Réforme des lycées : Le diable est dans les détails

propagande1A la veille d’une journée de grève dans les collèges et Lycées, le journaliste Luc Cédelle se fend d’un l’article publié dans Le Monde  sous le titre ambigu, Lycée : pas de révolution, juste une réforme de fond. Le papier résume bien la stratégie de rupture entreprise par le président de la République. Le problème c’est que le journaliste du Monde de l’Education tend à confondre information et propagande gouvernementale. A le lire, on  se demande si ce défenseur de la pédagogie* n’a pas laissé choir les principes élémentaires de l’éducation et du journalisme comme des illusions fanées pour adopter le modèle d’instruction que nous propose la nouvelle gouvernance.

Jean-Marie Dinh

Un plaisir de collège (Le Seuil 2008)

Lycée : pas de révolution, juste une réforme de fond

En septembre 2010, le lycée change : un peu, uniquement en seconde et dans le cadre d’une réforme qui doit s’étendre les années suivantes aux classes de première et terminale. L’ambition est à la fois de rééquilibrer les filières générales, actuellement dominées par la filière scientifique, d’introduire un « accompagnement » des lycéens et d’accroître la marge d’autonomie des établissements.

Le mot « ambition » ne doit pas être pris dans un sens triomphaliste. A bien des égards, c’est une réforme à minima. Elle découle, après filtrage, des propositions consensuelles issues du rapport rendu par le directeur de Sciences Po Paris, Richard Descoings, en juin 2009. Cette réforme modeste est venue remplacer le projet de lycée « modulaire » que proposait auparavant Xavier Darcos, le précédent ministre de l’éducation, et qu’un vent de contestation, renforcé par la hantise gouvernementale d’une révolte « à la grecque », avait bloqué en décembre 2008.

La réforme actuelle a une architecture générale : elle conserve à la classe de seconde son caractère de « détermination », c’est-à-dire de découverte de nouvelles disciplines, elle renforce le tronc commun en première afin de faciliter d’éventuelles réorientations, et elle accroît la spécialisation de la terminale. Derrière chacun de ces choix se cachent de délicates questions d’horaires des disciplines qui, le diable étant dans les détails, restent âprement débattues même une fois les décisions prises.

Amorce d’évolution de fond

Sous une apparence anodine, plusieurs des nouveautés introduites cette année en seconde montrent qu’une réforme modeste peut quand même amorcer des évolutions de fond. Tel est le cas de l’accompagnement personnalisé : deux heures hebdomadaires dans l’emploi du temps des élèves pour leur apporter une aide méthodologique, de « l’approfondissement » sur certains sujets et des conseils d’orientation.

Ses modalités doivent être arrêtées par l’équipe pédagogique, et tous les professeurs, pour qui ces heures seront décomptées au même titre que des heures de cours, sont en principe concernés. Certains râlent d’avance sur le thème « on ne sait pas ce que cela va donner », mais se montrent quand même intéressés par la perspective d’un rapport différent à leurs élèves, et veulent s’assurer qu’il s’agira d’un « vrai » accompagnement.

L’autonomie donnée aux lycées sur 30 % de leur dotation horaire s’applique en classe de seconde : en plus des heures d’enseignement « normales », l’établissement répartira lui-même 10 h 30 de cours pour faire des demi-groupes. Cette répartition était auparavant fixée au niveau national. Certains s’inquiètent d’une possible « foire d’empoigne » entre enseignants. Autre innovation, qui reste à cerner dans la pratique : l’apprentissage des langues en « groupes de compétences ».

Comment ces dispositions seront-elles accueillies sur le terrain ? Observer le parcours d’une réforme, dans l’éducation nationale, c’est voir se mettre en mouvement, l’un après l’autre, les rouages d’une mécanique du refus. Mais celle-ci n’a pas toujours le dernier mot.

Dans ce cas précis, les textes officiels modifiant le lycée sont déjà parus, la machine administrative fonctionne pour leur application et il faudrait, pour bloquer le processus, une opposition d’une exceptionnelle intensité.

Une part appréciable du monde syndical enseignant approuve

En outre, l’aspect politique pèse lourd : le gouvernement ne peut se permettre un nouveau recul sur le lycée, d’autant que le président de la République s’est lui-même, à plusieurs reprises, engagé sur ce projet.

Pour la première fois, une part appréciable du monde syndical enseignant, en l’occurrence le « bloc » formé par le SE-UNSA et le SGEN-CFDT, approuve cette réforme et assume fermement sa position. Elle prend ainsi un risque calculé vis-à-vis de sa base.

Les partisans de la réforme veulent exorciser l’image, qui leur semble dangereuse, du service public refusant toute évolution. Il convient de rappeler qu’ils sont minoritaires parmi les enseignants de lycée, où le SNES-FSU, en l’occurrence allié au Syndicat national des lycées et collèges (apolitique), pèse de tout son poids pour tenter d’obtenir un improbable « retrait » de la réforme, en fait pour tenter de l’enliser.

Pour cela, le SNES va jusqu’à s’afficher en accord avec une organisation lycéenne, la Fédération indépendante démocratique des lycéens (FIDL), tandis que l’Union nationale des lycéens (UNL), plus implantée, a fait savoir qu’elle trouvait la réforme plutôt à son goût. Les prochaines semaines diront de quel côté le vent souffle le plus fort.

Luc Cédelle Le Monde


Les réactions des abonnés du Monde.fr à la lecture de cette information apportent un contre-point utile pour comprendre les effets de cette réforme sur le terrain.

Un copié collé acritique du site du ministère. Accompagnement personnalisé ? remplace les modules mais sans cadrage disciplinaire. 30% des dotations horaires en dédoublement à la disposition de l’établissement ? oui, mais sans aucune inscription dans les horaires règlementaires des élèves donc marge de manoeuvre de gestion pour les rectorats qui seront amené à les supprimer en cas de suppression d’emplois. Conclusion : avant d’avaler tout cru les propos d’un DRH, on s’informe.

jjd

10.03.10 | 12h40

Un tissu d’omissions et de contre vérités 1)« Pour tous les élèves deux heures d’accompagnement « 2 heures profs par division , c’est-à-dire une heure en demi groupe , une demi-heure en groupe de 8,etc. deux heures d’aide individualisée existaient :supprimées. silence radio 2) les heures de dédoublements : la répartition pourra varier du tout au tout d’un lycée à l’autre= les contenus enseignés, de fait ne seront plus les mêmes , c’est le lycée à plusieurs vitesse, l’explosion des inégalités

jjd

10.03.10 | 12h37

Décorer le soldat Cédelle de la médaille militaire pour son ardeur à valoriser la Sarkozye une part appréciable (souligné) du monde syndical enseignant, approuve cette réforme : les organisations qui refusent cette réforme régressive représentant 80% des voix !.il est très difficile de trouver dans les établissements des partisans de cette réforme, tout simplement parce que la réalité de ce qui se met en place n’a rien à voir avec ce qui est dit par la propagande Chatel et ses relais dévoués

LibertéEquitéSolidarité

10.03.10 | 11h52

Le SNES-FSU qui s’allie avec le SNALC et un syndicat minoritaire lycéen pour « enliser » un début de réforme qu’un autre syndicat lycéen trouve plutôt à son goût ; réforme a minima car le pouvoir, craignant le « syndrome grec », a reculé devant le projet de Darcos, pourtant plus que justifié. Et 120000 gosses qui quittent le système scolaire chaque année sans la moindre qualification pour justifier un emploi au SMIC. Désespérant, lamentable, ahurissant.

JHU

10.03.10 | 10h59

On aurait voulu tuer la section L qu’on ne s’y serait pas pris autrement: garder l’enseignement scientifique mais supprimer les maths en 1ère (donc pas de probabilités…)alors que les écoles de commerce s’ouvrent enfin aux littéraires !!! En S, il fallait supprimer l’Hist-Géo à l’écrit et mettre cette matière à l’oral du 2nd groupe, comme il y a 35 ans !… Et répartir les points de coefficient à l’écrit sur les matières scientifiques pour rendre justement le bac S plus scientifique….

Hans

10.03.10 | 10h50

Accompagnement de l’élève, renforcement du tronc commun en première : on ouvre les vannes du Lycée à tous les collégiens. Un pied dans le général, et c’est tout schuss vers le bac. En fait, le taux de redoublement en seconde est trop élevé (trop chers aussi les redoublants), et la scolarité dans un Lycée général coûte moins cher que dans le technique ou le professionnel. On arrive donc aux 80% annoncés par Jospin, en facilitant l’accès au bac général.

ganelon

10.03.10 | 10h31

Depuis 30 ans ,c’est la réforme permanente et les problèmes ne sont pas résolus voire se sont amplifiés. Depuis 30 ans les enseignants se sont souvent opposés aux réformes. Alors peut-être qu’ils n’avaient pas tort et que leur opposition à ces réformes démagogiques était et est toujours fondée.Que les bouffeurs de prof s’en étranglent.

Pascal R.

10.03.10 | 10h25

Mon père allait à l’école, du dimanche au samedi (internat), pour recevoir l’enseignement. Je suis allé à l’école, du lundi au vendredi (internat), recevoir un enseignement. Il n’y a pas de secret, il faut travailler élèves comme professeurs. Avec la réforme on cherche juste à faire « réussir » en voulant faire travailler moins et superficiellement.

Paco

10.03.10 | 10h23

Luc Cédelle a bien mérité de Luc Chatel. Quant à ceux qui tapent sur les enseignants (pas « les profs », un peu de respect,merci),que ne sont-ils pas, ou pas devenus,puisqu’ils seraient meilleurs que ceux qu’ils dénigrent.

10.03.10 | 10h07

Article lamentable qui ne fait que reprendre le discours technocratique du ministère. Cette réforme ne fait que réduire le nombre d’heures d’enseignement pour des raisons d’économie. Il suffit de voir le nombre de postes fermés dans chaque lycée à la rentrée prochaine. Quant à l’accompagnement personnalisé, ce n’est qu’un leurre ! En réalité, l’aide individualisée qui existait jusqu’à présent disparaît et le nombre d’heures en demi-classe est réduit. Les parents commencent tout juste à réaliser.

papa tango

10.03.10 | 10h02

L’accompagnement personnalisé c’est surtout les cours que nous parents nous nous ruinons à payer oui, et ce dès la 6ème !!! Je suis déléguée de parents de classe depuis longtemps et..au départ j’avais honte d’en parler quand je me suis aperçue que tout le monde fait pareil COCORICO ! Merci aux profs pour leur plaisir à enseigner à nos enfants.. Quelle rigolade -jaune-.

BL

10.03.10 | 09h37

Holà Maki ! Tu crois qu’on fait ce métier uniquement pour l’honneur et le plaisir insigne d’enseigner à tes enfants ? Que c’est toute notre vie, nuit et jour, qu’on ne pense qu’à ça, que tout le reste n’est rien ? On est des salariés comme les autres, mal payés, continuellement emmerdés, et on a une vie (on essaie d’en avoir un petite) en dehors de la salle de classe. Alors garde tes remontrances. On n’est ni des martyrs ni des moines, on n’a pas fait voeu de pauvreté et d’obéissance.

bela

10.03.10 | 09h31

« Certains râlent d’avance sur le thème, mais se montrent quand même intéressés » : je ne sais pas où vous avez trouvé ces profs, pour ma part, je n’en connais aucun, et cette phrase est formulée de manière à distordre la réalité : le mot « râlent » disqualifie celui qui peut émettre une critique argumetée (et pas râler, grogner), et d’autre part c’est plutôt : tous « râlent » hormis quelques-uns.

MAKI

10.03.10 | 09h03

« Prof lamda » vous etes le digne représentant d’une corporation qui refuse systématiquement de s’occuper de ce qui doit etre son unique objectif, i.e., former du mieux possible nos enfants. Par contre vous etes au top pour défendre vos petits privèges multiples. Et finalement c’est la déroute du système et surtout le gachis des nouvelles générations. Si vous etiez honnete avec vous meme soit vous changez radicalement soit vous démisssionnez!

prof lambda

09.03.10 | 23h50

L’aide personnalisée consistera à prendre les élèves en groupe…Pour que ca marche faudra beaucoup, mais beaucoup d’investissement du prof…Un gros boulot en plus de ce qui est déjà, mais les salaires et la reconnaissance resteront à minima…

simplex

09.03.10 | 22h01

Cette réforme casse l’Education nationale; cf les réductions d’horaires, destinées à combler le non-remplacement d’un professeur retraité sur 2, l’absence de formation pédagogique aux néo-enseignants jetés sans préparation devant leurs classes avec un emploi du temps de titulaire et un salaire de stagiaire, les remplacements prévus pour des étudiants… Bref, un rideau de fumée qui masque mal des économies budgétaires et une déréglementation du métier de professeur.

Martin-Dupont

09.03.10 | 21h36

La moindre réformette attire les foudres, bien sûr, des opposants systématiques, qui attendent que leurs amis soient au pouvoir pour en tirer des avantages catégoriels. Cette réformette mérite simplement d’être prise. Pour le reste, il faudrait une réforme fondamentale de l’enseignement secondaire, fondée sur une collège qui éduque et enseigne l’essentiel de la vie sociale, et sur un lycée qui prépare vraiment une classe d’âge à la vie professionnelle (60% des élèves) et le reste aux études sup.

ganelon

09.03.10 | 21h32

L’accompagnement personnalisé que l’on présente comme la solution miracle est une escroquerie. Les parents qui pensent que leurs enfants vont avoir droit à des cours particuliers vont être très déçus. Les problèmes, ils se règlent dans les cours en effectif réduit, et ça la réforme fait tout pour qu’ils soient moins nombreux, pour que les effectifs réduits augmentent(24 au lieu de 17) que les heures de cours diminuent. Cet article est peu objectif voire même tendancieux, c’est suspect!

thierry guitard

09.03.10 | 21h08

le problème, M Cedelle et vous le savez parfaitement est que les syndicats que vous citez comme soutien de la réforme ne sont pas représentatifs dans les Lycées ! Qu’en pensent d’ailleurs les syndicats classés à droite ? qu’elle est excécrable.

JérômeLAG.

09.03.10 | 20h45

Le journal « Le Monde » doit-il être au service de la campagne de publicité de M. Châtel. La réforme du lycée et la « mastérisation » sont des catastrophes qui favorisent une école à deux vitesses. Les objections à ces réformes auront-ils droit au même traitement médiatique?

Réforme du lycée : pas ça ! pour la FSU

Masqué derrière un discours rassurant sur le maintien des dotations horaires et la mise en place d’un accompagnement plus personnalisé des lycéens, le ministre Luc Chatel fait le choix idéologique d’une transformation radicale de l’organisation du lycée général et technologique et des enseignements en voulant confier la gestion de plus du tiers des horaires aux établissements.

Refusant de faire des choix pédagogiques qui nécessiteraient un investissement de la Nation dans son École, paralysé par la mise en œuvre du dogme de la réduction de l’emploi public et des cadeaux fiscaux aux plus riches, s’appuyant sur les recommandations les plus libérales de l’OCDE, le ministre tente d’imposer l’autonomie des établissements comme solution miracle aux difficultés actuelles du lycée.

Depuis plus d’un an, les personnels ne cessent de marteler leur demande prioritaire d’amélioration des conditions de travail et d’étude, le ministre leur répond : « faites mieux avec moins d’heures et avec toujours plus d’élèves par classe ».

Depuis plus d’an, les personnels ne cessent de revendiquer un cadrage national des enseignements et des conditions de travail, le ministre leur répond : « débrouillez-vous entre vous pour arbitrer la répartition des heures en groupe et de dédoublements ».

Depuis plus d’an, les personnels réclament un vaste débat sur les contenus et les finalités du lycée, le ministre leur répond : « faites 54 heures d’exploration avec vos élèves de seconde ».

De fait, à l’issue d’un simulacre de discussions, le ministre confirme les trois axes de son projet : autonomie, réduction des horaires disciplinaires, fusion partielle des séries générales dans un tronc commun ignorant par ailleurs superbement des pans entiers de la culture et ne résolvant pas la question essentielle des effectifs par classe.

Le SNES-FSU et le SNEP-FSU considèrent que ce projet ne saurait répondre aux difficultés des élèves et à la demande de démocratisation du lycée, appellent l’ensemble des personnels à refuser ce projet et à exiger une autre réforme ambitieuse pour les jeunes et pour les professions de l’éducation.

La grève du 24 novembre est l’occasion de signifier massivement au gouvernement le rejet de sa politique éducative qui se traduit sur le terrain par des dégradations continuelles des conditions de travail, l’absence de revalorisation de l’ensemble de nos professions et des réformes imposées contre l’intérêt des personnels et des jeunes.

Source : Communiqué : SNES et SNEP de la FSU Paris,