Actuellement aux Treize Vents se donne un spectacle entre la pièce contemporaine, le concert barré et le manifeste pour un dépassement dans la jouissance de l’instant. Le propos, quasi générationnel, s’ancre dès le début dans un univers exclusivement masculin. Il s’articule sous la forme d’un autoportrait au vitriol.
Un gardien de musée tue l’ennui et fuit son propre vide. Sa mission professionnelle, celle d’être là sans rien faire, renvoie à l’espace plus large d’une société qui n’a pas besoin de lui. Sur scène, Philippe dispose d’un alter ego, sorte de jumeau qui souligne sa vulnérabilité. Le texte cru, parfois vulgaire, tombe à certains moments dans l’égocentrisme, avant de redécoller dans une cruauté plus distinguée. « Je voudrais fuir mais je suis menotté sur ce gouffre de chaise avec ces deux connasses névrosées puant la solitude des vieilles qui terminent seules. »Cette Chaise mise en scène par Mélanie Leray d’après un texte de Forian Parra donne un peu dans le mélange des genres. Mais c’est pour mieux redéfinir les contenus. Le fil narratif surprenant joue sur la densité émotionnelle et les variations de tension. On s’accroche à sa chaise comme à beaucoup de choses qu’il faut savoir lâcher pour saisir la réalité complexe qui s’offre ici sans pudeur. Entre provocation et confessions intimes, les fêlures surgissent : du sexe, de la souffrance, du sexe, en tournant le dos à la vérité quand celle-ci daigne pointer son nez. Il n’y a pas de divan, mais prenez donc une chaise !
Jean-Marie Dinh
La Chaise, jusqu’au 6 novembre au Théâtre de Grammont 04 67 99 25 00
Dites à ceux qui se sont levés du pied gauche, qui se liquéfient dans les bouchons ou qui en ont simplement marre du sable, que l’on trouve avec l’exposition du musée Paul Valéry Dufy en Méditerranée une heureuse occasion de dissiper leur maussade humeur. D’abord fuir les plages bondées et les fruits jamais mûrs de la grande distribution, puis sortir des embouteillages en prenant de la hauteur. L’escale cimetière marin n’est pas obligatoire, mais nous la conseillons. En été ce sas de décompression n’a rien à envier aux activités réputées relaxantes des complexes nautiques, érotiques et ludico-commerciaux. Perché sur le Mont St Clair, le musée vient de rouvrir après une réorganisation muséographique, apprend-on sur place. L’architecture extérieure style Le Corbusier n’est pas une perle d’esthétisme, mais l’espace intérieur offre de beaux volumes.
Evidemment, par ces temps où les œuvres sont asservies partout pour valoriser la richesse patrimoniale locale, la vigilance légitime des amateurs s’éveille. Quelle est la pertinence thématique des expositions qui leur sont proposées à grand renfort de communication institutionnelle. Sans aller jusqu’à s’interroger sur celle des investissements publics en matière de création, rien n’empêche les néophytes de fonder leur jugement en se détournant des présentations expertes. Après tout, pourquoi se laisser bercer par les discours insensés d’une époque où tout et son contraire sont justifiables ?
Ce qui est génial chez Dufy, c’est la spontanéité de son expression. Cet artiste a le don de rendre sa peinture accessible sans jamais céder à la facilité. Il doit peut-être cela à ses origines modestes. C’est un type qui a fait les beaux-arts en suivant les cours du soir. Après avoir acquis une certaine reconnaissance, il crée une petite entreprise d’imagerie. Un artiste engagé aussi. En 1915, il diffuse des gravures de propagande patriotique et réalise des dessins pour la revue Le mot dirigé par Jean Cocteau. Mais cela ne l’empêche pas de s’engager comme volontaire.
Vénus à la coquille, 1925-1930
L’expo réunit une soixantaine de ses œuvres, peintures, aquarelles et gouaches provenant de nombreuses collections publiques et privées. Il fait frais dans le musée. Les œuvres s’étalent dans un vaste espace. On se demande toujours en quoi la Méditerranée a bien pu influer cet artiste normand jusqu’à ce qu’on tombe sur ses toiles du marché de Marseille. Là, l’interrogation s’estompe assez vite. Face aux légumes, aux étoffes des robes, à la foule qui s’anime. On ressent le poids des personnages, le monde populaire qui se protègent de la chaleur sous les parasols des commerçants et les stores des terrasses. En début d’après-midi, après la fermeture, une senteur poissonnière passe dans la fraîcheur du marché couvert. Dufy a peint ces toiles en 1903. L’année où il présenta pour la première fois ses œuvres au Salon des Indépendants et où il découvre le Sud de la France, lors d’un séjour à Martigues. Il est resté fasciné par la lumière du Midi.
Dufy dans son atelier de Forcalquier, 1952
Cet artiste devait être un type bien. Il a poursuivi toute sa vie (1877-1953) une recherche avant-gardiste et personnelle. Sur l’autoportrait qu’il fait en 1904, il a les traits tirés. Il doit manquer de sommeil. Il est dans son temps et en même temps dans l’avenir. D’abord impressionniste, il passe au fauvisme sous l’influence de Matisse qui libère un peu plus son expression. Comme tous ses contemporains, il se prend un flash Cézanne. On discerne l’influence cézannienne dans plusieurs de ses toiles. Mais l’attention que Dufy porte à l’architecture spatiale, conserve un je-ne-sais-quoi du déséquilibre qui lui est propre. Son exigence le conduira à définir son propre langage plastique. Un langage aérien qui s’est nourri de la lumière méditerranéenne. A travers les œuvres présentées, réalisées en Italie, en Espagne, au Maroc, en Algérie, l’expo montre qu’il a beaucoup voyagé. Dufy recherche et capte l’éphémère. En regardant une petite fille qui court sur le quai de Honfleur, il comprend que l’esprit enregistre plus vite la couleur que les contours. A partir de ce moment, il va dissocier les couleurs et le dessin. Ce qui participe à son style avec le mouvement, les superpositions, la multiplicité des sollicitations. Dufy est un poète du trait et de la lumière. Allez-y les yeux ouverts !
Jean-Marie Dinh
Dufy en Méditerranée Musée Paul Valéry A Sète jusqu’au 31 octobre 2010.
La présentation de la prochaine saison du CDN modifie le cap. Le nouveau directeur dramaturge présente son parti pris pour les auteurs français et vivants.
Jean-Marie Besset a pris les rênes du Centre dramatique national cet hiver. La saison 2010/2011, présentée récemment à Grammont, donne donc le la de la nouvelle direction après les années Fall. L’annonce de cette nomination a fait l’objet d’un consensus entre le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand et le Président de Région Georges Frêche. Elle est à l’origine d’une polémique dont le fait majeur concerne la procédure même de nomination, cousue d’indélicatesses monarchiques. A ce propos, Jean-Marie Besset, qui campe sur une posture artistique, évoque une arrivée sous la pluie et souhaite qu’on le juge sur son travail.
La programmation artistique est celle d’un dramaturge auteur d’une vingtaine de pièces. Deux d’entre elles, mises en scène par Gilbert Desveaux, le directeur adjoint, sont à l’affiche. Elles permettront de découvrir son travail. RER, créé en 2006, ouvrira la saison. Une pièce d’aujourd’hui qui aborde la « victimisation » et le mensonge comme vecteur de vérité. Elle s’inspire d’un fait divers. Celui d’une jeune fille d’origine juive dont les déclarations avaient provoqué l’émoi de la classe politique jusqu’au sommet de l’Etat, avant que la victime ne déclare que cette histoire relevait de son imagination. Perthus, créé au Théâtre du Rond point en 2008, s’attache à la relation homosexuelle de deux adolescents, et particulièrement à l’amitié qui se noue entre leurs mères respectives, avec en creux, la problématique des jeunes garçons aux pères tus.
La charpente générale de la saison repose sur des auteurs vivants de langue française (Philippe Minyana, Pierre Notte, Florian Parra, Rayhana…). Côté répertoire, on attend La coupe et les lèvres de Musset, Le Platonov de l’Héraultais Nicolas Oton et Nicomède & Suréna de Corneille. Sous le titre de l’édito du directeur, intitulé Tintin en Amérique, se distingue un goût certain pour l’écriture contemporaine anglo-saxonne qui s’exprimera avec Harper Regan, du jeune dramaturge britannique Simon Stephens, Parlez-moi d’amour mise en scène par Jacques Lasalle d’après Raymond Carver et Break your Leg de Marc Lainé, qui s’attaque aux figures de la culture populaire US.A l’instar de cette histoire qui commence, Il faut je ne veux pas, création unissant les mots de Musset et ceux de Besset autour de l’union au sein du couple, devrait nous éclairer sur la nature du mariage. De cœur ou de raison ?
Jean-Marie Besset : « Moi c’est l’art qui m’intéresse »
Revenons sur les conditions difficiles de votre arrivée. Comment en analysez-vous les aspects ?
« Je l’ai dit, je l’ai mal vécu. Car pour moi le théâtre a toujours été un lieu de liberté, un refuge contre ma famille, la société… De voir une corporation de metteurs en scène se retourner contre moi m’a profondément touché. Je crois que cela est d’abord lié à une méconnaissance. Ces gens n’ont jamais vu mon travail. Ils fondent leur jugement sur des ouï-dire. Au-delà de la dimension artistique, je suis diplômé de L’ESSEC, l’administration d’un CDN ne me pose aucune difficulté. Enfin, je pense qu’il y a une part d’homophobie. Au moment de ma nomination nous étions en pleine polémique sur l’affaire Polanski. On avait extrait du contexte des textes de Frédéric Mitterrand, qui prenait sa défense, pour le faire passer pour un pédophile. C’est devenu l’affaire Mitterrand et dans la foulée on m’a fait le procès d’être un pédé de droite. C’est tout bonnement infâme.
Reste la question politique : le ministre de la Culture n’a pas pris la défense de Marie NDiaye face à la sortie de Raoult sur le devoir de réserve des écrivains…
Je considère Marie NDiaye comme un grand auteur mais quand elle parle de France monstrueuse de Sarkozy, c’est un peu excessif.
Quelle image vous faites-vous de la composition du public des Treize Vents ? Souhaitez-vous l’élargir ?
Nous venons de vendre 4 000 places en six heures de temps. Cela représente à peu près 10% de notre jauge annuelle. C’est plutôt un bon début. Je crois que l’essentiel du public se compose d’enseignants et d’enseignés. Je souhaite aller vers davantage de mixité et toucher des publics qui ne se déplacent plus : les pharmaciens, les médecins, et aussi les gens qui travaillent dans les administrations.
Dans le triptyque auteurs, metteurs en scène, acteurs, vous misez sur le texte. Comment défendre le sens et l’imaginaire face au phénomène pesant de l’industrialisation culturelle ?
Je mets le triptyque à égalité sur ses trois pieds. Trop souvent la table est bancale. Le metteur en scène est apparu à la fin du XIXe. En cent ans, il a pris tout le pouvoir dans le théâtre de la République. C’est paradoxalement au moment où s’est développé le cinéma d’auteur que l’auteur de théâtre disparaît au profit de textes non théâtraux ou de recherche sur les classiques. En misant sur les auteurs, je compte infléchir cette tendance à partir de Montpellier. Cela se fait ailleurs comme au Théâtre du Rond-Point, mais demeure très marginal.
Votre engagement en faveur des auteurs français vous conduira-t-il à organiser un match Corneille / Shakespeare ?
J’observe un certain mépris du théâtre français chez beaucoup de programmateurs qui s’enthousiasment pour le moindre auteur étranger. Hormis Yasmina Reiza, très peu de pièces françaises contemporaines sont données à l’étranger. Cela passe aussi par le soin apporté à la traduction. La langue de Corneille comme celle de Shakespeare en Angleterre, sont des textes qui sont restés dans leur jus et restent assez peu faciles d’accès.
Que vous inspire la phrase de Godard : La culture c’est la norme, l’art c’est l’exception ?
Moi c’est l’art qui m’intéresse, ce n’est pas la culture. Je suis très heureux de faire du théâtre. Je n’ai pas écrit depuis six mois et ça commence à me manquer. »
Herbie Hancock hors du temps et toujours présent. Photo DR
Festival. Du 12 au 17 juillet, la quatorzième édition de Jazz à Sète creuse un sillon musical essentiel. Six jours de jazz non stop. Herbie Hancock et George Benson en invités légendaires.
Ray Charles, Pacco de Lucia, Hank Jones, Michel Portal…, depuis 1985, les moments musicaux inoubliables de Jazz à Sète font légion. Au point de s’interroger sur ce sentiment de bonheur pas entamé, cette forme de candeur toujours renouvelée qui saisit les fidèles amateurs à l’approche du festival. D’évidence, la magie du lieu tient son rôle. Le majestueux Théâtre de la mer souffle ou aspire, selon les cas, nos esprits vers d’autres rivages, avec cette vertu particulière de faire éclater les sphères individuelles. Ce lieu d’échange est d’autant plus propice à la sérénité quand le goût du jazz se trouve en partage ouvert libre et sans frontières. A l’image de son capitaine Louis Martinez, directeur artistique et musicien qui tient la barre parfois contre les vents. « ?Assurer une programmation c’est autre chose que de mettre un paquet de pognon sur des têtes d’affiches? », a-t-on rappelé lors de la présentation de l’édition 2010.
Celle-ci se tenait à l’Atelier du Garage, espace de travail commun d’Isabelle Marsalla et de Bocaj qui signe l’affiche. Depuis de nombreuses années, les personnages féminins colorés et provocateurs du peintre sont devenus l’emblème du festival. On pourra faire plus ample connaissance avec les muses de Bocaj grâce à l’expo qui s’ouvre salle Tabouriech durant le festival. A découvrir aussi, l’exposition du photographe Eric Morère qui propose une rétrospective du festival au bistrot du marché.
La vie d’un festival se mesure souvent à ce qu’il se passe en dehors de la scène. A l’occasion du centenaire de la naissance de Django Reinhardt, le festival organise cette année une conférence à la Médiathèque qui sera donnée par Francis Couvreux suivie d’un concert manouche sur le parvis. Les instrumentistes pourront parfaire leurs techniques d’impro en suivant les ateliers jazz au conservatoire. A suivre également, l’aboutissement du Tremplin Jazz à Sète permettant aux groupes de jazz non distribués d’ouvrir l’une des soirées phare du festival. Le lauréat 2010 est Riad Klaï Project Un groupe de sept musiciens œuvrant dans un registre allant du jazz à l’Afrobeat. Ils joueront en première partie de George Benson.
En quatorze éditions, Jazz à Sète s’est forgé une identité forte à l’image d’une ville qui n’en manque pas. L’idée d’un off impliquant toute la population est plus que mûre mais ne trouve pas de financement, dommage !
La programmation jazz concoctée par Louis Martinez passe du subtil à l’émotion brute
Avec des mots simples, Louis Martinez a eu le plaisir de dévoiler le programme de Jazz à Sète 2010. « ?Je me dis que cette programmation me serait apparue inespérée il y a quelques années.? » Le temps a, semble-t-il, plaidé pour une reconnaissance qualitative du travail engagé. Et si le budget demeure modeste (300 000 euros dont 65% de fond propre), le festival s’annonce une fois de plus riche est varié. A l’image de son équipe et de ses cinquante bénévoles fous de jazz. A l’image aussi de l’œuvre d’Herbie Hancock qui en assurera l’ouverture lundi 12 juillet. On ne présente plus le maître de l’électro jazz funk tant sa traversée des générations le place hors du temps. Membre du Miles Davis Quintet dans les années 60, le pianiste s’est toujours distingué par la complexité de ses rythmiques autour de la mélodie. Alors qu’il s’apprête à fêter ses 80 ans, son œuvre demeure à la fois expérimentale et populaire, ce qui n’est donné qu’aux géants. Le guitariste Angelo Debarre présentera le 13 juillet le spectacle Manoir de mes rêves en hommage au père spirituel du jazz manouche Django Reinhardt. Le 14 juillet, au moment où les feux de lumière répandront leurs éclats dans le ciel national, un nouveau diamant vocal éblouira le Théâtre de la mer. Nul doute que les imparables mélodies de Melody Garbot auront raison des artificiers à moins que l’ensemble ne se conjugue sur front de mer en clair obscur…
La soirée du jeudi s’intitule Bass Leaders. Le contre bassiste virtuose Diego Imbert en assurera la première partie accompagné de son quartet sans instrument harmonique. La soirée se poursuivra dans le climat arabo-andalou et hébraïque d’Avishai Cohen. Beaucoup de chemins et de cultures se sont croisés entre le premier disque Avishai Cohen produit par Chick Coréa et son dixième album sorti en 2009, où il rejoint le prestigieux label Blue note. Un autre géant est attendu vendredi avec George Benson. Un guitariste de jazz avant que sa rencontre avec Quincy Jones ne l’entraîne dans le tourbillon du funk et de la soul où il a commis quelques tubes planétaire comme « ?Give me the night? ». George Benson n’en demeure pas moins un fameux compositeur de jazz comme le démontrent les instrumentaux de son dernier album. L’influence des chorus du guitaristes légendaires n’est plus à démontrer mais toujours à apprécier.
La clôture s’annonce hot samedi 17 avec Lena and the deep soul et le groupe londonien The Brand New Heavies, l’un des premiers à investir la scène acid jazz, en croisant l’esprit funk des années 1970 au hip hop de la fin des années 1980. Tout est dit ou presque, car traduire en mots l’expérience vécue d’un concert est toujours impossible. Le mieux est de s’y rendre.
L’association franco-japonaise Assiana organise la troisième édition de Japan Matsuri. Un festival dédié à la culture japonaise. Le rendez-vous a débuté en 2007 à Montpellier dans la Maison pour tous Marcel Pagnol. Concentré sur deux jours il s’est développé en 2008 et poursuit sa poussée de croissance cette année après un report dans le temps lié à la risible crise du virus HAN1. Un concert d’ouverture assuré par l’ensemble de musique traditionnel Sakura à eu lieu samedi au Peyrou dans le cadre de Bazard en ville. Le feu d’artifice étant à venir les vendredi 30 avril, samedi et dimanche 1er et 2 mai salle des Rencontres de l’Hôtel de ville.
« A mon retour du Japon, j’ai vu ce qui se passait à Paris autour de la culture nipone, explique Abada, le président d’Assiana qui a vécu sept ans au pays du soleil levant. Il y avait un vide à Montpellier, de là, est né Japan Matsuri. Et puis les Japonais m’ont bien accueilli, je voulais leur rendre la pareille dans ma ville natale. Le but de Japan Matsuri est de promouvoir la culture japonaise ici. Mais l’objet de notre association est aussi de faire connaître Montpellier au Japon. On ne connaît pas notre ville là-bas. Je suis obligé de la situer à mes interlocuteurs entre Marseille et l’Espagne. » La communauté japonaise en France est estimée autour de 27 000 personnes majoritairement en Iles de France, suit la région PACA. Le Languedoc-Roussillon compte environs 400 ressortissants japonais dont 15O étudiants à Montpellier. Le nombre de passionnés du Japon est en revanche beaucoup plus important notamment chez les jeunes très friands de culture urbaine. Une autre catégorie de public, plus âgés, marque un intérêt soutenu pour la culture traditionnelle. « Notre association s’efforce de rendre cette culture accessible à tout le monde. On peu prendre par exemple des cours de japonais pour 4 euros de l’heure. Et des cours de cuisine à des tarifs très bas. »
Il y en a pour tous les goûts dans la programmation de Japan Matsuri. Avec des ateliers traditionnels pour s’initier à la cérémonie du thé, à porter le Kimono, ou à l’art du Furoshiki (art classique de l’emballage à partir du tissu)… Une sélection de film japonais, prettés par le Consulat du Japon. Les plus jeunes pourront s’affronter sur les stands via viédogame, mais aussi participer à des concours de danse, interpréter les génériques de leur manga favoris sur écran géant, ou admirer les défilés de mode de jeunes créateurs en vogue comme de Kimonos. La musique fera lien entre tous les publics. Sont attendus les groupes Heiwa Daiko (époustouflants tambours de paix), Fumie Hihara (instrumentiste interprétant des morceaux traditionnels et modernes), Hitt monté par l’ancien bassiste du groupe populaire Otokage (rock pop). De 10 h à 22h Le week end s’annonce chaud à la Mairie.
Comment découvrir la culture traditionnelle japonaise et côtoyer la modernité ? Rencontre avec Yoko et Kyo.
Arrivée à Montpellier en 2006, Yoko poursuit son cycle d’études sur le patrimoine. Ce qui lui permet de comparer les deux systèmes. « Le patrimoine architectural français est en pierre, au Japon il est en bois. Cela implique des techniques de conservation vraiment différentes. Je pense que cette différence est aussi transposable à l’état d’esprit qui distingue les Français des Japonais.
Yoko fera une démonstration de la Cérémonie du Thé*, une des pratiques qu’elle propose dans le cadre de l’association Assiana, avec les cours de cuisine. « Récemment, à l’issue d’une démonstration dans la Maison pour tous du quartier Mosson, des animateurs sont venus me voir pour me dire qu’il n’avait jamais vu les enfants si bien se tenir. Ça m’a fait plaisir parce que cela signifie que l’esprit est un peu passé, » indique-t-elle modestement.
Yoko n’est apparemment pas une fan des jeux vidéos. Ses parents ont tenu à ce qu’elle acquière une culture traditionnelle. « Ils étaient inquiets de mon avenir et tenaient à ce que je reçoive une bonne éducation, que je connaisse les bonnes manières, que je sache recevoir. » Elle a suivi des cours auprès d’un Maître de cérémonie pendant plusieurs années. « Au début c’était très difficile, le Maître était très vieux. Il exigeait que l’on prenne un soin extrême dans toutes les choses que nous faisions. C’était en décalage complet avec ce que je vivais en dehors. Et puis j’ai appris à concilier les deux. Je sais m’amuser avec mes amis et suis restée une passionnée de traditions. Pour moi c’était l’occasion de porter le Kimono, d’apprendre à cuisiner avec les aliments de saison et surtout d’accéder à la notion de respect…
Kyo est en France depuis onze ans. Elle conclue un cycle d’études interculturelles à Paul Valéry. C’est le professeur de Japonais de l’association. « Mon cours est intergénérationnel. J’ai de jeunes élèves passionnés de mangas et de films d’animation qui souhaitent approfondir en apprenant la langue, des étudiants qui veulent voyager et des personnes plus âgées. Je m’efforce d’adapter mes cours en fonction de tout le monde. »
Quand on demande à Yoko et Kyo si les stéréotypes sur les Japonais ont la vie dure, elles répondent par un sourire avant de lâcher : « le car de japonais avec ses caméras et ses appareils photos nous colle toujours à la peau alors qu’il est aujourd’hui largement partagé par les touristes du monde entier. » Ou encore « Les geishas ne sont pas des prostitués. Ce sont des artistes qui savent danser, chanter, jouer du Shamisen… » Une semaine à suivre pour en savoir plus sur le Japon d’hier et d’aujourd’hui.