Nicole Garcia : Un week-end virtuose en méditerranée

Nicole Garcia a fait escale au Diagonal où elle a présenté son dernier film
en avant-première Un Beau dimanche qui sort sur les écrans aujourd’hui.

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Nicole Garcia de passage à Montpellier entourée de Pierre Rochefort et Louise Bourgoin. Photo Redouane Anfoussi

Invités par les cinémas Diagonal, Nicole Garcia accompagnée des comédiens Pierre Rochefort (son fils) et de Louise Bourgoin sont venus cette semaine à Montpellier présenter Un Beau Dimanche. Tourné caméra à l’épaule dans la région, le nouveau film de Nicole Garcia est emprunt d’une touchante légèreté. La réalisatrice vient chercher une lumière qui lui est chère et qui l’incite à retrouver son amour pour la liberté.

On pense à son premier film, Un week-end sur deux dans l’approche des personnages dont elle saisit avec justesse la nature et la complexité. Baptiste un jeune instituteur va de poste en poste sans volonté de se fixer. A la veille du week-end de Pentecôte, il hérite malgré lui de Mathias, un de ses élèves, oublié à la sortie de l’école par un père négligent. Tous deux rejoignent sa mère Sandra qui travaille sur la plage de Villeneuve-lès-Maguelone. Le charme opère entre eux trois, vite perturbé par les soucis d’argent de Sandra qui les contraignent à trouver une solution rapide. L’urgence pousse Baptiste à affronter le passé familial qu’il fuit.

Une légèreté profonde
Un Beau Dimanche est un film à la fois profond et dégagé. La légèreté du film passe dans les mouvements de la caméra. Elle tient aussi à la mobilité contrainte des personnages principaux qui tentent de transformer l’inconstance en liberté. L’intrigue s’impose dans un contexte social tendu déclenché dès les premières images par une scène d’expulsion d’un sqatt qui affirme la griffe réaliste de la réalisatrice.

Mais c’est la réalité intérieure des personnages qui tisse la trame narrative de Nicole Garcia: « Les préjugés sociaux se réduisent à peu de choses. J’ai eu la chance que ce qui est intime est personnel chez Louise et Pierre, tombent vite dans le romanesque. Je n’aime pas la psychologie. Le film est construit sur la tension dramatique

Dans la première partie on se retrouve un peu dans un Drive à la française (le rythme en moins), avant de glisser sensiblement dans un univers cher à Terrenck Malick.

Le film porte un regard sur la famille. Celle de Mathias que le manque de disponibilité rend friable et celle de Baptiste qui tient sur des convenances cruelles et fragiles. La scène de la réunion familiale évoque un rapport de classe inversé par le choix de Baptiste qui refuse son rang et trouve la liberté de dire non à l’argent au grand désespoir de sa bourgeoise famille.

«Je ne voulais pas faire de caricature mais rester au plus près de la logique sociale et des sentiments des personnages, sans les juger. Leur donner à eux aussi une chance de nous émouvoir.» La question du refus de l’héritage renvoie au rapport entre la réalisatrice et son fils à qui elle offre un premier grand rôle. « Il me paraissait inconciliable de travailler avec ma famille, confie Pierre Rochefort après une période de questionnement je me suis dit que si je laissais passer cette occasion je m’en serais mordu les doigts toute ma vie.» Héritage quand tu nous tiens…

JMDH

Source : L’Hérault du jour : 31/01/14

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Miyazaki filme le vent

le-vent-se-leve-baiserLe Vent se lève , le dernier film du maître de l’animation japonaise à découvrir sur les grands écrans.

Le Vent se lève, de Hayao Miyazaki, clôt l’oeuvre du grand maître de l’animation mondiale qui a annoncé que ce serait son dernier film. Il arrive comme une forme de testament artistique, de condensé de son oeuvre qui compte 11 longs-métrages géniaux. Miyazaki s’est imposé comme l’héritier japonais de Victor Hugo, Prévert et Van Gogh.

Le vent se lève s’intéresse à la vie de Jiro Horikoshi, un Japonais connu dans les années 1920 pour avoir conçu une des armes de guerre phares du pays, le fameux Zéro japonais, surnommé sur le terrain la terreur du Pacifique. Ce n’est pas la passion militaire qui anime Miyazaki et son héros mais la fascination pour les machines volantes. Le réalisateur développe le dilemme interne de l’ingénieur aspiré par le processus créatif et meurtri par l’utilisation qui sera faite de son travail.

Poète inclassable de la nature, Miyazaki narre l’histoire de son pays. Le film évoque les grands épisodes historiques mis en parallèle avec la vie des personnages. On peut voir un lien entre la maladie de la femme du héros et la guerre.De quoi fâcher le très nationaliste premier ministre Shinzo Abe.

Jmdh

Source La Marseillaise 24/1/14

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Mila Turajlic : « Tito était vraiment passionné par le cinéma »

Mila+Turajlic+Filmmaker+Welcome+Party+2011+S02IelMnFPslMila Turajlic. La jeune réalisatrice filme l’histoire de l’ex-Yougoslavie racontée par son septième art. Elle était invitée hier soir au cinéma Utopia à Montpellier.

Après des études à la London School of Economics et une formation en audiovisuel à Belgrade, Mila Turajlic entreprend une carrière de documentariste. Séduite par l’aspect subversif du cinéma, elle se lance dans le septième art, En 2011, elle réalise son premier long métrage : Cinema Komunisto : il était une fois en Yougoslavie. Le film qui a reçu de nombreux prix est distribué par Les films des deux rives. Il était projeté hier soir à 20h au cinéma Utopia en sa présence. Entretien.

Comment a germé l’idée de départ de Cinema Komunisto ?
Au début, je ne pensais pas m’attaquer à un sujet aussi vaste. Je voulais faire un documentaire sur des studios Avala aujourd’hui laissés à l’abandon à Belgrade. En travaillant sur les archives, il m’est apparu que la disparition des studios était liée à celle de la Yougoslavie. Et c’est au cours de mes rencontres avec les protagonistes de l’époque que je me suis décidée a évoquer le destin de ces studios comme une métaphore du pays.

Votre film met en parallèle le cinéma, l’histoire du pays et celle de Tito. Quels choix de traitement avez-vous fait ?
Je ne voulais pas me concentrer sur Tito mais il était difficile de raconter cette histoire sans lui. C’est en avançant que j’ai découvert, la nature de son engagement qui s’exprimait dans le financement et le choix des films, et bien au-delà encore, puisqu’il allait jusqu’à s’impliquer dans les casting. Le film révèle un des aspects méconnus de sa personnalité, celle d’un vrai passionné de cinéma. J’ai aussi voulu faire appel à des personnages témoins, pas à des historiens du cinéma ou à des experts. Tous les gens qui parlent dans le film ont été impliqués dans l’histoire et beaucoup le reste. Ils ne livrent pas une analyse distanciée. Cela amène une dimension plus humaine. J’ai dû m’armer de patience pour convaincre le projectionniste personnel de Tito de s’exprimer, il n’avait jamais donné d’interview.

Lorsque Tito crée les studios en 1945, il s’inspire de l’école soviétique portée par les films des années vingt comme ceux d’Eisenstein, puis par le réalisme soviétique, sous Staline. Sa volonté s’inscrit-elle dans cette veine ?
Tito était très inspiré par le cinéma soviétique qui faisait référence. Le premier film de fiction Yougoslave, sorti avant la fin de la guerre, avait d’ailleurs un chef opérateur soviétique mais on pressent déjà une rétissance chez lui. Il le commente en disant c’est bien, mais un peu trop idéologique, il faut faire des choses plus subtiles…

La production des studios Avala accompagne les enjeux politiques du moment avec des films de guerre, de propagande ou autour de l’unification nationale, quand est-il de la politique de non alignement ?
On tourne en effet beaucoup de films de guerre. L’axe idéologique de la fraternité ethnique revient également avec constance. Les aspects du communisme yougoslave reposant sur le principe socio-économique de l’autogestion sont mis en valeur avec des sujets sur la production ouvrière dans les usines ou la valorisation d’une jeunesse engagée et bâtisseuse. Le sujet des non alignés n’apparaît pas directement dans le cinéma Yougoslave mais beaucoup de cinéastes se sont déplacés dans les pays prenant part au mouvement.

Est-ce la rupture avec l’URSS en 1948, qui ouvre la porte à Hollywood ?
Oui, l’incidence notamment économique se fait tout de suite sentir. En 1949 il n’y a plus un seul film soviétique distribué en Yougoslavie. Avec intelligence Tito parvient à attirer l’industrie du cinéma américain qui débarque avec des moyens importants pour réaliser des super productions.

Le film, souligne l’autoritarisme de Tito avec subtilité…
C’est vrai que Tito était un dictateur, mais un dictateur différent de ses homologues à l’Est. C’est le seul à avoir ouvert les frontières, permettant à beaucoup de Yougoslaves d’aller travailler en Allemagne. Il a aussi instauré une forme de liberté économique ouvrière. Sa dictature s’est surtout exercée à travers les persécutions et l’absence de liberté politique, ce que je suggère dans certains passages. Je ne voulais pas faire un film didactique. Nous avons beaucoup travaillé sur le montage pour mettre en scène l’autoritarisme qui est caché dans le décor afin que le spectateur le sente et construise ses propres représentations.

Dix ans après la mort de Tito, la guerre inter-ethnique resurgit suivie d’un processus d’effacement perceptible dans la nostalgie de vos personnages. Un mode de vie disparaît de l’histoire ?
Le film touche à cette question de la disparition d’une réalité orchestrée par le pouvoir politique établi. On retrouve en effet ce processus dans tous les pays de l’ex-Yougoslavie qui s’appliquent à faire disparaître le passé, y compris la lutte antifascisme de la seconde guerre mondiale.

Quel regard portez-vous sur le cinéma des républiques de l’ex-Yougoslavie ?
L’activité s’est réduite, on ne produit plus dans ces pays que six ou sept films par an. Faire des films suppose d’être soutenu par le fonds européens ce qui implique souvent de travailler en co-production. Le résultat étonnant, est que les co-productions réunissent les ex-pays yougoslaves pour des raisons de simplicité comme le partage de la langue. La plupart des films Bosniaques sont des co-productions régionales, tant et si bien qu’on ne parle pas du cinéma de tel ou tel pays mais de l’ex cinéma Yougoslave.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Source : La Marseillaise 15/01/2014

Voir aussi : Rubrique Cinéma, rubrique Histoire, rubrique Rencontre, On Line, Le pillage des studios d’Avalla,

Idées de cadeaux. Trois films oubliés de Francis Ford Coppola

outsiders

Outsider: un film où Coppola rend hommage à la jeunesse.

Sortie chez Pathé de trois films très longtemps attendus et enfin disponibles en France, du maître Francis Ford Coppola. Il s’agit de Conversation Secrète, Coup de cœur et The Outsiders. Longtemps annoncé en DVD, ces films avaient subi de nombreuses complications, et étaient restés jusqu’à maintenant invisibles.

Palme d’or à Cannes en 1974 Conversation Secrète, porte un regard critique sur les pratiques du pouvoir pour  s’infiltrer dans la vie des gens après Blow up et avant La vie des autres. Si les moyens techniques ont fait un bon en avant, ces pratiques restent complètement d’actualité et les réflexions que posait Coppola il y a 40 ans, n’ont pas vraiment été vraiment renouvelées.

Avec Coup de Cœur (1982), le réalisateur libère son goût pour la démesure en signant une forme singulière de comédie musicale qui fait ressortir tous les artifices de la société américaine. Le film descendu par la critique mérite le détour, notamment pour la BOF signé Tom Wait. The Outsiders, enfin, retrace une guerre des gangs à consonances sociales chez les ados dans les années 50. Un grand classique des teens movies avec un casting incroyable.

Jmdh

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Cinéma Diagonal : Afrique 50 les colonies en héritage

Michel Le Thomas à Montpellier Photo Rédouane Anfoussi

Michel Le Thomas à Montpellier Photo R. Anfoussi

Le réalisateur Michel Le Thomas était au Diagonal jeudi pour présenter De Sable et de sang dans le cadre d’un débat animé par l’historien Jacques Choukroun.

Le film relate l’histoire de Akjoujt, une ancienne ville minière de Mauritanie, en rendant compte de l’impact de l’entreprise néo-colonialiste sur la vie des habitants à partir de leurs expériences. ?« Au départ, il s’agissait de faire un documentaire pour transcrire la dimension humaine de l’action de coopération engagée par la ville communiste de Sevran dans le cadre d’un jumelage avec Akjoujt, explique le réalisateur formé par Jean Rouche, mais cela a pris un peu de temps et cette commune de Seine St Denis a basculé à droite. Le jumelage n’y a pas survécu et le film est resté en plan. Et puis, suite à une rencontre avec René Vautier célèbre pour avoir réalisé le premier film anti-colonial français nous avons décidé de bâtir un scénario.»

Le film joue sur la fiction pour faire le lien entre l’Europe coloniale d’hier et l’Europe forteresse d’aujourd’hui mais De Sable et de sang garde pour l’essentiel la teneur d’un documentaire. On retrouve René Vautier dans son propre rôle de résistant. L’auteur de Afrique 50 et de Avoir 20 ans dans les Aurès, porte un regard sincère sur sa vie de combat contre l’exploitation humaine.

L’intérêt majeur de ce film est de montrer les éléments qui font la continuité entre l’exploitation dénoncé avec fougue dès les années 50 et ce qu’il en reste aujourd’hui.

« Je ne veux pas entrer dans le travers de ceux qui défendent l’idée que rien n’a changé, souligne Michel Le Thomas, car si les gens souffrent de la même façon, ils sont politiquement indépendants.»

ivre DVD, ed Les Mutins de Pangée, 22 €

Livre DVD, ed Les Mutins de Pangée, 22 €

« Afrique 50 » film coup de poing

Cette trajectoire entre le colonialisme et le néocolonialisme est rendue tout à fait perceptible grâce à la bonne idée de la coopérative audiovisuelle et cinématographique de production, Les Mutins de Pangée qui inaugure leur nouvelle collection Mémoire populaire en éditant un livre CD* qui regroupe le film Afrique 50 censuré pendant un demi-siècle en revenant sur sa passionnante histoire ainsi que le film de Michel le Thomas enrichie des commentaires et du fond iconographique de l’historien Alain Ruscio. L’ensemble s’offre comme un objet complet de référence sur la question des colonies françaises d’Afrique.

« Si l’on veut comprendre et apprécier Afrique 50 on doit impérativement le voir en ayant en permanence en tête l’état d’esprit moyen des Français à cette époque, explique Alain Ruscio Le crâne bourré par trois-quarts de siècle de propagande émanant du parti colonial.» Un autre constat similaire sera à faire par les futurs historiens afin de comprendre l’esprit des Français du début du XXIe siècle baignant dans la propagande totale du néolibéralisme.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise16/11/2013

Voir aussi : Rubrique Histoire, rubrique Afrique, rubrique Livre, Comédie du Livre une fenêtre sur l’Afrique,