La crise de la zone euro, mode d’emploi

Prévision d la dette publique en % du PIB

 

L’Irlande, dont le déficit atteint des sommets avec 32 % du PIB, la Grèce, qui peine à redresser son budget, le Portugal – et bientôt l’Espagne et l’Italie – menacé de contagion, les attaques spéculatives qui se poursuivent et les emprunts d’Etat qui flambent sur les marchés financiers : la zone euro traverse une crise majeure, à tel point que la question de son éclatement est aujourd’hui ouvertement posée.

Des discussions entre les autorités irlandaises, la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international ont eu lieu, mardi 16 novembre, afin de mettre sur pied un programme d’aide aux banques de l’ancien Tigre celtique. L’urgence est telle que le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a estimé que l’Union monétaire était « confrontée à une crise pour [sa] survie », menaçant jusqu’aux fondements de l’Union européenne, et a appelé les Etats membres à « travailler de concert » pour éteindre l’incendie.

  • Quelles sont les raisons qui expliquent cette poussée de fièvre ?

L’endettement massif des pays. La crise économique, entraînée par la crise des prêts immobiliers à risque (subprimes) aux Etats-Unis, a augmenté le déficit public et l’endettement de nombreux pays, qui ont dû baisser leur fiscalité ou procéder à des subventions massives pour faire face à la récession. La question de leur capacité à rembourser leur dette a alors provoqué l’augmentation des taux d’intérêt d’emprunt. Dans le cas de l’Irlande, la flambée du déficit, de 14 % du PIB en 2009 à 32 % attendus en 2010, s’explique par la crise bancaire que traverse le pays. « Depuis trois ans, les finances des banques n’ont pas été assainies et les actifs pourris existent toujours », regrette Jérôme Creel, économiste au Centre de recherche en économie de Sciences-Po et professeur à l’ESCP-EAP.

Le manque de solidarité entre Etats membres. « En mettant beaucoup de temps à se porter au secours des pays en difficulté, notamment de la Grèce, l’Europe a fait le jeu des spéculateurs, contrairement à ce qui s’est passé aux Etats-Unis, où est à l’œuvre une solidarité interétatique », assure Jean-Paul Fitoussi, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques et professeur d’économie à Science-Po.

Ce manque de cohésion au sein de l’Union s’explique par des divergences de stratégie sur la façon d’envisager la croissance et la résorption des déséquilibres. « L’Allemagne a ainsi choisi une croissance basée sur les exportations vers l’international. Son excédent budgétaire commercial se fait au détriment de ses principaux partenaires, situés dans la zone euro, qui sont contraints d’adopter une politique de déflation », explique Jérôme Creel.

La structure de la zone euro. La structure inhérente à l’Union monétaire, enfin, rend la crise plus aiguë. Les difficultés rencontrées par un pays fragilisent l’ensemble de la zone dans la mesure où les investisseurs, méfiants, augmentent les taux d’intérêt de rachat de sa dette. Et si la monnaie commune assure une stabilité relative de ses pays membres, elle empêche les Etats en difficulté de procéder à des dépréciations qui leur auraient permis de régler leurs problèmes domestiques.

  • Quelles sont les solutions et issues de la crise ?

Des aides financières européennes. Elles pourraient prendre la forme d’une aide massive de la BCE pour racheter les titres de dette, « de l’ordre de 1 000 milliards d’euros, à la manière de l’aide de la Réserve fédérale américaine », explique Alexandre Delaigue, professeur d’économie à Saint-Cyr.

L’intervention du Fonds européen de stabilisation financière, créé en mai et doté d’une capacité d’emprunt de 440 milliards d’euros, pourrait par ailleurs calmer les turbulences. Il s’agirait ainsi pour les Etats européens de prendre en charge une sorte de dette européenne consolidée. « Mais ce fonds n’a pas vocation à être permanent dans la mesure où il n’est pas en accord avec le traité de Maastricht, qui interdit tout renflouement direct d’un Etat en difficulté », précise l’économiste.

Enfin, les Etats pourraient choisir de faire défaut et de restructurer leur dette, c’est-à-dire de ne pas en rembourser la totalité ou d’en allonger l’échelonnement, au risque d’envoyer un mauvais signal aux marchés financiers.

Une nouvelle gouvernance au sein de la zone. « Il faudrait revoir la politique budgétaire mais aussi fiscale, monétaire et de change », assure Jérôme Creel, qui pose la question des objectifs de la BCE, qui devraient intégrer les taux de change et non plus seulement la stabilité des prix de la zone euro.

Les pays devraient adopter des « pratiques budgétaires plus disciplinées et coordonnées ainsi qu’une surveillance renforcée ». Mais le risque est grand que les pays refusent un contrôle de l’Europe sur leur budget, qui serait associé à une perte de souveraineté.

Surtout, cette gouvernance pourrait forcer l’ensemble des pays à adopter des politiques de contraction budgétaire, pour l’instant peu convaincantes selon les économistes. « L’austérité, dans un contexte de crise, affaiblit la croissance et donc les recettes fiscales. Les déficits ne diminuent donc pas », assure Alexandre Delaigue.

L’éclatement de la zone euro. La fin de l’Union monétaire permettrait aux Etats de retrouver leurs propres taux de change et de déprécier leur monnaie. « La contagion de la crise à toute la zone euro, et donc son éclatement, est possible car les Etats qui octroient leurs garanties sur les dettes des pays en difficulté prennent à leur charge une partie du risque, estime Alexandre Delaigue. D’autant que pour l’instant, les mesures prises pour résorber les turbulences ont seulement repoussé le spectre d’une crise majeure. »

Pour Jean-Paul Fitoussi, au contraire, une telle situation ne se produira pas. « Les pays touchés par la crise monétaire actuelle sont peu importants, tant en termes de PIB que d’endettement comparé à celui de la zone euro, assure l’économiste. Par ailleurs, le fait que l’euro soit fort prouve qu’il est demandé par des marchés financiers qui parient sur la pérennité de la zone. Ces rumeurs sur l’éclatement participent d’une stratégie de peur pour contraindre les Etats à redoubler de rigueur budgétaire. »

Le Monde.fr

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La décision de la Fed suscite des critiques de toutes parts

L’injection par la Réserve fédérale de 600 milliards de dollars supplémentaires dans l’économie américaine risque d’exacerber les tensions internationales liées aux changes.

Pour Wolfgang Schaüble, le ministre allemand des Finances, faire marcher la planche à billets pour soutenir la conjoncture "ne vaut plus rien".

Pour Wolfgang Schaüble, le ministre allemand des Finances, faire marcher la planche à billets pour soutenir la conjoncture "ne vaut plus rien".

Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble est très critique des mesures de relance de la Réserve fédérale américaine. L’injection par la Fed de 600 milliards de dollars supplémentaires dans l’économie américaine, décidée mercredi, va « poser des problèmes supplémentaires » au monde, a dit M. Schäuble dans un entretien à la chaîne ARD diffusé dans la nuit de jeudi à vendredi.

Risque d’inflation

Il a affirmé vouloir aborder le sujet lors du prochain sommet du G20, qui regroupe pays riches et puissances émergentes, en Corée du Sud. Les Etats-Unis ont déjà « injecté un montant infini de liquidités dans l’économie », a-t-il par ailleurs critiqué dans un entretien avec la chaîne ZDF, pour des résultats « désespérants ». Selon M. Schäuble, faire marcher la planche à billets pour soutenir la conjoncture « ne vaut plus rien ».

Jeudi le ministre allemand de l’Economie Rainer Brüderle avait fait part de son « inquiétude » face aux décisions de la Fed et appelé les Etats-Unis à faire plutôt des réformes structurelles. En injectant de l’argent dans l’économie, la Fed prend le risque d’alimenter l’inflation et de faire baisser la valeur du dollar par rapport à l’euro, une mauvaise nouvelle pour l’Allemagne, championne européenne des exportations.

L’initiative des banquiers centraux américains est de manière générale totalement contraire aux convictions allemandes en matière de politique monétaire. Traumatisée par une inflation folle dans les années 1930, qui a encouragé la montée du nazisme, l’Allemagne s’est toujours posée depuis 1945 en garante de la rigueur monétaire et de la stabilité des prix. Cette orthodoxie a inspiré les statuts de l’actuelle Banque centrale européenne.

Lagarde : l’euro « porte le poids » de la décision

Le geste de la Fed n’a toutefois pas irrité que l’Allemagne: la ministre française de l’Economie Christine Lagarde a ainsi regretté que l’euro « porte le poids » de cette décision. « Je ne suis pas en train de porter un jugement sur l’assouplissement quantitatif américain. Mais cela montre le besoin impératif de repenser le système monétaire international et les mécanismes de coopération », a-t-elle ajouté.

Le cours de l’euro a grimpé face au dollar avant comme après cette annonce, stimulé par la création monétaire qu’elle implique pour les Etats-Unis.

Les pays en développement pénalisés

La décision de la Fed mécontente également les économies en développement, pénalisées à l’exportation par l’appréciation de leurs monnaies. Elle risque donc d’exacerber les tensions liées aux changes, qui ont conduit certains dirigeants à évoquer récemment le risque d’une « guerre des monnaies », et donc compromettre un accord mondial sur les déséquilibres commerciaux et monétaires lors du sommet du G20.

« Tant que le monde ne s’efforcera pas de limiter les émissions de devises internationales telles que le dollar – ce qui n’est pas facile – il est inévitable qu’une nouvelle crise ait lieu, comme le déplorent quelques Occidentaux éclairés », a commenté un conseiller de la banque centrale chinoise, Xia Bin, dans une publication de la Banque populaire de Chine.

Le ministre sud-coréen des Finances a quant à lui prévenu qu’il envisagerait « de façon résolue » un contrôle des flux de capitaux.

A Brasilia, son homologue brésilien, Guido Mantega, a estimé que la décision de la Fed ne favoriserait sans doute pas la croissance mondiale et qu’elle risquait d’aggraver les déséquilibres internationaux. « Tout le monde souhaite que l’économie américaine se reprenne mais le fait de jeter des dollars depuis un hélicoptère ne fait pas du bien à tout le monde », a-t-il dit.

Quant à la Thaïlande, elle a évoqué la possibilité d’une action concertée destinée à lutter contre l’afflux de dollars attendu sur les marchés émergents.

Le ministre turc de l’Economie a estimé que la décision de la Fed risquait de se retourner contre les Etats-Unis et un haut responsable indien a souligné que, si Washington avait le droit de relancer son économie, les autres pays avaient celui de défendre leurs intérêts.

Reuter 05/11/10

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Une sévère cure d’austérité pour les Britanniques

cameron

Pour éviter la faillite publique, le gouvernement britannique a annoncé mercredi des mesures d’austérité drastiques. Les prestations sociales seront réduites et près d’un demi-million de postes seront supprimés dans le service public.  Les commentateurs jugent cette politique dure, injuste et extrêmement dangereuse pour l’économie.

The Guardian – Royaume-Uni

Les coupes mettent la relance en péril

Avec le programme d’austérité, le chancelier de l’Echiquier George Osborne mise tout sur une seule carte, écrit le quotidien de centre-gauche The Guardian, qui estime toutefois que ce jeu pourrait mal se terminer avec l’économie : « Osborne a besoin que suffisamment de gens avalent la petite histoire de la coalition, selon laquelle le Labour aurait ruiné l’économie et créé un déficit auquel la seule réponse serait une cure d’austérité, prescrite de façon relativement équitable. D’après les sondages, c’est l’opinion qui domine aujourd’hui. Mais sur la durée, l’opinion publique se basera sur la perspective d’une véritable relance économique ces quatre prochaines années, afin qu’Osborne ou son successeur soit en mesure de déclarer en octobre 2014 que le remède a été efficace, et qu’une période favorable – et une réélection en 2015 – se profilent. … Ce programme d’austérité est l’œuvre d’un parieur. Un Chancelier ne peut pas retrancher 81 milliards de livres de l’économie, à l’image d’Osborne, sans porter atteinte au pays. Ce sera un pays différent dorénavant. » (21.10.2010)

Aamulehti – Finlande

Du sang, de la sueur et des larmes

En procédant aux plus lourdes coupes budgétaires depuis la Seconde Guerre mondiale, le Premier ministre britannique David Cameron s’inscrit dans la lignée de Winston Churchill, écrit le quotidien Aamulehti. Mais le risque d’échec est grand : « Alors que la Grande-Bretagne luttait pour son existence au début de la Seconde Guerre mondiale, le Premier ministre de l’époque, le conservateur Winston Churchill, ne mâchait pas ses mots dans son premier discours en tant que dirigeant du gouvernement de guerre, à un moment extrêmement difficile. ‘Je n’ai rien d’autre à vous offrir que du sang, du labeur, de la sueur et des larmes’, déclarait-il dans son célèbre discours à la nation. En d’autres termes, il fallait accepter de nombreux sacrifices pour pouvoir espérer un avenir meilleur. … Les détails du programme d’austérité seront fortement contestés, dans la rue comme au Parlement. Mais ce qui importe, c’est l’influence qu’il aura sur l’avenir britannique. Même si l’opération est un succès, le patient y survivra-t-il ou laissera-t-il sa peau sur le billard ? C’est un pari dangereux, pour lequel le gouvernement Cameron a décidé de prendre tous les risques. » (21.10.2010)

Politiken – Danemark

Ne pas oublier le secteur financier

Après l’annonce du gouvernement britannique d’un programme d’austérité qui prévoit notamment des coupes dans les dépenses sociales, le quotidien progressiste Politiken espère des mesures tout aussi strictes pour le secteur financier : « La coalition libérale-conservatrice veut soumettre l’Etat-providence britannique à une cure d’austérité dramatique ; elle veut davantage épargner que stimuler. La reine aussi doit épargner, mais ce sont surtout le système social, l’Etat-providence, ainsi que les services publics, qui sont touchés. Avec pour résultat les plus grandes coupes budgétaires jamais imposées au secteur public depuis la Seconde Guerre mondiale. Si les Britanniques doivent avaler cette couleuvre, il faudra que le secteur financier, indubitablement à l’origine de la crise, soit plus fortement réfréné et contraint à assumer ses responsabilités. » (21.10.2010)

De Volkskrant – Pays-Bas

Cameron doit offrir des perspectives

Avec ses lourdes mesures d’austérité, le Premier ministre britannique David Cameron suit un cap bien plus rigoureux que ce à quoi s’attendait beaucoup de monde, estime le quotidien de centre-gauche De Volkskrant. Mais contrairement à l’ex-Premier ministre Margaret « Thatcher, qui voulait surtout briser le pouvoir des syndicats, Cameron tente de prêter à sa thérapie de choc une dimension idéaliste. A ses yeux, cette thérapie n’est pas seulement une amère nécessité économique, mais aussi une mesure qui va dans le sens de son projet de ‘Big Society’, où il est naturel que certaines tâches n’incombent plus à l’Etat mais aux citoyens, ceux-ci disposant ainsi d’un plus grand pouvoir de contrôle. Ce n’est pas une idée inintéressante, mais ce n’est pas non plus la panacée. Pour créer une base sociale suffisante acceptable pour ces lourdes atteintes, le Premier ministre devra offrir des perspectives nouvelles et plus claires. » (21.10.2010)

Arroseurs arrosés

Ils veulent aller plus vite

La chancelière allemande Angela Merkel et le président Nicolas Sarkozy ont appelé la commission européenne à «accélérer ses travaux» pour un «encadrement renforcé» des marchés financiers, dans une lettre commune à José Manuel Barroso, rendue publique mercredi par l’Elysée.

Mme Merkel et M. Sarkozy soulignent que «des mesures fortes sont déjà entrées en vigueur». «Les sévères turbulences sur les marchés financiers dans les derniers mois suscitent cependant de fortes préoccupations de la part des Etats membres de l’Union européenne et de l’ensemble de nos concitoyens», ajoutent-ils.

Selon les deux dirigeants, «le retour d’une forte volatilité des marchés rend légitime de s’interroger spécifiquement sur certaines techniques financières et l’utilisation de certains produits dérivés comme les ventes à découvert et les « crédit default swaps » (CDS)».

«Nous estimons qu’il existe un besoin urgent que la commission puisse accélérer ses travaux s’agissant de l’encadrement renforcé du marché des CDS souverains et des ventes à découvert, et présente avant l’ECOFIN de juillet l’ensemble des pistes d’action envisageables», estiment-ils dans leur lettre adressée au président de la commission européenne.

AFP

Grèce: les transports et la poste privatisés

Les manifestants traites aux gaz lacrimogenes devant le parlement

Tandis que la population  grecque est mise au régime sec, les multinationales débutent leur banquet !

Le ministre grec des Finances, Georges Papaconstantinou, a annoncé, ce mercredi, un vaste programme de privatisations sur trois ans dans les secteurs des transports, de la poste et de l’énergie qui devrait rapporter environ un milliard d’euros par an.«La décision du gouvernement est d’accélerer les procédures de privatisation de ces secteurs afin de valoriser l’importante fortune de l’Etat», a expliqué le ministre lors d’une conférence de presse.

Le gouvernement veut vendre «très prochainement» 49% de Trainose, la filiale transport du groupe ferroviaire public OSE, 10% des parts des eaux d’Athènes (Eydap) et 23% des eaux de Salonique, ville dans le nord (Eyath), ainsi que 39% des Postes helléniques (Elta). Les recettes prévues par ce programme doivent «s’élever à environ un milliard d’euros par an d’ici 2013», conformément au memorandum signé en mai par la Grèce avec l’Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI) pour redresser les finances publiques, a affirmé le ministre.

AFP