Coup d’envoi du 35e Cinemed à Montpellier

Soirée d’ouverture. Un court métrage palestinien suivi de la projection en avant-première du film « Suzanne » de Katell Quillévéré.

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Coup d’envoi du 35e Cinemed ce soir au Corum avec Marisa Paredes en maîtresse de cérémonie. Un marathon de neuf jours très suivi par le public montpelliérain. Vous retrouverez nos coups de coeur ainsi que toute l’actualité du festival dans nos colonnes.
Deux films sont programmés ce soir. Le court métrage Condom Lead (préservatif de plomb) des frères jumeaux palestiniens vivant à Gaza, Arab et Tarzan Nasser, fait écho à l’opération militaire « Plomb durci ». Il nous plonge dans le quotidien d’une famille palestinienne en prenant non sans humour à contre- pied le slogan anti-guerre « Faites l’amour pas la guerre » pour évoquer les difficultés à s’aimer sous les bombes. Ce court métrage a été sélectionné en compétition au Festival de Cannes. Leur projet de long métrage, Casting, concourt cette année pour la Bourse d’aide au développement. En seconde partie de soirée, on découvrira en avant-première le deuxième long métrage de Katell Quillévéré Suzanne en présence de l’équipe. Le film retrace le récit de vie sensible d’une femme enfant (Sarah Forestier) cherchant à s’arracher à son modeste destin.

 

Marisa Paredes, la muse de Pedro Almadovar

Marisa Paredes, la muse de Pedro Almodovar

Cinemed rend hommage cette année à la grande actrice et comédienne madrilène Marisa Paredes qui occupe une place emblématique dans la culture espagnole depuis les années 60. A son propos, le président du festival Henri Talvat évoque à juste titre un caractère rebelle qui s’est forgé dans la résistance affirmée au franquisme et s’est libéré en plein coeur de la Movida. Personnalité sensible et forte tout à la fois, il émane de cette grande comédienne une grâce naturelle qui fait l’étoffe des stars mais la part d’ombre qui a jalonné son parcours en fait aussi une femme engagée.

Le public français la découvre dans Talons aiguilles (Tacones lejanos), dans un rôle de mère indigne, capricieuse, et finalement sincèrement repentante. Pedro Almodovar lui offre ses plus beaux rôles, comme dans le peu connu La Fleur de mon secret (La Flor de mi secreto) et Tout sur ma mère (Todo sobre mi madre).

La Fleur de mon secret sera projeté demain à 19h au Corum. Un film charnière dans la carrière d’Almodovar où Marisa Parades joue le rôle de Leo. Un auteur qui écrit des romans à l’eau de rose sous le pseudonyme d’Amanda Gris  mais  n’arrive plus à décrire les bons sentiments et ses ouvrages sont de plus en plus noirs. « C’est une histoire qui touchait intimement Pedro. Il devait le faire à ce moment-là. Pourtant, à cette époque, les spectateurs habituels du réalisateur auraient aimé qu’il fasse autre chose (…). Quand est sorti La Fleur de mon secret, le film leur a paru trop dur et désespéré. Pour moi, c’était une responsabilité énorme et aussi un plaisir immense, justement parce que je savais ce qu’il y avait derrière. Je le pressentais, même s’il ne m’en parlait pas explicitement », confiait l’actrice au Festival du cinéma espagnol de Nantes. Montpellier l’attend avec impatience.

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Violence et passion. de Luchino Visconti

Considéré comme l’œuvre testamentaire de Luchino Visconti, Violence et Passion (1974) est un huis clos sombre et raffiné dans lequel Burt Lancaster endosse le rôle d’un professeur vieillissant,  évoluant dans l’ambiance feutrée d’un appartement cossu de Rome. Rien ne semble pouvoir changer jusqu’à son dernier souffle, jusqu’au jour où s’incruste dans son salon la marquise Brumonti (interprétée par Silvana Mangano), l’épouse d’un riche industriel (que l’on suppose fasciste), qui cherche à tout prix à lui louer l’appartement de l’étage supérieur. Très réticent, le professeur finit par capituler et laisse le désordre prendre le dessus sur sa vie qui semblait vouée au silence, à la discrétion et aux regrets du temps passé. Impuissant, il voit se reconstituer autour de lui une famille dont l’arrogance et l’impertinence le dépassent.

Hommage Agusti Villaronga

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L’hommage rendu au réalisateur espagnol Agusti Villaronga s’articule logiquement avec celui que le Cinemed rend à Marisa Paredes. Né à Majorque, le réalisateur partage des convictions profondes avec la comédienne madrilène, liées à l’après-guerre franquiste. C’est en outre dans le premier long métrage d’Agusti, le film culte et abrupte Prison de Cristal (1987) que Marisa  trouve le grand rôle qu’elle attendait pour révéler la puissance de son interprétation dramatique. Villaronga mène de front une carrière d’acteur et de réalisateur. Ces films emprunts de réalisme et de poésie installent une atmosphère particulière dont il ressort une beauté sombre. En 2011, il a remporté le Prix Goya du meilleur réalisateur et du meilleur scénario adapté pour son film Pa negre. Le 27, à 19h, il présentera son film  El Mar, un témoignage poignant sur la guerre civile. On retrouvera la force du propos de Villaronga lundi 28 oct à l’occasion d’une table ronde à 17h au Corum.

Le film du Dimanche Médée à 21h30 Opéra Berlioz

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 Sincère Pasolini

Le Cinemed tire un excellent parti des chefs d’oeuvres du cinéma trouvant une nouvelle vie après restauration. Il dévoile dimanche La Médée de Pasolini. En 1970, Pasolini s’empare de la trame d’Euripide pour restituer une adaptation toute personnelle. Pasolini donne à Médée le visage de Maria Callas, celui d’un souvenir, et motive son choix par : « les archétypes qui hantent l’âme de Maria Callas.» A sa sortie, le film (son 13e) n’a pas déçu les amateurs de tragédie. La sincérité de l’interprétation, la vérité de l’expression, sa force, sont renversants d’authenticité. En toile de fond se dessine le conflit culturel opposant Médée à Jason. Le réalisateur poète opère une transposition de lieux; de la Grèce antique il déplace le drame en Syrie et en Turquie où sa caméra capte les peuples et traditions ancestrales, au-delà de l’apparence onirique,  la démarche est celle d’un documentariste.

Jean-Marie Dinh

Source : L’Hérault du Jour La Marseillaise 25/10/2013

Voir aussi : Rubrique CinémaArchives Cinemed, Journée du scénario. Du rêve à la réalité du cinéma, Rencontres professionnelles, rubrique Festival, rubrique Montpellier, rubrique Méditerranée, rubrique Espagne, Sont-ils intouchables les héritiers du franquisme ?, Rubrique Italie, Portrait d’Italie, On Line Cinemed site officiel 2013,

Soutien à Baltasar Garzon

 

Le juge Baltasar Carzon

L’association pour le souvenir de l’exil républicain espagnol était samedi dernier sur la Comédie en soutien au juge Baltasar Garzon en lutte contre le franquisme.

Tenace figure du droit international, le juge Baltasar Garzon est à l’origine de l’arrestation d’Augusto Pinochet. Il occupe depuis 22 ans l’Audience nationale, la plus haute instance pénale d’Espagne et s’apprête à faire ses cartons. Ses pairs du Conseil général du pouvoir judiciaire (CGPJ), l’équivalent espagnol du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), devraient le suspendre de ses fonctions.

Le juge est poursuivi pour prévarication. C’est-à-dire pour avoir manqué au devoir induit par ses fonctions après avoir enquêter à la demande des familles des victimes en 2008, et voulu ouvrir une instruction contre le franquisme et ses crimes contre l’humanité. La plainte de trois associations d’extrême droite, dont la Phalange espagnole, a été suivie. Elle accuse le juge Garzon d’avoir monté  » un artifice juridique «  en requalifiant en crimes contre l’humanité, donc imprescriptibles, les disparitions forcées.

L’affaire ravive de part et d’autre des Pyrénées la mémoire d’une guerre jamais cicatrisée.  » Une condamnation serait une nouvelle victoire de Franco « , s’est ému le cinéaste Pedro Almodovar le 13 avril, lors d’une mobilisation à Madrid.

A Montpellier L’ASEREF, reprend le flambeau.  »  Ce qui se passe est important pour l’avenir de l’Espagne et de l’UE. Les conditions économiques de crise favorisent les desseins totalitaires, comme on le voit en France avec le FN. On s’aperçoit par ailleurs que les franquistes tiennent toujours les rouages de la justice en Espagne, s’indignait hier le porte-parole de l’association Éloi Martinez, Au- delà de la mémoire l’heure est toujours à la définition de la démocratie.  » Le gouvernement social démocrate qui s’en remet pour l’heure à la justice ne prend pas parti.  » Nous les enfants et les petits enfants des 150  000 disparus dans les fosses communes, on n’a jamais signé la loi d’amnistie des crimes signée en 1977. J’ai le droit de savoir où est mon oncle… « 

Jean-Marie Dinh

Voir Aussi : le communiqué d’Amnistie International, rubrique Espagne, Garzon proposé pour le Nobel de la paix, rubrique rencontre avec Georges Semprun, rubrique livre, Orwell un cran à gauche, mémoire combattante en région sud, crime franquiste, rubrique Politique, Sont-ils intouchables les héritiers du franquisme ! Sarkozy discours de Latran, le corpus nationaliste du président,

« La crise implique de réinventer la démocratie »

Hier, Jorge Semprun  a captivé la salle Pasteur du Corum. PHOTO DAVID MAUGENDRE

Jorge Semprun grand témoin de la Comédie du livre 2009. Photo David Maugendre

Grandes Rencontres. Rescapé de Buchenwald, résistant, ministre de la Culture espagnole, écrivain, scénariste et académicien, Jorge Semprun est un grand témoin du XXe siècle.

Le contexte du roman éclaire une période assez méconnue, ici, de l’histoire espagnole qui concerne les oppositions monarchique et socialiste au Franquisme.

Après la persécution de l’opposition communiste écrasée, comme les anarchistes, par la répression postérieure à la guerre civile, il y a eu un vide assez long qui marque le revers de l’opposition. En 1956, elle trouve une nouvelle visibilité. Avec la jeune génération d’étudiants émerge une tendance qui est devenu importante. Certains membres sont encore actifs dans la politique aujourd’hui. Ce mouvement a refondé la social-démocratie en Espagne à travers un groupe qui s’appelait l’association Sasu, une association socialiste universitaire. C’était une première, parce qu’avant 1956 l’engagement socialiste était une activité d’exil basée à Toulouse, très figée dans ses positions liées à la guerre civile. 56 est le commencement d’un renouveau socialiste à l’origine de la social- démocratie en Espagne.

La contestation étudiante a pourtant été résorbée assez rapidement …

En tant que mouvement politique immédiat oui, mais cette contestation a produit des effets durables. Dans le sens où l’Espagne franquiste s’est habituée peu à peu à avoir une opposition avec des gens qui n’étaient pas forcément issus uniquement des vieux partis de la classe ouvrière de la guerre civile mais d’une nouvelle opposition qui pouvait être aussi bien inspirée par l’idée d’une monarchie parlementaire, que celle d’une république parlementaire. Bref une opposition libérale.
Une des grandes révélations de 56, c’est quand la presse a donné les noms des personnes arrêtées à ce moment-là, toutes issues de familles du régime. On s’est rendu compte alors que la contestation avait gagné le milieu des forces sociales du Franquisme.

Aujourd’hui estimez-vous que l’on en a fini avec l’histoire politique du Franquisme ?

Non, nous n’en avons pas fini dans la mesure où les répercussions de la longue domination franquiste ne sont pas seulement dictatoriales mais relèvent aussi d’une domination de la culture des mœurs, des habitudes. Aujourd’hui, à travers la question de la mémoire historique, on pose des problèmes qui sont liés au dépassement et à la compréhension du franquisme.
D’ailleurs le succès des livres espagnols qui portent sur la guerre civile ou sur les problèmes de la transition comme le livre de Javier Cercas Les soldats de Salamine ou encore le dernier livre qu’il a écrit sur la tentative de putsch du 23 février 1981 sont des ouvrages qui ont une énorme répercussion.

La transition vers la démocratie s’exprime par une effervescence artistique que l’on retrouve dans le cinéma et la littérature. Quel regard portez-vous sur cette période de la Movida ?

Un regard à la fois attendri et intéressé. Ce fut un moment d’éclatement dans tous les sens du terme, de liberté et d’exubérance qui arrivait après l’immobilisme. Il y a ce passage significatif : le parti unique franquiste s’appelait El Movimiento (le mouvement), et on est passé à la Movida. Les deux termes portent sur le mouvement, celui de Franco c’était l’immobilisme et la Movida exprimait une forme de renouveau, parfois caricatural, il ne faut pas se leurrer, mais qui a gagné par son esprit anarchique et libertaire toute la société espagnole. Aujourd’hui la jeunesse la plus extrême ne s’exprime plus de cette façon là. Mais la Movida reste un phénomène historique.

Aujourd’hui, on ressent une forme de désillusion qui s’exprime dans la sensibilité collective comme dans l’œuvre de certains écrivains…

Je crois que cela se produit dans tous les mouvements de ce type. On l’a vu en France avec les journaux de la résistance. A l’époque, l’entête du journal Combat était De la résistance à la révolution, et bien il n’y a pas eu de révolution. Donc on peut théoriser sur la désillusion qui exprime le retour au triste réel. Tous les grands mouvements qui signent la fin d’une époque dictatoriale de gauche ou de droite l’ont connue parce que la réalité ne correspond jamais aux rêves ou aux utopies de la lutte précédente. Mais l’Espagne a quand même réussi à créer la base d’une démocratie solide.

Vous qui êtes un partisan de la lucidité, comment regardez-vous la crise du système démocratique que nous traversons ?

C’est une crise de la démocratie représentative. C’est une crise des institutions, une crise des idées qui ne touche pas seulement l’Espagne mais l’ensemble de l’Europe. C’est un recul d’une conception de gauche active au sein de la démocratie. Cela touche profondément tout le système de représentation parlementaire à travers l’abstention massive, le manque d’utopie pour l’avenir et même d’utopie pratique. C’est vraiment une crise générale aggravée et multipliée par la crise économique. Nous sommes arrivés à un moment où il faut repenser, refonder, certains disent, réinventer la démocratie.

Le rescapé des totalitarismes nazi et stalinien que vous êtes y voit-il un danger ?

Dans les années 30, face à l’extension du totalitarisme nazi ou soviétique, le système démocratique était déprécié et attaqué de toute part. Aujourd’hui, la situation n’est pas vraiment comparable parce que nous sommes face à la montée de la mondialisation. C’est en quelque sorte une crise interne au système qui est basé sur le marché. Le danger vient de l’intérieur. Il faut réinventer, et ce n’est pas une tache facile pour les démocrates. C’est beaucoup plus difficile à repérer, à isoler, à analyser et à combattre. C’est une espèce de nouvelle maladie contre laquelle le vaccin n’a pas encore été trouvé.


Recueilli par Jean-Marie Dinh