Morten Messerschmidt, candidat du Parti du peuple danois. Source AFP
Comme en France, une formation d’extrême droite anti-immigrés et eurosceptique, le Parti du peuple danois (DF), arrive en tête des élections européennes au Danemark avec 26,7 % des voix, soit plus du double de son score obtenu lors des élections de 2009.
Cette victoire spectaculaire permet à DF d’envoyer deux députés européens en plus des deux actuels à Strasbourg et Bruxelles. Deux tiers des gains réalisés l’ont été au dériment du parti libéral, affaibli par un scandale qui a touché son président. L’autre tiers provient des sociaux-démocrates, un parti à qui l’extrême droite n’hésite pas à faire des appels du pied.
Lors de son discours du 1er mai, le président de DF, Kristian Thulesen Dahl, avait été jusqu’à leur lancer un appel direct : « Les travailleurs danois ont beaucoup à gagner si DF et les sociaux-démocrates se rapprochent l’un de l’autre. » Un calcul en partie électoraliste, mais qui témoigne aussi de la volonté de DF – qui prend garde de se démarquer systématiquement du FN …
Bagarre entre députés ukrainiens, le 21 février, à Kiev. REUTERS/Alex Kuzmin
Pro-Russes et pro-UE se renvoient ces accusations. Sont-elles fondées ?
Si, depuis l’Occident, les violents évènements qui secouent actuellement l’Ukraine sont principalement perçus comme une lutte des démocrates pro-européens contre un gouvernement autoritaire à la solde de Moscou, la position officielle de la Russie par rapport à la situation ukrainienne reflète un point de vue tout autre: les gouvernements occidentaux font preuve d’une trop grande naïveté et soutiennent de violents extrémistes aux tendances fascistes et d’extrême droite.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergeï Lavrov, a qualifié les manifestations de «Révolution brune», les comparant à la montée du nazisme dans les années 1930. «Comment se fait-il que l’on n’entende pas de condamnations officielles contre ceux qui prennent d’assaut des bâtiments gouvernementaux, attaquent les forces de l’ordre et profèrent des slogans racistes et antisémites?», a-t-il demandé. Samedi, le président ukrainien qui a quitté la capitale, a annoncé qu’il ne démissionnerait pas, et que le pays était victime «d’un coup d’Etat proche de celui des nazis dans les années 30».
Le gouvernement russe a l’habitude de lancer ce type d’accusation un peu à la légère, mais en l’occurrence (même si cela le sert indéniablement), tout n’est pas tout à fait faux.
L’une des trois figures de l’improbable coalition à la tête du mouvement du Maïdan (avec le boxeur Vitali Klitschko et l’ancien ministre des Affaires étrangères Arseni Iatseniouk) est Oleg Tiagnibok, le leader du parti nationaliste Svoboda, qui a par exemple pour habitude de désigner le gouvernement ukrainien en parlant de «mafia juive-russe».
Son parti, dont l’origine remonte à une armée partisane alliée aux Allemands durant la Seconde Guerre mondiale, se faisait appeler parti social national (référence au national-socialisme) jusqu’en 2004. Le mois dernier, il a organisé une marche aux flambeaux en l’honneur de Stepan Bandera, personnage controversé et considéré par certains comme un collaborateur nazi.
En 2012, l’élection au parlement, pour la première fois, de membres du parti «rebaptisé» avait préoccupé de nombreux Juifs ukrainiens, mais Tiagnibok s’était défendu (sans trop de succès) d’être antisémite en déclarant: «Personnellement, je n’ai rien contre les Juifs lambda, j’ai même des amis juifs. C’est à un groupe d’oligarques juifs qui contrôlent l’Ukraine et aux Juifs-bolchéviques [du passé] que j’en veux.»
Il est clair que les manifestations antigouvernementales menées par les partisans de l’intégration à l’Union européenne avaient débuté avant l’entrée en scène de Svoboda et que le parti nationaliste ne représente pas la majorité des protestataires, parmi lesquels on trouve de nombreux Juifs. Mais on ne peut nier que la présence de Tiagnibok a quelque chose de gênant pour les soutiens internationaux du mouvement.
Le leader de Svoboda a brillé par son absence lors de la réunion à Berlin de la semaine dernière entre la chancelière allemande Angela Merkel et les leaders beaucoup plus fréquentables que sont Klitschko et Iatseniouk. Le sénateur américain John McCain a été critiqué pour avoir partagé une scène avec lui lors de sa visite à Kiev en novembre dernier. Plus récemment, Tiagnibok a rencontré la sous-secrétaire d’État américaine Victoria Nuland et la haute représentante de l’Union européenne aux Affaires étrangères Catherine Ashton.
D’un autre côté, les accusations de fascisme et d’antisémitisme portées contre Euromaïdan prêteraient presque à sourire lorsque l’on voit qui les profère, comme l’a fait remarquer Timothy Snyder dans la New York Review of Books:
La propagande russe et les amis ukrainiens du Kremlin ne cessent de nous répéter que les manifestations du Maïdan constituent un retour du nazisme en Europe. À Munich, le ministre russe des Affaires étrangères a fait la leçon aux Allemands, coupables, selon lui de soutenir des adorateurs d’Adolf Hitler. Les médias russes ne cessent d’affirmer que les Ukrainiens qui manifestent sont des nazis. Naturellement, il est important de garder un œil vigilant sur l’importance de l’extrême droite dans la politique et l’histoire ukrainiennes. C’est une présence encore inquiétante aujourd’hui, même si elle est moins importante que l’extrême droite en France, en Autriche ou aux Pays-Bas. En outre, c’est le régime ukrainien, plus que ses opposants, qui a recours à l’antisémitisme en déclarant à sa police antiémeute que les manifestants sont des Juifs et à nous qu’ils sont des nazis.
Ce qu’il y a d’étrange, dans cette affirmation de Moscou, c’est l’idéologie politique de ceux qui la font. L’Union eurasiatique [proposée par Vladimir Poutine] est l’ennemi de l’Union européenne, non pas uniquement d’un point de vue stratégique, mais aussi idéologique.
L’Union européenne est née d’une leçon tirée de l’histoire: celle selon laquelle les guerres du XXe siècle étaient parties d’idées fausses et dangereuses –le nazisme et le stalinisme– qui devaient être rejetées et même dépassées par un système garantissant le libre marché, la liberté de circulation des personnes et l’État providence. L’eurasianisme, au contraire, est présenté par ses partisans comme l’opposé de la démocratie libérale.
Certains ont aussi accusé Ianoukovitch d’avoir délibérément permis la progression de Svoboda en Ukraine occidentale pour s’en servir comme d’un épouvantail politique bien pratique. Si tel est le cas, il est clair aujourd’hui que c’était un très mauvais calcul de la part du Président.
L’importance de Svoboda au sein du mouvement contestataire est sans doute inquiétante, non seulement parce que le parti pourrait jouer un rôle plus important à l’avenir dans la politique ukrainienne, mais aussi parce qu’elle a permis à un chef d’État de plus en plus autoritaire, ainsi qu’à ses soutiens internationaux ouvertement autoritaires, d’affirmer que ce sont leurs opposants qui constituent une menace pour la démocratie.
Une fois de plus, un pays membre de l’Union européenne a franchi la ligne jaune. Depuis l’arrivée au pouvoir, en avril 2010, du gouvernement conservateur et nationaliste de Viktor Orban, la Hongrie verrouille les principaux pouvoirs : la Cour constitutionnelle est placée sous tutelle, la presse bâillonnée. Dans l’esprit et dans la lettre, des règles de base du club européen sont bafouées par un des pays membres, et non des moindres puisqu’il assure depuis le 1er janvier la présidence tournante de l’Union.
Les valeurs européennes sont fondées sur deux piliers : une démocratie assise sur la préservation des libertés individuelles et collectives ; un Etat-providence assurant la cohésion sociale dans une économie de marché. Or l’un et l’autre subissent des coups de boutoir à répétition. La crise économique et financière a forcé la totalité des Etats membres à entamer, à travers des programmes d’austérité draconiens, le fameux « modèle social » européen. Le modèle politique est aussi écorné sous l’effet des tensions provoquées par le chômage de masse, l’immigration et le vieillissement de sa population.
Face à cet état de fait, l’Europe semble paralysée. Depuis dix ans, lorsque l’un de ses membres adopte une loi attentatoire à la liberté d’expression, quand tel autre forme un gouvernement avec le soutien d’un parti d’extrême droite, les dirigeants regardent leurs pieds sous la table du Conseil européen. Et la Commission préfère au rappel ferme des grands principes quelques timides remarques technocratiques.
Ils savent pourtant être pugnaces : lorsqu’il s’agit de défendre les mérites du marché unique, la concurrence à l’intérieur de l’Union et le libre-échangisme planétaire, Commission et Conseil n’hésitent pas à hausser le ton et au besoin à sanctionner les mauvais élèves.
Une seule fois, les pays de l’UE ont pris des sanctions contre un Etat membre. C’était en 2000. Le chancelier chrétien-démocrate autrichien Wolfgang Schüssel avait formé une coalition de gouvernement avec le parti d’extrême droite de Jörg Haider. Les gouvernements européens – mais pas les instances communautaires – avaient improvisé dans l’émotion un boycott politique de l’Autriche, d’ailleurs assez flou. Le premier prétexte fut bon pour y mettre fin.
Le précédent autrichien a eu l’effet contraire : celui de faire sauter une première digue. De transgresser cet interdit qui, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, plaçait implicitement les gouvernements européens à l’abri de l’extrême droite et de la xénophobie gouvernementale. Les atteintes au code de bonne conduite se sont multipliées et le nouveau mot d’ordre, non dit, tient bon : on ne critique pas le gouvernement d’un Etat membre.
Depuis 2003, Silvio Berlusconi dirige un gouvernement de coalition avec le parti anti-immigrés de la Ligue du Nord. Le gouvernement libéral-conservateur danois s’appuie au Parlement sur le xénophobe Parti du peuple danois (DF). Les conservateurs, libéraux et chrétiens-démocrates néerlandais font de même depuis 2010 et doivent leur majorité au parti radicalement anti-islam (PPV) de Geert Wilders. Le gouvernement slovaque du social-démocrate Robert Fico avait conclu un pacte avec l’extrême droite.
D’autres digues se sont fissurées. La protection des médias face au pouvoir est mise à mal, d’abord en Italie où Silvio Berlusconi contrôle une large part de la télévision. L’affaire des Roms qui a opposé le gouvernement français à la Commission a mis en évidence la tentation de revoir de manière tendancieuse les règles de libre circulation au sein de l’Union. L’anti-islamisme déclaré dans certaines majorités parlementaires a pour conséquence de jeter la suspicion sur une catégorie de citoyens européens, de confession musulmane.
L’Europe, pourtant, reste les bras ballants. C’est vrai de la Commission, chargée de faire appliquer les traités dont fait partie la charte européenne des droits fondamentaux (laquelle préserve la liberté d’expression) ; mais aussi des gouvernements, soumis aux pressions de leurs opinions publiques. Quant au Parti populaire européen, qui regroupe la majorité des partis au pouvoir en Europe, il fonctionne comme un étouffoir des critiques éventuelles.
Seuls les parlementaires s’indignent. Seule la Cour européenne de justice sanctionne les Etats, le cas échéant. La Commission, elle, rappelle qu’elle n’est pas une autorité morale et se contente d’examiner scrupuleusement la conformité juridique d’une loi avec les traités. Le Conseil européen, qui devrait endosser le rôle de garant des valeurs éthiques, se dérobe.
Comment alors se laisser attendrir par les larmes de crocodile bruyamment versées sur l’absence d’Europe politique face à l’édification du marché unique ? Comment s’étonner que les valeurs du libre-échange soient les seules défendues, quand l’intergouvernemental et le chacun pour soi l’emportent sur l’esprit européen et la communauté de destin ? La Turquie, à qui l’on ferme les portes au nom des grands principes, a de quoi s’estimer victime d’un deux poids, deux mesures.
Cécile Chambraud et Marion Van Renterghem (Le Monde)
Les idées du FN perdent du terrain », a titré Le Monde à la « une » de son édition du 15 janvier. Le fait est indéniable, si l’on s’en tient – ce dont il s’agissait alors – aux résultats du sondage TNS Sofres/Logica pour Le Monde et « A vous de juger »/France 2, réalisé les 4 et 5 janvier auprès de 1 000 personnes. Comparé à une enquête similaire effectuée en décembre 2006, il montre que le taux d’adhésion global aux idées de Jean-Marie Le Pen est passé, en trois ans, de 26 % à 18 %. Chacune des propositions suggérées a connu un recul sensible au cours de cette même période, de – 3 points (« Il faut rétablir la peine de mort ») à – 15 points (« Il y a trop d’immigrés en France »).
Le débat commence à s’ouvrir lorsqu’on s’interroge sur les raisons de ce moindre attrait des idées du FN. On peut avancer une explication de type sociétal, qui rejoindrait la thèse récemment développée par le démographe Emmanuel Todd dans ces colonnes (Le Monde du 28 décembre 2009). « La réalité de la France est qu’elle est en train de réussir son processus d’intégration (…) grâce à un taux élevé de mariages mixtes », assurait M. Todd, qui ajoutait : « Le signe de cet apaisement est précisément l’effondrement du Front national. » Si l’on peut penser qu’il est effectivement à l’oeuvre, dans la durée et les tréfonds de la société, ce facteur ne suffit toutefois pas à expliquer l’infléchissement observé après décembre 2006.
Il reste les explications de nature politique. L’usure du Front national, le vieillissement de son chef, ont certes pu contribuer à réduire son champ d’influence. L’hypothèse que l’on retiendra ici est que l’élément moteur est la campagne présidentielle victorieuse menée en 2007 par Nicolas Sarkozy. C’est bien l’ombre de ce dernier qui apparaît en filigrane des courbes du baromètre. Pour se convaincre de son rôle en la matière, il suffit d’observer l’évolution – atypique – de l’adhésion à la proposition « Il faut donner beaucoup plus de pouvoirs à la police », qui est passée de 76 % en mai 2002 à 53 % en novembre 2003, alors que M. Sarkozy était ministre de l’intérieur depuis dix-huit mois. Le futur chef de l’Etat avait alors mis à profit son passage Place Beauvau pour engager ce qui reste, à ce jour, la seule véritable « rupture » qu’il ait menée à bien : être le héraut d’une droite dite « décomplexée ». Traduction : une droite qui ne tourne plus le dos aux électeurs du FN, mais s’efforce, au
contraire, de prendre en compte leurs aspirations et leurs préoccupations, afin de les ramener dans son giron.
Ce fut une volte-face. Jusqu’alors, sous l’impulsion de Jacques Chirac et Alain Juppé, la direction du RPR avait déployé d’intenses efforts pour imposer à ses élus ainsi qu’à une base récalcitrante une stratégie de cordon sanitaire. Le point d’orgue de cette bataille eut lieu lors des élections régionales de 1998, alors que le RPR était présidé par Philippe Séguin, et avait pour secrétaire général… M. Sarkozy. Pour contenir – puis condamner – les alliances nouées avec le FN par certains élus (ex-UDF), comme Charles Millon en Rhône-Alpes, le discours tenu depuis les instances dirigeantes du RPR jusqu’au plus haut sommet de l’Etat fut clair et net. Le 23 mars 1998, dans une allocution télévisée, M. Chirac avait dénoncé la « nature raciste et xénophobe » du parti de Jean-Marie Le Pen, et « désapprouvé » le choix de « celles et ceux qui ont préféré les jeux politiques à la voix de leur conscience ». Non sans courage et abnégation, les lointains héritiers du mouvement gaulliste ont alors fait feu de tout
bois contre l’extrême droite, ses élus, et ses idées. A cette époque, le taux d’adhésion à ces mêmes idées, tel que le mesurait déjà notre baromètre, progresse dans la société française.
Hypothèse : une idée est d’autant plus attrayante qu’elle est dénoncée par le pouvoir en place. Le 23 janvier 2001, mettant un terme à une longue traversée du désert, M. Sarkozy publie un ouvrage, Libre, dans lequel il s’interroge : « Pourquoi donc serait-il noble d’être de gauche, et faudrait-il s’excuser d’être de droite ? » Sa réponse est dans la question. Elle va guider, jusqu’à la présidentielle de 2007, sa conquête de l’électorat de droite ; et d’une bonne partie de celui de l’extrême droite. Electoralement payante, la tactique a un prix. Non pas en termes d’alliances, ni même de programme : un abîme sépare fort heureusement la politique conduite par le gouvernement des préconisations de l’extrême droite. Mais parce que rien n’est gratuit, la facture à payer est sur le terrain des idées et des mots. Pour gagner l’adhésion des anciens électeurs du FN, puis s’employer à ce qu’ils ne quittent pas le navire, M. Sarkozy a dû – et doit encore – leur envoyer des « signes ». L’un des principaux a été la création d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale, puis le lancement d’un « grand débat »
sur ce thème. « On ne se sent plus vraiment chez soi en France » : le taux d’adhésion des Français à cette affirmation a chuté de 9 points depuis décembre 2006. Hypothèse : une idée est nettement moins attrayante dès lors qu’elle semble suggérée par le pouvoir en place. Les idées du FN ont-elles vraiment perdu du terrain ? Le débat reste ouvert.
Chose assez rare en Israël, le principal problème auquel se heurte le probable
futur Premier ministre n’est pas arithmétique. Il s’agit ici de la nature politique du gouvernement.
Avigdor Lieberman
L’humour, entre autres vertus, sert parfois à dire l’indicible. Rompu à la realpolitik, le négociateur palestinien Saëb Erekat s’est récemment interrogé sur l’attitude que la communauté internationale adopterait à l’encontre d’un gouvernement israélien comprenant dans ses rangs l’extrémiste Avigdor Lieberman. « L’Europe et les États-Unis ont boycotté un gouvernement palestinien où siégeaient des ministres du Hamas, nul doute qu’une décision semblable sera prise avec le prochain gouvernement israélien », a-t-il dit en substance. On objectera que ce propos ne devrait pas prêter à sourire.
D’abord, parce que le personnage en question, qui veut des états juif et arabe ethniquement purs, et qui promet à Gaza le sort d’Hiroshima, n’ incite guère à la plaisanterie ; ensuite, parce que la pression de la communauté internationale devrait en effet s’exercer sur les deux parties au conflit. Mais ce n’est, hélas, que de l’humour, parce que personne n’y croit. Tout le monde sait que ce M. Lieberman, une fois installé dans son ministère, serrera les mains de nos ministres et autres dirigeants occidentaux qui lui conféreront une honorabilité rien de moins qu’usurpée. Il n’empêche que la présence de cet ultra dans le futur gouvernement de Benyamin Netanyahou est embarrassante pour tout le monde.
Elle l’est parce qu’elle prend à contre-pied la diplomatie que l’on prête à Barack Obama (que l’on « prête », parce que, pour l’instant, on ne l’a pas encore trop vue). Elle l’est parce qu’elle dit la vérité de ce gouvernement, et la vérité de la classe politique israélienne.
Même Benyamin Netanyahou entrevoit les inconvénients de la cohabitation avec ce personnage. C’est la raison pour laquelle, le chef de file du Likoud faisait le forcing au cours de ces derniers jours pour convaincre au minimum Tzipi Livni, leader du parti centriste Kadima, et si possible le travailliste Ehoud Barak, de former avec lui une coalition. Qu’on ne se méprenne pas : cela ne changerait pas grand-chose à la politique d’Israël à l’égard des Palestiniens. Faut-il le rappeler, ce n’est pas Avigdor Lieberman qui a bombardé Gaza et tué mille trois cents personnes. Dans cette tragédie, Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, et Ehoud Barak, ministre de la Défense, ont des responsabilités autrement accablantes. Netanyahou ne se soucie dans cette affaire que de son image et de celle de son pays, déjà sérieusement écornée aux yeux du monde.
Chose assez rare en Israël, le principal problème auquel se heurte le probable futur Premier ministre n’est pas arithmétique. La droite, l’extrême droite et les partis religieux disposeraient à eux seuls de 65 sièges sur les 120 de la Knesset. On a déjà connu majorité plus fragile. Il s’agit ici de la nature politique du gouvernement. Après avoir eu un discours ultra- droitier et avoir tiré vers l’extrême droite toute la vie politique israélienne, les principaux responsables de ce déplacement font tout pour masquer la réalité.
Pour mesurer ce déplacement,il suffit de se souvenir que Mme Livni, qui fait
aujourd’hui figure de centriste, et presque de caution morale, est l’héritière politique d’Ariel Sharon, l’homme qui en 2002 était considéré comme le partisan des solutions les plus radicales, d’ailleurs en partie mises en œuvre à Jénine et à Naplouse. Quant aux travaillistes, ils se sont fondus dans la droite depuis février 2001, et n’ont plus guère d’expression autonome. « À quoi servent-ils ? », s’interrogeait la semaine dernière dans nos colonnes l’historien Zeev Sternhell, suggérant la plus pathétique des réponses.
Comme toujours (ou comme souvent) dans ce pays, les politiques instrumentalisent la peur. Une peur qu’ils font naître, qu’ils cultivent et qu’ils
répandent. La technique est connue. Il s’agit de renvoyer l’ennemi palestinien à ce qu’il a de pire. On assimile les Palestiniens au Hamas, et le Hamas à sa charte de 1988 et à Al-Qaïda. Il s’agit de figer les mouvements dans leur passé,
dans leurs proclamations les plus bellicistes, et de dissimuler ou de nier tout ce qui procède d’une évolution politique. À toute force, il faut masquer à l’opinion israélienne les signes de politisation du Hamas, son adhésion au plan de paix arabe qui suppose le retour aux frontières de 1967, c’est-à-dire une reconnaissance implicite d’Israël. Vingt ans après l’offensive diplomatique de Yasser Arafat et la « politisation » de l’OLP, Israël rejoue le même scénario.
Le Hamas n’étant pas assez crédible dans le rôle de la menace existentielle, il faut évidemment le réduire à un bras armé de l’Iran. Ce qui revient également à nier la véritable implantation, tout à fait « palestinienne », du Hamas, et l’importance de la dégradation des conditions de vie des Gazaouis dans la montée du Hamas. Des conditions de vie sur lesquelles Israël conserve un pouvoir total. Le tout ayant pour seule finalité de gagner du temps pour poursuivre la colonisation de la Cisjordanie, et continuer de pourrir une société palestinienne toujours sous le joug (1).
Politis
(1) En témoignent les règlements de comptes auxquels se livrent actuellement des hommes de main du Hamas dans ce qui rappelle chez nous l’épuration à la Libération. Ces événements sordides peuvent être analysés comme le produit
de la nature intrinsèque du Hamas. Ils peuvent aussi être comparés, hélas, à toutes les situations d’après-guerre.