Conduit par la compagnie Sin, le Chap’au théâtre est un espace nomade dédié à la diffusion d’écritures contemporaines. On les a vus donner du Edward Bond en milieu rural, voilà désormais qu’ils font étape au Petit Bard pour recueillir le témoignage des habitants et le restituer artistiquement. Avec la Cie Les Boucans, ils profitent de leur passage pour ouvrir les écoutilles des enfants du quartier à l’art de la scène, et aussi pour nourrir leur propre pratique artistique. C’est une escale de longue durée prévue pour deux ans s’ils parviennent à boucler le budget du projet qui a été entamé par les restrictions budgétaires.
Entre temps, ils repartiront ailleurs, en Palestine où ils se sont déjà rendus à six reprises depuis 2002 pour exercer le même type d’opération dans un autre cadre. Mais pour l’heure, ils sont ici. Depuis six mois, sur ce territoire autour de la ville et sous sa dépendance, ils vont à la rencontre des habitants, sans tenir compte des représentations stigmatisantes. Ils s’intègrent. L’automne dernier, on les a vus au Forum social des quartiers, ils sont aussi allés à la rencontre des familles qui occupaient la Maison pour Tous. Ils sont même venus dans les immeubles faire du porte à porte. Leur discours n’est pas politique. Ce qui les intéresse c’est qu’on leur raconte l’histoire de ce qui se vit ici. Alors petit à petit un rapport de confiance s’instaure et les langues se délient.
Cette opération est singulière dans sa démarche. Elle permet un rapport de proximité des acteurs de la culture avec la population intouchable pour une partie par les structures sociales et culturelles œuvrant sur le terrain à l’année. Il n’y a pas pour autant d’opposition ou de concurrence avec le secteur socio-éducatif mais complémentarité d’approche. L’action du Chap’au Théâtre n’a en effet pas vocation à se pérenniser dans le temps, à la différence des institutions dont la présence demeure indispensable dans le quartier.
Un travail artistique contemporain nourrissant
Emilien Urbach
« Notre vocation n’est pas d’aider la population mais d’entrer au cœur de la matière », affirme Emilien Urbach qui signe avec cette affirmation l’engagement qu’il conduit avec sa compagnie (Sin). Il ne s’agit ni d’apaiser ni d’exacerber les problématiques. « Je ne suis pas contre l’idée qui veut que parce qu’on est artiste on est de gauche, mais il faudrait peut-être arrêter de parler du public et parler de populations. » On n’est plus ici dans le théâtre militant des années 70 qui revient en force comme un phénomène de mode. On se trouve dans une démarche de recherche d’écriture qui questionne. Au carrefour de l’intime et du monde des autres, celui des cités, comme celui des Palestiniens là où il y a une nouvelle humanité à créer, là où justement, l’humanité se brise.
Un travail qui s’inscrit dans la lignée du dramaturge britannique Edward Bond. Face à l’histoire qui donne une image si basse de l’humanité, le théâtre doit montrer ce que l’homme est capable de faire et ce qu’il est. La frontière entre théâtre et politique s’est déplacée. Il ne s’agit plus d’aller faire de l’agit-prop en allant chercher les ouvriers dans les usines. Le politique est devenu intime. Après s’être confronté aux autres, l’artiste va chercher les moyens au plus profond de sa propre expérience. Sans avoir l’ambition de changer le monde…
La marine israélienne a attaqué ce matin au moins un des six bateaux transportant des militants pro-palestiniens et de l’aide humanitaire vers la bande de Gaza, soumise à un blocus. Le bilan est incertain. Au moins dix personnes ont été tuées dans l’opération, rapporte une chaîne de télévision israélienne, affirmant que le bilan définitif pourrait être bien plus élevé. Deux personnes ont été tuées et environ 30 blessées, indique un représentant d’une ONG turque impliquée dans l’opération.
La flottille internationale, qui transportait 700 militants et sympathisants de la cause palestinienne, dont des parlementaires européens et de l’aide pour Gaza a appareillé dimanche pour le territoire palestinien, au risque d’une confrontation avec la marine israélienne, déterminée à l’intercepter. « Des centaines de soldats israéliens attaquent la flottille, et le capitaine de notre bateau est grièvement blessé »: c’est ce qu’a raconté le correspondant d’al-Jazira à bord d’un des bateaux en route pour Gaza avant l’interruption de la communication.
« Je vous appelle en cachette, des centaines de soldats israéliens ont attaqué la flottille de la liberté et les passagers du bateau à bord duquel je me trouve se comportent avec beaucoup de courage », a affirmé Abbas Nasser dans son dernier appel à la chaîne basée au Qatar. « Le capitaine de notre bateau est grièvement blessé, et il y a deux autres blessés parmi les passagers », a ajouté le journaliste, avant l’interruption brutale de la communication. La radio publique israélienne a annoncé lundi matin que la censure militaire avait interdit la diffusion de toute information sur les morts et les blessés transférés vers des hôpitaux en Israël.
Tensions
Le ministre israélien de l’Industrie et du Commerce Binyamin Ben Eliezer a exprimé lundi à la radio militaire ses « regrets pour tous les morts » après l’intervention de commandos israéliens. « Les images ne sont pas sympathiques, je ne peux qu’exprimer mon regret pour tous les morts », a déclaré, dans une première réaction officielle israélienne, M. Ben Eliezer, qui se trouve au Qatar pour une réunion du Forum Economique Mondial (WEF). « On attendait nos soldats avec des haches et des couteaux et quand en plus quelqu’un tente de vous prendre votre arme, dans ces cas-là on commence à perdre le contrôle de la situation, l’incident commence ainsi et on ne sait pas comment il finit », a-t-il ajouté. « Je sais que ça va devenir une grosse affaire et j’espère que les Arabes israéliens réagiront de façon raisonnable », a ajouté le ministre, en faisant allusion à de possibles manifestations de la minorité des Arabes israéliens, une communauté qui regroupe 1,2 million de personnes.
Le mouvement islamiste palestinien Hamas a appelé lundi les Arabes et les musulmans à un « soulèvement » devant les ambassades d’Israël après le raid meurtrier. La Turquie a prévenu Israël de « conséquences irréparables » sur les relations bilatérales, après le raid meurtrier israélien sur la flottille d’aide pro-palestinienne, dont des bateaux turcs, a annoncé le ministère des Affaires étrangères. « Nous condamnons fortement ces pratiques inhumaines d’Israël », a déclaré le ministère dans un communiqué. « Cet incident déplorable, qui a eu lieu en pleine mer et constitue une violation claire de la loi internationale, peut entraîner des conséquences irréparables sur nos relations bilatérales », ajoute le communiqué.
Blocus
Les bateaux, au nombre de six, selon les organisateurs, qui veulent briser le blocus de la bande de Gaza par Israël, sont partis dimanche en milieu d’après-midi pour leur destination finale, a déclaré à l’AFP Houwayda Arraf, présidente du mouvement Free Gaza. Dans la soirée, peu après 21H00 (18H00 GMT), trois patrouilleurs lance-missiles de classe Saar israéliens ont quitté le port septentrional de Haïfa pour aller intercepter la flottille. Plusieurs navires de guerre israéliens étaient également déployés au large de la bande de Gaza. « Il s’agit d’une provocation visant à délégitimer Israël », a accusé le vice-ministre des Affaires étrangères Danny Ayalon. La marine israélienne avait ré-affirmé son intention d’empêcher, de force si nécessaire, la flottille de s’approcher des côtes de la bande de Gaza, soumise par Israël à un blocus strict –sauf pour les produits de première nécessité– depuis la prise de contrôle du territoire par le mouvement islamiste Hamas en juin 2007.
10.000 tonnes d’aide
Malgré cette menace d’intervention, Gaza s’était préparé à accueillir la « flottille de la liberté ». Des barques de pêche gazaouies, ornées de drapeaux palestiniens, grecs, irlandais, suédois et turcs –les pays représentés dans la flottille– avaient pris la mer pour aller à la rencontre du convoi. Des manifestants ont lâché de dizaines de ballons auxquels étaient attachés des photos d’enfants tués au cours l’offensive israélienne dévastatrice contre la bande de Gaza pendant l’hiver 2008-2009. L’aide de 10.000 tonnes consiste notamment en 100 maisons préfabriquées, 500 fauteuils roulants électriques ainsi que de l’équipement médical, selon les organisateurs. Cinq débarquements similaires ont réussi et trois ont échoué depuis la première opération de ce type en août 2008, selon le mouvement Free Gaza, qui n’en avait jamais organisé jusqu’à présent d’une telle ampleur.
Israël, qui a évacué unilatéralement la bande de Gaza en 2005, se réserve le droit d’en contrôler les frontières terrestres, aériennes et maritimes, à l’exclusion de Rafah, dans le sud du territoire, limitrophe de l’Egypte.,
Edward W. Said nous offre une analyse documentée et subtile de l’affrontement, à la fin du XIXe siècle et durant la première moitié du XXe siècle, entre la société palestinienne, occultée par l’idéologie dominante en Europe, et le mouvement sioniste, considéré comme une partie intégrante de l’entreprise coloniale européenne. Il dresse ensuite un tableau de la Palestine et des Palestiniens avant et après la guerre de 1967, et souligne la cristallisation, face à la discrimination, à l’occupation et à la dispersion, d’une forte conscience nationale incarnée par l’OLP. La dernière partie du livre est consacrée à une étude attentive des accords de Camp David, conclus sous l’égide des Etats-Unis entre Israël et l’Egypte, et de leurs conséquences au Proche-Orient.
L’édition augmentée de 1992 traduite chez Actes Sud prend en outre en considération les principaux événements survenus jusqu’alors : l’invasion du Liban en 1982, la première intifada en 1987, la guerre du Golfe en 1991 et le déclenchement du « processus de paix » avec la Conférence de Madrid.
Informer l’opinion américaine et occidentale sur la «réalité du traumatisme collectif national» du peuple palestinien. Permettre la compréhension d’une «situation pas très bien connue et certainement incorrectement appréhendée». Faire prendre conscience que la question de Palestine a été ignorée par les Sionistes et les Américains alors qu’elle constitue une «part concrète et importante de l’histoire». Mettre en lumière le fait que la question juive en Europe chrétienne s’est résolue par la colonisation des terres palestiniennes par les Sionistes, contraignant les Palestiniens musulmans et chrétiens à quitter leur patrie pour devenir des réfugiés. Faire de la question de Palestine «un objet de discussion et de compréhension» afin de la sortir du gouffre de l’Histoire et de l’état d’isolement dans laquelle elle a été confinée.
Tels sont quelques uns des objectifs qui ont incité Edward W. Said à publier, en 1979, La Question de Palestine. Réédité en 1992, cet ouvrage vient d’être publié en langue française aux Éditions Actes Sud.
Le Premier ministre israélien a donné son accord à la construction d’une barrière qui doit endiguer l’immigration clandestine. Plusieurs ONG s’étaient déjà inquiétées du sort réservé aux migrants africains dans la région.
La construction de nouveaux murs au Proche-Orient semble sans fin. On connaissait déjà les «barrières de sécurité» israéliennes, qui entaillent profondément la Cisjordanie et séparent l’État hébreu de la bande de Gaza. On apprenait en novembre la construction par l’Égypte d’une barrière souterraine en acier entre son territoire et l’enclave palestinienne gouvernée par le Hamas.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a approuvé dimanche la construction d’un nouveau mur, cette fois à la frontière égyptienne. «J’ai pris la décision de fermer la frontière sud d’Israël aux éléments infiltrés et aux terroristes. C’est une décision stratégique visant à préserver le caractère juif et démocratique d’Israël», a expliqué Benjamin Netanyahu dans un communiqué.
Un responsable israélien, qui a requis l’anonymat, a précisé que trois barrières seront édifiées le long des 266 km de frontières entre les deux pays. L’une d’elles sera bâtie près de la ville méridionale d’Eilat, une autre à proximité de la bande de Gaza. Selon le journal israélien Haaretz, le coût du projet du ministère de la Défense, qui doit voir le jour d’ici 2012, avoisine les 280 millions d’euros. La BBCindique que l’Égypte ne devrait pas s’opposer à la construction des murs, dans la mesure où ils sont situés en territoire israélien.
«Meurtres illégaux» de migrants
Ces derniers doivent permettre de combattre l’immigration clandestine, en provenance majoritairement du Darfour. «Israël autorisera l’entrée de réfugiés en provenance de zones de conflit mais ne permettra pas que ses frontières soient utilisées pour inonder le pays de travailleurs illégaux», a ainsi déclaré Benjamin Netanyahu.
Le ministère de l’Intérieur israélien évalue à 300.000 le nombre de personnes en situation irrégulière sur son territoire. Au cours des cinq dernières années, 24.000 migrants seraient passés illégalement par la frontière méridionale, selon des chiffres cités par l’IRIN, un réseau d’information rattaché au bureau des affaires humanitaires de l’ONU.
Si Israël fustige régulièrement le manque de contrôle des autorités égyptiennes dans cette région désertique, plusieurs ONG ont critiqué le traitement qui y est réservé aux migrants africains. En septembre, l’ONG Human Rights Watch (HRW) a demandé au Caire de «mettre fin immédiatement aux meurtres illégaux de migrants et demandeurs d’asile».
20 morts en 2009
28 personnes auraient été tuées par les tirs des policiers égyptiens en 2008, selon Amnesty International, et une vingtaine en 2009. Ce chiffre pourrait être «beaucoup plus élevé», d’après les témoignages de migrants érythréens, indiquant que de nombreux cadavres seraient abandonnés dans le désert.
Il y a quatre mois, HRW pointait également l’attitude des forces israéliennes, qui renvoient par la force certains migrants en Égypte, sans même examiner d’éventuelles demandes d’asile. «Cela viole la législation internationale», expliquait l’ONG.
Sylvain Mouillard (Libération)
A Rafah, la survie au bout du tunnel
Reportage
Tunnel à Rafah. Photo Reuter
Les centaines de galeries qui percent la frontière égyptienne permettent l’approvisionnement des Gazaouis, tout en minant l’économie locale
On se croirait dans une petite concession minière en Afrique, camouflée par une palissade en tôle et fermée par une porte cadenassée. Au centre, une tente abrite le trou, «l’œil» comme l’appellent les creuseurs. Une poulie électrique sert à remonter la marchandise sortie du boyau de 1,5 m de large. Le puits est étayé par des planches pour éviter un éboulement de terrain, très sablonneux et humide. La mer est à quelques centaines de mètres, l’Egypte aussi.
Depuis la fin de la guerre de janvier, les tunnels, qui servent à contourner le strict blocus imposé à la bande de Gaza par Israël après la prise de pouvoir du Hamas, en juin 2007, se sont multipliés. Il n’a fallu que quelques semaines pour remettre en service ceux détruits par les bombes surpuissantes larguées par les chasseurs israéliens. Plusieurs centaines d’autres ont été creusés, au point que l’on estime leur nombre à près d’un millier. Les treize kilomètres de frontière entre la bande de Gaza et l’Egypte ressemblent à une immense termitière, où les entrées de tunnels sont alignées l’une après l’autre, au su et au vu de tous. La multiplication des points d’entrée et la chasse menée par la police égyptienne, de l’autre côté, oblige les tunneliers à creuser plus loin et plus profond : jusqu’à 800 m de long et plus de 20 m de profondeur. On estime que 10 000 personnes vivent du business des tunnels.
Moutons. Mohamed et Abdallah ont les yeux injectés de sang, la parole hésitante, comme s’ils étaient ivres. Ils sont probablement sous tramadol, la drogue préférée des tunneliers, un puissant antidouleur qui les aide à supporter des conditions de travail extrêmes. Ils disent avoir respectivement 18 et 20 ans mais en font trois ou quatre de moins. C’est aussi pour leur petite taille qu’ils ont été choisis.
Le nombre de tunnels a tant explosé que les salaires ont chuté à 100 shekels (18 euros) par jour, ce qui reste appréciable à Gaza, où le chômage frappe plus de la moitié de la population. Le prix de la tonne de marchandise transportée, quelle qu’elle soit, a plongé de 8 000 dollars à moins de 500 en un an. Tout, ou presque, passe : motos, frigos, téléviseurs, fiancées palestiniennes ou moutons égyptiens, et même des voitures découpées en six ou huit morceaux et remontées à Gaza par des garages spécialisés. Il paraît qu’un tunnel permettait de passer des véhicules entiers. Rumeur invérifiable et, de toute façon, ceux qui la colportent assurent qu’Israël l’a fait bombarder.
Israël, tout en protestant auprès de l’Egypte contre cette économie souterraine, laisse faire. Sauf lorsqu’il s’agit d’armes. Dans ce cas, Tsahal, informé par des collaborateurs qui placent de discrètes puces électroniques, envoie ses avions bombarder les entrées de tunnels suspects. Mais, en dehors de ce tabou, l’économie des tunnels arrange tout le monde. Israël peut ainsi maintenir son blocus de Gaza tant que le caporal Gilad Shalit reste prisonnier du Hamas, sans pour autant provoquer de crise humanitaire qui provoquerait un tollé international. L’Egypte laisse ses officiers et les tribus bédouines du coin faire de juteuses affaires, tout en disposant d’un moyen de pression sur le Hamas. Enfin, le parti islamiste peut continuer de dire à la population qu’il est assiégé, tout en évitant de graves pénuries qui le rendraient trop impopulaires…
«Made in Egypt». Mais le système est pervers, car sa première victime est l’économie gazaouie. Il suffit de faire un tour à la supérette Al-Nour, au centre de la ville de Gaza : «70% de mes produits sont made in Egypt. La qualité laisse à désirer, soupire Achraf, le gérant, comme à regret. Seuls les laitages, les produits pour bébé et les denrées de base, comme le thé, le sucre ou le riz, viennent d’Israël.»
Même les pâtes ont été bloquées à un moment donné, pour raisons de sécurité ! «Pendant l’opération « Plomb durci », Israël a détruit 300 usines et ateliers, se plaint Amr Hamad, de la chambre de commerce de Gaza. Cette destruction se poursuit aujourd’hui via les tunnels.» Les hommes d’affaires qui tiennent désormais le haut du pavé à Gaza sont ceux qui travaillent dans l’import-export. Des grossistes qui réalisent un coup en allant acheter des stocks quasi périmés en Egypte pour les écouler pendant le ramadan. La spéculation sur le ciment est devenue un sport national. Mais l’économie productive, elle, reste en rade. Rien n’entre : ni machines-outils ni acier nécessaire à une reconstruction à grande échelle. Pendant ce temps, l’usine locale de Pepsi est en plein naufrage. Privée de produits chimiques et de gaz par Israël, elle n’arrive pas à concurrencer ses avatars égyptiens. D’ailleurs, il n’est pas rare, dans les cafés et restaurants de Gaza, de trouver du sable sur les cannettes.
«Nous sommes dans une non-économie, résume l’économiste Omar Shaaban. C’est un circuit pervers où la communauté internationale paye des gens à ne rien faire – les fonctionnaires de l’Autorité palestinienne censés ne pas obéir au Hamas – pour qu’ils dépensent tout cet argent en importations. Le lobby des tunneliers est devenu tellement fort qu’il pourrait un jour saboter la trêve pour éviter une réouverture des points de passage terrestre avec Israël.» Il suffirait de tirer quelques roquettes…
Le Hamas, pour sa part, encadre plus ou moins les tunnels : interdiction de faire travailler des enfants, interdit d’importer des armes (sauf pour le Hamas), de la drogue ou de l’alcool. Surtout, il faut livrer au mouvement islamiste une tonne de ciment par semaine et par tunnel. La taxe municipale d’ouverture d’un tunnel de 10 000 shekels a été supprimée, mais l’électricité reste payante.
Contrairement à ce qui est souvent dit, le Hamas ne taxe pas les biens importés. Le parti islamiste, moins affecté par le blocus israélien que la population, dispose de ses propres tunnels pour faire entrer des armes, et surtout de l’argent de ses généreux donateurs – en Iran ou dans le Golfe -, de préférence en euro, dont les coupures sont plus grosses et le poids plus léger.
Aigrefins. La richesse du mouvement est aussi le fruit de son quasi-monopole sur le métier de changeur de devises. Un métier en plein boom grâce aux tunnels où tout se paye en devises, les partenaires égyptiens refusant les shekels. Israël tente d’ailleurs discrètement d’affaiblir le Hamas en le privant de devises. L’économie des tunnels étant le seul investissement rentable dans la bande de Gaza, il connaît, lui aussi, ses aigrefins et ses spéculateurs. Ainsi, un certain El-Kurdi, un ancien vendeur de volailles du camp de réfugiés de Bureij, aurait réussi à lever 50 millions de dollars auprès de particuliers en les persuadant d’investir dans des tunnels en construction, leur promettant un rendement de plus de 20%. Quand la confiance s’est érodée, la bande de Gaza s’est découvert son Bernard Madoff. Depuis, il est au secret. On dit que même des cadres du Hamas s’étaient laissés convaincre…
Ce ne serait pas le cas si l’on en croit la presse israélienne qui faisait état, hier, d’un nouveau plan en ce sens, avec garanties, ce qui serait une première. Plus clairement et selon la même source, il s’agit d’un plan visant à régler en deux ans le conflit israélo-palestinien, assorti de garanties pour assurer son succès, a affirmé hier le quotidien israélien Maariv. On sait que question échéance, le Quartette international s’était engagé en 2003 pour la création d’un Etat palestinien en 2005. Une échéance qui n’a jamais été respectée. Quant au nouveau plan US qui n’a pas été confirmé officiellement, il prévoit que les négociations, d’une durée de deux ans au maximum, débutent dans les plus brefs délais et, pour s’assurer du succès de ces discussions, les Etats-Unis adresseraient des lettres de garanties aux Palestiniens dans lesquelles ils s’engageraient à faire respecter la date limite de deux ans. Israël demandera de son côté à Washington de confirmer l’engagement de l’ex-président américain, George W. Bush, stipulant qu’un accord de paix final sera basé sur des échanges territoriaux, ce qui permettrait à Israël de conserver ses grands blocs de colonies en Cisjordanie.
Le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, s’est toutefois prononcé hier contre une date limite aux pourparlers de paix. « Il n’est pas possible de parvenir à un accord sur les frontières définitives en neuf mois et à un accord final en deux ans », a-t-il déclaré à l’issue d’une rencontre avec Tony Blair, l’envoyé spécial du fameux Quartette. Quant au Président palestinien, il s’est contenté hier de dire sa disponibilité à ouvrir des négociations de paix avec Israël, à la condition d’un gel de la colonisation juive dans les territoires palestiniens. « Il n’y a pas d’objection à un retour à la table des négociations ou à la tenue de réunions en principe », a déclaré Mahmoud Abbas à des journalistes à Charm El Cheikh, après un entretien avec le chef de l’Etat égyptien, Hosni Moubarak. La visite du Président palestinien en Egypte fait suite à celle du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, la semaine dernière. Le chef des renseignements égyptiens et le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Aboul Gheit, doivent se rendre le 8 janvier à Washington pour discuter du processus de paix avec des responsables américains. Le roi Abdallah II de Jordanie s’est également rendu à Charm El Cheikh, hier, pour s’entretenir avec M. Moubarak, selon l’agence officielle Mena. Les deux dirigeants doivent discuter « des efforts en vue de commencer des négociations de paix sérieuses et efficaces entre Israéliens et Palestiniens », a précisé le Palais royal à Amman. Difficile de dire que cette activité accompagne le projet américain, ce qui tendrait à confirmer au moins son existence. Selon le plan américain, le premier sujet sur la table des négociations serait celui des frontières entre Israël et un futur Etat palestinien. Il devrait être bouclé en neuf mois, soit durant la période de moratoire sur la colonisation juive dans les territoires palestiniens annoncée par le gouvernement israélien. Un Etat palestinien serait établi en Cisjordanie et dans la bande de Ghaza, sur la base de la ligne d’armistice en vigueur entre 1949 et 1967, mais des compensations sont prévues sur la base d’échanges territoriaux. Une fois ce premier dossier bouclé, les négociations aborderaient les autres questions liées au statut final : El Qods et le sort des réfugiés de 1948. Les discussions de paix entre les parties ont été suspendues, l’an dernier, dans la foulée de l’offensive israélienne contre la bande de Ghaza (27 décembre 2008-18 janvier 2009). Leur reprise achoppe sur la question de la colonisation israélienne. Les Palestiniens réclament un gel total des implantations avant de retourner à la table des négociations, mais Israël a rejeté cette demande jusque-là. Toujours est-il qu’il n’y a aucune confirmation de quoi que ce soit, l’activité diplomatique n’ayant jamais cessé quant à elle. Mais, sans le moindre impact. Tout juste, dira-t-on, pour entretenir l’espoir d’une solution négociée, mais également suffisant pour accentuer le désespoir des Palestiniens.