Cinéma Diagonal : Afrique 50 les colonies en héritage

Michel Le Thomas à Montpellier Photo Rédouane Anfoussi

Michel Le Thomas à Montpellier Photo R. Anfoussi

Le réalisateur Michel Le Thomas était au Diagonal jeudi pour présenter De Sable et de sang dans le cadre d’un débat animé par l’historien Jacques Choukroun.

Le film relate l’histoire de Akjoujt, une ancienne ville minière de Mauritanie, en rendant compte de l’impact de l’entreprise néo-colonialiste sur la vie des habitants à partir de leurs expériences. ?« Au départ, il s’agissait de faire un documentaire pour transcrire la dimension humaine de l’action de coopération engagée par la ville communiste de Sevran dans le cadre d’un jumelage avec Akjoujt, explique le réalisateur formé par Jean Rouche, mais cela a pris un peu de temps et cette commune de Seine St Denis a basculé à droite. Le jumelage n’y a pas survécu et le film est resté en plan. Et puis, suite à une rencontre avec René Vautier célèbre pour avoir réalisé le premier film anti-colonial français nous avons décidé de bâtir un scénario.»

Le film joue sur la fiction pour faire le lien entre l’Europe coloniale d’hier et l’Europe forteresse d’aujourd’hui mais De Sable et de sang garde pour l’essentiel la teneur d’un documentaire. On retrouve René Vautier dans son propre rôle de résistant. L’auteur de Afrique 50 et de Avoir 20 ans dans les Aurès, porte un regard sincère sur sa vie de combat contre l’exploitation humaine.

L’intérêt majeur de ce film est de montrer les éléments qui font la continuité entre l’exploitation dénoncé avec fougue dès les années 50 et ce qu’il en reste aujourd’hui.

« Je ne veux pas entrer dans le travers de ceux qui défendent l’idée que rien n’a changé, souligne Michel Le Thomas, car si les gens souffrent de la même façon, ils sont politiquement indépendants.»

ivre DVD, ed Les Mutins de Pangée, 22 €

Livre DVD, ed Les Mutins de Pangée, 22 €

« Afrique 50 » film coup de poing

Cette trajectoire entre le colonialisme et le néocolonialisme est rendue tout à fait perceptible grâce à la bonne idée de la coopérative audiovisuelle et cinématographique de production, Les Mutins de Pangée qui inaugure leur nouvelle collection Mémoire populaire en éditant un livre CD* qui regroupe le film Afrique 50 censuré pendant un demi-siècle en revenant sur sa passionnante histoire ainsi que le film de Michel le Thomas enrichie des commentaires et du fond iconographique de l’historien Alain Ruscio. L’ensemble s’offre comme un objet complet de référence sur la question des colonies françaises d’Afrique.

« Si l’on veut comprendre et apprécier Afrique 50 on doit impérativement le voir en ayant en permanence en tête l’état d’esprit moyen des Français à cette époque, explique Alain Ruscio Le crâne bourré par trois-quarts de siècle de propagande émanant du parti colonial.» Un autre constat similaire sera à faire par les futurs historiens afin de comprendre l’esprit des Français du début du XXIe siècle baignant dans la propagande totale du néolibéralisme.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise16/11/2013

Voir aussi : Rubrique Histoire, rubrique Afrique, rubrique Livre, Comédie du Livre une fenêtre sur l’Afrique,

Dans le Gard la société civile s’engage contre la discrimination

Agir devant l'impuissance publique face à la montée du FN

Pour un vrai débat public et citoyen

Réfléchir sur les pannes qui se sont produites dans le processus d’intégration ou analyser la montée de l’extrême droite à l’échelle locale ne consiste pas à réduire ces problématiques qui se déploient à l’échelle nationale et européenne. Ce peut être au contraire une facon d’ouvrir le débat au plus près du quotidien. Les thèmes de l’exclusion et des discriminations émergent toujours difficilement dans le débat public hexagonal. « Localement, la moitié de la population est raciste, certains maires refusent d’aborder la question pour ne pas fâcher les gens », confie M. Mazauric.

A l’aune de ce témoignage, on mesure la nécessité de voir émerger des mouvements organisés et massifs. Avec le soutien de partis en manque de symbole, le monde associatif s’est depuis longtemps engagé dans ce combat mais de Fadela Amara à Harlem Désir, les premiers concernés ont plus pensé à servir leurs ambitions qu’à s’investir dans une action collective. La marche pour l’égalité de 1983 et « Convergence 84 » avaient ébauché une avancée qui fut minée par la récupération politique et les déceptions consécutives.

Par l’effet d’une méfiance compréhensible, les intéressés on finit par s’isoler dans des revendications communautaires. Il est plus que temps de dépasser le lourd contentieux colonial pour s’inscrire dans la réalité de la diversité. L’effet de loupe porté sur la situation du Gard permet de voir que le racisme s’exerce aussi en direction de l’étranger qui vient s’installer dans la région quelles que soit ses origines. « La peur du FN reste un des principaux ressorts du vote utile », souligne l’historien Alexis Corbière, une raison citoyenne de plus d’évaluer et d’agir en connaissance de cause…

JMDH

Société. Le Gard est le seul département à avoir placé le FN (25,51%) en tête au premier tour de la présidentielle en 2012. La société civile s’engage pour un retour à la fraternité soutenu par le CG 30.

Marion Mazauric créatrice des Editions Au diable Vauvert

Marion Mazauric créatrice des Editions Au diable Vauvert

Premier festival du livre contre la discrimination

La semaine nationale contre le racisme et les discriminations prend du sens ce week-end à Vauvert avec la première édition du Festival in/différences initiée par les éditions Au Diable Vauvert et la librairie La Fontaine aux livres. « Nous inaugurons le premier salon du livre en France contre la discrimination, indique Marion Mazauric fondatrice des éditions du Diable. Nous le reconduirons chaque année à l’occasion de la semaine contre le racisme en mettant à l’honneur une pratique, une culture ou une population ostracisée. Le thème de cette année c’est le racisme, ce pourrait être les homosexuels ou la tauromachie...» Au cœur de la 2e circonscription du Gard représentée à l’Assemblée par Gilbert Collard, cette initiative s’accompagne de la parution d’un petit livre* qui fait le point sur les raisons locales de la montée du FN. L’ouvrage réunit historiens, sociologues, géographes ou spécialistes de l’extrême droite pour se pencher sur le cas du Gard.

L’historien Raymond Huard rappelle que les mouvements d’extrême droite prospèrent toujours sur un terreau particulier. Des débordements xénophobes d’Aigues-Mortes à l’encontre des ouvriers italiens à la fin du XIXe aux différents succès électoraux du FN dans le Gard à partir des Européennes de 1984 en passant par le mouvement poujadiste qui perce dans les années 50 auprès des rapatriés d’Algérie, le FN a trouvé les moyens de s’ancrer dans le département. Il a en outre bénéficié de l’attitude de deux présidents de région successifs. Jacques Blanc s’alliera directement avec le FN tandis que Frêche s’en est accommodé par calcul politicien.

La géographe Catherine Bernié- Boissard fait le lien entre le rapport des habitants à la ville et leur comportement électoral. Rattachant la récente progression du FN à un ensemble de facteurs : crise économique, délitement des services publics, ruptures des liens sociaux, crise culturelle. Ici comme ailleurs, la ruralité a reculé au profit du péri-urbain. « On ne gère plus le collectif, confirme Marion Mazauric qui vit sur place. On construit des villes entières sans place pour se rencontrer. Le défi du développement démographique suppose un effort mutuel. Les gens qui arrivent doivent respecter la culture et les autres doivent pendre conscience qu’ici les sangs se sont mêlés depuis les Wisigoths ». Au-delà du festival, plus de 75 associations sont mobilisées pour remettre l’intelligence au service de l’humain. Ils ont trouvé une réponse institutionnelle avec le Préfet du Gard Hugues Bousiges qui lance la semaine de la fraternité du 21 au 28 mars. Un réveil ?

Jean-Marie Dinh

Vote FN : pourquoi ? Ed Au Diable Vauvert 128 p 5 euros.

Source : La Marseillaise 16/03/2013

Voir aussi : Rubrique Livre, Essais, Le massacre des Italiens rubrique Edition, rubrique Festival, rubrique Histoire, rubrique Société, citoyenneté, rubrique Politique, Politique de l’immigration, rubrique Débat,