement l’accès au stade où est programmée une rencontre, mais même de s’en approcher dans le cas d’un supporteur du club visiteur, afin d’assurer « l’ordre public également à la périphérie ».

« Carton rouge » encore: la possibilité de « suspendre » les clubs de supporteurs dont les membres se montreraient particulièrement agressifs. Pour les clubs, le « carton rouge » pourra imposer une « billetterie limitée » ou encore un « huis-clos total ou partiel décidé par l’Etat »

Mobilisons nous

Cette loi nous concerne tous dans notre quotidien puisqu’elle risque d’entraîner censure, création de milices civiles… comme nous l’explique Liliane Baie dans son billet:

 » soyons clairs, il s’agit d’une loi destinée à rendre plus efficace l’action de la police. Ce projet de loi comprend pas moins de 48 articles, qui vont du développement des drones, et de la possibilité d’une censure sur internet, à l’attribution de missions de police à la police municipale, en passant par celui de la prescription de caméras de vidéo-surveillance, d’utilisation par la police des véhicules réquisitionnés en cas d’infractions graves (avant même le jugement) et par le développement d’une réserve civile de la police et d’un service volontaire citoyen de la police nationale ( qui évoque une milice privée, comme le précise Jean-Pierre Dubois dans l’éditorial de la revue de la LDH « H&L » numéro 150 : « Sécuritaire : ces outils qui vous veulent du bien »). « 

Par ailleurs, le temps d’examen et d’amendement de la loi est très court, et on peut s’apercevoir qu’aucun débat public ni médiatique n’a été mené sur ce sujet très alarmant, alors que l’actualité sociale était dominée par la lutte contre la réforme des retraites, autre sujet sensible.

Club Media Part

Commentaire

Sans qu’ils s’en rendent compte les français vont se réveiller ligottés… L’affaire Bettencourt nous a déjà montré que l’égalité en France n’était qu’un mythe, la déchéance de nationalité créera des citoyens de seconde zone… LOPSI2 enterre la liberté... Il reste la fraternité celle du peuple, celle qui fait les révolutions, la solidarité… Cette fraternité, le pouvoir cherche à la détruire par les discours de haine et d’exclusion. Pourtant les journées du 4 et 7 septembre ont montré que la fraternité est encore là …

Maryvonne Leray

Voir aussi : Rubrique Société Montée de la violence policière, rubrique  Justice Le SM dénonce un fourre tout législatif, Médias, Médias banlieue et représentations, Une piètre image de la France,

Poutine et les incendies

La Rynda

La Rynda

La couverture des incendies russes par la blogosphère a pris une tournure moins tragique lorsque le réputé Premier ministre russe Vladimir Poutine a répondu à un billet de LiveJournal, la populaire plate-forme de blogs, et a par inadvertance créé un nouveau thème Internet appelé “rynda.”

L’histoire commence avec un billet de blog très lu de l’utilisateur LJ top-lap re-publié par Aleksey Venediktov, le rédacteur en chef hautement respecté de la radio russe “Echo Moskvy,” sur le site internet de la station [en russe].

Dans son introduction, Venediktov s’addresse à Vladimir Poutine :

Cher Vladimir Vladimirovitch,
Savez-vous que la population est indignée du travail effectué par le gouvernement pour éteindre les incendies dans les régions de la Fédération de Russie ? Evidemment, personne ne vous le dira en face, mais Internet est rempli de critiques et de colère.
En particulier, de nombreux habitants des régions touchées parlent en termes extrêmement peu flatteurs de l’action de votre gouvernement.
Ceci est un exemple, et pas le plus vif, de billet sur Internet.
Que répondriez-vous à cet homme ?

Et Venediktov de poursuivre avec l’intégralité du billet de top-lap. En voici des extraits :

Vous savez pourquoi nous brûlons ? Parce que c’est un merdier. […] Dans mon village sous les connards de communistes – que tout le monde critique – il y avait trois étangs anti-incendies, une rynda [Note de l’auteur : apparemment le vieux mot russe de “rynda” désigne une clochette servant à signaler les événements importants du village] que l’on sonnait en cas d’incendie, et, miracle – un camion de pompiers, un pour trois villages il est vrai, mais au moins il y en avait. Puis messieurs les démocrates sont arrivés et le merdier a commencé. La première chose qu’ils ont faite, c’est de combler les étangs anti-incendies et de vendre les terrains pour la construction. On a aussi fait quelque chose au camion de pompiers, probablement les extra-terrestres l’ont embarqué, et la rynda a été remplacée (putain de modernisation) par un téléphone qui ne fonctionne que dalle parce qu’on a oublié de le connecter. Il est resté un pompier mais il n’a rien d’autre qu’un casque et une combinaison qui lui restent de ces mêmes méchants communistes.

Top-lap continuait en décrivant comment le manque de moyens élémentaires rendait impossible d’éteindre efficacement les incendies. Plein de rage, le blogueur interroge :

J’ai une question.
Où va notre argent ? Pourquoi est-ce que chaque année nous glissons toujours plus vers une société primitive ? A quoi bon un centre de recherche à Skolkovo [Note de l’auteur : à propos de ce projet, voir ici [en russe]] si nous n’avons même pas de camions de pompiers élémentaires ? Pourquoi avant, y avait-il des gens comme les gardes-forestiers, qui prévenaient des feux et transmettaient les informations opérationnelles aux pompiers, ne laissant pas ces incendies atteindre les habitations. Je ne veux pas un téléphone dans le village, je veux qu’on me rende les étangs d’incendie et ma rynda. Rendez-moi ma putain de rynda et creusez-moi un étang, je m’en occuperai moi-même et je le remplirai et si l’administration locale ne veut pas le faire, donnez-moi juste un emplacement.

Critiquant les autorités locales et préconisant l’autonomie, top-tap propose :

Libérez-moi de mes impôts ou enlevez-moi simplement mes déductions pour le fonds de pension, de toute façon, avec une vie pareille je n’arriverai pas jusqu’à l’âge de la retraite, et avec cet argent j’achèterai un camion de pompiers pour trois villages et je dormirai tranquille, sachant que personne ne l’enlèvera à mon peuple, à mes voisins villageois, parce que cette chienne sera à nous et que nous tuerons pour elle s’il le faut.

Top-lap conclut par ce cri :

Redonnez-moi ma putain de rynda et reprenez votre putain de téléphone.

Ce billet passionné et linguistiquement coloré aurait pu ne rester que l’une des millions de plaintes contre le gouvernement dans la blogosphère russe si la radio “Echo Moskvy” n’avait reçu une réponse officielle de Vladimir Poutine :

Cher usager,
Aujourd’hui, à la fin d’une journée de travail, respirant, comme tous les Moscovites, la fumée des forêts de banlieue en feu, c’est avec grand intérêt et plaisir que j’ai pris connaissance de votre appréciation sur la situation constituée en Russie centrale par les feux de forêt.
Pour être juste, il faut noter qu’il n’y a pas eu de températures aussi élevées en Russie en 140 ans et donc, non plus sous les communistes.

Un fait qui, pour Poutine, écarte en partie les reproches faits aux autorités. La réponse de Poutine conclut sur une vision positive de l’avenir et la promesse de rendre la rynda au blogueur :

Malgré tous les problèmes et toutes les difficultés, j’espère que nous tiendrons jusqu’à votre retraite.
Tous les moyens financiers nécessaires pour remédier aux conséquences de cette catastrophe naturelle et résoudre les autres problèmes urgents ont déjà été transférés du budget fédéral vers les comptes des sujets affectés de la Fédération de Russie.
Sur indication de votre adresse, vous recevrez immédiatement votre rynda de votre gouverneur.
Bien sincèrement à vous,
V. Poutine

Inutile de dire que la réponse inattendue et pince-sans-rire de Poutine a soulevé une vague de plaisanteries parmi les utilisateurs de RuNet. Jusque là largement inconnu, le mot “rynda” est devenu la nouvelle métaphore populaire symbolisant la lutte contre les incendies en Russie et l’incapacité des administrations locales actuelles à gérer efficacement la catastrophe naturelle. “Rynda” est aussi devenu un thème de caricatures politiques :

« Abramovitch? Salut ! Ecoute, tu as une rynda sur ton yacht? Voilà… Il faudrait la rendre. »

La popularité du site internet de “Echo Moskvy” semble être montée en flèche après la réponse de Poutine. L’utilisateur LJ teh_nomad affirme [en russe] que le site a reçu 50.000 visiteurs dans les deux heures qui ont suivi la publication de la réponse.

Voir aussi : Rubrique Russie Livre, Retour au pays des âmes piégées,

L’Asie dope la vente des journaux dans le monde

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Selon un rapport de l’Association mondiale des journaux, l’optimisme est de règle sur l’avenir des quotidiens, dans un marché principalement soutenu par l’Inde et la Chine.

Dans le monde, un quart de la population adulte lit chaque jour un quotidien payant. Soit 1,7 milliard de personnes. En ajoutant les autres titres, non quotidiens, on arrive à un total de 37 % de la population mondiale parcourant chaque jour les nouvelles des journaux de presse écrite. Ces chiffres proviennent d’une étude de l’Association mondiale des journaux et éditeurs de médias d’informations (WAN), dans son rapport annuel sur les tendances mondiales de la presse. Selon l’étude, l’année 2009 a vu la diffusion des quotidiens essuyer un recul de 0,8 %, alors que sur cinq ans une augmentation de 5,7 % de la vente de journaux a été constatée. La raison, selon le WAN, « est que moins de journaux sont achetés dans le monde “développé” où les médias sont “matures” », alors qu’en revanche « l’Asie continue de bénéficier d’une hausse significative de la diffusion avec 1% de plus en 2009 et 13 % d’augmentation sur les cinq dernières années ».

Dans son rapport, l’Association mondiale des journaux a recensé en 2009 à travers le monde quelque 12 477 titres de journaux. Un chiffre en augmentation de 1,7 % par rapport à l’année précédente. Ces titres de presse représentent 517 millions d’exemplaires vendus chaque jour. Pour l’association, « si globalement les ventes de quotidiens stagnent, celles de la presse magazine affichent, par contre, une croissance moyenne de 2,5 % que n’empêche en rien un recul de – 6,2 % en Afrique et de – 1,4 % en Amérique du Nord ». Selon le rapport du WAN, le marché mondial de la presse est boosté par l’Asie. Avec 110 millions de quotidiens vendus chaque jour, l’Inde arrive en tête du palmarès des plus fortes ventes. Elle est suivie par la Chine avec 100 millions d’exemplaires et le Japon avec 50 millions. Le continent européen est loin de ces chiffres issus des plus grands marchés de la presse. L’Allemagne, qui caracole en tête en Europe, se contente de 20 millions d’exemplaires achetés quotidiennement. Quant à l’Afrique, le continent présente l’un des marchés les plus dynamiques avec une hausse moyenne de 4,8 % des ventes de quotidiens.

La WAN se dit plutôt « optimiste sur la reprise des recettes publicitaires ». L’association estime, en effet, sur la base d’études menées par les acheteurs d’espaces, «qu’une croissance de 3,5 % est envisageable en 2010 ». En 2009, le chiffre d’affaires publicitaire des quotidiens avait reculé de 17 % sur un an. Un effondrement qui « reflète l’impact de la récession internationale sur tous les secteurs industriels ». Les journaux représentent 24 % du gâteau publicitaire mondial, contre 39 % pour la télévision et 12 % pour Internet. En termes d’efficacité, la publicité dans la presse écrite est la mieux placée. Pour la WAN, l’avenir de la presse quotidienne passe avant tout par la recherche de nouveaux modèles économiques, tels les services mobiles.

Fernand Nouvet (L’Humanité)

Voir aussi : Rubrique Médias, Les jeunes journalistes contraints de s’adapter à une presse en crise, Le Midi Libre trop friand d’info Frêche, Rubrique Edition, Pour une critique de l’édition dominante, Rubrique LivreLe postulat de la presse libre revue et corrigé,

Très chère « neutralité du Net »

guerre-de-linfo1En  dépit des milliards et des milliards qu’il génère aujourd’hui, Internet n’a pas renié ses principes. Il est en effet régi par la règle sacro-sainte de « la neutralité du Net« , une façon « geek » de dire que tous les contenus sont égaux : qu’une page web s’affichera sur votre ordinateur à la même vitesse, qu’elle ait été créée par la plus grande entreprise du monde ou par un passionné dans sa chambre à coucher.

Or les négociations actuelles entre Google et l’opérateur Verizon [l’une des premières compagnies américaines de télécoms] pourraient mettre ce principe en péril. Si l’on permet aux entreprises de payer pour faire parvenir leur contenu plus rapidement aux internautes, le réseau risque de passer très rapidement sous la domination des grandes entreprises. Si, par exemple, Google rémunère des fournisseurs d’accès à Internet pour acheminer les contenus de YouTube plus rapidement que ceux de tous les autre sites de vidéos, les gens ne tarderont pas à se détourner de ces sites. C’est l’occasion rêvée pour les plus gros fournisseurs de contenus sur Internet d’assommer les petits.

C’est bien beau de défendre généreusement la neutralité du Net, mais il ne faut pas oublier que ce principe constitue aussi un obstacle pour résoudre certains problèmes pratiques qui se posent sur le réseau. En Grande-Bretagne par exemple, le gouvernement s’est engagé à ce que tous les Britanniques aient accès à l’Internet à haut débit d’ici à la fin de l’actuelle législature. Il n’a toutefois pas l’intention d’assumer les coûts liés à l’augmentation de la capacité de réseau, même dans les zones où il n’est pas rentable pour le secteur privé d’investir dans le déploiement du haut débit.

Bien que les fournisseurs d’accès investissent dans leurs réseaux contraints et forcés, le principe de neutralité du Net les empêche de facturer à leurs utilisateurs la distribution de contenus. Ainsi, alors que le service iPlayer de la BBC [le site de rediffusion des programmes de l’audiovisuel public britannique], aussi fantastique soit-il, consomme une grosse capacité de réseau dans le pays, la BBC ne contribue en rien à financer l’amélioration et le renforcement du réseau. Quand l’opérateur de télécoms BT a tenté de suggérer l’an dernier qu’elle devrait le faire, il s’est fait copieusement rabrouer.

Ces questions n’ont pas de réponses simples. La neutralité du Net est un principe démocratique et favorise la concurrence, mais elle risque aussi de compromettre l’essor d’Internet dans les années à venir. Elle risque, à tout le moins, de faire grimper les coûts pour le consommateur : si l’on empêche les fournisseurs d’accès de faire payer les distributeurs de contenus, il y a fort à parier qu’ils répercuteront les coûts sur les destinataires finaux.

Google, pour sa part, a réaffirmé son attachement à un « Internet ouvert« . Rien ne permet de douter de cet attachement, mais on peut supposer qu’à moins que l’on trouve des  mécanismes permettant de financer les coûts de maintenance et d’amélioration du réseau, les internautes risquent de se retrouver devant un Internet fermé pour raisons techniques.

David Prosser (The Independent)

Voir aussi : Rubrique Internet, L’UMP achète Bettencourt auprès de Google,   Rubrique Médias, L’ère des robots journalistes,

« La vie sociale repose sur la confiance »

Dominique Shnapper?: "La liberté de la presse fait partie de la liberté politique." Photo Gallimard

Dominique Shnapper : "La liberté de la presse fait partie de la liberté politique." Photo Gallimard

La sociologue française, Dominique Schnapper est la fille de Raymond Aron. Elle a été membre du Conseil constitutionnel entre 2001 et 2010. Elle ouvre ce soir les 25e Rencontres Pétrarque avec la leçon inaugurale sur le thème En qui peut-on avoir confiance ? Entretien à la lumière d’une actualité qui met en évidence une certaine défiance des citoyens à l’égard de leurs institutions et suscitera des débats cette semaine à Montpellier dans le cadre des Rencontres Pétrarque de France Culture.

Vous êtes en charge de poser les termes des débats de cette semaine. Comment envisagez-vous cette question de la confiance dans sa dimension objective et surtout subjective ?

« Le contraste entre la confiance objective et la confiance subjective est au cœur des débats. Objectivement l’ensemble de nos relations repose sur une confiance accrue envers les autres. Les liens qui nous unissent à nos compatriotes et au monde entier sont à la fois plus nombreux, et plus forts. En même temps la démocratie suscite les interrogations et la confiance subjective ne suit pas nécessairement la confiance objective. C’est dans l’analyse de ce décalage que se situeront les débats.

Avec l’affaire Bettencourt qui mobilise le gouvernement, cette question de la confiance semble au cœur du problème. Elle évoque la méfiance des citoyens. Quel regard portez-vous sur ce feuilleton ?

« Les exigences de transparence de la vie publique ont augmenté au fur et à mesure que se sont développées les exigences démocratiques. Cela pose des problèmes parce que la vie publique est loin d’être toujours conforme aux idéaux de la démocratie. Il est inévitable qu’en exigeant la transparence on découvre des modes de fonctionnement qui ne sont pas parfaits. Ce qui paraissait normal hier suscite maintenant un sentiment de scandale.

L’article 11 de la déclaration des droits de l’Homme garantit une libre communication des pensées et des opinions mais dans les limites déterminées par la loi, tandis que la Constitution américaine interdit l’adoption de lois restreignant la liberté de la presse. Existe-t-il une réelle liberté de la presse dans notre pays ?

La liberté de la presse fait partie de la liberté politique. Elle est essentielle. Sans elle, il n’y a pas de démocratie. A partir de là, il existe des traditions différentes d’encadrement ou de non-encadrement de cette liberté. Aux Etats-Unis, un amendement de la Constitution garantit une liberté absolue de la presse. La tradition française est un peu différente, mais les événements actuels montrent tout de même que la liberté de la presse est grande. C’est nécessaire. En même temps, les journalistes eux-mêmes ne sont pas au-dessus de la transparence qui est attendue des hommes politiques.

Les Français ne font pas plus confiance aux journalistes qu’aux hommes politiques…

Il serait souhaitable qu’ils fassent à la fois confiance aux journalistes et aux hommes politiques, mais les enquêtes montrent qu’en France la confiance faite aux uns et aux autres ainsi qu’aux institutions en général, est parmi les plus faibles d’Europe. Ce qui pose un problème profond, parce que la vie sociale repose sur la confiance que nous nous faisons les uns les autres.

N’est-ce pas lié à notre manque de confiance dans la justice, souvent décrite comme une institution socialement biaisée au détriment des populations défavorisées ?

Aucune des institutions humaines n’est rigoureusement conforme aux principes démocratiques. Malgré tout, l’égalité de droit n’est pas sans effet. C’est quand même dans les sociétés démocratiques que la justice applique le mieux ou, en tous cas, le moins mal les grands principes de l’égalité de tous devant la loi.

Max Weber soulignait au début du XXe siècle que le droit s’adaptait aux demandes du secteur économique. Le Conseil constitutionnel a retoqué le texte de la loi Hadopi en faveur de la liberté d’expression mais les intérêts des maisons de disques et des auteurs sont privilégiés aux détriments d’une prise en compte des pratiques de consommation culturelle…

Le Conseil constitutionnel n’a critiqué que l’un des aspects de la loi qui a été ensuite adoptée. Sur le fond, le texte tente de résoudre un problème lié à des intérêts contradictoires. La liberté des individus d’un côté, et d’autre part la production des auteurs, faute de quoi, il n’y aura plus de production intellectuelle. Le projet est celui du gouvernement. Le Conseil constitutionnel a seulement vérifié qu’il n’était pas contraire à la Constitution. Il a affirmé que la liberté d’expression sur Internet est une partie de la liberté politique. Personnellement, je ne suis pas sûre que cette loi sera aussi efficace que le gouvernement le souhaitait parce que la technique dépasse en général la législation.

A propos du bouclier fiscal, on lit dans la décision du Conseil constitutionnel que celui-ci tend à éviter une rupture de l’égalité devant les charges publiques, c’est un peu fort de café !

L’idée que le contribuable ne doit pas remettre à l’Etat plus de la moitié de ses revenus n’est pas en tant que telle contraire au principe de la redistribution. C’est une décision politique sur laquelle le Conseil constitutionnel n’avait pas à intervenir.

Cela signifie-t-il que le bouclier fiscal est gravé dans le marbre ?

C’est une décision politique. Comme toutes les décisions politiques, elle peut être remise en question par la situation économique ou par un gouvernement qui adopterait une autre politique. Mais, quelle que soit sa valeur symbolique, ce n’est pas le problème essentiel de la redistribution de la société française.

N’avez-vous pas le sentiment que la confiance des Français dans leurs institutions représentatives s’épuise ?

Ils croient encore aux institutions représentatives parce qu’il n’y en pas d’autres. Mais force est de constater qu’elles sont surtout respectées, pour aller vite, par les plus diplômés, les plus riches et les plus âgés. C’est ce que montrent les chiffres de l’abstention selon les catégories sociales. Ce qui est préoccupant. Pour l’instant nous ne connaissons pas d’autres moyens pour organiser les pratiques démocratiques. »

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Dernier ouvrage paru : Une sociologue au Conseil constitutionnel, éditions Gallimard

Voir aussi : Rubrique Politique Une institution fragile, Rubrique Rencontre Jean-Claude Milner,