Plaidoyer de députés pour une défense antimissile française et européenne

bouclier-antimissile-236x300La France et l’Union européenne ont le devoir de se doter d’une défense antimissile autonome face à la prolifération d’armes de destruction massive et de missiles balistiques, estiment en substance des députés dans une étude rendue publique mercredi. « Il serait irresponsable pour la France de (…) négliger, par souci immédiat des coûts financiers, cette prolifération balistique », écrivent les auteurs de ce document publié par les Cercles interparlementaires d’étude air-espace et naval de défense.

Christophe Guilloteau (UMP), Francis Hillmeyer (NC) et Gilbert Le Bris (PS) pointent une situation géopolitique brouillée par « de nombreuses organisations telles qu’al-Qaïda, des Etats instables aux pouvoirs illégitimes, une course aux armements et aux capacités NBC (nucléaires, biologiques et chimiques, ndlr), une recherche de moyens balistiques ».
« Inde, Chine, Pakistan, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Israël, Russie détiennent l’arme nucléaire ; peut-être la Corée du Nord, mais plus encore demain, dans des horizons de temps différents : l’Iran, l’Arabie Saoudite, l’Egypte, la Turquie, l’Algérie, le Brésil, voire le Japon », font-ils valoir.

Si « la dissuasion nucléaire demeure le meilleur outil pour prévenir l’utilisation de certaines menaces provenant d’Etats clairement identifiés », estiment les députés, la « défense antimissile prend tout son sens » dans ce contexte. Pour eux, il s’agit d’un « complément de la dissuasion » et non d’un nouveau « risque de course aux armements ». Il en va, ajoutent-ils, de « l’autonomie stratégique » de la France et de l’UE face aux Etats-Unis engagés dans une politique de « couverture globale ».
La France, relèvent-ils également, s’apprête à se doter d’une « capacité initiale de défense antimissile balistique de théâtre » et pourrait s’appuyer sur le missilier européen MBDA « concepteur et développeur des capacités françaises et européennes actuelles ». Si toutefois Paris et l’UE décidaient d’une politique « a minima », ajoutent-ils, il faudrait « veiller à maintenir (une) maîtrise technologique afin (…) d’éviter une vassalisation complète de notre pays et des Européens ».

Pour Gilbert Le Bris, interrogé par l’AFP, « il faudra bien que les Européens et les Français qui ont le leadership dans ce domaine aient quelque chose à dire » lors du prochain sommet de l’Otan, prévu fin 2010 ou début 2011 à Lisbonne, sauf à laisser « les Américains décider pour eux et leur demander de participer financièrement à leur programme ». « Il ne faut pas croire que ça coûte des milliards », assure-t-il aussi, parlant d’une « adaptation progressive de notre outil de défense d’un coût annuel de l’ordre de 200 à 250 millions d’euros sur dix ans qui pourrait être partagé avec des partenaires européens ».

AFP

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Rester mesurés face à la menace du terrorisme

scanner-pro-visionSi la menace d’attentats est réelle, certaines réactions n’en restent pas moins controversées. La presse européenne estime que la sécurité absolue n’existe pas, et qu’il ne sert à rien de collecter des données ou de supprimer les droits des citoyens.Extraits des publications suivantes: Der Standard – Autriche, El Mundo – Espagne, New Statesman – Royaume-Uni

Der Standard – Autriche

Qu’apportent des mesures de sécurité renforcées comme les scanners corporels dans les aéroports, se demande Der Standard : « Même si l’on fait preuve de beaucoup de compréhension en faveur des mesures sécuritaires, il est intéressant de considérer les éléments dont ont été amputés nos droits personnels ces dernières années – et le mutisme croissant qui a gagné leurs défenseurs. En 1997, le flicage informatique et les mises sur écoute clandestines étaient encore considérés pratiquement comme des pratiques scandaleuses. Mais après les attentats du 11 septembre s’est progressivement imposée l’idée selon laquelle quelqu’un qui n’a rien à cacher n’a rien à craindre non plus. Qu’apporte cependant le renforcement des mesures de sécurité hormis d’absurdes collectes de données ? Dans le cas du terroriste nigérian intercepté : rien. Ses parents avaient prévenu les autorités, mais celles-ci cherchaient probablement une aiguille dans une botte de foin. » (08.01.2010)

El Mundo – Espagne

La sécurité absolue n’existe pas face au terrorisme, même si l’on supprime tous les droits des citoyens, estime le quotidien conservateur El Mundo : « Si le monde démocratique se transformait en Etat Big-Brother de type orwellien, ce serait une victoire des fondamentalistes musulmans. C’est aux citoyens d’accepter le fait que ni la sécurité absolue ni le risque zéro ne peuvent exister. C’est ce qu’a montré l’expérience très critiquée menée par la police slovaque il y a quelques jours. Celle-ci avait dissimulé secrètement des explosifs dans la valise d’un de ses compatriotes qui avait pris l’avion pour Dublin, sans que ceux-ci ne soient détectés par les nombreux contrôles. Les Etats-Unis comme les Etats de l’UE doivent renforcer leurs mesures en vue de réduire les risques. La seule chose dont on est sûr, c’est qu’elles resteront insuffisantes tant qu’Al-Qaida ne sera pas complètement vaincu. » (08.01.2010)


New Statesman – Royaume-Uni

La peur du terrorisme est irrationnelle et exagérée, estime Mehdi Hasan dans l’hebdomadaire New Statesman. Il serait préférable de garder la tête froide : « Il n’existe aucun scanner, aucune technologie, aucune mesure de sécurité qui nous protège complètement du terrorisme. Le problème du terrorisme ne peut pas non plus être résolu militairement. Ce dont nous avons besoin, c’est de patience, de persévérance et d’un sens de la perspective historique. Lors de mes rencontres avec les ministres et les fonctionnaires [dans le quartier du gouvernement] à Whiteall, je vois souvent des affiches de la Seconde Guerre mondiale derrière les portes, portant la devise : ‘Keep calm and carry on’ [Rester calme et continuer]. Nos dirigeants devraient se montrer suffisamment sages pour suivre ce conseil, peut-être même l’adopter comme résolution de nouvel an. Rester calme. Continuer. » (08.01.2010)

UE: la presse européenne très critique

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Herman Van Rompuy

«Deux inconnus», «deux figures ternes»: les quotidiens européens ne montrent guère d’enthousiasme pour le tandem Van Rompuy-Ashton placé par les 27 à la tête de l’UE. La presse européenne se montre vendredi très critique sur les nominations à Bruxelles du Premier ministre belge Herman Van Rompuy comme premier président de l’Union européenne et de la Britannique Catherine Ashton au poste de Haut représentant de l’UE aux affaires étrangères.

Dans un commentaire en ligne, le journal espagnol El Mundo (centre-droit) se montre dubitatif à propos de ces « ces deux inconnus sur la scène européenne et encore plus internationale » qui « assumeront la représentation des 27 dans le monde ». Pour El Pais, « La nouvelle Europe concrétisée par le Traité de Lisbonne sera commandée par deux figures ternes et de bas profil ».

La presse allemande juge également Herman Van Rompuy et Catherine Ashton incapables d’incarner une voix européenne forte. « Ces deux personnalités (…) peuvent-elles incarner cet élan promis par ceux qui nous gouvernent? Le traité de Lisbonne est la version quelque peu allégée de ce qui avait à l’origine été baptisé Constitution de l’UE. Le mot était trop grand pour les ambitions des Européens. Ceux de ministre des Affaires étrangères et de président de l’UE ont maintenant l’air bien grands », affirme ainsi le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ, conservateur). Pour la Frankfurter Rundschau, « l’Union européenne s’est trouvé « des dirigeants sans éclat, sans vision voire en partie sans expérience dans le domaine requis ».

Mêmes sons de cloche dans la presse britannique, le Financial Times affirmant que « ces nominations jettent un doute sur leur capacité (des intéressés) à rivaliser avec Washington et Paris ». « Le choix de deux personnalités relativement inconnues (…) est un objet de consternation pour ceux qui voulaient donner plus de poids à l’Europe sur la scène mondiale », écrit encore le journal. Pour le Guardian, ce choix a réduit à néant « tous les espoirs de l’Europe de forcer le monde à lui prêter une attention nouvelle ». « Le continent, la nuit dernière, s’est éloigné de la table des grands, manquant une chance réelle de se maintenir au niveau du monde du G2 dominé par les pôles jumeaux Washington et Pékin », conclut le quotidien.

Un cran à gauche

Orwell : journaliste, témoin, militant, analyste et penseur.  Photo DR.

Les Écrits politiques d’Orwell, confirment l’auteur de La ferme des animaux comme un penseur politique de premier plan. Le recueil publié aux éditions Agone rend accessible en français un certain nombre de textes que sa veuve Sonia, qui n’appréciait pas le positionnement politique de son mari, avait jugé bon d’écarter. Organisé en six parties, ce livre retrace l’engagement passionné de l’auteur de 1928 à 1949.

Tout au long de sa vie, Eric Arthur Blair (1903/1950) puisera son inspiration dans les engagements liés à son expérience personnelle. On en trouve les premières traces dans quatre articles publiés entre 1928 et 1929. L’auteur, qui partage les conditions laborieuses des classes populaires londoniennes, y défend la liberté d’expression et une certaine idée de la littérature. Il s’attache aussi à décrire la condition humaine des ouvriers devenus chômeurs sans omettre de mentionner les mensonges d’Etat entretenus par la presse. « Les statistiques officielles se rapportant au chômage sont à dessein réglées de façon à induire en erreur (…) Une légende absurde circule dans la presse conservatrice d’après laquelle le chômage est uniquement dû à la paresse et à la rapacité des travailleurs. »

Entre dix-neuf et vingt-quatre ans, Eric Blair s’engage comme policier de la couronne d’Angleterre en Birmanie. Cette expérience de jeunesse fera d’Orwell (pseudonyme qui apparaît en 1933) un des plus virulent adversaire de l’impérialisme britannique. « Le racisme est avant tout une manière de pousser l’exploitation au-delà des limites normalement possibles en prétendant que les exploités ne sont pas des êtres humains (…) Hitler n’est que le spectre de notre passé qui s’élève contre nous. »

Expérience traumatique de la guerre d’Espagne

Au début de la guerre d’Espagne, Orwell combat six mois dans les milices du POUM*, et échappe de peu aux geôles communistes. Touché à la gorge par une balle franquiste, il retourne en Angleterre. S’en suit une série d’articles sur les mécanismes de la pensée totalitaire et les mesquineries de la politique de puissance.

Après la signature du pacte germano-soviétique, Orwell rompt avec la famille d’extrême gauche anglaise. En 1941, il approfondit la conception du socialisme qu’il appelle de ses vœux : « Une alliance entre les ouvriers et les membres des couches moyennes modernes, réunis sous la figure de l’homme ordinaire et partageant les valeurs de la décence commune. »

Le socialisme démocratique d’Orwell intègre la revendication de l’autonomie de l’individu au sein du socialisme. Sans exclure le recours à la violence, « si la minorité privilégiée s’accroche à son pouvoir. » L’auteur prend aussi le contre-pied d’une idée répandue à gauche selon laquelle le fascisme ne serait qu’une forme particulièrement agressive de capitalisme. « La démocratie bourgeoise ne suffit pas, mais elle vaut bien mieux que le fascisme. (…) Les gens ordinaires le savent, même si les intellectuels l’ignorent. »

Suite aux interprétations erronées qui font suite à la publication de 1984, paru le 8 juin 1949, Orwell fait la lumière sur sa démarche : « Mon roman n’a pas été conçu comme une attaque contre le socialisme mais comme une dénonciation des perversions auxquelles une économie centralisée peut être sujette et qui ont été partiellement réalisées dans le communisme et le fascisme. (…) Je crois que les idées totalitaires ont partout pris racine dans les esprits intellectuels, et j’ai essayé de pousser ces idées jusqu’à leurs conséquences logiques. »

Jean-Marie Dinh

*POUM : Parti ouvrier d’unification marxiste créé à Barcelone en septembre 1935. Fusion entre Izquierda Communista d’origine trotskiste et du Bloque Obreto ( bloc ouvrier et paysan)

Georges Orwell, Écrits politiques (1928-1949) éditions Agone, 25 euros.

Voir aussi : Rubrique Débat Le conservatisme en politique, Rubrique Justice, soutien à Baltazar Carzon,

Le conservatisme en politique

Les XXII es Rencontres de Pétrarque rediffusées sur France Culture abordent la question du conservatisme. Un statu quo qui s’applique bien à la politique française…

Les juillettistes ont manqué les XXII Rencontres de Pétrarque consacrées à la question « sommes-nous de plus en plus conservateur ? » Si le sujet les intéresse, ils peuvent se rattraper en écoutant France Culture qui rediffuse actuellement les enregistrements réalisés dans la Cours des Ursulines durant le Festival de Radio France. Nous revenons également cette semaine sur deux des débats abordés au cours de ces rencontres : Aujourd’hui le conservatisme en politique.

Messieurs les anglais tirez les premiers. Seul étranger autours de la table, le député travailliste Denis Mc Shane qui fut ministre aux affaires européennes dans le gouvernement Blair se lance. Avec un certain goût pour la provocation, il oppose « la révolutionnaire et libérale Margaret Thatcher au conservateur François Mitterrand. Oui, affirme le député britannique, la France est aujourd’hui le pays le plus conservateur d’Europe Chez vous, tout changement est refusé. La France ne bouge pas. Et quand le conservatisme ne marche pas, il fait naître des gens qui sont prêts à changer. » C’est ainsi que le travailliste s’explique l’avènement de Sarkozy. Au centre de son constat, les partis figés qui ne souhaitent pas le changement parce qu’ils sont incapables de changer leur propre fonctionnement. Silence, un troupeau d’éléphants passe sans bruit. Mc Shane poursuit. Tout en distinguant les conservateurs britanniques de leur homologues français, le social démocrate décomplexé prédit à la gauche française 15 ans de traversée du désert pour s’adapter au peuple. Vision cauchemardesque et pragmatique dont la clarté dérange ses co-conférenciers, mais qui oriente, dans le même temps, cette question du conservatisme vers la gauche.

Longue tirade d’Alain Finkielkraut qui observe de loin notre entrée dans un autre monde. « C’est le triomphe de la pensée calculante et la défaite de la pensée méditante. La culture s’engloutit dans le culturel». Le monde peut s’écrouler, Finkielkraut fera toujours du Finkielkraut. Reste que les néo conservateurs, Thatcher, Bush et Sarkozy, ne sont pas des conservateurs. Ils importent ou exportent un système idéologique et sont prêts à tout bousculer pour l’imposer. « Face à cette droite avide, les socialistes sont ils confiants dans leurs croyances ? » S’interroge Daniel Lindenberg « La défaite de Ségolène Royal est réelle. Elle n’est pas cosmique », précise l’historien des idées, la gauche immobiliste doit tirer les enseignements de cette droite qui pratique la guerre du mouvement. » pour Lindenberg, les lignes politiques bougent. Et en se réappropriant le culte de l’autorité et de la tradition, la gauche ne se projette pas dans l’avenir. Elle cède simplement à la tentation du repli.

Georges Frêche coiffe sa casquette d’historien pour rappeler que « La conservation et le progrès n’ont jamais été égaux. Le changement est bref et le conservatisme est long. » En France depuis deux siècles la vrai gauche n’a gouverné que onze petites années souligne le président de Région qui rejoint Mc Shane pour annoncer au PS son entrée dans un long purgatoire. « Ne tentons pas d’être absolument moderne. Mais efforçons-nous d’être contemporain.» recadre Antoine Compagnon qui enseigne la littérature au Collège de France.

La volonté de faire du passé table rase est un axe essentiel des politiques totalitaires. Il y a des libertés de la modernité qui reste à défendre et d’autre à contenir comme la liberté économique. Celle que l’anarchiste conservateur, Georges Orwell que personne ne cite, définissait comme « une liberté qui est le droit d’exploiter l’autre à son profit » Percutant non ?

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Débat politique Présidentielles 2007 victoire de  Sarkozy, Rubrique Essai Alain Badiou Organiser une critique de la démocratie,