Daniel Friedmanm est chargé de recherche au CNRS. Ayant une certaine pratique psychothérapeutique. Il se définit avant tout comme un chercheur. Il vient de faire paraître 13 entretiens filmés Etre psy aux éditions Montparnasse. Entretien avec un sociologuequi analyse les processus de l’inconscience à travers le monde.
Peut-on construire une société sans croyance ?
La société, on ne la construit jamais intégralement. On la trouve. On essaie de la transformer : ce peut être l’œuvre humaine d’une époque, d’une génération. Il n’y a pas de société sans croyance. La croyance se définit par opposition au savoir scientifique. C’est une adhésion affective qui peut recouvrir la dimension idéologique. En ethnopsychiatrie on s’intéresse aux croyances des autres, considérés ici comme des porteurs de croyances non traditionnelles. C’est une manière de saisir le lien de quelqu’un et sa croyance sur le plan affectif. L’identité est une croyance.
Vous avez travaillé sur le changement identitaire des immigrants, leur intégration n’implique-t-elle pas aussi, une adaptation de la société qui les accueille ?
Le changement le plus visible est celui de l’immigrant. Il doit apprendre une nouvelle langue, se trouver un travail « s’autonomiser » dans un contexte nouveau. C’est un processus difficile qui implique de trouver la force de mettre en question son identité d’origine. De manière symbolique c’est faire le deuil de sa culture ou du moins trouver le moyen de la réinvestir dans la société dans laquelle il s’intègre. Cela suppose aussi que cette société s’intéresse et s’ouvre à la culture dont il est le porteur. L’exilé opère deux initiations qui le renforcent et lui permettent d’acquérir une distance, un regard critique, souvent inaccessible si l’on demeure dans un système auto référentiel.
C’est un peu ce qui s’est passé pour Freud dans son combat contre les sciences exactes ?
Effectivement, Freud était issu de la culture austro-hongroise marquée par l’antisémitisme et se trouvait dans une position minoritaire de part son appartenance juive. Ce n’est pas un hasard si la psychanalyse est née dans la Vienne du début du XXe siècle. Celui que l’on considère comme son père était lié à une double position. Celle d’intégrer la société dans laquelle il se trouvait et la venue d’un ailleurs. La conscience n’est pas un empire. Il y a l’inconscient C’est ce combat critique qu’a mené Freud contre la souveraineté de la conscience.
L’amour est-il une croyance ?
L’amour comme l’amitié est une croyance. Si vous aimez quelqu’un vous développez un lien affectif très fort. Que se passe-t-il s’il n’y a pas de croyance ? Dans quoi est-on ? Dans la dépression…
Est-ce à dire que tous les amoureux du fric sont des dépressifs qui s’ignorent ?
Euh… c’est un choix… Harpagon, celui qui est dans l’avarice, est dans la rétention, contraint dans une certaine étape de la libido au-delà de laquelle il ne peut pas aller.
A quoi tient votre parti pris de filmer les psychanalystes ?
J’ai consacré l’essentiel de ma carrière à la recherche en sociologie sur les pratiques traditionnelles para psychanalytiques comme le chamanisme, le vaudou etc. Lorsque je suis arrivé aux psychanalystes, je me suis dit que les filmer permettrait la captation de la parole mais aussi du corps. Je souhaitais faire surgir leur individualité, quelque chose de leur subjectivité.
Recueilli par Jean-Marie Dinh
Daniel Friedmann Etre psy 13 entretiens thématiques aux éditions Montparnasse
La LDH refuse les termes d’un débat instrumentalisé, qui risque de déboucher sur une loi perverse et dangereuse.
Des millions de musulmans vivent en France, et pour beaucoup vivent mal. Ce n’est pas un ministère de l’Identité nationale qui résoudra leurs problèmes et qui leur offrira un avenir, mais des politiques sociales et anti-discriminatoires ; c’est un travail politique, citoyen, de réflexion sur les conditions du “vivre ensemble“. C’est aussi leur responsabilité individuelle et collective, qui attend par exemple, pour ceux qui sans en avoir la nationalité résident en France, le droit de vote pour pouvoir s’exercer. »
Dérapages et glissement de terrain, d’Eric Fassin (Regards) «[…] à propos d’islam et d’identité nationale, [Nicolas Sarkozy] appelle à « respecter ceux qui arrivent », en même temps que « ceux qui accueillent ». N’est-ce pas appréhender la religion sur le modèle de l’immigration ? L’islam serait irréductiblement étranger « dans notre pays, où la civilisation chrétienne a laissé une trace aussi profonde, où les valeurs de la République sont partie intégrante de notre identité nationale »… La frontière entre « eux » et « nous » n’oppose plus seulement les immigrés aux Français ; elle divise ceux-ci selon leur religion, leur origine, voire leur couleur de peau. Ce n’est donc pas tel ou tel qui dérape. On assiste à un véritable glissement de terrain, dont les « petites phrases » ne sont que le révélateur »
L’islamophobie déconstruite, par Aurélien Robert (La Vie des Idées) « Plus d’un an après la publication du livre de Sylvain Gouguenheim Aristote au Mont Saint-Michel paraissait Les Grecs, les Arabes et nous, un volume collectif qui non seulement constitue une réponse aux thèses et aux arguments de Gouguenheim, mais montre aussi de quoi son livre était le nom. Car au-delà de la fausseté historique avérée de nombreuses thèses centrales de cet ouvrage, on peut y voir le reflet d’enjeux qui dépassent largement la querelle d’érudits. À l’heure des débats sur l’identité nationale et sur le port de la burqa, il semble nécessaire de se pencher de près sur le discours des « racines grecques de l’Europe chrétienne », surtout quand celui-ci comporte un jugement comparatif sur les valeurs et les mérites de l’Europe et du monde arabe, des chrétiens et des musulmans, des langues sémitiques et des langues indo-européennes
« L’islamophobie revêt désormais des formes nouvelles et pernicieuses : elle est réactive, en ce qu’elle entend prendre le contre-pied d’un savoir déjà constitué par des spécialistes, tout en ne s’adressant pas à ces derniers, mais au grand public (elle instrumentalise donc le milieu de la recherche en prétendant dévoiler les résultats des chercheurs) ; elle se veut modérée (il s’agit seulement au départ d’infléchir ce que l’on enseigne dans les universités) et simple (elle présente ses idées comme si elles étaient évidentes, et ne prend pas le temps de la nuance) ; elle est relayée par les médias et reprise par une partie du monde politique. »
Prise de position du Comité central de la LDH
Depuis l’affaire de Creil en 1989, la LDH a maintenu avec constance sa position, joignant la critique du port du foulard et du voile, au nom de l’émancipation des femmes, au refus de toute loi excluante, stigmatisante et empiétant sur les libertés publiques. Or, il se trouve qu’aujourd’hui cette position est celle de nombreux citoyens et responsables politiques et en particulier celle de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, alors même que le débat s’est crispé.
Bien plus rédhibitoire que le foulard, on a vu apparaître le port ultra-minoritaire mais spectaculaire du voile intégral ; le gouvernement a lancé un débat sur l’identité nationale, très vite identifié par l’opinion comme un débat sur l’Islam ; le premier ministre nous annonce une loi interdisant le port de la burqa. Disons tout de suite, pour sortir de la confusion, que parler de « burqa » est un abus de langage : le mot désigne le costume généralement bleu, entièrement fermé, avec un grillage devant les yeux, imposé aux femmes par la société afghane. Le voile intégral, noir, d’origine saoudienne, est une négation rédhibitoire de la personne, mais il ne renvoie pas à l’horreur meurtrière des talibans. Dramatiser le débat, s’il en était besoin, n’est pas innocent.
Nous tenons à affirmer un certain nombre d’éléments essentiels.
1- La laïcité n’a rien à voir dans la question du voile intégral
Les législateurs de 1905 s’étaient résolument refusés à réglementer les costumes, jugeant que c’était ridicule et dangereux : ils préféraient voir un chanoine au Parlement en soutane plutôt qu’en martyr. La laïcité qu’ils nous ont léguée et à laquelle nous sommes fortement attachés, c’est la structure du vivre ensemble : au-dessus, la communauté des citoyens égaux, la volonté générale, la démocratie ; en dessous, des communautés partielles, des syndicats, des associations, des Eglises, une socialisation multiple et libre qui peut même se manifester ou manifester dans l’espace public, mais en aucun cas empiéter sur la volonté générale, et enfin la singularité des individus qui choisissent librement et combinent entre elles leurs croyances et leurs appartenances.
En conséquence, le politique n’a ni à se mêler de religion, ni à traiter une religion différemment des autres ; la loi n’a pas à régler les convictions intimes qu’elle suppose chez les individus ; la République n’a pas à dire ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas mais à protéger également tous ceux qui résident sur son territoire, sauf s’ils mettent en cause l’ordre public.
Le pluralisme religieux et culturel est constitutif de l’unité de la France, qui a toujours connu à la marge des dérives fanatiques, intégristes ou sectaires déplorables mais éphémères. Donc laissons la laïcité tranquille.
2- L’égalité hommes-femmes attend une vraie politique
L’argument principal, et tout à fait justifié sur le fond, contre le port du voile, c’est qu’il signale de manière radicale l’infériorisation des femmes. C’est bien le cas si le port du voile est imposé par le mari ou un autre homme de la famille. Dans ce cas, la France dispose des outils législatifs permettant à une femme de déposer une plainte pour contrainte ou séquestration et d’obtenir le divorce aux torts de son mari ; sachant bien sûr combien cette démarche peut être difficile pour elle.
Mais il peut s’agir aussi, comme l’attestent de nombreux témoignages, d’une servitude volontaire. Or la liberté ne s’impose jamais par la force ; elle résulte de l’éducation, des conditions sociales et d’un choix individuel ; on n’émancipe pas les gens malgré eux, on ne peut que leur offrir les conditions de leur émancipation. Pour faire progresser l’égalité et la mixité entre les hommes et les femmes, ce qui est urgent, c’est de promouvoir des politiques dans les domaines éducatifs, salariaux et professionnels, des droits sociaux, un meilleur accès à la santé et à la maîtrise de la procréation. Ces problèmes concernent des millions de femmes dans la France d’aujourd’hui et ne sont en rien traités de façon prioritaire. Un abcès de fixation sur quelques centaines de cas ne fait certainement pas avancer l’égalité, qui appelle au contraire à revenir à la solidarité entre toutes les femmes.
3- Une surenchère de discriminations n’est pas la solution
La question du voile intégral renvoie en réalité à un profond malaise des populations concernées, auxquelles la République n’a pas pu ou pas été capable de faire une place. D’où l’apparition de vêtements et de coutumes dont la signification est très complexe, depuis le port du foulard par des adolescentes des banlieues comme signe identitaire jusqu’à ce voile intégral qui est un paradoxe : à la fois dissimulateur de la personne et signe ultra-visible, provocateur, d’un refus de la norme sociale, sous prétexte tantôt de religion, tantôt de pudeur. Même si nous réprouvons ce choix, ce n’est pas une raison pour essentialiser et déshumaniser des femmes qu’on réduit à un signe abstrait et que l’on exclut de toute vie publique.
Interdire le voile, c’est conforter la posture de ces femmes, c’est en faire doublement des victimes : résultat absurde d’une volonté soit-disant émancipatrice. Elles porteraient seules le poids d’une interdiction imposée en grande partie par la domination masculine, et cette interdiction les exclurait à coup sûr de la cité. En revanche tous les musulmans, hommes compris, se sentiraient blessés par une loi qui ne toucherait que l’islam.
4- Droits et libertés
Ce serait en plus ouvrir une voie extrêmement dangereuse en termes de libertés publiques. Réglementer les costumes et les coutumes est une pratique dictatoriale ; que ce soit de façon discriminatoire, pour signaler une population donnée, ou au contraire par l’imposition d’une règle universelle. Obliger les femmes à porter le voile comme leur interdire de cacher leur visage (sauf dans les cas prévus où l’identité doit être prouvée) est également liberticide.
Si une telle hypothèse est présente, c’est que la société française a été profondément intoxiquée par des idées venues de l’extrême-droite et qui se sont infiltrées jusque dans la gauche : la peur de l’immigré, de l’étranger, les relents de notre histoire coloniale, la tentation de l’autoritarisme.
La LDH a une tout autre conception de la démocratie, des droits, de l’égalité et des libertés.
5- Vivre ensemble
La LDH refuse les termes d’un débat instrumentalisé, qui risque de déboucher sur une loi perverse et dangereuse.
Des millions de musulmans vivent en France, et pour beaucoup vivent mal. Ce n’est pas un ministère de l’Identité nationale qui résoudra leurs problèmes et qui leur offrira un avenir, mais des politiques sociales et anti-discriminatoires ; c’est un travail politique, citoyen, de réflexion sur les conditions du “vivre ensemble“.
C’est aussi leur responsabilité individuelle et collective, qui attend par exemple, pour ceux qui sans en avoir la nationalité résident en France, le droit de vote pour pouvoir s’exercer.
Enseignement supérieur. Souvent prise en exemple pour la qualité de son offre, la Bibliothèque interuniversitaire de Montpellier est coincée entre l’opération Campus et la loi d’autonomie.
L’autonomie des universités, la création des Pres (pôles de recherche et d’enseignement supérieur ) dans le cadre de la mise en œuvre du plan Campus, produisent de sérieux remous dans l’organisation de l’enseignement supérieur. Notamment pour le réseau des bibliothèques interuniversitaires dont tout le monde s’accorde à reconnaître l’intérêt essentiel. La situation actuelle nécessite « que soit entreprise dès 2009-2010 une réforme complète de l’organisation et du fonctionnement des BIU ». indique un rapport de l’Inspection générale des bibliothèques, adressé à Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, daté de septembre 2009 et récemment rendu public. Il souligne que « les restructurations universitaires en cours ne peuvent pas rester sans conséquence sur des bibliothèques interuniversitaires dont l’organisation générale n’a guère varié depuis plus de 30 ans ».
Un trou d’air dans la gestion
Mais les premiers pas de la réforme produisent quelques couacs notamment à Montpellier pourtant classé 2e université française pour son offre de documentation électronique. « La BIU est totalement prête pour la fusion des universités prévue en 2012, mais d’ici là il y a nécessité de gérer l’existant.Depuis que les crédits ont été défléchés, les universités ne disposent plus d’enveloppes pour la bibliothèque et doivent s’entendre pour la nourrir. » explique diplomatiquement le Directeur de la BIU, Jean-François Foucaud.
La BIU n’étant pas un établissement, elle doit être rattachée à une université. C’est Paul Valéry qui a la gestion des neuf sites depuis de nombreuses années. Le service commun de la Bibliothèque Interuniversitaire de Montpellier qui assure la documentation auprès des usagers des trois universités a vu récemment ses moyens remis en cause. » Un comble pour ce service déjà mutualisé ! souligne Juliette Philippe représentante du personnel. Les trois universités concernées par la fusion n’arrivent pas à se mettre d’accord. Deux titulaires rattachés à un atelier de restauration dans le cadre de la numérisation des ouvrages patrimoniaux ont déjà été remplacés par des contractuels affectés à une autre mission. Nous refusons que le personnel serve de variable d’ajustement. »
Le ministère botte en touche
La nouveauté vient du récent modèle ministériel d’allocation des moyens informatisés. (voir ci dessous) « Le ministère a adopté le dispositif « Sympa » qui ne l’est pas, plaisante Michel Crespy membre du Conseil d’administration de Montpellier III, le logiciel ne prend pas en compte l’interuniversitaire. C’est sans doute une erreur de conception. Nous avons demandé au ministère de recalculer mais il retombe peu ou prou sur le même résultat. Et botte en touche en demandant aux trois universités de s’arranger entre-elles. » Pour l’heure, Montpellier III se voit imputer les dépenses de fonctionnement près de 4M d’euros et cumule surtout le contingent des trois universités (157 postes) dans son personnel global ce qui fait exploser son plafonnement d’emplois (1). L’Université Paul Valery qui utilise 46 postes pour la BIU ne peut assumer seule le coût financier et cumuler la dotation en personnel.
Les négociations patinent
Depuis maintenant plus d’un an, les négociations se multiplient tantôt entre les trois président(e)s d’université, tantôt avec le ministère, tantôt avec le rectorat et vice et versa sans que des solutions satisfaisantes ne soient trouvées. Il a même été demandé à la direction de la BIU de restituer des postes, ce qui évidemment accentuerait le déficit déjà existant.« A ce jour, nous ne savons toujours pas comment ce problème sera réglé ? Nous demandons que cesse cette cacophonie et que la BIU, un modèle d’exception dans le paysage universitaire français, soit reconnue comme telle par ses instances de tutelle, » indique le personnel dans un communiqué.
Dans ce dossier, le ministère de tutelle apparaît quelque peu en contradiction avec son discours. Signe avant coureur d’un avenir prochain, la négociation interuniversitaire prend le pas sur la collaboration interuniversitaire. Dans le cadre des BIU, le défléchage des crédits ajoute à la confusion. La rétrocession des postes correspondants à la réalité du terrain pose problème à Montpellier I et Montpellier II qui craignent des coupes dans leur dotation globale. « Si nous ne parvenons pas à trouver un accord, il faudrait scinder les BU en trois, ce serait une erreur majeure que personne ne souhaite, observe Michel Crespy, Mais on n’en est pas là… »
Jean-Marie Dinh
(1) La loi LRU entrée en vigueur en 2007 modifie le type de gouvernance et donne une possibilité aux universités d’embaucher en plus des emplois d’Etat. Mais cette embauche est plafonnée.
La BU de Montpellier III un des neuf sites du service interuniversitaire classé second en France pour son offre numérique.
Un modèle « Sympa » mais limité
Le modèle SYMPA (Système de répartition des Moyens à la Performance et à l’Activité) marque une rupture profonde avec les autres modèles qui ont servi à justifier les allocations de moyens aux Universités. La rupture va bien au-delà de la simple introduction d’un critère dit de « Performance » dans les paramètres du modèle. Certes perfectibles, les modèles précédents prenaient comme point de départ les besoins des établissements pour mener leurs différentes missions. Tandis que SYMPA se borne à répartir, selon des critères simplistes, (la version du logiciel ne prend pas en compte la dimension interuniversitaire pourtant au cœur du projet Campus) les moyens emplois crédits votés par le Parlement. « Si demain, l’Etat diminue la part de budget allouée aux dotations à l’enseignement supérieur public au profit – par exemple – de crédits d’impôts aux entreprises, les dotations théoriques des établissements se trouvent automatiquement diminuées dans les mêmes proportions. » souligne François-Gilles Carpentier, Maître de conférence à l’université de Bretagne. Elucubration théorique et technocratique coupée de la réalité des établissements, le modèle SYMPA ne prend pas en compte l’inégalité des territoires en terme d’accès à l’enseignement supérieur. L’Etat abandonne la mission consistant à assurer le fonctionnement de l’enseignement supérieur pour devenir un simple financeur parmi d’autres.
A la veille d’une journée de grève dans les collèges et Lycées, le journaliste Luc Cédelle se fend d’un l’article publié dans Le Monde sous le titre ambigu, Lycée : pas de révolution, juste une réforme de fond. Le papier résume bien la stratégie de rupture entreprise par le président de la République. Le problème c’est que le journaliste du Monde de l’Education tend à confondre information et propagande gouvernementale. A le lire, on se demande si ce défenseur de la pédagogie* n’a pas laissé choir les principes élémentaires de l’éducation et du journalisme comme des illusions fanées pour adopter le modèle d’instruction que nous propose la nouvelle gouvernance.
Lycée : pas de révolution, juste une réforme de fond
En septembre 2010, le lycée change : un peu, uniquement en seconde et dans le cadre d’une réforme qui doit s’étendre les années suivantes aux classes de première et terminale. L’ambition est à la fois de rééquilibrer les filières générales, actuellement dominées par la filière scientifique, d’introduire un « accompagnement » des lycéens et d’accroître la marge d’autonomie des établissements.
Le mot « ambition » ne doit pas être pris dans un sens triomphaliste. A bien des égards, c’est une réforme à minima. Elle découle, après filtrage, des propositions consensuelles issues du rapport rendu par le directeur de Sciences Po Paris, Richard Descoings, en juin 2009. Cette réforme modeste est venue remplacer le projet de lycée « modulaire » que proposait auparavant Xavier Darcos, le précédent ministre de l’éducation, et qu’un vent de contestation, renforcé par la hantise gouvernementale d’une révolte « à la grecque », avait bloqué en décembre 2008.
La réforme actuelle a une architecture générale : elle conserve à la classe de seconde son caractère de « détermination », c’est-à-dire de découverte de nouvelles disciplines, elle renforce le tronc commun en première afin de faciliter d’éventuelles réorientations, et elle accroît la spécialisation de la terminale. Derrière chacun de ces choix se cachent de délicates questions d’horaires des disciplines qui, le diable étant dans les détails, restent âprement débattues même une fois les décisions prises.
Amorce d’évolution de fond
Sous une apparence anodine, plusieurs des nouveautés introduites cette année en seconde montrent qu’une réforme modeste peut quand même amorcer des évolutions de fond. Tel est le cas de l’accompagnement personnalisé : deux heures hebdomadaires dans l’emploi du temps des élèves pour leur apporter une aide méthodologique, de « l’approfondissement » sur certains sujets et des conseils d’orientation.
Ses modalités doivent être arrêtées par l’équipe pédagogique, et tous les professeurs, pour qui ces heures seront décomptées au même titre que des heures de cours, sont en principe concernés. Certains râlent d’avance sur le thème « on ne sait pas ce que cela va donner », mais se montrent quand même intéressés par la perspective d’un rapport différent à leurs élèves, et veulent s’assurer qu’il s’agira d’un « vrai » accompagnement.
L’autonomie donnée aux lycées sur 30 % de leur dotation horaire s’applique en classe de seconde : en plus des heures d’enseignement « normales », l’établissement répartira lui-même 10 h 30 de cours pour faire des demi-groupes. Cette répartition était auparavant fixée au niveau national. Certains s’inquiètent d’une possible « foire d’empoigne » entre enseignants. Autre innovation, qui reste à cerner dans la pratique : l’apprentissage des langues en « groupes de compétences ».
Comment ces dispositions seront-elles accueillies sur le terrain ? Observer le parcours d’une réforme, dans l’éducation nationale, c’est voir se mettre en mouvement, l’un après l’autre, les rouages d’une mécanique du refus. Mais celle-ci n’a pas toujours le dernier mot.
Dans ce cas précis, les textes officiels modifiant le lycée sont déjà parus, la machine administrative fonctionne pour leur application et il faudrait, pour bloquer le processus, une opposition d’une exceptionnelle intensité.
Une part appréciable du monde syndical enseignant approuve
En outre, l’aspect politique pèse lourd : le gouvernement ne peut se permettre un nouveau recul sur le lycée, d’autant que le président de la République s’est lui-même, à plusieurs reprises, engagé sur ce projet.
Pour la première fois, une part appréciable du monde syndical enseignant, en l’occurrence le « bloc » formé par le SE-UNSA et le SGEN-CFDT, approuve cette réforme et assume fermement sa position. Elle prend ainsi un risque calculé vis-à-vis de sa base.
Les partisans de la réforme veulent exorciser l’image, qui leur semble dangereuse, du service public refusant toute évolution. Il convient de rappeler qu’ils sont minoritaires parmi les enseignants de lycée, où le SNES-FSU, en l’occurrence allié au Syndicat national des lycées et collèges (apolitique), pèse de tout son poids pour tenter d’obtenir un improbable « retrait » de la réforme, en fait pour tenter de l’enliser.
Pour cela, le SNES va jusqu’à s’afficher en accord avec une organisation lycéenne, la Fédération indépendante démocratique des lycéens (FIDL), tandis que l’Union nationale des lycéens (UNL), plus implantée, a fait savoir qu’elle trouvait la réforme plutôt à son goût. Les prochaines semaines diront de quel côté le vent souffle le plus fort.
Luc Cédelle Le Monde
Les réactions des abonnés du Monde.fr à la lecture de cette information apportent un contre-point utile pour comprendre les effets de cette réforme sur le terrain.
Un copié collé acritique du site du ministère. Accompagnement personnalisé ? remplace les modules mais sans cadrage disciplinaire. 30% des dotations horaires en dédoublement à la disposition de l’établissement ? oui, mais sans aucune inscription dans les horaires règlementaires des élèves donc marge de manoeuvre de gestion pour les rectorats qui seront amené à les supprimer en cas de suppression d’emplois. Conclusion : avant d’avaler tout cru les propos d’un DRH, on s’informe.
Un tissu d’omissions et de contre vérités 1)« Pour tous les élèves deux heures d’accompagnement « 2 heures profs par division , c’est-à-dire une heure en demi groupe , une demi-heure en groupe de 8,etc. deux heures d’aide individualisée existaient :supprimées. silence radio 2) les heures de dédoublements : la répartition pourra varier du tout au tout d’un lycée à l’autre= les contenus enseignés, de fait ne seront plus les mêmes , c’est le lycée à plusieurs vitesse, l’explosion des inégalités
Décorer le soldat Cédelle de la médaille militaire pour son ardeur à valoriser la Sarkozye une part appréciable (souligné) du monde syndical enseignant, approuve cette réforme : les organisations qui refusent cette réforme régressive représentant 80% des voix !.il est très difficile de trouver dans les établissements des partisans de cette réforme, tout simplement parce que la réalité de ce qui se met en place n’a rien à voir avec ce qui est dit par la propagande Chatel et ses relais dévoués
Le SNES-FSU qui s’allie avec le SNALC et un syndicat minoritaire lycéen pour « enliser » un début de réforme qu’un autre syndicat lycéen trouve plutôt à son goût ; réforme a minima car le pouvoir, craignant le « syndrome grec », a reculé devant le projet de Darcos, pourtant plus que justifié. Et 120000 gosses qui quittent le système scolaire chaque année sans la moindre qualification pour justifier un emploi au SMIC. Désespérant, lamentable, ahurissant.
On aurait voulu tuer la section L qu’on ne s’y serait pas pris autrement: garder l’enseignement scientifique mais supprimer les maths en 1ère (donc pas de probabilités…)alors que les écoles de commerce s’ouvrent enfin aux littéraires !!! En S, il fallait supprimer l’Hist-Géo à l’écrit et mettre cette matière à l’oral du 2nd groupe, comme il y a 35 ans !… Et répartir les points de coefficient à l’écrit sur les matières scientifiques pour rendre justement le bac S plus scientifique….
Accompagnement de l’élève, renforcement du tronc commun en première : on ouvre les vannes du Lycée à tous les collégiens. Un pied dans le général, et c’est tout schuss vers le bac. En fait, le taux de redoublement en seconde est trop élevé (trop chers aussi les redoublants), et la scolarité dans un Lycée général coûte moins cher que dans le technique ou le professionnel. On arrive donc aux 80% annoncés par Jospin, en facilitant l’accès au bac général.
Depuis 30 ans ,c’est la réforme permanente et les problèmes ne sont pas résolus voire se sont amplifiés. Depuis 30 ans les enseignants se sont souvent opposés aux réformes. Alors peut-être qu’ils n’avaient pas tort et que leur opposition à ces réformes démagogiques était et est toujours fondée.Que les bouffeurs de prof s’en étranglent.
Mon père allait à l’école, du dimanche au samedi (internat), pour recevoir l’enseignement. Je suis allé à l’école, du lundi au vendredi (internat), recevoir un enseignement. Il n’y a pas de secret, il faut travailler élèves comme professeurs. Avec la réforme on cherche juste à faire « réussir » en voulant faire travailler moins et superficiellement.
Luc Cédelle a bien mérité de Luc Chatel. Quant à ceux qui tapent sur les enseignants (pas « les profs », un peu de respect,merci),que ne sont-ils pas, ou pas devenus,puisqu’ils seraient meilleurs que ceux qu’ils dénigrent.
Article lamentable qui ne fait que reprendre le discours technocratique du ministère. Cette réforme ne fait que réduire le nombre d’heures d’enseignement pour des raisons d’économie. Il suffit de voir le nombre de postes fermés dans chaque lycée à la rentrée prochaine. Quant à l’accompagnement personnalisé, ce n’est qu’un leurre ! En réalité, l’aide individualisée qui existait jusqu’à présent disparaît et le nombre d’heures en demi-classe est réduit. Les parents commencent tout juste à réaliser.
L’accompagnement personnalisé c’est surtout les cours que nous parents nous nous ruinons à payer oui, et ce dès la 6ème !!! Je suis déléguée de parents de classe depuis longtemps et..au départ j’avais honte d’en parler quand je me suis aperçue que tout le monde fait pareil COCORICO ! Merci aux profs pour leur plaisir à enseigner à nos enfants.. Quelle rigolade -jaune-.
Holà Maki ! Tu crois qu’on fait ce métier uniquement pour l’honneur et le plaisir insigne d’enseigner à tes enfants ? Que c’est toute notre vie, nuit et jour, qu’on ne pense qu’à ça, que tout le reste n’est rien ? On est des salariés comme les autres, mal payés, continuellement emmerdés, et on a une vie (on essaie d’en avoir un petite) en dehors de la salle de classe. Alors garde tes remontrances. On n’est ni des martyrs ni des moines, on n’a pas fait voeu de pauvreté et d’obéissance.
« Certains râlent d’avance sur le thème, mais se montrent quand même intéressés » : je ne sais pas où vous avez trouvé ces profs, pour ma part, je n’en connais aucun, et cette phrase est formulée de manière à distordre la réalité : le mot « râlent » disqualifie celui qui peut émettre une critique argumetée (et pas râler, grogner), et d’autre part c’est plutôt : tous « râlent » hormis quelques-uns.
« Prof lamda » vous etes le digne représentant d’une corporation qui refuse systématiquement de s’occuper de ce qui doit etre son unique objectif, i.e., former du mieux possible nos enfants. Par contre vous etes au top pour défendre vos petits privèges multiples. Et finalement c’est la déroute du système et surtout le gachis des nouvelles générations. Si vous etiez honnete avec vous meme soit vous changez radicalement soit vous démisssionnez!
L’aide personnalisée consistera à prendre les élèves en groupe…Pour que ca marche faudra beaucoup, mais beaucoup d’investissement du prof…Un gros boulot en plus de ce qui est déjà, mais les salaires et la reconnaissance resteront à minima…
Cette réforme casse l’Education nationale; cf les réductions d’horaires, destinées à combler le non-remplacement d’un professeur retraité sur 2, l’absence de formation pédagogique aux néo-enseignants jetés sans préparation devant leurs classes avec un emploi du temps de titulaire et un salaire de stagiaire, les remplacements prévus pour des étudiants… Bref, un rideau de fumée qui masque mal des économies budgétaires et une déréglementation du métier de professeur.
La moindre réformette attire les foudres, bien sûr, des opposants systématiques, qui attendent que leurs amis soient au pouvoir pour en tirer des avantages catégoriels. Cette réformette mérite simplement d’être prise. Pour le reste, il faudrait une réforme fondamentale de l’enseignement secondaire, fondée sur une collège qui éduque et enseigne l’essentiel de la vie sociale, et sur un lycée qui prépare vraiment une classe d’âge à la vie professionnelle (60% des élèves) et le reste aux études sup.
L’accompagnement personnalisé que l’on présente comme la solution miracle est une escroquerie. Les parents qui pensent que leurs enfants vont avoir droit à des cours particuliers vont être très déçus. Les problèmes, ils se règlent dans les cours en effectif réduit, et ça la réforme fait tout pour qu’ils soient moins nombreux, pour que les effectifs réduits augmentent(24 au lieu de 17) que les heures de cours diminuent. Cet article est peu objectif voire même tendancieux, c’est suspect!
le problème, M Cedelle et vous le savez parfaitement est que les syndicats que vous citez comme soutien de la réforme ne sont pas représentatifs dans les Lycées ! Qu’en pensent d’ailleurs les syndicats classés à droite ? qu’elle est excécrable.
Le journal « Le Monde » doit-il être au service de la campagne de publicité de M. Châtel. La réforme du lycée et la « mastérisation » sont des catastrophes qui favorisent une école à deux vitesses. Les objections à ces réformes auront-ils droit au même traitement médiatique?
De nombreuses crèches devraient être fermées jeudi, en raison d’un mouvement de grève des professionnels de la petite enfance, inquiets d’un décret en préparation visant à assouplir les règles d’accueil pour les moins de 6 ans. «Nadine Morano veut créer plus de places en crèche, sans ouvrir de nouvelles structures ni augmenter le budget. En pratique, on va appliquer le surbooking, comme dans les avions pour optimiser la place!», résume Christophe Harnois, membre du collectif «Pas de bébé à la consigne», créé il y a un an pour résister à la «marche arrière» enclenchée par le gouvernement.
Selon le collectif, le décret prévoit d’augmenter le taux de remplissage des crèches. Elles pourront être en surnombre certains jours, avec 20% d’enfants en plus (contre une limite maximale de 10% aujourd’hui). «On voit l’idée : augmenter le nombre d’enfants mais pas le personnel… ce qui revient à réduire le taux d’encadrement», s’indigne Corinne Chaillan, de la Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants (FNEJE). Elle dénonce aussi la déqualification programmée du personnel. «Avec le nouveau décret, on aura seulement 40% (contre 50% aujourd’hui) de personnel qualifié dans les crèches», à savoir auxiliaires de puériculture, éducateurs de jeunes enfants ou puériculteurs. Ce qui devrait augmenter du même coup le nombre de personnels moins qualifiés, comme les titulaires de CAP Petite enfance.
Au moins 300 000 places manquantes
Un rapport remis au gouvernement en 2008 estimait à 300.000 le nombre de places manquantes dans les structures d’accueil. Environ 240.000 enfants de moins de 3 ans sont accueillis en crèche, soit 10% de cette tranche d’âge. Rappelons aussi que Nicolas Sarkozy avait promis pendant la campagne présidentielle un droit opposable à la garde (et donc, en théorie, la possibilité d’un recours en justice pour tout parent qui ne se verrait pas offrir un mode de garde pour son petit de moins de 3 ans.) Le collectif «Pas de bébé à la consigne» dénonce aussi la mise en place, «sous prétexte d’une diversification des modes d’accueil», des maisons d’assistantes maternelles et des jardins d’éveil. Les premières permettent à quatre assistantes de se regrouper dans un local quelconque, sans que soient appliquer les règles de base des structures collectives… «Ce sont les nouvelles crèches low cost ! D’ailleurs, on ne parle plus d’accueil des tout-petits mais de mode de garde. C’est un retour en arrière. C’est flagrant», déplore Corinne Chaillan.
Quant aux jardins d’éveil, la «trouvaille» de Nadine Morano, la critique est aussi aiguisée. Destinées à accueillir les 2-3 ans, ces structures inquiètent beaucoup les enseignants, qui voient là une manœuvre pour retarder l’entrée en maternelle à des fins budgétaires. Les professionnels de la petite enfance ne voient pas non plus cette évolution d’un bon œil. «Encore faut-il que le personnel encadrant soit là aussi en nombre suffisant, c’est-à-dire un pour huit. Et sur ce point, on n’a pas de garantie, rien n’est précisé dans le décret», insiste Christophe Harnois, éducateur jeunes enfants.
Des manifestations sont prévues dans une trentaine de villes jeudi. A Paris, le cortège partira du métro Glacière à 10h30. A Nice, le rassemblement de 10 heures à 13 heures place Massena… Toutes les informations sur le site du collectif.