Hollande-Fabius, les errements de la diplomatie française

2012-05-17-120516_delucq_traduction_pt-thumbA l’ombre de Gaza

par Alain Gresh

La manière dont François Hollande et son ministre des affaires étrangères Laurent Fabius ont entériné l’assaut israélien contre Gaza, avec ses innombrables destructions et victimes, a pu étonner ici ou là. Couac de la communication ? Benjamin Barthe, sur le site du Monde, note que la première déclaration de Hollande sur le droit d’Israël à se défendre, sans aucune mention des pertes civiles palestiniennes, venait à la suite d’un coup de téléphone de Benyamin Netanyahou (« L’embarras international face à l’escalade à Gaza », 12 juillet). Le lendemain, le président émettait une nouvelle déclaration « plus équilibrée ». Mais, comme le note le journaliste du Monde, « le cafouillage est néanmoins emblématique de l’embarras des chancelleries européennes et américaine face à la question de Gaza. Insister, comme elles l’ont presque toutes fait à des degrés divers, sur le “droit d’Israël à l’autodéfense” et sur la nécessité de la “retenue”, ne suffit pas à leur donner de prise sur le terrain ». Cela équivaut, en réalité, à une « carte blanche » laissée au gouvernement Netanyahou.

Selon un responsable de l’Elysée, la position de la France « reste fondée sur l’équilibre ». Equilibre entre l’occupant et l’occupé ? Entre les quelque 200 morts palestiniens et les « zéro mort » côté israélien ? Quand le général de Gaulle critiquait l’agression israélienne de juin 1967, il ne faisait pas preuve d’équilibre. Quand les Etats européens réunis à Venise en 1980 demandaient le droit à l’autodétermination des Palestiniens et à un dialogue avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), ils ne faisaient pas preuve d’équilibre. Quand Jacques Chirac s’indignait, lors de sa fameuse visite à Jérusalem en 1996, du comportement des troupes d’occupation, il ne faisait pas preuve d’équilibre.

Cette notion d’équilibre est souvent mise en avant par les médias, mais il est curieux qu’elle ne le soit que pour le conflit israélo-palestinien : ni sur l’Ukraine, ni sur la Syrie, ni sur la plupart des autres crises, les journalistes n’invoquent l’équilibre ; pourquoi le font-ils seulement sur la Palestine ? Rappelons que le rôle des journalistes n’est pas d’être équilibrés, mais d’expliquer les faits, d’expliquer les réalités (lire l’excellent article de Marwan Bishara, « De la responsabilité des journalistes, des médias et de la Palestine », Infopalestine, 9 juillet). Pour reprendre, en la changeant, une formule célèbre, l’objectivité ce n’est pas « cinq minutes pour les Noirs d’Afrique du Sud, cinq minutes pour le régime de l’apartheid ».

Revenons aux déclarations françaises. Si elles s’inscrivent dans la continuité de celles que faisait naguère Nicolas Sarkozy, elles sont en rupture avec un demi-siècle de diplomatie menée par Paris. On a assisté depuis dix ans, dans le plus grand silence, à un virage de la diplomatie française. Entamé à la fin du mandat de Jacques Chirac, il a été accentué par Nicolas Sarkozy et par François Hollande. Et il touche tous les domaines, pas seulement le conflit israélo-palestinien. Il s’est accompagné d’un effacement de la place de la France, qui ne fait plus entendre de voix singulière, si ce n’est, parfois, pour critiquer, « sur leur droite », les Etats-Unis.

Comment définir ce virage ? Certes, Paris n’est pas porteur d’une doctrine totalement élaborée (pas plus, d’ailleurs, que ne l’est le néoconservatisme américain) et des nuances existent entre tel ou tel responsable. D’autre part, cette rupture discrète avec un demi-siècle de diplomatie française (1958-2003) doit tenir compte des contraintes politiques, notamment d’une opinion publique peu sensible aux sirènes de la droite américaine.

Fondamentalement, les responsables français refusent l’idée que le monde serait devenu moins dangereux depuis la fin de la guerre froide. Au contraire. Le terrorisme et l’islamisme menaceraient nos pays, les fondements de la civilisation occidentale, et nous serions engagés dans une « guerre contre le terrorisme » de longue durée. Et ces périls sont accentués par la montée en puissance de pays qui ne partagent pas nos valeurs et qui n’acceptent pas l’ordre international occidental, l’Iran d’abord, mais aussi la Russie et la Chine.

Cette analyse repose en particulier sur la conviction que la France appartient au monde occidental, par opposition notamment au monde islamique. Et le terrorisme représente une menace d’autant plus grave qu’il est relayé par un ennemi intérieur clairement identifié, des musulmans qui se radicalisent — les autorités surfent ainsi sur l’islamophobie dominante, au risque, une fois de plus, de renforcer le Front national.

Cette ligne s’est affirmée avec plus de force depuis l’élection du président Barack Obama, qui a tenté de tirer quelques leçons des désastres enclenchés par son prédécesseur, George W. Bush, en Irak et en Afghanistan. Depuis, la France ne rate pas une occasion de critiquer le manque de fermeté de Barack Obama, que ce soit sur le dossier du nucléaire iranien ou sur l’intervention militaire en Syrie, tout en lui laissant le champ libre pour mener des négociations sur la Palestine (sujet sur lequel Paris sait qu’il ne fera aucune pression sérieuse sur Israël).

Une chose est rassurante : les capacités de nuisance de la France sont limitées. Et si les Etats-Unis décident, par exemple, de signer un accord avec l’Iran, ils ne demanderont pas la permission de Paris. S’ils décident de ne pas intervenir en Syrie, la France est impuissante. Jadis, la position singulière de la France était son meilleur atout ; ce n’est plus le cas aujourd’hui.

L’admiration pour Israël est un autre des piliers de cette diplomatie française. Il ne s’agit pas simplement de philosémitisme, mais d’appui à un pays supposé être à l’avant-garde de la lutte contre le radicalisme islamiste, une pointe avancée de l’Occident. C’était d’ailleurs l’idée centrale de Theodor Herzl, fondateur du sionisme politique, lequel voyait dans l’Etat juif qu’il préconisait un bastion européen face à la « barbarie asiatique ». J’ai rappelé ailleurs la solidarité surprenante de l’Afrique du Sud de l’apartheid — dirigée entre 1948 et 1991 par un parti dont les fondements antisémites étaient avérés — avec Israël : les dirigeants de Pretoria considéraient les Israéliens comme des colons qu’ils admiraient, non comme des juifs qu’ils méprisaient [1]. Cela se confirme aujourd’hui, alors que la plupart des grandes forces politiques européennes d’extrême droite ont rangé l’antisémitisme au magasin des accessoires périmés et l’ont remplacé par une islamophobie militante ainsi qu’une solidarité inconditionnelle avec Israël.

Cette inflexion entraîne, sur ce conflit, une « indignation sélective de François Hollande », comme l’écrit Armine Arefi sur le site du Point (11 juillet), ou comme en témoignent les visites de l’ambassadeur de France dans le sud d’Israël pour rassurer nos compatriotes qui s’y trouvent — le même ambassadeur qui avait salué « l’engagement courageux » de jeunes Français dans l’armée israélienne.

Notons enfin la prise de pouvoir, au sein des instances de l’Etat, d’une nouvelle génération de cinquantenaires qui impulsent ce virage politique : le futur conseiller diplomatique de Hollande, le chef de cabinet de Fabius, le représentant de la France aux Nations unies, le directeur des affaires stratégiques du ministère de la défense. Ni de droite ni de gauche, admiratifs des Etats-Unis, partisans des interventions militaires et de l’OTAN, obsédés par la « guerre contre le terrorisme » et contre l’islam, grands admirateurs d’Israël, ils s’incrustent au cœur de l’appareil d’Etat et garantissent la continuité de la diplomatie française, quel que soit le parti au pouvoir.

Source Les blogs du diplo  15 juillet 2014,

Montpellier. Un milliers de personnes dans la rue pour l’arrêt des bombes

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Importante mobilisation montpelliéraine en soutien au peuple palestinien. Photo JMDH

Montpellier mobilisé. Après le nouveau raid Israélien provoquant la mort de 120 personnes hier, le Collectif Palestine 34 rassemble la société civile.

L’offensive israélienne se poursuivait samedi matin dans la bande de Gaza avec de nouveaux raids, provoquant la mort de plus de 120 Palestiniens en cinq jours d’une opération visant, selon Israël à stopper les tirs de roquettes depuis l’enclave.

L’analyse politique du Collectif Palestine 34 qui appelait à manifester hier dans les rues de Montpellier est tout autre. « Le scénario est connu : chaque fois que l’Etat d’Israël se trouve en difficulté sur le plan diplomatique, il multiplie les provocations et les exactions sur le terrain, et se lance dans des actes de guerre qu’il qualifie de représailles.»

Il semble bien y avoir un rapport de cause à effet entre la formation du gouvernement palestinien de réconciliation nationale le 2 juin dernier et sa reconnaissance par de nombreux pays dont Les Etats-Unis, l’UE et la France et l’action militaire d’Israël.

Devant la répression engagé contre le peuple Palestinien – Selon des sources officielles gazouies, les frappes de samedi ont notamment visé des mosquées et des habitations de responsables du Hamas sur l’ensemble du territoire. – le gouvernement français se contente de « dénoncer l’engrenage de la violence » appelant Tel-Aviv  « à la retenu ». Le millier de manifestants qui a défilé hier dans les rue de Montpellier a dénoncé cette passivité coupable au cris de « Israël assassin, Hollande complice.» Aux cotés des drapeaux palestiniens flottaient dans le cortège ceux du PCF, du Parti de Gauche et d’Europe Ecologie les Verts.

Peu avant le début du repos du shabbat, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a proclamé qu’Israël résisterait à toute ingérence internationale en vue d’un cessez-le-feu. « Aucune pression internationale ne nous empêchera de frapper les terroristes qui nous attaquent », a assuré M. Netanyahu. Dans un entretien téléphonique avec le Premier ministre israélien, Barack Obama a pourtant proposé sa médiation pour tenter de rétablir le calme, exprimant « sa crainte d’une escalade ».

Jeudi, lors d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU, le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon avait déjà appelé à un cessez-le-feu.

BsWaieHCEAEC9CDCe nouveau conflit est le plus meurtrier depuis l’opération « Pilier de Défense » en novembre 2012, qui visait déjà à faire cesser les tirs à partir de l’enclave palestinienne. Les tirs de part et d’autre avaient alors provoqué la mort de 177 Palestiniens et de six Israéliens. Selon l’armée israélienne, le Hamas et le Jihad islamique, un groupe radical allié, ont tiré en cinq jours environ 660 obus et roquettes ont été tirés, dont 140 ont été interceptés par le système de défense antimissiles Iron Dome.Les roquettes palestiniennes n’ont fait aucun mort, mais une dizaine de blessés.

La société civile occidentale demande l’arrêt immédiat des bombardements sur Gaza. Hier, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs capitales européennes. Pas moins de trente cinq rassemblements se sont tenues France.

« L’objectif de Netanyahu est de détruire l’union nationale, Israël va donc continuer son offensive, prédit un porte-parole du Collectif Palestine 34, mais le Fatha et le Hamas ont déclaré qu’ils maintiendraient leur union.» Le collectif appelle à une nouvelle manifestation nationale le 16 mai.

JMDH & AFP

Source : L’Hérault du Jour : 13/07/2014

NB :Cette manifestation était à l’initiative du Comité BDS France 34 était co-organisée par :  APLR, ATTAC, BDS france34, CCIPPP, CIMADE, CMF, ENSEMBLE ! LDH, Montpellier, MAN, MIB34,  MRAP, NPA, PG, SOLIDAIRES34, UJFP ,

Voir aussi : Rubrique Actualité Internationale, rubrique Moyen Orient  Israël, Palestine, rubrique Montpellier, rubrique Politique, Politique Internationale,

« Le but d’Israël vise à faire exploser l’union nationale »

Opération "Gardien de nos frères"

Opération « Gardiens de nos frères »

Mobilisation. Comme ailleurs en France, le Collectif Palestine 34 a appelé hier
sur la Place de Comédie à ce que cesse la barbarie en Cisjordanie.

Jusqu’où le gouvernement israélien veut-il aller ? La tension n’en finit plus de monter à la frontière entre la bande de Gaza et Israël. Suite à l’enlèvement le 12 juin de trois jeunes Israéliens dans le sud de la Cisjordanie occupée, l’armée israélienne a lancé une vaste opération pour les retrouver dans cet espace de plus en plus israélien et de moins en moins palestinien.

Sept palestiniens ont été tués par des soldats israéliens pendant cette opération. « Que dirions-nous ici des violences exercées si pour retrouver trois jeunes on en tuait sept en saccageant des habitations et en arrêtant 550 personnes?» interroge le président de AFPS 34 Ronert Kissous. En tant que membre du Collectif Palestine 34, il appelait hier ainsi qu’une quarantaine d’organisations au rassemblement qui s’est tenu sur la Comédie pour « que cesse la barbarie » et demander au gouvernement français « d’agir et pour dénoncer le silence assourdissant qui entoure ces exactions. »

Pour l’heure la France s’est contentée de condamner l’enlèvement des israéliens et de déplorer les morts palestiniens. Israël impute le rapt au Hamas, mais jusqu’ici aucun groupe ne l’a revendiqué. « La thèse d’Israël n’est pas sérieuse, indique Ronert Kissous, si le Hamas était à l’origine, il l’aurait revendiqué et demandé en échange la libération de prisonniers. Tous laisse à penser que l’opération de représailles était préparée et ne demandait qu’à être déclenchée. Je pense comme une partie de la presse israélienne que le but est politique. Il vise à faire exploser l’union nationale entre le Hamas et le Fatha. »

Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme s’est dit alarmé par la répression et les pertes de vie causées par l’opération Gardien de nos frères. Un porte-parole du Haut-Commissariat, a appelé « à des enquêtes rapides et exhaustives (…) dans les cas où il y a eu un usage excessif de la force ». Plusieurs centaines de manifestants arabes israéliens ont manifesté dans la localité d’Oum al-Faham dans le nord d’Israël pour protester contre ces mesures répressives, a indiqué la télévision publique israélienne. Selon la télévision, le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, chef d’Israël Beiteinu, un parti ultranationaliste, a accusé les manifestants d’avoir exprimé leur soutien à l’enlèvement des trois jeunes Israéliens et proposé qu’ils soient traités « comme des terroristes ».

JMDH & AFP

Source : L’Hérault du Jour : 29/06/2014

Voir aussi : Rubrique Israël, rubrique Palestine,

 

Le boycott des universités israéliennes qui indigne les Etats-Unis

n « mur d’Apartheid » dressé par les Etudiants pour la justice en Palestine, sur le campus de Berkeley, en Californie, le 9 avril 2004 (Rahimian /SIPA)

n « mur d’Apartheid » dressé par les Etudiants pour la justice en Palestine, sur le campus de Berkeley, en Californie, le 9 avril 2004 (Rahimian /SIPA)

La décision de l’American Studies Association (ASA) de soutenir le boycott contre les institutions académiques israéliennes suscite indignation et polémique dans l’enseignement supérieur américain et chez les politiques, alors que son influence reste très limitée sur les campus.

En décembre dernier, l’association « la plus large et la plus ancienne dévouée aux études interdisciplinaires de la culture et de l’histoire américaine » a répondu favorablement à l’appel de l’USACBI – qui se définit comme une campagne américaine de boycott des institutions académiques et culturelles d’Israel –, en s’associant au mouvement « Boycott, Désinvestissement et Sanctions » (BDS).

Le BDS est un mouvement international qui s’inspire à la fois de la campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël (PACBI) lancée par des intellectuels et universitaires palestiniens à Ramallah en 2004, et des mouvements de boycott sud-africains contre l’Apartheid.

La résolution de l’ASA, « essentiellement symbolique » – puisque l’organisation n’a pas les compétences pour l’appliquer – vise à « protester contre l’occupation illégale de la Palestine, les violations du droit à l’éducation des étudiants palestiniens, et la liberté des universitaires et des étudiants de la Cisjordanie, de Gaza et des Palestiniens d’Israël. »

Sanctionner les activités académiques et culturelles d’Israël – des institutions et non pas des individus – c’est aussi, selon l’association, mettre en avant le rôle des Etats-Unis dans la facilitation de « l’occupation israélienne de la Palestine ».

Les facs prestigieuses soutiennent Israël

Le BDS a eu jusqu’ici très peu d’échos aux Etats-Unis. Cette prise de position « éthique » et minoritaire dans le champ académique américain (l’association regroupe 5000 professeurs) a suscité dans le pays une vague d’indignation « rapide » et « frappante ». En quelques jours, l’ASA est passée « d’une relative obscurité à la proéminence en tant que paria de l’establishment de l’enseignement supérieur aux Etats-Unis ».

L’association américaine des professeurs d’université (AAUP), forte de 48 000 membres, a réitéré sa condamnation initialement formulée en 2005 contre le boycott des universités israéliennes, suivi par l’Association des universités américaines et du Conseil américain de l’Education.

Au mois de décembre, de nombreuses universités, parmi les plus prestigieuses du pays – Johns Hopkins, Harvard, Yale, Cornell, Princeton, Boston university, ainsi que les Universités de Pennsylvanie, du Connecticut et du Texas – ont officiellement condamné le boycott. Certaines ont d’ailleurs des programmes d’échanges avec des facs israéliennes.

150 présidents d’universités ont également réaffirmé leur soutien à Israël et leur condamnation de l’ASA, allant parfois jusqu’a se retirer de l’association, sans la consultation du corps enseignant ou administratif.

Des « effets antisémites »

Les critiques des universitaires défendent d’abord « la liberté d’enseignement » et critiquent le « double standard » appliqué à Israël. Pourquoi s’attaquer à « l’unique démocratie du Moyen-Orient » quand d’autres pays violent quotidiennement les droits civiques de leurs citoyens ?

Certains citent Mahmoud Abbas, le président de l’autorité palestinienne, qui s’est prononcé en décembre contre le Boycott israélien – mais celui des produits cultivés par les Israéliens dans les territoires occupés.

Les réactions les plus violentes ont été entendues sur les plateaux télés à l’instar de Larry Summers, ancien président de Harvard qui a appelé à la télévision au boycott de l’ASA, à une action punitive contre ses professeurs en évoquant « les effets antisémites voire les intentions » de cette prise de position de l’association.

Abraham Foxman, directeur la ligue antidifamation, a caractérisé ce vote
d’« attaque honteuse, immorale et intellectuellement malhonnête sur la liberté académique ».

Une transgression du premier amendement

La controverse est allée jusqu’à la Chambre des Représentants, qui a proposé en janvier une loi bipartisane – « The Protect Academic Freedom Act » – visant à supprimer toutes les subventions publiques d’une institution qui soutiendrait le boycott d’Israël.

« Cette réponse explicite » à la position prise par l’ASA a suscité un flot de critiques, notamment une transgression du premier amendement, comme l’explique Michelle Goldberg dans le The Nation :

« Mais si le boycott de l’ASA peut enfreindre la liberté d’enseignement, la loi antiboycott l’enfreint pour de bon. C’est l’Etat [de New York] qui punit des professeurs pour leur prise de position. Ce qui est totalement anticonstitutionnel. »

La proposition est passée haut la main devant le Sénat fin janvier, avant d’être retirée du jour au lendemain de l’agenda parlementaire, pour éviter davantage de polémiques.

Un boycott pour faire parler des Palestiniens

L’indignation suscitée par la prise de position de l’ASA a permis aux cercles universitaires, politiques et même médiatiques de réaffirmer leur soutien à l’état juif, via le « principe de liberté d’enseignement ».

Et « sans qu’aucune mention n’ait jamais été faite sur le sort des Palestiniens » souligne Colin Dayan, l’une des rares professeurs juives américaines à s’être publiquement prononcée pour le BDS, soulignait fin décembre dans Aljazeera America :

« Les débats inspirés par le soutien académique du BDS contre les universités israéliennes permettent à toutes sortes de gens de voir ce qui est caché, de parler collectivement et librement, à des jeunes et des plus âgés, titulaires ou non, pour et contre le boycott.

La liberté d’être en accord ou en désaccord, la collision et le conflit nécessaires à la pensée critique, c’est ce qui compte. »

L’ASA, désormais « excommuniée [virtuellement] de la communauté bien-pensante des chercheurs américains », n’aura aucune incidence pratique sur l’évolution des relations entre universités israéliennes et américaines.

Mais d’après Colin Dayan, elle aura eu le mérite de faire parler du BDS dans les médias américains, où « la censure est omniprésente » :

« En Israël et aux Etats-Unis, la menace contre ceux qui débattent, ou même ceux qui posent des questions les droits humains et politiques des Palestiniens reste bien une réalité.

Nulle part dans la vague d’éditoriaux contre l’ASA et le mouvement de boycott palestinien, leur réalité n’a été discutée. Nulle part ailleurs, les effets néfastes de deux générations d’occupation n’ont été mentionnés. »

Construire des « murs d’Apartheid »

Le BDS est un mouvement aujourd’hui encore très limitée parmi la jeunesse américaine, et essentiellement promu par des associations, des professeurs et des départements universitaires.

La principale organisation étudiante de soutien au BDS est « Students for Justice in Palestine » (SJP) qui, depuis le début des années 2000 aurait, selon Aljazeera America, « a gagné un terrain considérable, attirant l’attention et la préoccupation des organisations sionistes et des groupes de défense des droits d’Israël. »

Né à Berkeley en Californie en 2001, le mouvement « travaille en solidarité avec le peuple palestinien et soutient son droit à l’autodétermination ». Les mêmes buts que ceux défendus par le BDS, mais « dans la non-violence » :

  • la fin de l’occupation et de la colonisation par Israël de toutes les terres arabes et le démantèlement du mur ;
  • la reconnaissance des droits fondamentaux des citoyens arabes palestiniens d’Israël ;
  • le respect, la protection et la promotion des droits des Palestiniens réfugiés de retourner dans leurs propriétés comme le stipule la résolution 194 de l’ONU.

Selon la Ligue antidiffamation (ADL) qui le classe dans sa liste des 10 principaux groupes antiIsraël aux Etats-Unis [PDF] le SJP aurait des branches dans près de 80 universités aux Etats-Unis, dont Columbia, NYU, University of Washington, Florida, Boston, Chicago, Rutgers (New Jersey), ou encore Yale.

A côté des conférences et des activités de sensibilisation au conflit israélo-palestinien, leurs méthodes d’action consistent à placarder les couloirs des campus de notices d’éviction, construire des « murs d’Apartheid » devant les universités ou encore des faux checkpoints.

Marie Rousseau

Source Le Nouvel Observateur 11/03/2014

Voir aussi : Rubrique Israël, rubrique Palestine, rubrique USA, rubrique Education,

Coup d’envoi du 35e Cinemed à Montpellier

Soirée d’ouverture. Un court métrage palestinien suivi de la projection en avant-première du film « Suzanne » de Katell Quillévéré.

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Coup d’envoi du 35e Cinemed ce soir au Corum avec Marisa Paredes en maîtresse de cérémonie. Un marathon de neuf jours très suivi par le public montpelliérain. Vous retrouverez nos coups de coeur ainsi que toute l’actualité du festival dans nos colonnes.
Deux films sont programmés ce soir. Le court métrage Condom Lead (préservatif de plomb) des frères jumeaux palestiniens vivant à Gaza, Arab et Tarzan Nasser, fait écho à l’opération militaire « Plomb durci ». Il nous plonge dans le quotidien d’une famille palestinienne en prenant non sans humour à contre- pied le slogan anti-guerre « Faites l’amour pas la guerre » pour évoquer les difficultés à s’aimer sous les bombes. Ce court métrage a été sélectionné en compétition au Festival de Cannes. Leur projet de long métrage, Casting, concourt cette année pour la Bourse d’aide au développement. En seconde partie de soirée, on découvrira en avant-première le deuxième long métrage de Katell Quillévéré Suzanne en présence de l’équipe. Le film retrace le récit de vie sensible d’une femme enfant (Sarah Forestier) cherchant à s’arracher à son modeste destin.

 

Marisa Paredes, la muse de Pedro Almadovar

Marisa Paredes, la muse de Pedro Almodovar

Cinemed rend hommage cette année à la grande actrice et comédienne madrilène Marisa Paredes qui occupe une place emblématique dans la culture espagnole depuis les années 60. A son propos, le président du festival Henri Talvat évoque à juste titre un caractère rebelle qui s’est forgé dans la résistance affirmée au franquisme et s’est libéré en plein coeur de la Movida. Personnalité sensible et forte tout à la fois, il émane de cette grande comédienne une grâce naturelle qui fait l’étoffe des stars mais la part d’ombre qui a jalonné son parcours en fait aussi une femme engagée.

Le public français la découvre dans Talons aiguilles (Tacones lejanos), dans un rôle de mère indigne, capricieuse, et finalement sincèrement repentante. Pedro Almodovar lui offre ses plus beaux rôles, comme dans le peu connu La Fleur de mon secret (La Flor de mi secreto) et Tout sur ma mère (Todo sobre mi madre).

La Fleur de mon secret sera projeté demain à 19h au Corum. Un film charnière dans la carrière d’Almodovar où Marisa Parades joue le rôle de Leo. Un auteur qui écrit des romans à l’eau de rose sous le pseudonyme d’Amanda Gris  mais  n’arrive plus à décrire les bons sentiments et ses ouvrages sont de plus en plus noirs. « C’est une histoire qui touchait intimement Pedro. Il devait le faire à ce moment-là. Pourtant, à cette époque, les spectateurs habituels du réalisateur auraient aimé qu’il fasse autre chose (…). Quand est sorti La Fleur de mon secret, le film leur a paru trop dur et désespéré. Pour moi, c’était une responsabilité énorme et aussi un plaisir immense, justement parce que je savais ce qu’il y avait derrière. Je le pressentais, même s’il ne m’en parlait pas explicitement », confiait l’actrice au Festival du cinéma espagnol de Nantes. Montpellier l’attend avec impatience.

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Violence et passion. de Luchino Visconti

Considéré comme l’œuvre testamentaire de Luchino Visconti, Violence et Passion (1974) est un huis clos sombre et raffiné dans lequel Burt Lancaster endosse le rôle d’un professeur vieillissant,  évoluant dans l’ambiance feutrée d’un appartement cossu de Rome. Rien ne semble pouvoir changer jusqu’à son dernier souffle, jusqu’au jour où s’incruste dans son salon la marquise Brumonti (interprétée par Silvana Mangano), l’épouse d’un riche industriel (que l’on suppose fasciste), qui cherche à tout prix à lui louer l’appartement de l’étage supérieur. Très réticent, le professeur finit par capituler et laisse le désordre prendre le dessus sur sa vie qui semblait vouée au silence, à la discrétion et aux regrets du temps passé. Impuissant, il voit se reconstituer autour de lui une famille dont l’arrogance et l’impertinence le dépassent.

Hommage Agusti Villaronga

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L’hommage rendu au réalisateur espagnol Agusti Villaronga s’articule logiquement avec celui que le Cinemed rend à Marisa Paredes. Né à Majorque, le réalisateur partage des convictions profondes avec la comédienne madrilène, liées à l’après-guerre franquiste. C’est en outre dans le premier long métrage d’Agusti, le film culte et abrupte Prison de Cristal (1987) que Marisa  trouve le grand rôle qu’elle attendait pour révéler la puissance de son interprétation dramatique. Villaronga mène de front une carrière d’acteur et de réalisateur. Ces films emprunts de réalisme et de poésie installent une atmosphère particulière dont il ressort une beauté sombre. En 2011, il a remporté le Prix Goya du meilleur réalisateur et du meilleur scénario adapté pour son film Pa negre. Le 27, à 19h, il présentera son film  El Mar, un témoignage poignant sur la guerre civile. On retrouvera la force du propos de Villaronga lundi 28 oct à l’occasion d’une table ronde à 17h au Corum.

Le film du Dimanche Médée à 21h30 Opéra Berlioz

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 Sincère Pasolini

Le Cinemed tire un excellent parti des chefs d’oeuvres du cinéma trouvant une nouvelle vie après restauration. Il dévoile dimanche La Médée de Pasolini. En 1970, Pasolini s’empare de la trame d’Euripide pour restituer une adaptation toute personnelle. Pasolini donne à Médée le visage de Maria Callas, celui d’un souvenir, et motive son choix par : « les archétypes qui hantent l’âme de Maria Callas.» A sa sortie, le film (son 13e) n’a pas déçu les amateurs de tragédie. La sincérité de l’interprétation, la vérité de l’expression, sa force, sont renversants d’authenticité. En toile de fond se dessine le conflit culturel opposant Médée à Jason. Le réalisateur poète opère une transposition de lieux; de la Grèce antique il déplace le drame en Syrie et en Turquie où sa caméra capte les peuples et traditions ancestrales, au-delà de l’apparence onirique,  la démarche est celle d’un documentariste.

Jean-Marie Dinh

Source : L’Hérault du Jour La Marseillaise 25/10/2013

Voir aussi : Rubrique CinémaArchives Cinemed, Journée du scénario. Du rêve à la réalité du cinéma, Rencontres professionnelles, rubrique Festival, rubrique Montpellier, rubrique Méditerranée, rubrique Espagne, Sont-ils intouchables les héritiers du franquisme ?, Rubrique Italie, Portrait d’Italie, On Line Cinemed site officiel 2013,