Après le gel de la démission d’Hariri, que nous réserve désormais le Liban?

Le Premier ministre libanais Saad Hariri, en compagnie de l'ambassadeur iranien à Beyrouth, Mohammad Fathali, mercredi 22 novembre 2017. Reuters/Aziz Taher

Le Premier ministre libanais a une nouvelle fois créé l’événement en annonçant, mercredi 22 novembre 2017, la suspension de sa démission formulée le 4 novembre dernier depuis Riyad. Saad Hariri a lancé un vibrant appel au dialogue et à la modération dans son pays, tiraillé par l’affrontement régional entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Le rôle décisif du président de la République Michel Aoun et des interventions étrangères dans ce « déminage » politique est souligné par la presse.

Le jour du 74e anniversaire de l’indépendance libanaise, mercredi, Saad Hariri s’est offert un bain de foule devant chez lui à Beyrouth, dans le sillage de l’annonce de la suspension de sa démission à la télévision.

Le Premier ministre est allé saluer des milliers de ses partisans venus le féliciter pour son retour dans la capitale libanaise, après 18 jours passés en Arabie saoudite dans des circonstances floues.

Le dernier acte d’une journée marathon pour le fils de Rafiq Hariri. Quelques heures plus tôt, Saad Hariri, de confession sunnite, était apparu aux côtés du président chrétien Michel Aoun, et du chef du Parlement, le chiite Nabih Berry.

Tous trois ont participé ensemble au défilé militaire organisé pour la fête nationale. Puis le Premier ministre s’en est allé discuter au palais présidentiel avec le chef de l’Etat, qui l’a donc convaincu de suspendre sa démission.

Les manœuvres qui ont permis ce revirement

A Beyrouth, après ce revirement inattendu du chef du gouvernement, promesse d’un possible dénouement, le rôle décisif du président est clairement souligné par tous les médias.

Michel Aoun a convaincu son Premier ministre, en arguant de la nécessité de procéder à de vastes concertations nationales pour discuter des arguments avancés par ce dernier au moment de rendre le tablier, le 4 novembre.

On parle aussi de « démarches intensives entreprises par Emmanuel Macron, avec Michel Aoun et les dirigeants américains, saoudiens, israéliens et égyptiens », souligne le site du quotidien francophone L’Orient-Le Jour.

Le rôle central de Paris est détaillé par le quotidien Al-Akhbar, qui a annonçait dès mercredi une initiative franco-égyptienne. La France et l’Egypte auraient manœuvré pour le maintien de Saad Hariri à la tête du gouvernement libanais.

Distancier le Liban des conflits régionaux

Le journal, proche du Hezbollah, croit savoir que les présidents Emmanuel Macron et Abdel Fattah al-Sissi se sont secrètement rencontrés pour accorder leurs violons sur la question libanaise.

Le quotidien Annahar abonde dans le même sens. Le gel par Saad Hariri de sa démission exprimerait une volonté régionale et internationale de calmer le jeu au Liban, selon ce journal proche de l’Arabie saoudite.

Alors, le Liban a-t-il définitivement surmonté la crise provoquée par la démission surprise de Saad Hariri ? La tension a sensiblement baissé mais le règlement définitif dépend du résultat des concertations à venir.

Michel Aoun, dans les prochains jours, doit s’entretenir avec les principaux dirigeants du pays. Objectif de ces assises : distancier le Liban des conflits régionaux. Plus facile à dire qu’à faire, vu le fossé qui sépare Riyad et Téhéran.


? « C’est déjà pas mal, pour une grande partie des Libanais »

Si Saad Hariri a décidé de geler sa démission, c’est pour éviter une crise institutionnelle et politique à son pays. A quoi faut-il s’attendre désormais ? Eléments de réponse avec Ziad Majed, professeur des études du Moyen-Orient à l’université américaine de Paris, interrogé par Toufik Benaïchouche de RFI.

« Il va y avoir un dialogue avec le Hezbollah. Le président de la République est un allié du Hezbollah. Donc, il va essayer de trouver un compromis, même pour la forme. Pour dire que le Hezbollah accepte de préserver le Liban loin du feu de la région, loin des conflits et de l’affrontement entre l’Arabie saoudite et l’Iran.

Mais des déclarations pareilles, sans mesures concrètes – c’est-à-dire sans le retour de 8 à 10 000 combattants du Hezbollah, qui sont aujourd’hui en Syrie ; sans le retour de conseillers militaires du Hezbollah, qui sont en Irak ; sans des positions moins agressives politiquement, du côté du Hezbollah envers l’Arabie saoudite -, tout cela reste des promesses.

Ou du moins, c’est une volonté de limiter les dégâts, de gagner du temps, en attendant de voir comment les choses vont évoluer et se développer dans la région. Et c’est déjà pas mal, pour une grande partie des Libanais, de pouvoir échapper maintenant à une crise institutionnelle grave ! »

correspondant à Beyrouth,  Paul Khalifeh

Source : RFI 23/11/2017

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Liban : Saad Hariri ouvre la voie à une possible désescalade

 Diffusion de l’interview de Saad Hariri, à Beyrouth, le 12 novembre. Diffusion de l’interview de Saad Hariri, à Beyrouth, le 12 novembre. ANWAR AMRO / AFP

Diffusion de l’interview de Saad Hariri, à Beyrouth, le 12 novembre. ANWAR AMRO / AFP

En laissant son poste le 4 novembre, le premier ministre avait dénoncé publiquement la « mainmise » de l’Iran et du mouvement chiite libanais du Hezbollah, membre de son gouvernement, sur les affaires intérieures de son pays. Une semaine après cette démission, Saad Hariri n’avait toujours pas donné signe de vie

Saad Hariri a rompu le silence écrasant dans lequel il s’était enfermé après sa démission surprise, annoncée le 4 novembre depuis Riyad. Cette décision, que le premier ministre libanais avait imputée à l’Iran, la bête noire de l’Arabie saoudite, accusée de « vouloir détruire la nation arabe », a fait brutalement monter la tension au Proche-Orient.

Dans une interview diffusée dimanche 12 novembre sur la télévision libanaise, où il est apparu les traits tirés, M. Hariri a réfuté la thèse dominante qui le présente comme l’otage des autorités saoudiennes. Il a affirmé à plusieurs reprises que ses hôtes ne l’ont pas forcé à démissionner, et qu’il rentrera « bientôt » à Beyrouth, répétant que son absence est due aux dangers qui pèsent sur sa vie, sans donner plus de précisions.

Parallèlement à ces dénégations, qui n’ont pas véritablement convaincu les observateurs, le chef de file de la communauté sunnite libanaise s’est efforcé d’apaiser la situation. Il a usé, à l’encontre de l’Iran et du Hezbollah, le mouvement chiite libanais pro-Téhéran, de formules moins belliqueuses que dans sa précédente intervention, et il a laissé entendre qu’il pourrait revenir sur sa démission. « Sur le fond, c’est une désescalade, réagit Karim Emile-Bitar, professeur de relations internationales à l’université Saint-Joseph de Beyrouth. On a retrouvé le tempérament conciliateur de Saad Hariri. On peut supputer que les Saoudiens ont voulu mettre en sourdine leur ligne maximaliste. »

L’interview du premier ministre démissionnaire a été diffusée en direct, en début de soirée, sur Future TV, la chaîne de son parti politique, baptisé du même nom. Cinq autres chaînes libanaises ont refusé de retransmettre l’émission, conformément aux consignes du président Michel Aoun, qui avait estimé que les déclarations de M. Hariri seraient automatiquement sujettes à caution, compte tenu des « conditions mystérieuses entourant sa situation en Arabie saoudite ».

« Je suis libre ici »

L’entretien, conduit par Paula Yacoubian, une célèbre animatrice de talk-show, a été réalisé dans la villa que M. Hariri, détenteur de la nationalité saoudienne, possède à Riyad. « Je suis libre ici, si je veux voyager demain, je voyage », a déclaré d’entrée le leader libanais. Le visage pâle, les yeux cernés, s’interrompant parfois pour boire de l’eau ou se racler la gorge, il a assuré qu’il pourrait atterrir à Beyrouth « dans deux ou trois jours », pour « entamer les procédures constitutionnelles nécessaires » à sa démission, que le chef de l’Etat a refusé d’accepter en l’état.

« J’ai écrit ma démission de ma main, et j’ai voulu provoquer un choc positif (…) pour faire comprendre aux Libanais la situation dangereuse dans laquelle nous nous trouvons », a ajouté le chef du gouvernement. Il a démenti tout lien entre son retrait du pouvoir et la purge anti-corruption, entamée le même jour, sur ordre du prince héritier saoudien, Mohamed Ben Salman, dit MBS, qui a abouti à l’arrestation de centaines de VIP, dont des princes et des entrepreneurs. Un coup de filet sans précédent, qui, dans l’esprit des Libanais et de nombreux observateurs étrangers, a pu servir aux autorités de Riyad pour faire pression sur M. Hariri, propriétaire dans le royaume d’une entreprise de construction, Saudi Oger. « C’est une coïncidence », a-t-il prétendu, louant sa relation avec MBS, qu’il a qualifié de « frère ».

out au long de l’interview, le fils de l’ancien premier ministre libanais Rafik Hariri, assassiné en 2005, a semblé épuisé nerveusement. Au bord des larmes à un moment, il a demandé à Paula Yacoubian, à la fin de l’interview, d’abréger ce qui paraissait être une épreuve pour lui. Cette fébrilité, très commentée sur les réseaux sociaux, a nui à ses efforts pour dissiper les soupçons pesant sur son séjour saoudien. « Hariri ressemble à un homme brisé, il n’y a aucune conviction dans ce qu’il dit », a souligné Karl Sharro, un commentateur politique libanais, très actif sur Twitter.

Main tendue au Hezbollah

A plusieurs reprises durant l’échange, l’intervieweuse a fait mention d’événements se déroulant simultanément, comme le tremblement de terre au Kurdistan irakien, de façon à démontrer que l’émission se déroulait bel et bien en direct et n’avait pas fait l’objet d’un montage préalable. Signe de la défiance du public, beaucoup de téléspectateurs ont pointé du doigt un bref moment, où M. Hariri jette un regard semble-t-il courroucé à un homme apparaissant dans le champ de la caméra, muni d’un bout de papier.

Sur les réseaux sociaux, ces quelques secondes équivoques sont devenues la preuve que le premier ministre libanais a reçu des instructions de ses hôtes saoudiens pendant l’interview. Faux, selon Paula Yacoubian, qui a assuré à l’issue de l’entretien que l’homme en question était un membre de l’entourage de M. Hariri, ajoutant n’avoir rencontré aucun responsable saoudien avant de prendre l’antenne.

A rebours de son discours de démission, durant lequel il avait promis de « couper les mains » de l’Iran dans la région, le chef du Courant du futur a tendu la main au Hezbollah. Il a suggéré qu’il pourrait renoncer à quitter le pouvoir si le mouvement chiite s’engageait à respecter le principe de « distanciation », c’est-à-dire de non-ingérence dans les crises régionales, élaboré par son prédécesseur Najib Mikati, premier ministre au démarrage du soulèvement syrien.

Sursaut pro-Hariri

Outre le rôle du Hezbollah dans ce pays, où il combat au côté des forces pro-Assad, le premier ministre a insisté sur son implication supposée au Yémen. Ces derniers jours, les autorités saoudiennes ont accusé des membres de la milice chiite libanaise d’avoir contribué à l’assemblage du missile balistique tiré par les rebelles Houthis, le 4 novembre, sur Riyad. « Je ne suis pas contre le Hezbollah en tant que parti politique, mais je suis contre le fait que le Hezbollah joue un rôle externe et mette le Liban en danger », a martelé Saad Hariri.

Dans cette inflexion, les observateurs libanais voient le résultat du sursaut pro-Hariri, qui s’est manifesté ces derniers jours à travers le pays. La plupart des partis politiques, choqués par le traitement réservé au premier ministre, ont réclamé son retour immédiat à Beyrouth.

A part la frange la plus extrême du Courant du futur, la plus grande partie de la communauté sunnite a préféré se solidariser avec son leader plutôt qu’obéir aux injonctions anti-Hezbollah des Saoudiens. « MBS a été trop impulsif, estime Karim-Emile Bitar. Maintenant qu’il a compris que son coup d’éclat a renforcé la popularité d’Hariri, il fait machine arrière. » « La rue sunnite a mis en échec le plan saoudien, renchérit Walid Charara, membre du centre de recherche du Hezbollah. MBS doit maintenant trouver une porte de sortie. »

Benjamin Barthe

Le Monde.fr avec AFP | 12.11.2017

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On line : Le président libanais demande à Riyad d’« éclaircir » la situation,

Trump au Proche Orient. Problèmes de crédibilité…

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Un bond en arrière

Handelsblatt ne croit pas que Trump deviendra l’artisan de la paix au Proche Orient :

«Le président des Etats-Unis n’apporte pas dans la région une nouvelle stratégie de sortie de crise, il mise sur l’ancienne coalition du statu quo. Tandis qu’Obama voulait aider le printemps arabe à percer, Trump table sur un long hiver politique dans la région. … Son administration mise sur les anciennes alliances – avec d’une part les autocrates d’Arabie saoudite et l’Egypte et de l’autre le bloc de droite du Likoud de Nétanyahou. C’est exactement la coalition du statu quo qui, pendant des années, a empêché une paix durable au Proche-Orient. En se rendant dans la région en crise à un stade précoce de son mandat, Trump voulait envoyer un message. A y regarder de près, c’est un retour vers le passé.»

Torsten Riecke

Causeur (FR)

Une stratégie peu crédible

La politique menée par les Etats-Unis au Proche-Orient reste tout aussi contradictoire sous l’égide de Donald Trump, analyse l’expert en géostratégie Hadrien Desuin sur le site Causeur :

«Les Saoudiens et les Israéliens s’étaient beaucoup inquiétés des négociations sur le nucléaire iranien. Trump aussi. Il n’a d’ailleurs pas félicité le ‘modéré’ Rohani pour sa réélection à la présidence. Bien au contraire. Il organise sa venue à Riyad au lendemain de sa victoire. La coïncidence a de quoi troubler. Les premiers contacts avec le Prince héritier Ben Salmane et le président avaient été très bons. Ils vont sans doute le rester. Généraux, diplomates et autres faucons du Sénat sont rassurés. Donald Trump poursuit la politique schizophrène des Etats-Unis : prêche des valeurs américaines au Proche-Orient d’un côté et union sacrée militaro-industrielle avec le régime le plus rétrograde de la région de l’autre. Pour exhorter à un islam modéré, un premier voyage à Riyad, la capitale mondiale du salafisme, n’est pas crédible.»

Hadrien Desuin

Karar (TR)

Quelque chose cloche dans cette visite

Samedi à Riyad, Trump a participé à une traditionnelle danse du sabre. Si cette image le présente sous un jour sympathique, elle n’occulte pas le goût amer que laisse le contrat d’armes qu’il a conclu, dont le montant atteint 110 milliards de dollars, écrit Karar :

«Qu’adviendra-t-il de ces armes ? Contre quel ennemi les Saoudiens les dirigeront-elles, ces armes, mais aussi les armes et les avions militaires déjà achetés par tonnes ? … Celui-là même qui avait interdit aux ressortissants de certains pays musulmans d’entrer sur le sol américain s’est-il rendu dans le pays qui est le berceau de l’islam pour lever des fonds et brandir le sabre ? … Cette visite n’est pas nette, pas nette du tout. Des armes et des avions militaires qui ont pour unique fonction de maintenir en vie l’industrie de l’armement et dont on sait qu’ils sont voués à rouiller dans quelque entrepôt des pays acheteurs : l’affaire est extrêmement louche.»

Al-Ahram (EG)

Une alliance et des écueils

Le succès de la coopération forgée à Riyad dépend de plusieurs facteurs, analyse le quotidien public égyptien Al-Ahram :

«D’abord, il faudrait savoir dans quelle mesure on peut se fier aux Américains. Par le passé, on a trop souvent bâti nos attentes sur du sable. … Deuxièmement, l’alliance ou coopération arabo-islamo-américaine devrait définir ses priorités. La lutte antiterroriste passe par la résolution définitive du conflit israélo-palestinien. … Les Etats-Unis sont-ils prêts à faire pression sur Israël et à adopter une position neutre ? De même que les Etats-Unis considèrent l’Iran comme un risque pour la sécurité et la stabilité au Proche-Orient, ils devraient comprendre qu’Israël ne constitue pas une menace moindre. … Troisièmement, il est temps qu’Arabes et musulmans aient recours à des moyens de pression au niveau international. Ils ne sont pas faibles et doivent cesser d’être les simples exécutants des desseins de pays puissants et influents.»

Muhamad Ibrahim Al-Dusouki

 

 

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Israël: l’Iran et les colonies au menu de la première rencontre Trump-Netanyahu

Photo AFP

Photo AFP

C’est un Benjamin Netanyahu, otage de ses ultras et sous la menace de poursuites pour des faits présumés de corruption, qui va rencontrer pour la première fois, le 15 février 2017, le nouveau chef de la Maison Blanche, Donald Trump. Au menu de leur rencontre, les deux sujets de discorde avec Barack Obama: l’extension des colonies notamment à Jérusalem et la stratégie à suivre face au péril iranien

Sûr de lui, sans l’être totalement de Donald Trump qu’il rencontre pour la première fois à la Maison Blanche, Benjamin Netanyahu s’est contenté de résumer dans ses grandes lignes l’objectif de cet important déplacement.

«Assurer avant tout la sécurité politique d’Israël constituera l’élément essentiel» de cette rencontre avec le nouveau président américain, a-t-il déclaré à la veille de son départ pour Washington.

Certes, la sécurité de l’Etat hébreu n’a jamais été mise en cause par les présidents successifs des Etats-Unis, mais après les huit années de brouille et de bouderies avec le président Obama, l’accession au pouvoir de Donald Trump a donné des ailes au Premier ministre israélien.

Netanyahu accélère la colonisation et freine la solution à deux Etats
Enhardi par la multiplication des déclarations de Trump lors de sa campagne affirmant qu’il souhaitait transférer l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem et déchirer l’accord conclu avec Téhéran sur le nucléaire, Benjamin Netanyahu a déjà pris les devants dans la poursuite des faits accomplis.

Depuis le 20 janvier 2017, il a annoncé la construction de plus de 5.000 logements de colonisation en Cisjordanie et l’impulsion par le gouvernement d’une nouvelle colonie, la première depuis plus de 20 ans.

Sur le plan régional, Netanyahu entend surtout, lors de sa visite, réaffirmer que l’Iran demeurait l’ennemi numéro un d’Israël et obtenir que les Etats-Unis agissent de manière à empêcher que la République islamique ait une présence militaire permanente à la frontière israélienne via l’Irak, la Syrie et le Liban.

Quant à la solution à deux Etats adoptée jusque là par la communauté internationale, elle semble plus floue que jamais. Le ministre de l’Education Naftali Bennett, chef du parti nationaliste religieux Foyer juif et partisan d’une politique de colonisation et d’annexion de territoires palestiniens, s’est exprimé de manière décomplexée. Il a pressé le Premier ministre de profiter d’une «occasion historique» pour informer Donald Trump qu’il ne soutenait pas la création d’un Etat palestinien.

Benjamin Netanyahu lui a répondu en conseil des ministres qu’il comptait dire au président américain son soutien à la solution à deux Etats tout en dénonçant la mauvaise volonté des Palestiniens.

Trump appelle Palestiniens et Israéliens à se montrer «raisonnables»
Une stratégie israélienne pure et dure qui risque malgré tout de rencontrer des surprises. Depuis son entrée en fonction, Donald Trump a quelque peu adouci son discours. Dans un entretien avec un journal israélien, il a dit ne pas croire que l’expansion des colonies «soit une bonne chose pour la paix».

Dans le même entretien, il a également affirmé vouloir un accord «bon pour toutes les parties», ajoutant qu’Israéliens et Palestiniens devaient se montrer «raisonnables». Une manière, selon les experts, de dire aux jusqu’au-boutistes israéliens qu’ils n’ont pas carte blanche et qu’il entend réserver ses options pour présider à un accord.

Concernant enfin le transfert de la représentation diplomatique américaine à Jérusalem, le politologue Mark Heller cité par l’AFP, ainsi que la plupart des commentateurs, estiment que ce sujet  sera «marginal, dans la mesure où une telle promesse a peu de chance d’être tenue.»

Un rapport confidentiel de diplomates européens sur Jérusalem
Même si un coup de théâtre n’est pas à exclure de la part de Trump, la nouvelle administration américaine pourrait tenir compte des diverses mises en garde contre une telle décision, notamment celle des Palestiniens qui menacent de revenir sur leur reconnaissance de l’Etat d’Israël.

Autre appel à la retenue, celui des diplomates européens qui viennent de remettre un rapport à Bruxelles sur la situation à Jérusalem qui n’a jamais été aussi explosive depuis 1967. Un rapport, confidentiel, dont l’URL a été révélé par le site français Mediapart le jour du départ de Benjamin Netanyahu pour Washington.

«L’expansion des colonies et l’exclusion politique, économique, sociale des Palestiniens, qui ne cesse de s’aggraver, ont un impact négatif sur la situation à Jérusalem. La polarisation et la violence croissante dans la ville menacent de plus en plus la viabilité de la solution à deux Etats, avec Jérusalem comme capitale commune. Et le niveau des tensions risque de s’élever encore en 2017, avec le cinquantième anniversaire de l’annexion de la ville, compte tenu de ce que prévoient, à cette occasion, les autorités israéliennes», explique en substance le rapport.

l’Iran en tête des sujets à traiter 
Sur l’Iran enfin, qui figurerait en tête des sujets à traiter, les deux hommes ont déjà accordé leurs violons par une série de prises de langue discrètes du Mossad avec les conseillers de Donald Trump et les responsables pressentis des services de renseignement américains.

Reste à voir quelle partition ils comptent jouer avec la République islamique d’Iran. En attendant, le ton continue de monter très fort entre les deux présidents américain et iranien.

«Il faut parler au peuple iranien avec respect. Quiconque utilise le langage de la menace, le peuple iranien le lui fera regretter» avait déclaré Hassan Rohani à l’adresse des Etats-Unis, le 10 février 2017, à l’occasion du 38e anniversaire de la révolution islamique. «Il ferait mieux de faire attention», avait aussitôt répondu Donald Trump, à la plus grande satisfaction de Benjamin Netanyahu.

Alain Chémali

Source Géopolis et AFP 14/02/2017

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Israël donne son feu vert à la construction de 566 logements à Jérusalem-Est

5066916_6_8814_le-premier-ministre-israelien-benyamin_efa6e5d81190f9f7765cc9bb6c4cb5de[1]Avec l’arrivée de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, « les règles du jeu ont changé », estime le gouvernement israélien.

Deux jours après l’entrée en fonctions du président américain Donald Trump, la mairie israélienne de Jérusalem a donné son feu vert définitif à la construction de 566 logements dans trois quartiers de colonisation de Jérusalem-Est, a annoncé un conseiller municipal dimanche 22 janvier.

Les permis de construire de ces logements avaient été gelés à la fin décembre à la demande du premier ministre, Benyamin Nétanyahou, en attendant l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, a précisé Meïr Turjeman, président de la commission de la construction et de planification de la municipalité de Jérusalem.

Ces logements seront construits dans les quartiers de colonisation de Pisgat Zeev, Ramot et Ramat Shlomo, a précisé M. Turjeman. Selon lui, « les règles du jeu ont changé avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Nous n’avons plus les mains liées comme du temps de Barack Obama, désormais, nous pouvons enfin construire. () Ces 566 logements ne sont qu’un coup d’envoi. Nous avons des plans pour la construction de 11 000 logements qui attendent les autorisations », dans les quartiers de colonisation de Jérusalem-Est.

Le premier ministre israélien a d’ailleurs annoncé qu’il allait s’entretenir dans la soirée par téléphone avec Donald Trump « sur des sujets portant sur les Palestiniens, la situation en Syrie et la menace iranienne ».

Relations tendues avec l’ex-président Obama

Benyamin Nétanyahou s’est chaudement félicité de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, après avoir entretenu des relations tendues avec son prédécesseur Barack Obama, critique sur la question des colonies présentées comme un des obstacles à la reprise des négociations avec les Palestiniens gelées depuis plus de deux ans.

La tension avec Obama avait atteint son paroxysme lorsque le 23 décembre les Etats-Unis, pour la première fois depuis 1979, les Etats-Unis n’ont pas mis leur veto à une résolution de l’ONU, condamnant les colonies israéliennes.

Les 14 autres membres du Conseil ont voté en faveur du texte qui exhorte Israël à « cesser immédiatement toute activité de colonisation en territoire palestinien occupé, dont Jérusalem-Est », et affirme que les colonies « n’ont pas de valeur juridique » et sont « dangereuses pour la viabilité d’une solution à deux Etats » israélien et palestinien.

Quelque 430 000 colons israéliens vivent actuellement en Cisjordanie occupée et ils sont plus de 200 000 à Jérusalem-Est, dont les Palestiniens veulent faire la capitale de l’Etat auquel ils aspirent.

Source AFP Le Monde 22/01/2017