Des infos sur le Mécanisme européen de stabilité

Le PS observe l’Europe avec abstention

Alors que la zone euro a accordé une nouvelle aide à la Grèce, la gauche française s’est divisée, hier, lors du vote sur le Mécanisme européen de stabilité à l’Assemblée. Une «capitulation», selon Mélenchon.

Sacrée Europe. A chaque fois qu’elle déboule dans le débat politique français, la voilà qui menace la gauche de divisions : du traité de Maastricht à celui de Lisbonne, en passant par le traité constitutionnel européen (TCE) rejeté en 2005 par référendum et dont le PS garde quelques stigmates. Hier, c’est par la porte parlementaire que s’est représentée la question européenne. Au lendemain de l’accord entre les pays de la zone euro sur un plan d’aide géant de la Grèce (lire page 4), les députés ont adopté, hier soir, le projet de loi autorisant la mise en place du Mécanisme européen de stabilité (MES) par 256 voix contre 44 et 131 abstentions. Plus richement doté – 500 milliards d’euros – que l’actuel Fonds européen de stabilité financière qu’il doit remplacer en 2013, le MES permettra d’offrir rapidement du cash à des pays de la zone euro empêtrés dans la crise. Mais s’il est juridiquement distinct du pacte de discipline budgétaire – conclu entre 25 Etats de l’UE – qui doit être signé le 1er mars, les pays voulant bénéficier du MES devront s’y conformer. Ils auront notamment l’obligation d’inscrire la «règle d’or» de l’équilibre budgétaire dans leur Constitution. Ce que refusent les partis de gauche.

«Message». Assez pour voir cette fois-ci la gauche unie dans un vote contre ? Non. A l’Assemblée nationale, les députés socialistes ont choisi hier l’abstention (une vingtaine, dont Henri Emmanuelli, ont voté contre). D’abord pour ne pas laisser penser qu’ils refusent la solidarité européenne, mais surtout parce que François Hollande a promis, en cas de victoire à la présidentielle, de renégocier le pacte de stabilité budgétaire voulu par la chancelière allemande, Angela Merkel. «Si ce qui va être signé le 1er mars, ce n’est que de l’austérité, alors l’Europe ne pourra pas s’en sortir. C’est le message que nous voulons adresser», a expliqué Jean-Marc Ayrault, chef des députés PS. François Fillon a lui dénoncé une «faute historique» des socialistes. «C’est une abstention constructive», a défendu Claude Bartolone, partisan du non en 2005.

La gauche du parti aurait préféré le vote contre, mais elle n’a pas voulu faire de vagues en pleine campagne. Razzy Hammadi, proche de Benoît Hamon justifie : «Notre position, c’était soit le non, soit l’abstention. S’abstenir, c’est une manière de ne pas cautionner le traité et, en même temps, cela permet que l’argent soit versé à la Grèce.»

De quoi hérisser leur ex-camarade Jean-Luc Mélenchon, pour qui le MES impose un «modèle austéritaire» à toute l’Europe et donnerait à tous «le médicament qui va tuer la Grèce». Le candidat du Front de gauche, militant du non en 2005, a «adjuré» hier les socialistes de voter contre : «Tout élu du peuple doit exprimer un avis. Il est impossible de se cacher aux toilettes ou ailleurs» sur une question qui engage «l’avenir du pays». S’abstenir ? «C’est préparer le terrain à une capitulation, selon l’eurodéputé. Surtout quand on prétend vouloir gouverner le pays.» Puisque Hollande dit vouloir renégocier le traité «pour préparer le rapport de forces, il faut résister tout de suite», relève-t-il. D’autant plus que la gauche est majoritaire au Sénat où le texte doit être débattu le 28 février : «S’abstenir au Sénat, c’est dire à la droite qu’elle peut faire ce qu’elle veut à propos de l’Europe», s’est insurgé Mélenchon, annonçant un recours devant le Conseil constitutionnel.

Quant aux écologistes, ils ont voté contre la création du MES lors d’un premier vote, puis se sont abstenus sur les détails du mécanisme. «A chaque fois qu’il y a des débats européens, on voit ressortir des divergences entre ceux qui assument une part de rigueur et ceux qui sont dans la dénégation de la dette. On a trouvé ce compromis», explique le député François de Rugy.

«Hypocrite». Abstention, vote contre, refus de participer au scrutin… «La gauche française est hypocrite», avait dénoncé Daniel Cohn-Bendit lundi dans Libération. «Dany, c’est Dany, il voit ça depuis l’Allemagne», lui a répondu l’écologiste Noël Mamère. Surtout, à deux mois du premier tour présidentiel, ni le PS ni les écologistes ne veulent revivre 2005 et ses déchirements. Au contraire du Front de gauche, qui rêve d’un nouveau grand soir européen. Depuis plusieurs mois, il veut transformer cette présidentielle en référendum sur les nouvelles règles de l’UE. «Je veux amener ce débat sur le nouveau traité, confiait récemment Mélenchon. S’il arrive dans l’élection, tout le monde va être mis au pied du mur.» Il mise sur les électeurs de gauche qui avaient voté non en 2005 : «Si les socialistes ne veulent pas voter contre le MES, il y a un autre bulletin de vote, le mien.» L’Europe n’a pas fini de gêner la gauche.

Lilian Alemagna et Matthieu Écoiffier (Libération 22/02/12)

Les députés se penchent sur le MES

L’Assemblée a ratifié ce dispositif destiné à devenir le pare-feu de la zone euro contre les crises de la dette souveraine, et qui fait l’objet de vifs débats à gauche.

L’Assemblée nationale doit ratifier le 21 février, la création du Mécanisme européen de stabilité (MES), destiné à devenir le pare-feu permanent de la zone euro contre les crises de la dette souveraine, et qui fait l’objet de vifs débats au sein de la gauche.

Le MES, qui doit entrer en activité début juillet en vertu d’un traité signé le 30 janvier, est destiné à prendre à terme le relais de l’actuel Fonds européen de stabilité financière (FESF), avec qui il cohabitera jusqu’à l’été 2013.

Se condamner à «l’austérité»

Il disposera d’une capacité de prêt de 500 milliards d’euros pour les pays en difficulté. Il est distinct du pacte de stabilité budgétaire conclu entre 25 pays de l’UE, également le 30 janvier, et que le candidat socialiste François Hollande veut renégocier s’il est élu, lui reprochant de ne pas comporter de volet sur la croissance.

Le pacte ne fera l’objet que le 1er mars d’un traité en bonne et due forme, et ne pourra donc être débattu que par la nouvelle Assemblée nationale élue en juin.

Si l’UMP et le Nouveau Centre devraient voter ce mardi sans état d’âme la création du MES, il n’en est pas de même dans l’opposition. Pour le Front de gauche, qui votera contre, et son candidat Jean-Luc Mélenchon, «ceux qui voteront pour le mécanisme européen de stabilité enchaîneront notre pays au traité suivant», ce qui revient à se condamner à «l’austérité». L’eurodéputé a interpellé, mardi, les socialistes Laurent Fabius et Henri Emmanuelli sur leur vote, se demandant s’ils avaient «changé d’avis» après leur non au traité constitutionnel européen de 2005.

Les socialistes vont s’abstenir

Les députés PS on décidé de leur position lors de leur réunion de groupe ce mardi matin, ils  s’abstiendront. L ‘abstention semblant avant le débat de ce matin  une solution envisagée par beaucoup. «La solidarité est nécessaire au sein de la zone euro, nous l’avons toujours dit, mais ce mécanisme arrive trop tard et est insuffisamment doté», a-t-on expliqué de source proche du groupe. «En outre, se pose le problème juridique du lien avec le pacte de stabilité», a-t-on ajouté.

Chez les Verts, la candidate Eva Joly a estimé que le MES «tel qu’il est proposé au vote de nos assemblées ne répond pas à la crise». A l’inverse, l’eurodéputé Daniel Cohn-Bendit a déploré l’«hypocrisie de la gauche française, Verts compris» à l’égard du MES, y voyant «une des rares choses positives» arrachées aux dirigeants de l’UE, «et surtout à l’Allemagne».

Formellement, l’Assemblée se prononce ce mardi sur deux textes distincts : le traité créant le MES d’une part, et la modification du traité de l’UE qu’il implique d’autre part. Et, par ailleurs, le budget rectificatif 2012, qui sera également voté mardi, prévoit l’abondement de la France au mécanisme, soit 6,5 milliards d’euros en 2012 (16,3 milliards en tout à terme).

avec AFP (21 02 12)

Non à ce coup contre la démocratie, non à ces nouveaux traités !

Par Jean-Luc Mélenchon Député européen

Sommes-nous condamnés au sarkozysme à perpétuité, même si nous chassons Nicolas Sarkozy de l’Elysée ? Sommes-nous condamnés à l’austérité même si nous votons contre ? C’est ce qui se joue ces jours-ci. Deux traités européens, embrouillés à souhait, vont arriver en catimini devant le Parlement. Dès le 21 février à l’Assemblée nationale et le 28 février au Sénat, les élus sont appelés à se prononcer sur un premier traité : le «Mécanisme européen de stabilité». Ce «Mécanisme» étend à tous les Etats qui auraient besoin d’aide, la méthode d’assistance cruelle qui a été imposée à la Grèce ! Les citoyens n’ont reçu aucune information sur ce texte de 48 articles et de 62 pages. Pourtant, c’est non seulement un modèle économique asphyxiant qu’il s’agit d’imposer à tous mais une répudiation de la démocratie qui commence. Le sort de la Grèce qui en est le laboratoire nous enjoint un devoir absolu de résistance. Pour l’amour de l’Europe, il faut rejeter les traités Merkozy qui veulent la soumettre aux seuls intérêts cupides des banquiers.

Dans le «Mécanisme européen de stabilité», la France s’engage à injecter, «de manière irrévocable et inconditionnelle», une contribution immédiate de 16,3 milliards d’euros. Le traité dit que la France devra donner jusqu’à 142,7 milliards d’euros en cas de besoin. Une telle somme représenterait près de la moitié du budget de l’Etat. Cette hypothèse n’a rien de théorique : il suffirait que le «Mécanisme» ait à secourir l’Espagne et l’Italie pour que ses capacités maximales de prêts soient atteintes.

Le mécanisme d’assistance consiste à imposer aux Etats en difficultés «une stricte conditionnalité […] sous la forme notamment de programmes d’ajustement macroéconomiques». Ces termes, déjà employés pour saigner la Grèce, indiquent que toute aide financière sera assortie de plans de rigueur impératifs.

Je conjure ceux qui envisagent de voter pour l’application de tels plans de bien examiner leur résultat en Grèce depuis deux ans et demi. Après huit plans d’austérité successifs imposés en vertu de la méthode qu’il est proposé de généraliser, la dette grecque a grimpé de 25%. L’activité s’est violemment contractée et le chômage a doublé pour atteindre plus de 20% des actifs. La démonstration concrète est donc faite que l’austérité, en comprimant la demande, fait reculer l’activité. Cela réduit les rentrées fiscales et creuse plus vite encore les déficits. Pourquoi vouloir étendre à d’autres Etats ce qui a si lamentablement échoué en Grèce ?

Les Etats concernés seront placés sous la tutelle de la cruelle troïka, Commission européenne, Banque centrale européenne (BCE), Fonds monétaire international (FMI). Oui, le FMI basé a Washington ! Il trône dorénavant en «coopération très étroite» à toutes les étapes du «Mécanisme». On lui demande une «participation active», aussi bien pour évaluer l’attribution des aides que pour infliger des plans de rigueur et contrôler leur application. Les procédures prévues pour l’intervention de cette odieuse troïka sont aussi opaques qu’autoritaires.

De plus, en contradiction avec toutes les règles de fonctionnement de l’Union européenne, le traité donne à deux Etats seulement, l’Allemagne et la France, un droit de veto pour l’octroi des aides. Ce traité entérine donc un directoire autoritaire de la zone euro. Il impose aussi le secret sur les mécanismes de décision et le fonctionnement du «Mécanisme». La France s’expose donc financièrement jusqu’à 142,7 milliards d’euros dans un fonds auquel aucun compte ne pourra être demandé par son gouvernement ou son Parlement. Quel parlementaire est prêt à ce renoncement ?

Le cocktail «austéritaire» de ce «Mécanisme» est enfin renforcé par une clause qui lie étroitement son application au second traité européen en cours d’adoption : l’imprononçable «Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire». C’est dans ce second traité que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel prévoient d’imposer la «règle d’or» de l’interdiction des déficits et des sanctions automatiques contre les Etats contrevenants.

C’est ce second traité que François Hollande dit vouloir renégocier. Mais il se trompe lourdement quand il indique que «les deux textes sont déconnectés l’un de l’autre». Ils sont au contraire étroitement liés. Le traité sur le «Mécanisme européen de stabilité» indique qu’«il est convenu que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du Mécanisme européen de stabilité sera conditionné […] par la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance».

Ceux qui voteront pour le «Mécanisme européen de stabilité» enchaîneront notre pays au traité suivant. Dès lors, qui prétend vouloir renégocier demain ce second traité, doit commencer par s’y opposer aujourd’hui et donc par rejeter son préalable, «le Mécanisme européen de stabilité».

Avec le Front de gauche, je lance un appel solennel à tous les parlementaires : n’acceptez pas ce coup de force contre notre démocratie ! A gauche surtout ! Car aucune politique de gauche n’est possible dans le cadre de ces traités. Les parlementaires socialistes, écologistes, radicaux et chevènementistes doivent donc voter avec ceux du Front de gauche contre ces textes.

Puisque la France est engagée par la signature du président sortant, alors une voix plus forte et sans appel doit s’exprimer sur le sujet. Celle du peuple ! Il nous faut un référendum sur les nouveaux traités.

Allez, monsieur Sarkozy, voilà un référendum qui ne vous déshonorerait pas comme le feraient ceux que vous proposez contre les chômeurs et les immigrés !

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Libération  20/02/12

 

Règle d’or budgétaire : Merkel met la pression sur la France

Créé le 31-01-2012

La chancelière allemande estime impensable que la France ne fasse pas ratifier la règle d’or budgétaire au Parlement, alors que Nicolas Sarkozy a confirmé que le vote n’aura pas lieu avant l’élection présidentielle.

La chancelière allemande Angela Merkel a jugé lundi 30 janvier impensable que la France n’applique pas la nouvelle règle d’or budgétaire européenne, quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle, alors qu’elle a été critiquée par le favori des sondages, le socialiste François Hollande. « Je ne peux pas m’imaginer que la France n’applique pas correctement la règle d’or », a souligné Angela Merkel devant la presse à l’issue d’un sommet de l’UE Bruxelles au cours duquel 25 pays ont approuvé un traité qui impose partout des règles d’or sur l’équilibre budgétaire.

Recours juridique contre la France ?

La chancelière était interrogée sur le risque pour elle de devoir le cas échéant porter plainte contre la France devant la Cour européenne de justice au cas où le candidat socialiste François Hollande l’emporterait en mai et refuserait de mettre en oeuvre le traité signé par le président Nicolas Sarkozy.

« C’est pourquoi je ne peux pas m’imaginer la plainte (devant la CEJ), parce que cela n’aura pas lieu », a-t-elle ajouté.

Le traité prévoit que chaque pays signataire inscrive dans sa constitution ou sa législation la nouvelle règle d’or l’obligeant à tendre vers l’équilibre des comptes publics. S’il ne le fait pas correctement il pourra être poursuivi devant la Cour par un autre Etat.

Pas de vote du parlement avant l’élection

Nicolas Sarkozy a indiqué lundi que le nouveau traité renforçant la discipline budgétaire au sein de l’UE ne pourrait pas être adopté par le parlement français avant l’élection présidentielle, mais qu’il ne doutait pas qu’il soit ensuite approuvé.

A l’issue de l’accord conclu lundi par les dirigeants européens, le traité devrait être formellement adopté au prochain sommet européen, prévu « début mars », a expliqué Nicolas Sarkozy devant la presse.

Mais, ensuite, « le Parlement ne sera pas en mesure de se réunir durant la campagne électorale » pour la présidentielle dont le premier tour est fixé au 22 avril. « Ca me semble pas raisonnable » d’envisager une adoption avant cette date, a-t-il ajouté.

Incertitudes sur les intentions du candidat Hollande

Le candidat socialiste François Hollande fait planer l’incertitude sur ses intentions à l’égard du traité européen et de la règle d’or budgétaire. Il a promis la semaine dernière de « renégocier » le texte pour faire en sorte qu’on parle davantage de croissance.

Tous les pays de l’UE, à l’exception de la Grande-Bretagne et de la République tchèque, ont approuvé le texte. Le Royaume-Uni refuse de le signer car il serait « économiquement désavantageux » pour le pays, estime un responsable britannique, sous couvert de l’anonymat. Les pays européens qui en veulent « vont signer un traité qui rend le keynésianisme illégal », estime-t-il.

Ce pacte répond à une exigence de la chancelière allemande Angela Merkel qui l’a posé comme condition en échange de la solidarité financière de son pays avec les Etats en difficulté de la zone euro.

AFP 31/01/12

 

L’Europe accouche d’un pacte de discipline budgétaire sur fond de désaccords

le 31-01-2012

Le traité confirme l’ascendant de Berlin dans la gestion de la crise de la dette. La France s’est elle vivement opposée à une mise sous tutelle de la Grèce soutenue par l’Allemagne.

Les dirigeants européens ont adopté lundi soir un nouveau pacte de discipline budgétaire fortement inspiré par l'Allemagne et demandé un accord très rapide pour sauver la Grèce de la faillite, dans le cadre de leurs efforts pour tourner la page de la crise de la dette. (c) Afp

Les dirigeants européens ont adopté dans la soirée du lundi 30 janvier un nouveau pacte de discipline budgétaire fortement inspiré par l’Allemagne et demandé un accord très rapide pour sauver la Grèce de la faillite, dans le cadre de leurs efforts pour tourner la page de la crise de la dette. Leur sommet à Bruxelles a toutefois été assombri par une controverse autour d’une proposition allemande visant à placer Athènes sous une stricte tutelle budgétaire européenne. Elle a été sèchement rejetée par plusieurs pays, dont la France.

Au final, vingt-cinq des vingt-sept pays de l’Union européenne ont accepté un nouveau traité de discipline budgétaire. La République tchèque est venue au dernier moment rejoindre la Grande-Bretagne dans le front du refus, en invoquant des problèmes « constitutionnels ». En clair des difficultés à faire ratifier le texte du fait du risque de devoir convoquer un référendum.

Les autres Etats ont accepté d’inscrire dans leurs législations une règle d’or sur le retour à l’équilibre budgétaire et des sanctions quasi-automatiques en cas de dérapages des déficits publics, comme le voulait à tout prix l’Allemagne en échange d’une poursuite de sa solidarité financière avec les pays en difficulté.

Le traité, qui confirme l’ascendant pris par Berlin dans la gestion de la crise de la dette, doit désormais être signé lors d’un prochain sommet en mars avant les longues phases de ratification.

Mésententes à cause de l’euro

Ce pacte budgétaire a buté jusqu’au dernier moment sur une question annexe, le format des sommets de la zone euro.

La France et la Pologne se sont livrées à un bras de fer avant de trouver un compromis: Paris tenait à ce que les dix-sept pays utilisant la monnaie commune puissent se retrouver seuls entre eux sur certains sujets. Varsovie estimait que tous les pays appelés à rejoindre l’euro devaient être invités.

Au final, les sommets de la zone euro seront limités aux pays de l’Union monétaire, sauf sur certains sujets où les autres Etats n’en faisant pas partie pourront aussi être conviés.

Nouveaux espoirs sur la BCE

Nombre de pays européens espèrent que ce traité encouragera la Banque centrale européenne à faire davantage à l’avenir pour aider la zone euro face à la crise de la dette.

Il pourrait aussi convaincre la chancelière allemande Angela Merkel de renforcer les moyens du Fonds de secours permanent de la zone euro pour les pays fragiles, le MES, qui a été officiellement mis sur les rails lundi soir et commencera à fonctionner en juillet.

« Nous sentons une évolution dans la position de l’Allemagne et je suis optimiste », a déclaré le chef du gouvernement italien Mario Monti, car « il est important que la dotation de ce Fonds soit adaptée ». Berlin est sous pression pour accepter une hausse des moyens du mécanisme de 500 à 750 milliards d’euros. La question sera tranchée en mars.

Au sujet de la Grèce, Berlin a jeté un pavé dans la mare en proposant de placer Athènes sous stricte tutelle: un commissaire européen disposerait d’un droit de veto sur les décisions budgétaires du gouvernement.

Cette idée a été rejetée catégoriquement par la France. Le président Nicolas Sarkozy a jugé que ce ne serait « pas raisonnable, pas démocratique et pas efficace ».

Athenes ne veut pas en entendre parler. « Soit nous avançons sur la voie démocratique où chaque pays est responsable de sa propre politique, soit nous sapons la démocratie dans l’Europe entière », a réagi Georges Papandreou, le chef de file des socialistes grecs et ex-Premier ministre.

Face à cette fronde, la chancelière allemande Angela Merkel a tenté de calmer le jeu, sans pour autant se désavouer.

Berlin ne cèdera pas sur la Grèce

La question d’une surveillance accrue des décisions du gouvernement grec « se pose » car les réformes promises ne sont pas toutes mises en oeuvre, a-t-elle dit. « Le débat doit porter sur « comment l’Europe peut aider à ce qu’en Grèce les tâches qui ont été données soient effectuées », a-t-elle estimé.

L’enjeu n’est pas mince: il s’agit du déblocage du second plan d’aide au pays d’un montant de 130 milliards d’euros, promis par les Européens en octobre dernier. Cette aide est vitale pour la Grèce qui doit rembourser 14,5 milliards d’euros de prêts le 20 mars, faute de quoi elle sera en cessation de paiements.

Mais le pays doit en parallèle boucler des négociations avec ses créanciers privés pour réduire sa dette de 100 milliards d’euros, condition sine qua non au déblocage de l’aide européenne. Sur ce point, cela avance « dans la bonne direction », a indiqué le président français, qui a lancé un appel du pied à la BCE pour qu’elle accepte aussi une réduction de ses propres créances.

Le Premier ministre grec, Lucas Papademos, a dit tabler sur un accord global d’ici la fin de la semaine, tant avec les banques qu’avec les créanciers publics du pays. Et il se refuse dans l’immédiat à envisager de demander plus que ce qui a été promis à Athènes, malgré la dégradation économique continue de son pays.

Challenges.fr et AFP

MES et Règle d’Or : la tentation totalitaire

 

Le 21 Février prochain , nos députés vont voter un invraisemblable projet du nom de Mécanisme Européen de Stabilité : dont voici quelques détails… Ce texte est d’une dangerosité sans précédent .. car il enfreint les principaux fondements démocratiques qui sont la séparation des pouvoirs . Cette séparation des pouvoirs permet d’éviter la corruption et la dictature par l’indépendance du judiciaire, du législatif et de l’éxécutif .. Le texte sur lequel les députés vont être amenés à voter supprime ces séparations puisque  il restreint considérablement le pouvoir du législatif : le vote du budget , puisque si il apparaît que ce MES a besoin de capitaux , ils peuvent être appelés , et doivent être versés à première demande , sans qu’il ne soit nécessaire d’en justifier le motif et encore moins de faire passer le versement devant l’assemblée ..

Il soumet les octrois à l’accord du FMI !!!!

(8) Le MES coopérera très étroitement avec le Fonds monétaire international (« FMI ») dans le cadre de l’octroi d’un soutien à la stabilité. Une participation active du FMI sera recherchée, sur le plan tant technique que financier. Il est attendu d’un État membre de la zone euro demandant l’assistance financière du MES qu’il adresse, lorsque cela est possible, une demande similaire au FMI.

C’est désormais la liquidité des marchés qui devient primordiale

Le FMI est privilégié par rapport au MES !!!!

– il exonère tous ceux qui contribuent à son fonctionnement de quelque responsabilité juridique que ce soit .. (immunité judiciaire totale)

CHAPITRE 6 : articles 8 et 9

– 8. Dans la mesure nécessaire à l’exercice des activités prévues par le présent traité, tous les biens, financements et avoirs du MES sont exempts de restrictions, réglementations, contrôles et moratoires de toute nature.

– 9. Le MES est exempté de toute obligation d’obtenir une autorisation ou un agrément, en tant qu’établissement de crédit, prestataire de services d’investissement ou entité autorisée, agréée ou réglementée, imposée par la législation de chacun de ses membres.

Les agents du MES sont exonérés des obligations fiscales nationales

Article 36

5. Les agents du MES sont soumis à un impôt interne perçu au profit du MES sur les salaires et émoluments payés par le MES conformément aux règles adoptées par le conseil des gouverneurs. À partir de la date à laquelle cet impôt est appliqué, ces traitements et émoluments sont exonérés de tout impôt national sur le revenu.

– il restreint considérablement le pouvoir du législatif : le vote du budget , puisque si il apparaît que ce MES a besoin de capitaux , ils peuvent être appelés , et doivent être versés à première demande , sans qu’il ne soit nécessaire d’en justifier le motif et encore moins de faire passer le versement devant l’assemblée ..

Le texte actuel Chapitre 4 : Opérations – article 15 .. expose de manière parfaitement claire l’objectif de ce mécanisme : mutualiser les pertes privés pour les transférer sur le public :

Assistance financière pour la recapitalisation d’institutions financières d’un membre du MES

1. Le conseil des gouverneurs peut décider d’octroyer une assistance financière sous forme de prêts à un membre du MES, dans le but spécifique de recapitaliser des institutions financières?de ce membre.

Il concentre donc tous les pouvoirs dans les mains d’une junte non élue en privilégiant les intérêts financiers privés au détriment de l’intérêt général.

La Règle d’or s’inspire de la même démarche, mais en faisant inscrire cette notion dans la constitution , elle dépossède le législatif de tous ses pouvoirs en matière budgétaire et fiscale .. pour les confier également comme ce qui se passe en Grèce à un exécutif non élu que l’on nomme désormais pudiquement : les commissaires Européens .

La différence entre une dictature et une démocratie ? C’est exactement la séparation des pouvoirs puisque la Dictature n’est rien d’autre que la concentration des pouvoirs au sein d’une même main. Nous allons donc assister le 21 Février prochain à l’enterrement en grande pompe de ce qui a fait notre force depuis deux siècles : la séparation des pouvoirs , ce qui entraine de facto la mort de notre démocratie ….

Il est urgent de bloquer ce vote. Un mediapartien propose un texte de lettre à envoyer de toute urgence à son député et j’ajouterais quelque soit la tendance politique du député !!!!! .. Cela n’a aucune importance , mais que pour une fois , ils prennent conscience qu’ils vont voter la condamnation à mort du système qui les a fait élire.

Effectivement , derrière , les députés ne seront plus d’aucune utilité puisque le budgétaire ne les concernera plus . On pourra toujours , pendant quelques mois encore , leur faire voter des lois concernant la circulation routière , puis progressivement , s’en débarrasser car les économies nécessaires au paiement des intérêts des financiers doivent se trouver partout et le fonctionnement de l’assemblée est indéniablement un poste conséquent .

Quand à la constitutionnalité de ce texte dément , elle reste également à prouver , mais ce n’est pas avec la formidable publicité faite à ce projet essentiel par les médias, que les juristes ont vraiment eu l’occasion d’en débattre .

Bienvenue dans la nouvelle dictature européenne …

Celle de l’esclavage par la dette … les esclavagistes étant les banquiers et ceux qui les représentent : les gouverneurs ou les commissaires de Bruxelles . D’ailleurs ce qui se passe en Grèce nous montre très clairement que c’est ce vers quoi nous nous orientons puisque un service régalien , essentiel , vient d’être concédé aux banques privées : la levée de l’impôt … Donc servage plus le rétablissement des fermiers généraux .. la révolution française semble n’avoir jamais eu lieu ….

Médiapart 14 02 12

Le fonds d’aide européen, «un mécanisme de chantage»

Le gouvernement a adopté ce mercredi le Mécanisme européen de stabilité, qui doit prendre le relais du FESF pour aider sous conditions les pays européens en difficulté. Un instrument antidémocratique, estime le secrétaire à l’économie du Parti de gauche, Jacques Généreux.

Que reprochez-vous au Mécanisme européen de stabilité ?

D’abord, de bien mal porter son nom. La seule chose qui stabiliserait l’euro serait de s’attaquer aux causes de la crise des dettes. D’une part, la libéralisation de la finance, qui fait que les capitaux circulent librement et que tous les produits toxiques de spéculation sont autorisés. De sommet en sommet, il n’a jamais été question de s’attaquer à ces instruments. D’autre part, les gouvernements européens ont choisi de dépendre du marché mondial des capitaux en s’interdisant d’emprunter auprès des banques centales. Pour s’abriter de la spéculation et se financer, il faut permettre à celles-ci de souscrire la dette publique à taux zéro, ou très faible. Le système ne conduira pas forcément à un laxisme financier de la part des Etats, on peut imaginer des règles pour assurer une certaine prudence.

Quelle différence avec le FESF ?

Quasiment aucune, l’un remplace l’autre. Le FESF était un bricolage d’urgence entre Etats, le MES sera inscrit dans le mécanisme institutionnel européen, sous forme permanente. Il s’agit en fait de créer un FMI européen pratiquant la même politique de conditionnalité stricte, c’est-à-dire imposant des politiques libérales de rigueur en échange du soutien financier.

Pour ses promoteurs, la rigueur est la contrepartie naturelle de la solidarité…

C’est un mécanisme de pression et de chantage que l’on veut institutionnaliser. Comme le faisait le FMI pour contraindre les pays pauvres à la libéralisation. En pure perte, d’ailleurs, car les 500 milliards du MES sont une somme ridicule par rapport au poids d’un grand pays comme l’Italie, par exemple. Les gouvernements se refusent à prendre des mesures à la hauteur des enjeux, et se replient sur la doctrine archaïque de la rigueur.

Quelle alternative proposez-vous ?

Le bon sens enseigne que la seule solution est la restructuration, voire l’annulation pure et simple d’une partie de la dette. Et le recours à la banque centrale comme prêteur de dernier ressort pour racheter celle-ci. Ensuite, sur le moyen et long terme, on peut bien sûr négocier des réformes, choisies démocratiquement par le pays concerné. Sur un temps long, on peut viser l’équilibre financier et une dette raisonnable. Mais il est absurde de le faire dans l’urgence de la crise.

Dans l’état actuel des rapports de force européen, une telle solution n’est-elle pas irréaliste ?

Pour l’atteindre, il est nécessaire que, dans un pays au moins, une gauche progressiste soit majoritaire et démontre que l’on peut faire autrement. C’est cela qui peut changer le rapport de forces, en provoquant un effet d’entraînement dans les autres pays. C’est possible sans quitter l’euro ni l’Union européenne, simplement en désobéissant à quelques dispositions des traités qui empêchent de contrôler les mouvements de capitaux.

Pourquoi Jean-Luc Mélenchon dénonce-t-il une ratification «en catimini» ?

La procédure retenue permet à ce mécanisme d’échapper au débat public. Le peuple n’est pas consulté alors que l’on s’apprête à constitutionnaliser – puisque les traités sont supérieurs au droit national – un traité qui oblige à pratiquer un type particulier de politique comme condition à la solidarité financière.

Recueilli par Dominique Albertini Libération 08/02/12

 

Main basse sur la BCE ?

Joseph E. Stiglitz

2012-02-06

NEW-YORK – Rien n’illustre mieux les divergences politiques, la présence d’intérêts particuliers et les considérations économiques à court terme à l’œuvre en Europe que le débat sur la restructuration de la dette souveraine de la Grèce. L’Allemagne veut une restructuration en profondeur – une réduction d’au moins 50% de la dette pour les détenteurs d’obligations – alors que la Banque centrale européenne demande à ce que la restructuration se fasse sur la base du volontariat. Dans le temps (je pense à la crise de la dette latino-américaine des années 1980), on pouvait obtenir facilement un crédit, en général d’une grande banque, souvent avec le soutien ou grâce à la pression exercée par l’Etat et les régulateurs qui voulaient le moins d’accrocs possible. Mais avec la titrisation des dettes, il y a de plus en plus de prêteurs – en particulier des fonds spéculatifs et d’autres investisseurs qui échappent pour l’essentiel à l’influence de l’Etat et des régulateurs.

Par ailleurs, « l’innovation » dans les marchés financiers a permis aux détenteurs de titres de s’assurer, autrement dit de participer, mais sans prendre de risque. Ils ont des intérêts à défendre : ils veulent faire jouer leur assurance, et il faut pour cela que la restructuration soit considérée comme un incident de crédit équivalent à un défaut de paiement. Or la position de la BCE en faveur d’une restructuration « volontaire » – autrement dit qui ne soit pas assimilable à un incident de crédit – est contraire à leur intérêt. Il est paradoxal que les régulateurs aient autorisé la création d’un système aussi dysfonctionnel.

La position de la BCE est curieuse. On aurait pu supposer que face au risque de défaut sur leurs obligations, les banques achètent une assurance. Dans ce cas, un régulateur qui prend en compte la stabilité systémique veille en principe à ce que l’assureur paye en cas de perte. Pourtant la BCE veut que les banques perdent plus de 50% sur les obligations qu’elles détiennent, sans être dédommagées.

On peut avancer trois explications à la position de la BCE, mais aucune n’est en faveur de cette institution ou de sa politique de régulation et de supervision. La première est que les banques ne se sont pas assurées et que certaines ont adopté des positions spéculatives. La seconde est que la BCE sait que le système financier manque de transparence et que les investisseurs ne peuvent évaluer les conséquences d’un défaut involontaire – ce qui pourrait entraîner un gel des marchés du crédit, ainsi que cela s’est passé après l’effondrement de Lehman Brothers en septembre 2008. Enfin, la BCE essaye peut-être de protéger les quelques banques qui ont émis les contrats d’assurance.

Aucune de ces explications ne justifie son opposition à une restructuration en profondeur qui soit imposée à la dette de la Grèce. Elle aurait pu exiger plus de transparence – l’une des grandes leçons de 2008. Les régulateurs n’auraient pas dû laisser les banques spéculer et exiger au minimum qu’elles achètent une assurance et par la suite imposer une restructuration qui leurs aurait permis de toucher les indemnités liées à l’assurance.

Il n’y a guère d’éléments qui laissent à penser qu’une restructuration en profondeur soit plus traumatique si elle est imposée. En voulant à tout prix qu’elle soit volontaire, la BCE essaye peut-être de limiter la part de la dette qui va être restructurée ; mais dans ce cas elle fait passer les intérêts des banques avant ceux de la Grèce pour laquelle une restructuration en profondeur est nécessaire pour sortir de la crise. En réalité la BCE fait probablement passer l’intérêt des quelques banques qui ont émis des CDS (assurance contre le risque de défaillance d’un crédit) avant celui de la Grèce, des contribuables européens et des prêteurs qui ont agi prudemment en s’assurant.

Enfin, dernière étrangeté, l’opposition de la BCE à une gouvernance démocratique. C’est un comité secret de l’Association internationale des swaps et dérivés, une organisation professionnelle, qui décide si un incident de crédit a bien eu lieu. Or les membres de cette association ont un intérêt personnel dans ce type de décision. Selon la presse, certains d’entre eux utiliseraient leur position pour défendre une attitude plus accommodante au cours des négociations. Il paraît inconcevable que la BCE délègue à un comité secret d’acteurs du marché en situation de conflit d’intérêts le droit de décider ce qu’est une restructuration acceptable.

Seul un argument parait – au moins à première vue – privilégier l’intérêt général : une restructuration imposée pourrait aboutir à une contagion financière, avec comme conséquence une hausse importante et peut-être prohibitive du coût du crédit pour les grandes économies de la zone euro comme l’Italie, l’Espagne et même la France. Cela conduit à la question suivante : si elles sont réalisées dans les mêmes proportions, pourquoi une restructuration imposée produirait-elle une contagion pire que si elle était volontaire ? Si le système bancaire était bien régulé, les banques détentrices de dettes souveraines étant assurées, une restructuration imposée serait moins perturbatrice pour les marchés financiers.

On pourrait dire que si la Grèce s’en tire avec une restructuration imposée, d’autres pourraient être tentés de suivre son exemple. Mais craignant cela, les marchés financiers augmenteraient instantanément les taux d’intérêt sur les autres pays – petits et grands – de la zone euro.

Les pays à risque n’ayant déjà plus accès aux marchés financiers, une réaction de panique aurait des conséquences limitées. Il est vrai que d’autres pourraient imiter la Grèce si cette dernière s’en tirait mieux avec une restructuration que sans, mais c’est quelque chose dont tout le monde a conscience.

Le comportement de la BCE n’est pas surprenant. Ainsi qu’on le voit ailleurs, les institutions qui n’ont pas à rendre des comptes de manière démocratique peuvent être la proie d’intérêts particuliers. C’était vrai avant 2008. Malheureusement pour l’Europe et pour l’économie mondiale, le problème n’a pas été résolu depuis.


Joseph Stiglitz : Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

Joseph Stiglitz est prix Nobel d’économie et professeur à l’université de Colombia à New-York. Il a écrit Le triomphe de la cupidité.

Voir aussi :  Rubrique Finance,Entretien avec Frédéric Lordon, Extension du domaine de la régression, La règle d’or ou les rois de l’esbroufe, Reprendre le pouvoir à la finance, Contes publics : La crise des ânes, La crise de la zone euro, mode d’emploi, Les dirigeants de gauche valets des conservateurs, Rubrique UE sous pression, L’europe répond au marché, crise de la zone euro mode d’emploi , Dialogue de sourd entre l’Europe et l’Amérique, rubrique Portugal, Crise de la dette démission de Josè Socrate, rubrique Grèce Plan d’austérité inefficace et dangereux, USA les plus pauvres vont faire les frais de la dette, Italie, Dégradation de la note Italienne,

David Graeber : les « Mésopotamiens, qui n’avaient pas de monnaie, pratiquaient le prêt à intérêt »

L'anthropologue anarchiste David-Graeber. Photo Jennifer S Altman

Avec son livre sur l’histoire de la dette, l’anthropologue britannique David Graeber jette un autre pavé dans la mare : la plupart des économistes se trompent sur la nature de la monnaie, du crédit et de l’endettement. Un livre « fascinant « , juge Gillian Tett dans le Financial Times.

Selon le schéma classique présenté par les historiens de l’économie depuis Adam Smith, la monnaie a remplacé le troc, et le crédit s’est développé par la suite. C’est faux, écrit Graeber : des relations de crédit et, donc, d’endettement très complexes ont de loin précédé l’invention de la monnaie?; quant au troc, il a toujours été un pis-aller, et ne s’est vraiment développé que dans des situations particulières ou de crise. En 3200 avant notre ère, les Mésopotamiens, qui n’avaient pas de monnaie, pratiquaient le prêt à intérêt et inscrivaient les transactions sur des tablettes. C’est cette  » monnaie virtuelle  » qui est à l’origine de la monnaie, et non le troc, conclut Graeber après avoir passé en revue toutes les civilisations connues.

Une vieille illusion
Analysant ensuite les grands cycles de l’histoire économique depuis l’Antiquité, il voit se dessiner deux types de périodes, marquées par une plus ou moins grande préférence pour le crédit. Ainsi, l’Empire romain privilégiait le paiement cash (en métal précieux), tandis que le Moyen Âge européen développait une préférence pour le crédit. Plus récemment, l’abandon de l’étalon-or, en 1971 a engagé l’Occident dans une nouvelle phase de préférence pour le crédit, et donc la monnaie virtuelle. En devenant excessive, cette inclination a conduit aux dérèglements actuels. Dans le passé, elle a fait chuter des empires. Ainsi de Rome, qui avait fini par abandonner la préférence pour le cash.

Pour Graeber, par ailleurs anarchiste patenté, la propension des économistes à négliger le rôle fondamental de la dette dans les sociétés est liée à un déni : ils n’aiment pas reconnaître que le crédit est au cœur des relations de domination. L’endettement est une construction sociale fondatrice du pouvoir. Les débiteurs insolvables ont nourri l’esclavage. Aujourd’hui, les emprunteurs pauvres, qu’il s’agisse de particuliers des pays riches ou d’États du tiers-monde, sont enchaînés aux systèmes de crédit. Forts de ce déni, les économistes entretiennent une vieille illusion : celle que l’opprobre est forcément à jeter sur les débiteurs, jamais sur les créditeurs. En sanskrit, en hébreu, en araméen, un même mot désigne la dette et la culpabilité. Le préjugé a la vie dure. L’histoire récente le montre, les États ont davantage tendu à protéger les créanciers. Le FMI et les agences de notation ont aussi été créés pour cela. Et nous avons oublié une leçon déjà enseignée par les dirigeants mésopotamiens : à partir d’un certain moment, si l’on veut éviter l’explosion sociale, il faut savoir effacer les dettes,  » effacer les tablettes « , dit Graeber. Le premier mot recensé dans une langue pour désigner la liberté est le sumérien amargi, qui signifie être libéré de sa dette (et, littéralement, avoir le droit de retourner à sa mère).

Le problème des économistes est qu’ils  » ignorent les relations humaines qui ne sont pas appréhendées par l’économie formelle » » dit Graeber. Que le Financial Times tresse des couronnes à cet anthropologue anarchiste en dit long sur le désarroi du monde financier.

Olivier Postel-Vinay (Book)

Voir aussi : Rubrique Livre, Essais, Dette les 5000 premières années, rubrique Histoire, rubrique Sciences humaines,

Sommet UE-US: les mensonges et omissions

 

 

Ils ont osé : les leaders « de l’Occident », comme ils se définissent eux-mêmes, ont conclu ce lundi leur « sommet UE-US » par trois petites déclarations (d’abord Obama, puis Van Rompuy puis Barroso) sans permettre aux journalistes de leur poser la moindre question (1).  Ces sommets « ne sont pas toujours les plus spectaculaires car nous sommes d’accord sur tellement de choses qu’il est parfois difficile de faire l’actualité » a asséné Barack Obama. Il est vrai que ces sommets n’intéressent pratiquement personne aux Etats-Unis (pas une ligne publiée dans les grands journaux américains jusqu’à ce lundi), et n’intéressent pas grand monde en Europe non plus (pas une ligne publiée dans la version papier de Libération jusqu’à présent, il faut l’avouer, seul l’internet permet de se défouler…). Mais si personne ne parle de ces sommets, c’est plutôt parce qu’Européens et Américains réussissent à masquer leurs différends.

En réalité, Barack Obama est très inquiet de la crise de l’euro et l’a fait savoir ce lundi encore, en invitant aussi son secrétaire au Trésor, Tim Geithner à se joindre aux entretiens avec les dirigeants européens. Dans ses discours aux Etats-Unis, Obama a pris l’habitude de citer la crise de l’euro, avec le tsunami japonais, comme explication des difficultés actuelles de l’économie américaine. Pour le cas où le président américain en ferait trop sur ce thème, ses invités européens avaient d’ailleurs préparé tout un contre-argumentaire sur la dette américaine et le récent échec du « super-comité » washingtonien censé réduire les déficits… Selon un diplomate qui a participé aux entretiens à la Maison Blanche, les Européens n’ont finalement pas eu besoin lundi de sortir leur couplet sur les dérives budgétaires et la paralysie politique de ce côté de l’Altantique. Mais dans sa déclaration publique, José Manuel Barroso a tout de même rappelé que les problèmes européens actuels proviennent de la « crise financière de 2008 », c’est-à-dire de la crise américaine… Sur le fond, les dirigeants américains ont encore une fois assuré qu’ils sont prêts à aider l’Europe… mais sans débourser l’argent du contribuable bien sûr (au dernier G20 de Cannes, Obama a déjà bloqué l’idée d’un renflouement de l’Europe avec l’aide du FMI).

Le climat est un autre exemple sur lequel « l’entente cordiale » (selon l’expression de Van Rompuy lundi) UE-US cache de profondes divergences. Barack Obama a exprimé sa « préoccupation » au sujet des quotas européens d’émission de carbone qui à partir du 1er janvier 2012 doivent s’appliquer à toutes les compagnies aériennes desservant l’UE, a rapporté William Kennard, l’ambassadeur américain à Bruxelles finalement chargé de « débriefer » les journalistes, avec son homologue européen à Washington, Joao Vale de Almeida. « Notre position est que la meilleure approche serait par le biais de forums multilatéraux, a expliqué l’ambassadeur américain. L’Union européenne a choisi de ne pas procéder par ce chemin ». L’argument est culotté, vu le grand cas que les Etats-Unis ont fait des négociations multilatérales sur le climat jusqu’à présent. L’ambassadeur européen n’a pas eu de mal à rétorquer: « Nous ne sommes pas opposés à des solutions multilatérales, s’il y en avait de bonnes. Mais il n’y en a pas sur la table ».

Pour mémoire, la Chambre des représentants a voté en octobre dernier une loi qui interdirait aux compagnies aériennes américaines de respecter la législation européenne sur les quotas d’émissions de CO2… A la veille de ce sommet, les diplomates européens espéraient encore qu’Obama pourrait mettre le holà à une initiative aussi « inouïe » des élus américains. Vu le peu d’empressement de la Maison Blanche pour raisonner le Congrès, Barroso et Van Rompuy en ont été réduits à rendre visite lundi à Harry Reid, le leader de la majorité démocrate au Sénat, pour le dissuader de voter une loi similaire à celle de la Chambre. L’idée est de « bien lui savonner la tête » expliquait un diplomate européen avant la rencontre.

Tout cela mériterait bel et bien de « faire l’actualité« , comme dit Obama, qui n’y a visiblement pas intérêt et fait tout son possible pour expédier ces sommets aux oubliettes. Pour la prochaine édition, les diplomates européens s’attendent déjà à ce que cette rencontre UE-US, théoriquement annuelle, soit reportée peut-être jusqu’au printemps… 2013, du fait des élections américaines (prévues en novembre 2012). Selon la règle de l’alternance des sommets, Obama ou son successeur devront alors se rendre en Europe. Déjà on les soupçonne d’avoir d’autres priorités…

Lorraine Millot (Blog Great America)

(1) A titre de comparaison: même les sommets de l’Union européenne avec la Russie (et la Russie n’est vraiment pas un modèle de démocratie) permettent aux journalistes d’interroger les dirigeants européens et russes. Et à titre de comparaison encore: même le prochain voyage du vice-président américain, Joe Biden, en Turquie et en Grèce a fait l’objet ce lundi d’un briefing téléphonique préalable de la Maison Blanche. Pas le sommet UE-US.

Voir aussi : Rubrique UE, rubrique Etats-Unis,

GRECE. Papandréou annonce un référendum sur l’accord de Bruxelles

 

 

Il va s’accompagner d’un vote de confiance au Parlement. « La volonté du peuple grec s’imposera à nous », fait valoir le Premier ministre.

Le Premier ministre grec Georges Papandréou a annoncé lundi 31 octobre l’organisation d’un referendum en Grèce et d’un vote de confiance au parlement sur l’accord conclu la semaine dernière au sommet européen de Bruxelles pour effacer une partie de la dette publique grecque.

« La volonté du peuple grec s’imposera à nous », a déclaré Georges Papandréou au groupe parlementaire socialiste, tout en indiquant aussi qu’il allait demander un vote de confiance au Parlement sur l’accord sur la dette.

Moins de 13% des Grecs jugent les décisions du sommet positives

Les Grecs « veulent-ils l’adoption du nouvel accord ou le rejettent-ils ? Si les Grecs n’en veulent pas, il ne sera pas adopté », a déclaré le Premier ministre.

Des manifestations se sont déroulées vendredi dernier dans de nombreuses villes à travers le pays, à l’occasion des célébrations de la fête nationale, pour protester contre la politique d’austérité du gouvernement socialiste et les conséquences de l’accord européen qui donnent aux créanciers plus de contrôle sur la politique budgétaire du pays, faisant craindre à certains une perte totale de souveraineté.

Un sondage paru le week-end dernier montre qu’une majorité de Grecs jugent les décisions du sommet négatives, 12,6% seulement les jugeant positives. Le sondage, mené par l’institut Kapa Research pour le journal To Vima, a été mené auprès de 1.009 personnes.

Sommet marathon

Georges Papandréou dispose d’une majorité de 153 députés au parlement (sur 300 sièges) mais fait face à une montée des oppositions au sein de son propre parti.

Jeudi dernier, au terme d’un sommet marathon, les dirigeants européens ont trouvé un accord avec les banques pour effacer une partie de la dette grecque détenue par les banques créancières du pays.

L’accord conclu avec les banques porte sur un renoncement de 50% de leurs créances, soit cent milliards d’euros sur un total d’endettement public du pays de 350 milliards d’euros. Athènes recevra en outre de nouveaux prêts internationaux de 100 milliards d’euros également d’ici fin 2014, dans le cadre d’un programme qui remplace celui de 109 milliards d’euros décidé en juillet par l’UE et le FMI.

Une dette de 350 milliards

Par ailleurs, dans le cadre de l’accord, 30 milliards d’euros sont réservés aux banques grecques, qui vont beaucoup souffrir de l’opération d’échange de dettes à 50% de leur valeur, étant les plus grosses détentrices d’obligations souveraines grecques.

En échange, le pays doit accepter un vraisemblable renforcement des contrôles sur sa politique budgétaire, jusqu’à présenté contrôlée tous les trois mois par une « troïka » où sont représentés les trois principaux créanciers du pays : Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international.

A l’issue de l’accord jeudi, le gouvernement grec a indiqué que des membres de la troïka seraient désormais en permanence en Grèce.

La dette de la Grèce s’élève à 350 milliards d’euros, soit environ 160% de son PIB. Selon les termes de l’accord, la dette devrait être ramenée à 120% du PIB d’ici 2020.

AFP

Voir aussi : Rubrique UE, Extension du domaine de la régression, La crise de la zone euro, mode d’emploi, Les dirigeants de gauche valets des conservateurs, rubrique Grèce, L’Europe libérale s’inquiète, Grève générale,  Plan d’austérité inefficace et dangereux, rubrique Finance, Comment l’injustice fiscale a creusé la dette greque, rubrique Débat Jürgen Habermas pour une Europe démocratique,

Le plan grec : « Nous voilà endettés pour trente ans ! »

La révolte des « on ne payera pas »

Confrontés à la dure réalité des salaires impayés, des entreprises en faillite et du chômage de masse, les Grecs ont de plus en plus recours à la désobéissance civile. Va-t-on vers une reconfiguration du paysage politique grec ? se demande The Guardian.

A Thessalonique, parmi les bars élégants qui s’alignent sur le front de mer historique, un restaurant attire les regards. « Rendez-nous notre argent ! », clame une banderole accrochée à la devanture de cette franchise d’Applebee’s [chaîne américaine de restaurants-grills]. A l’intérieur, 12 salariés ont changé les serrures. Ils servent des canettes de bière de supermarché et dorment à tour de rôle sur le sol du restaurant pour protester contre des retards de salaires qui durent depuis plusieurs mois et la fermeture soudaine du restaurant. On a là un nouveau symbole de la crise financière grecque : une grève de serveurs avec occupation des locaux.

Margarita Koutalaki, une serveuse de 37 ans à la voix douce, divorcée et mère d’une fille de 11 ans, a travaillé ici à temps partiel pendant huit ans. Elle gagnait environ 6,50 euros de l’heure. Aujourd’hui, elle a installé son matelas gonflable dans une pièce à l’étage, occupant les locaux tandis que ses parents gardent sa fille.

« On me doit environ 3 000 euros de salaires impayés », explique-t-elle, rappelant qu’elle partage le sort d’une multitude de salariés dans toute la Grèce, qui ont plusieurs mois de salaire en retard, leurs entreprises étant en difficulté.

« On nous a d’abord dit qu’on nous paierait le mois suivant, puis la paie s’est arrêtée complètement et on nous a appris par téléphone que le restaurant fermait. Nous travaillons toujours, nous faisons tourner l’entreprise, nous fournissons de la nourriture et des boissons à ceux qui nous soutiennent. Nous avons davantage de clients qu’autrefois. C’est la seule action que nous puissions faire, cela s’est imposé comme une évidence. »

Les serveurs proposent des boissons bon marché et des dîners à prix réduits à ces « indignés », dont le mouvement est apparu il y a quatre mois. Auparavant, cette nouvelle clientèle, souvent gauchiste, n’aurait jamais mis les pieds dans ce bastion de l’impérialisme. Une banderole en anglais appâte les touristes en proposant des souvlakis et des boulettes de viande bon marché « pour soutenir les travailleurs ».

Voilà un mois que la Grèce est paralysée par une grève générale anti-austérité. Ainsi, la place Syntagma, à Athènes, a été le théâtre d’importantes mobilisations, avec des batailles rangées entre la police et les manifestants.

Le mouvement n’a pas faibli pendant les vacances d’été

Les Grecs se méfient plus que jamais de la classe politique et doutent de sa capacité à les sortir de cette crise financière sans précédent. Les sondages font apparaître un mépris grandissant envers tous les partis, ainsi qu’un discrédit du système politique. Le chômage touche 16 % de la population active, atteignant des sommets parmi les jeunes. Ceux qui ont la chance d’avoir encore un emploi ont subi de fortes baisses de salaire, ce à quoi vient s’ajouter l’augmentation des impôts.

Récemment, les médecins et les infirmières se sont mis en grève pour protester contre les coupes budgétaires dans les hôpitaux. Ces deux dernières semaines, les chauffeurs de taxi en grève ont perturbé la circulation dans toute la Grèce, protestant contre l’ouverture de leur secteur à davantage de concurrence. Ils ont notamment bloqué les accès aux ports et occupé le bureau de délivrance des billets pour l’Acropole, laissant passer les touristes gratuitement.

Fait essentiel, le mouvement de désobéissance civile n’a pas faibli pendant les vacances d’été : des citoyens lambda refusent toujours de payer les péages, les tickets, les hausses des honoraires médicaux, etc. Le mouvement « Nous ne paierons pas » se veut l’expression par excellence du « pouvoir du peuple ». Ses organisateurs annoncent que l’offensive pourrait reprendre de plus belle en septembre, lorsque le gouvernement va lancer une nouvelle série de mesures d’austérité.

Sur la route principale Athènes-Thessalonique, tandis que les automobilistes regagnent Thessalonique après un dimanche à la plage, une foule de manifestants en gilets de sécurité orange montent la garde au poste de péage principal menant à la deuxième ville de Grèce. Leurs gilets sont frappés du slogan : « Désobéissance totale ». Ils soulèvent les barrières rouges et blanches et invitent les conducteurs à passer sans payer les 2,80 euros de péage. Sur leurs banderoles, on peut lire : « Nous ne paierons pas », ou encore : « Nous ne donnerons pas notre argent aux banquiers étrangers ». Les automobilistes passent, reconnaissants, certains adressant un signe d’encouragement aux manifestants.

Les partis de gauche ont adhéré

« Nous allons assister à un résurgence de la désobéissance civile à l’automne », nous déclare Nikos Noulas, un ingénieur civil de Thessalonique, dans un café du centre, tout en déroulant une série d’affiches appelant au refus de payer.

Dès le début de l’année, le mouvement battait son plein : les voyageurs étaient invités à resquiller dans le métro à Athènes, les manifestants ayant recouvert les distributeurs de tickets sous des sacs plastiques, et à Thessalonique, les usagers ont pendant longtemps refusé de payer le bus après la hausse du ticket imposée par des sociétés privées subventionnées par l’Etat. D’autres refusent de payer leur redevance de télévision.

Les partis de gauche ont adhéré au mouvement, lui donnant une plus grande visibilité. En mars, plus de la moitié de la population était favorable au principe du refus de payer. Le gouvernement a pourfendu ce qu’il qualifiait de « parasitisme » irresponsable, affirmant que les resquilleurs nuisaient à la réputation du pays et privaient l’Etat de sources de revenus indispensables. De nouvelles lois contre le resquillage ont été adoptées et la police a sévi.

« C’est le début d’un divorce entre les Grecs et leurs responsables politiques, affirme l’écrivain Nikos Dimou. Dans tous ces mouvements, on retrouve un même ras-le-bol de la classe politique ». A Thessalonique, les esprits sont particulièrement échauffés. Fin juillet, les « indignés » ont dû replier les tentes qu’ils avaient déployées sur la place Syntagma, mais la Tour blanche de Thessalonique, située sur le front de mer, est toujours entourée de tentes et tendue de banderoles affichant « A vendre » et « Pas à vendre ».

« La Grèce vit un tournant de son histoire politique »

Il faut dire que le nord de la Grèce a été particulièrement frappé par la crise. Des entreprises ont commencé à mettre la clé sous la porte avant même le début de la débâcle financière. Résultat, l’activité économique est au point mort, et la mairie de Thessalonique a même pu afficher une nette amélioration de la qualité de l’air dans cette ville jusqu’alors congestionnée. Le 10 septembre, quand le Premier ministre grec Georges Papandréou se rendra à la célèbre foire internationale de Thessalonique pour présenter ses nouvelles mesures économiques, il sera accueilli par des manifestations.

Les indignés de Thessalonique pratiquent le flash-mobbing (mobilisations éclair), notamment devant des banques ou des bâtiments publics. Leur dernière cible a été le consulat d’Allemagne, devant lequel des dizaines de manifestants ont scandé des slogans et peint les trottoirs à la bombe, exigeant de l’Union européenne un plus gros effort, tandis que des policiers en civils se contentaient de regarder.

Antonis Gazakis, professeur de langue et d’histoire, affirme qu’il est frappé de voir qu’aujourd’hui le mouvement fait de nouvelles recrues, issues de toutes les tendances politiques, certains manifestants [de la Tour blanche] n’étant liés à aucun parti et ne s’étant jamais mobilisés auparavant. Ils veulent tous participer pleinement à ce débat sur les moyens de renouveler un système politique et parlementaire qu’ils jugent corrompu. « La Grèce vit un tournant de son histoire politique, assure Gazakis. C’est pourquoi je compte bien rester ici cet été. La dernière fois que le peuple est descendu dans la rue pour exiger un changement de constitution d’un telle importance, c’était en 1909. C’est une occasion idéale, un changement de modèle. La Grèce s’est réveillée. »

Angelique Chrisafis (The Gardian)

 

La participation des créanciers privés confirmée en France, en débat dans le reste en Europe

Alors que Nicolas Sarkozy a annoncé que des créanciers privés prendraient part à un nouveau plan de soutien français en faveur de la Grèce, banquiers et responsables gouvernementaux européens se sont réunis sur le sujet, sans pour autant décider.

C’est au moment où l’on apprenait que l’Institut de la finance internationale (IIF), principal lobby des banques, devait se réunir lundi matin à Rome avec les responsables gouvernementaux européens, que Nicolas Sarkozy a confirmé la proposition d’un nouveau plan français en faveur de la Grèce, auquel prendraient part des créanciers privés.

Banquiers, responsables gouvernementaux européens, et représentants du secteur public et du secteur privé, dont Vittorio Grilli, le président du Comité Economique et Financier européen et Charles Dallara, directeur général de l’IIF, ont participé à cette réunion. La nouvelle proposition élaborée par le Trésor français et des banques françaises a été étudiée.

Le plan mis au point ce week-end prévoit que les banques et assurances françaises créancières de la Grèce réinvestissent, sur la base du volontariat, 70% des sommes qu’elles perçoivent lorsque Athènes leur rembourse des obligations arrivées à échéance. Sur ces 70%, 50% doivent allouées à des nouveaux emprunts publics grecs à 30 ans, et 20% doivent être placés sur une sorte de garantie qui sécurise cette nouvelle dette grecque.

A l’issue de la réunion, aucune décision n’a cependant été prise à l’échelle européenne. « Cette réunion était un échange de vues à un niveau technique entre le monde financier et les responsables européens », a indiqué une source gouvernementale à l’AFP à l’issue de cette réunion.

Des négociations entamées avec les assureurs depuis mercredi

Les autorités des pays de la zone euro avaient entamé dès mercredi des négociations avec les créanciers privés de la Grèce, principalement des banques et des assureurs, pour obtenir d’eux une participation volontaire au nouveau plan de soutien à l’Etat grec. Selon un porte-parole de l’IIF, M. Dallara a rencontré ces derniers jours des « responsables publics et des créanciers privés afin de fournir un soutien informel à la poursuite du programme grec ».

L’enjeu de ce consensus consiste à éviter que la formule adoptée ne soit interprétée comme un défaut de paiement par les agences de notation, ce qui pourrait déclencher une réaction en chaîne et menacer le système financier tout entier. Malheureusement, cette réunion qui aura lieu au siège du Trésor italien à huis clos ne sera pas suivie d’une conférence de presse.

New Assurance Pro avec AFP

 

« Nous voilà endettés pour  trente ans ! »

Le quotidien de gauche Eleftherotypia ne partage le soulagement du reste de la presse grecque après l’adoption du second plan européen pour le sauvetage du pays.

Le plan accordé hier à la Grèce nous plonge dans un tunnel d’emprunt de trente ans. Le futur est incertain quant à la sortie du pays de la tutelle économique internationale, d’autant que la dette grecque sera désormais qualifiée de « défaut sélectif » par les agences de notation. Tout les dirigeants européens ont mis de l’eau dans leur vin et ont reculé sur les objectifs ; surtout le gouvernement grec. D’ailleurs, peut-on vraiment parler de plan de sauvetage ? Devant nous, une seule issue se dessine : « Un nouveau plan de sauvetage pour le pays, avec le FMI et une participation volontaire des banques » comme l’indique le texte rédigé par les Vingt-sept.

La participation du secteur privé n’a pas été précisée avec exactitude et la possibilité d’une mise en faillite n’a pas été écartée ; l’éventualité d’une contagion aux autres pays en difficulté non plus. Cela signifie que ce programme pourrait s’accompagner d’un taux d’intérêt supérieur à ceux pratiqués habituellement (2,8 % pour l’Allemagne, 3,5 % pour le reste de l’Europe en moyenne). D’autres détails sont tout aussi inquiétants.

La participation volontaire de 50 milliards serait, si on en croit les données de l’Institute of International Finance, un simple programme de  « roll-over », c’est à dire un simple roulement sans résoudre le problème de la dette. Ce roulement réduit la marge de manœuvre des banques. Et les agences de notation pourront toujours taper sur le défaut sélectif de la Grèce.

L’apport de liquidités aux banques grecques est inutile. Il s’agit de de 35 milliards pour couvrir leurs besoins en cas de difficulté. Au total, les banques greques ont reçu quelque 100 milliards. Mais l’UE veut que ce financement assure le développement, c’est à dire fournir des liquidités aux marchés pour encourager les entreprises. C’est l’essence du nouveau « plan Marshall ». Or pour l’instant elles ne le font pas.

On ne sait toujours pas quelles mesures d’austérité accompagneront ce nouveau plan.

Est-ce que le sauvetage des banques comprend aussi les caisses d’assurances ? Elle aussi possèdent, pourtant, des obligations… Que de questions en suspens sur des mesures qui seront au final, peut-être, testées sur la Grèce pour mieux être appliquées ailleurs… La seule chose de sûre est que les technocrates américains et européens se préparent à s’installer en Grèce pour au moins 30 ans afin d’exercer un contrôle international sur les comptes du pays.

Eleni Kostarelou (Eleftherotypia)

 

La Grèce, esclave de l’Europe

Privés du contrôle de la dette de leur pays, les Grecs sont châtiés et pressurés par la BCE et le FMI. Le point de vue d’un économiste américain.

Imaginez que, au cours de l’année la plus noire de notre récente récession, le gouvernement des Etats-Unis ait décidé de réduire le déficit budgétaire de plus de 800 milliards de dollars en taillant dans les dépenses publiques et en augmentant les impôts. Imaginez que, conséquence de ces mesures, la situation économique se soit détériorée, que le chômage ait crevé le plafond, pour dépasser 16 %. Imaginez maintenant que le président promette de récupérer 400 milliards de dollars de plus cette année, en économies et en hausses d’impôt supplémentaires. Comment croyez-vous que réagirait l’opinion publique ?

Graphique déficitProbablement comme elle le fait en Grèce aujourd’hui, manifestations de masse et émeutes comprises. Car c’est exactement ce qu’a fait le gouvernement grec. Les chiffres ci-dessus sont simplement proportionnels aux dimensions respectives des deux économies. Certes, le gouvernement américain ne se risquerait jamais à ce qu’a entrepris son homologue hellène : n’oubliez pas que la bataille du budget d’avril dernier, qui a vu les républicains de la Chambre menacer de faire tomber le gouvernement, a abouti à des coupes budgétaires de 38 milliards de dollars seulement.

Les Grecs sont d’autant plus en colère que le châtiment collectif dont ils sont victimes leur est infligé par des puissances étrangères – la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI). Cela met en lumière ce qui est peut-être le problème le plus aigu, celui qu’incarnent des institutions supranationales, orientées à droite et échappant à tout contrôle. La Grèce n’en serait pas là si elle n’était pas membre d’une union monétaire. Si ses propres dirigeants étaient assez idiots pour, de leur propre chef, pratiquer des coupes claires dans les dépenses publiques et augmenter les impôts en pleine récession, ils seraient remplacés. Puis un nouveau gouvernement ferait ce que la grande majorité des gouvernements de la planète a fait lors de la récession de 2009 : exactement le contraire. Ils mettraient en œuvre un plan de relance, ou ce que les économistes définissent comme une politique contracyclique.

Et si cela devait passer par une renégociation de la dette publique, alors c’est ce que ferait le pays. De toute façon, c’est ce qui se produira, même sous la férule des autorités européennes, mais au préalable celles-ci soumettent la Grèce à des années de souffrances inutiles. Et elles profitent de la situation pour privatiser des actifs publics pour une bouchée de pain et restructurer l’économie et l’Etat grecs à leur convenance.

Châtiment collectif

Un gouvernement grec démocratiquement responsable adopterait une ligne beaucoup plus dure face aux autorités européennes. Par exemple, il pourrait commencer par un moratoire sur le paiement des intérêts, qui se montent actuellement à 6,6 % du PIB. (C’est un fardeau terrible, et selon les prévisions du FMI il devrait représenter 8,6 % du PIB d’ici à 2014. En comparaison, en dépit de tout le tintamarre qui se fait à propos de la dette américaine, le taux d’intérêt net sur la dette publique étasunienne représente aujourd’hui 1,4 % de son PIB.) Cela dégagerait assez de fonds pour un programme sérieux de relance, tandis que le gouvernement négocierait une inévitable révision de la dette à la baisse. Bien sûr, cela exaspérerait les autorités européennes – qui considèrent la situation du point de vue de leurs grandes banques et des créanciers –, mais le gouvernement grec se trouverait au moins dans une position raisonnable avant d’ouvrir les négociations.

Graphique detteA en juger par la toute dernière révision de l’accord entre le FMI et Athènes, il semblerait que l’euro soit encore surévalué de 20 à 34 % pour l’économie grecque. Ce qui écarte encore un peu plus la possibilité d’une reprise engendrée par une “dévaluation interne” – qui consiste à rendre l’économie plus compétitive en maintenant le chômage à un niveau extrêmement élevé pour faire baisser les salaires. Mais le plus gros problème, c’est que la politique budgétaire du pays ne va pas dans le bon sens. Et, évidemment, Athènes ne peut pas faire jouer la politique monétaire, puisqu’elle est sous le contrôle de la BCE.

Les autorités européennes disposent de tout l’argent nécessaire pour financer un programme de relance en Grèce, tout en renflouant leurs banques si elles ne veulent pas les voir essuyer les pertes inévitables liées à leurs prêts. Rien ne justifie que l’on continue ainsi à infliger un châtiment sans fin au peuple grec.

Mark Weisbrot (The Guardian)

Note : * Economiste et codirecteur du Center for Economy and Policy Research, un centre de recherche de Washington, il publie régulièrement des chroniques pour The Guardian.