L’effet Trump sur les enfants américains : « Les préjugés ont augmenté »

 Deux enfants défilent, lors d’une manifestation contre le candidat républicain Donald Trump, à Manhattan (New York), le 14 avril.

Deux enfants défilent, lors d’une manifestation contre le candidat républicain Donald Trump, à Manhattan (New York), le 14 avril.

Et les enfants ? Les hommes politiques ont-ils pensé aux enfants ? Aux Etats-Unis, les adultes ont l’habitude de la surenchère anti-immigration qui s’empare du camp républicain à l’occasion des primaires. Il y a eu les Minutemen en 2005-2006, les vigiles autoproclamés qui surveillaient la frontière mexicaine. Puis le Tea Party, en 2008-2010. Les candidats s’opposaient à toute « amnistie » pour les sans-papiers, mais rares étaient ceux qui allaient jusqu’à réclamer l’expulsion de tous les clandestins. Et la rhétorique extrémiste retombait après les élections.

Cette année, le phénomène est différent, du fait de la virulence de Donald Trump et de son omniprésence dans les médias. Et les enfants en pâtissent. En quelques mois, ses propositions de construction d’un mur et de « déportation » des sans-papiers ont ramené la peur dans la communauté latino. Et semé l’inquiétude jusque dans les cours de récréation, si l’on en croit un rapport publié, mercredi 13 avril, par le Southern Poverty Law Center (SPLC), une association qui traque les groupes extrémistes et suprémacistes blancs depuis 1971. « Nous avons vu Donald Trump se comporter comme un enfant de 12 ans. Maintenant, nous voyons des enfants de 12 ans se comporter comme Donald Trump », se désole Richard Cohen, le directeur du centre.

« Est-ce que le mur est là ? »

Le SPLC reconnaît sans difficulté que son enquête, faite en ligne entre le 23 mars et le 2 avril par le projet Teaching Tolerance, n’a pas de valeur scientifique. Mais il souligne que 2 000 enseignants ont apporté leurs témoignages sur l’impact du climat électoral au sein de leurs classes. Et que plus de 5 000 commentaires ont été recueillis. Pour préserver l’anonymat des fonctionnaires, le SPLC a éliminé les précisions concernant les identités ou les établissements concernés.

Trump at the Stump with his super shinny head, sporting a super snazzy clip on tie

 « Mes élèves blancs de milieux pauvres se sentent maintenant en droit de faire des commentaires racistes »

Harcèlement des jeunes issus de minorités,

Harcèlement des jeunes issus de minorités, agressivité du discours, libéré des contraintes habituelles… Selon le rapport, les pratiques contre le harcèlement (anti-bullying), laborieusement mises en place en milieu scolaire, font les frais du climat politique. « Nombre de mes élèves reprennent les discours de haine contre les réfugiés et les pauvres, affirme un professeur. Et les préjugés contre la religion [musulmane] ont augmenté. » Un instituteur de maternelle du Tennessee raconte qu’un enfant latino qui s’est entendu annoncer par ses camarades qu’il allait être expulsé et qu’on l’empêcherait de revenir aux Etats-Unis par un mur demande tous les jours où en est le projet : « Est-ce que le mur est là ? »

Ailleurs, un écolier musulman a demandé s’il devrait porter une puce électronique si M. Trump était élu. Certains utilisent le nom du milliardaire comme cri de ralliement avant de s’en prendre à d’autres. Des enfants musulmans se font traiter de « terroriste » ou de « poseur de bombes ». « Je suis pour Trump, a expliqué un enfant de CM2. Quand il sera président, il va tuer tous les musulmans. »

Un autre enseignant témoigne : « Mes élèves latinos sont écœurés par le discours de Trump, mais aussi par le nombre de gens qui ont l’air d’être d’accord avec lui. Ils sont persuadés que leurs camarades et même leurs professeurs les détestent. » Dans les copies, les enseignants trouvent parfois le nom de M. Trump entouré d’un cercle et barré d’une croix comme sur les panneaux d’interdiction de circuler.

Mais M. Trump n’est pas sans attrait dans les milieux défavorisés. « Mes écoliers viennent de familles pauvres, relate un professeur. Comme Trump est connu pour sa fortune, ils ont demandé à discuter du bénéfice qu’il y aurait à avoir un président riche. » Autre remarque : « Mes élèves blancs de milieux pauvres se sentent maintenant en droit de faire des commentaires racistes. » Et ils demandent pourquoi leur professeur les sanctionne, étant donné qu’ils ne font que reprendre ce qu’ils ont entendu à la télé. Plusieurs enseignants disent que dans leur établissement les élèves les plus chahutés sont en fait ceux qui affichent leur soutien à l’homme d’affaires.

Alternative

Selon Maureen Costello, la directrice du projet Teaching Tolerance, qui aide les enseignants à gérer la diversité dans les classes, les professeurs se sentent confrontés à une alternative : parler des élections ou protéger leurs élèves. Dans les classes élémentaires, une moitié d’entre eux préfère éviter les sujets politiques. « Je suis incapable de maintenir la civilité de la discussion », avoue un enseignant. Dans les lycées, il s’en trouve de plus en plus qui décident de ne pas se départir de leur neutralité habituelle, souligne-t-elle.

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Les conclusions du rapport sont d’autant plus préoccupantes, souligne le centre, qu’elles sont porteuses de conséquences à long terme dans les écoles multiethniques. Or le climat des primaires ne reflète pas l’état de la société. Selon une étude du Pew Research Center du 31 mars, 59 % des Américains estiment que les immigrants constituent une « force » pour le pays. Un changement spectaculaire depuis 1994, quand 63 % d’entre eux estimaient qu’ils représentaient au contraire un « fardeau ».

Selon le même institut, les trois quarts des habitants sont favorables à la régularisation des sans-papiers, et 62 % sont opposés à la construction du mur proposé par M. Trump à la frontière mexicaine. Le clivage républicain-démocrate n’a cessé de s’amplifier depuis 2006, mais dans l’ensemble la société américaine est plus tolérante sur l’immigration qu’il y a vingt ans. Encore faut-il en convaincre les enfants. « Est-ce que c’est comme ça que l’Allemagne a élu Adolf Hitler ? », s’est enquis un élève.

Corine Lesnes (San Francisco, )

Source Le Monde 18/04/2016

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Philippe Meirieu :  » il est inutile de crier ou de malmener une tomate pour qu’elle pousse plus vite »

imagesDans le cadre des Chapiteaux du livre, à Béziers, le spécialiste en sciences de l’éducation donnait une conférence sur le thème : « De l’enfant consommateur à l’enfant citoyen ». Un enjeu majeur pour notre démocratie.

Gardois d’origine, Philippe Meirieu est un chercheur spécialiste des sciences de l’éducation et de la pédagogie. Engagé aux côtés du PS, puis d’Europe Écologie, il se définit lui-même comme militant et homme de gauche.

« De l’enfant consommateur à l’enfant-citoyen : quelle éducation ? » L’intitulé de votre intervention recoupe un sujet vaste. Sous quel angle aborderez-vous cette problématique ?

Celui de l’éducation qui n’est pas seulement l’affaire de l’école parce que l’éducation implique aussi la famille, le tissu associatif, la ville et le territoire, les médias et appelle la collaboration de tous ces acteurs, face à un enjeu de taille, la démocratie. Il s’agit de permettre à des enfants de devenir des sujets qui pensent.

Un enjeu effectivement de taille qui suppose du temps et de l’implication, défendez-vous…

Dans une société comme la nôtre, l’éducation doit permettre de décélérer pour retrouver le temps de la parole et apprendre à penser. Je trouve qu’aujourd’hui les jeunes sont instrumentalisés par la publicité et la multiplicité des prothèses technologiques dont ils sont friands, ce qui ne leur laisse pas le temps de s’interroger. Bien souvent les adultes mettent cette réalité à la trappe.

A leur corps défendant, les parents sont souvent pris dans la spirale de la concurrence permanente qu’alimente fortement l’Education nationale…

En effet, on assiste à une course effrénée aux résultats. On subit le poids de l’évaluation permanente, des programmes trop chargés qui se multiplient au détriment des fondements de l’éducation qu’évoque Montaigne à propos des têtes qu’il préfère bien faites que bien pleines. Tout ne relève pas du quantifiable. Une institution qui travaille sur l’humain ne peut être soumise à l’obligation de résultat. Elle doit faire émerger la capacité de penser sans nourrir l’anxiété des familles pour trouver la bonne école. La question du citoyen ne peut réduire l’école à l’employabilité des sujets dans le système économique.

Tout le monde est d’accord là dessus mais quelles mesures concrètes peut-on envisager pour aller dans votre sens ?

Si tout le monde était d’accord, il n’y aurait pas d’évaluations chiffrées, de livrets de compétence imposés aux enseignants dès la primaire, de classement des lycées publiés en fonction des résultats au Bac… Concrètement l’école doit prendre le temps de parler avec l’enfant comme le fait mon ami Michel Tozzi à Montpellier avec les Ateliers Philo dès la primaire. Nous devons retrouver le temps de nous parler, y compris dans les familles. Les sociologues mettent en évidence que les activités intergénérationelles sont en nette diminution au sein des familles. Dans la plupart des cas le temps partagé entre les enfants et leurs parents, l’est pour aller faire des courses. Consacrer son temps à autre chose qu’une activité commerciale, comme partager avec ses enfants ou ses petits enfants une activité de jardinage se révèle beaucoup plus enrichissant. On apprend par exemple qu’il est inutile de crier ou de malmener une tomate pour qu’elle pousse plus vite.

Quand les parents souhaitent collaborer, ils se heurtent souvent à la résistance des enseignants, aux citadelles des associations de parents d’élèves ou à l’institution comme le confirme la décision du Conseil supérieur de l’éducation qui leur laisse une portion congrue dans les conseils d’école…

Il existe une certaine méfiance de la part des enseignants inquiets des parents qui feraient de l’entrisme. De l’autre côté les parents suspectent les enseignants de faire du corporatisme, d’être plus attachés à leurs conditions de travail qu’au devenir de leur enfant. Cette méfiance a été entretenue par les gouvernements de droite pour en faire un outil de pilotage de l’école. Il faut dissiper les incompréhensions et sortir de cela.

De quelle manière ?

Il faut que les parents soient plus reconnus. Si on ne leur répond pas, ils quitteront le système public pour devenir des consommateurs d’école et l’institution sera mal avisée de le leur reprocher.

Quelle est votre position sur la réforme des rythmes scolaires dans le primaire ?

Je ne suis pas favorable à cette réforme maladroite et injuste financièrement pour les municipalités les moins bien loties mais l’on peut profiter de cette réforme mal faite pour faire se rencontrer des acteurs qui n’en avaient pas l’occasion.

Êtes-vous partisan d’une réforme de l’éducation prioritaire ?

Il est impératif de relancer des actions dans ce domaine. Les inégalités se sont creusées. On ne peut pas laisser ainsi des zones à l’abandon.

L’assouplissement de la carte scolaire n’y est pas étrangère.

Il faut repenser la carte scolaire. Si l’on concentre 30% d’un public en grande difficulté dans un établissement on peut agir. Au-delà ce n’est plus gérable. La plupart des enseignants qui interviennent ne sont pas formés. On doit réduire les effectifs et doter les établissements de budgets adaptés.

Le lien avec la politique de la ville vous semble-t-il adapté ?

Il est pertinent, mais pas suffisant. On fonctionne par tuyaux d’orgue. Le véritable enjeu c’est de reconstruire l’égalité des territoires. L’abandon de territoires ruraux ou urbains est générateur de replis vers les idéaux extrémiste de la droite dure.

En tant que conseiller régional en Rhône-Alpes, quel regard portez-vous sur le rôle des régions et des métropoles, qui se retrouvent en concurrence à l’échelle européenne, dans l’éducation ?

La compétence de la formation initiale et professionnelle relève de l’Etat. Les régions revendiquent d’être coordinatrices de la formation professionnelle. Elles demandent d’en avoir l’autorité et les moyens correspondants. Nous attendons une loi de décentralisation qui a été vidée de son sens, ainsi qu’une loi sur la formation professionnelle. Le projet de loi de finances qui vient d’être rendu public et propose une réduction des dotations ne va pas dans le bon sens. Je suis vice-président en charge de la formation professionnelle, je peux vous dire que j’ai davantage de pression pour développer les écoles d’ingénieurs que pour favoriser les conditions d’enseignement des CAP. Avec la montée en puissance des métropoles ça va devenir très compliqué. Le risque en terme d’éducation est que celles-ci reproduisent le schéma « Paris ville phare » et le désert en île de France. La région n’est pas là pour mettre de l’argent où il y en a déjà mais pour s’occuper des territoires abandonnés. Elle doit garantir l’équilibre et l’harmonie. Il faut réidentifier le fondamental

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Source : La Marseillaise 28/09/2013

Voir aussi : Rubrique Société, Education,  rubrique Rencontre, rubrique Sciences humaines, rubrique Politique Politique de l’éducation,

Nouvelle vague de plaintes de parents d’élèves contre le fichier Base élèves

Plusieurs centaines de parents d’élèves devaient mercredi à travers toute la France déposer des plaintes contre X concernant le fichier « Base élèves », qui porte selon eux atteinte aux droits de l’Homme et de l’enfant, selon le Collectif national de résistance à cette base de données. « Au moins 200 à 300 plaintes » devaient être déposées auprès des tribunaux de grande instance (TGI) de 20 départements, a précisé à l’AFP Jean-Jacques Gandini, du Syndicat des avocats de France (SAF), qui conseille le collectif. Un total de 1.048 plaintes contre X ont déjà été déposées entre avril et juin dans 12 départements.

« Base élèves » est un fichier de données informatiques rempli par les directeurs d’école lors de l’inscription des enfants, qui sert notamment de suivi des parcours scolaires et doit être généralisé en 2009. Dans un communiqué, le collectif a dénoncé le fait que « l’administration continue à l’imposer, sans la moindre consultation, ni avec les parents », qui ne sont que « rarement informés de l’existence de ce fichage », « ni avec les enseignants ».

Avec ces plaintes, il s’agit de « pousser le gouvernement à retirer l’arrêté (du 20 octobre 2008 qui a créé le fichier, ndlr) et à faire une proposition ou un projet de loi qui soit débattu devant le Parlement, afin que l’on connaisse les tenants et les aboutissants » d’une telle base de données, a expliqué M. Gandini.  Le fichier « pose des problèmes de sécurité, car il est très facile d’accès », et un problème de durée de conservation des données, prévue sur 35 ans, selon Jean-Jacques Gandini: « sachant que tous les élèves seront répertoriés dès l’âge de trois ans, sur 35 ans, à terme, toute la population française sera fichée ».

De plus, la création de Base élèves « n’a fait l’objet que d’une simple déclaration auprès de la Commission de l’informatique et des libertés (Cnil), alors qu’elle aurait dû obtenir une autorisation », a-t-il affirmé. Les plaintes sont donc déposées sur la base « de l’article 226-17-18-20 du code pénal qui réprime les infractions à la loi du 10 janvier 1978, dite Informatique et Libertés, qui a créé la Cnil ».

Pour le collectif, « ce système d’immatriculation et de traçage des enfants n’est pas nécessaire à la gestion des écoles, il est mis en place dans le cadre d’une politique générale de fichage dont les méfaits sont régulièrement dénoncés ». Contacté mercredi matin, le ministère de l’Education nationale n’a pas réagi dans l’immédiat.

AFP

Voir aussi : Rubrique société statistiques de la délinquance dans l’Hérault, les esclaves du capitalisme , Justice droits de l’enfant en France, étude  : la hausse de la délinquance des mineurs ne se confirme pas