Fayyad : la conférence des donateurs doit être liée à la naissance de l’Etat palestinien

La conférence des donateurs pour la création d’un Etat palestinien en juin n’aura d’intérêt que si les Palestiniens ont le sentiment d’être à la veille de la naissance de leur Etat, espéré en septembre, a prévenu vendredi à Paris leur Premier ministre Salam Fayyad. »Quand nous nous rencontrerons, nous avons besoin d’être dans un contexte d’attente de naissance imminente de l’Etat palestinien. Si ce sentiment n’est pas là, nous ne voulons pas de cette conférence », a-t-il déclaré lors d’un débat à Paris organisé par l’Académie diplomatique internationale.

Les Palestiniens voudraient proclamer leur Etat en septembre, date butoir retenue par la communauté internationale pour la signature d’un accord israélo-palestinien, bien que les négociations soient au point mort.

Une deuxième conférence de donateurs aura lieu en juin à Paris. La décision a été annoncée jeudi soir à l’issue d’un dîner de représentants français, de l’Union européenne, de la Norvège et du Quartette (USA, ONU, Russie, UE) qui assurent le suivi de la première conférence de décembre 2007.

« L’argent n’est pas le principal objectif de cette conférence qui doit conditionner un processus politique », a martelé Salam Fayyad.

« Le calendrier (de septembre 2011) ne changera pas (…). Il est temps pour (le Premier ministre israélien Benjamin) Netanyahu de dire ce qu’il a en tête quand il parle d’un Etat palestinien. Cela ne suffit pas de dire qu’on soutient une solution à deux Etats », a-t-il répété.

La première conférence des donateurs, en décembre 2007 à Paris, s’est concrétisée par le versement sur 3 ans de l’intégralité des 7,7 milliards de dollars promis alors, dont 4,3 milliards d’aide budgétaire.

AFP

Les 20 ans de la réunification Allemande. Entretien avec Walter Momper maire de Berlin ouest en 1989

momper

Walter Momper était maire de Berlin (ouest) au moment de la chute du mur. Membre du Parti social-démocrate (SPD), il est actuellement président de la Chambre des députés (Abgeordnetenhaus) de Berlin, il a également occupé à partir de 1989 le poste de « bourgmestre régnant » de Berlin-Ouest au moment de l’ouverture du mur puis pendant le processus de la réunification de la ville, ce qui fait également de lui le premier maire de la capitale allemande réunifiée, fonction qu’il occupera jusqu’en 1991. C’est lui qui a eu à gérer les immenses mouvements de foules nés de ce grand événement historique et la photo de l’« homme à l’écharpe rouge » aux côtés du chancelier Helmut Kohl et du chef du gouvernement de la RDA Hans Modrow, à la porte de Brandebourg, a fait le tour du monde. Entretien à l’issue d’une conférence organisée par la Maison de Heidelberg à Montpellier.

La réunification est souvent assimilée à l’image de la chute du mur. L’événement ne prend-t-il pas le pas sur sa gestion politique ?

Certainement, cela marque l’importance de la dimension symbolique en politique, mais la chute du mur comporte aussi une dimension politique très importante. N’est ce pas une absurdité de l’histoire que d’emmurer une population?

Etiez-vous en relation avec l’opposition en RDA dans les mois qui ont précédé le 9 novembre ?

Pas personnellement, mais j’étais en relation avec des membres de mon parti qui avaient ouvert le dialogue avec les représentants porteurs des conceptions sociales démocrates en RDA. L’objet des discussions portaient sur le programme des réformes. Nos collègues de l’Est manquaient un peu d’expérience. Ils n’avaient pas de vision globale en matière d’économie.

Y avait-il à l’Ouest une vision qui fasse consensus sur la réunification au sein de la classe politique allemande ?

Le débat concernait l’évolution des réformes mais l’option de la réunification n’était pas sérieusement envisagée chez les politiques. En ce sens on peut dire que le peuple a véritablement pris le pouvoir. En RFA, l’opinion publique était partagée avec un clivage assez net entre les jeunes qui avaient du mal à chambouler leur vision des deux Allemagnes et les anciens qui avaient connu le pays avant la construction du mur. Finalement la pression du réel est venue de l’Est. Je connais la théorie qui avance que la réunification a été poussée par la volonté de grands groupes industriels. Cela ne s’est pas passé ainsi ; Kohl était très prudent. Le Chancelier a avancé à pas de velours. Et l’industrie, qui se battait pour conquérir des marchés bien plus vastes, était assez peu intéressée par celui de la RDA qui comptait 17 millions d’habitants.

Quel regard portez-vous sur la gestion politique de Kohl ?

Le chancelier avait les donnés économiques du coût de la réunification. Mais c’était un vieux renard. Il s’est gardé de dire que l’unité devait se payer. Il a annoncé qu’il n’augmenterait pas les impôts. C’est ainsi qu’il a pu gagner les élections.

Vingt ans après la réunification, il reste toujours des pierres d’achoppement à surmonter. Où voyez-vous les principaux défis ?

Il faut poursuivre les efforts pour faire de l’Etat Est une économie performante. Le taux de chômage y est toujours supérieur de 10 à 15% par rapport à l’Ouest. Il faut investir et restructurer le tissu des PME. L’autre défi concerne la dimension mentale. Depuis la réunification, la réalité de l’Etat providence n’existe plus. C’est important de partager la même base pour faire évoluer la société démocratique.

A vos yeux, quelles sont les valeurs apportées par la population de RDA ?

Ils nous ont apporté un peu de leur histoire en montrant comment résister à une dictature absolue. Comment on peut rester honnête. Cela à travers une révolution pacifique qui est parvenue à transcender le système et qui fait désormais partie de l’histoire Allemande.

Vous présidez le Parlement de Berlin à la tête d’une coalition avec Die Linke. Le parti de la gauche allemande a-t-il plus de points communs avec le SPD qu’avec le FDP ?

Oui, nos affinités sont plus fortes avec la gauche qu’avec les libéraux. Le SPD s’oriente vers une coalition Verts et rouge.

La France prône une gouvernance renforcée face à la crise de l’Euro. Partagez-vous ce point de vue ?

Il nous manque une politique coordonnée du groupe Allemagne – France – Italie. Je souhaiterais que les Britanniques nous rejoignent mais c’est plus difficile.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

SPD parti des sociaux démocrates allemands

Commentaire

Le SPD un pas à gauche

Les relations franco- allemandes seront à l’affiche demain. On attend Angela Merkel et Nicolas Sarkozy posant main dans la main tout sourire à l’occasion d’un sommet bilatéral qui tente de colmater les brèches face à la crise de l’Euro. Sur le fond deux visions s’opposent, entre la France qui défend l’instauration d’un gouvernement économique dans une UE plus interventionniste, et l’Allemagne pour qui la BCE doit être uniquement un régulateur économique et monétaire.

Sur sur le terrain de  la politique intérieure, les effets sociaux de la crises sont déjà considérables. Ils pourraient dans un avenir proche, devenir insurmontable pour les tenants du libéralisme au pouvoir dans les deux pays.

En France, l’UMP ne tient plus le centre. En Allemagne avec 23% des voix le parti des sociaux démocrates a perdu un tiers de ses élus lors des élections fédérales de 2009 au profit du parti antilibéral Die Linke.

La participation du SDP à la grande coalition menée par Angela Merkel (CDU) , a permis au parti de gauche allemand de s’établir avec 11,9% lors des élections fédérales. Il est passé à 22% dans certains lands de l’ex Allemagne de l’Est.

Fondé en 1875, le SPD est le plus ancien parti socialiste d’Europe. Il  se retrouve aujourd’hui devant une de ses contradictions historiques entre son programme de gauche est une politique beaucoup moins radicale. Une alliance SPD Verts Rouge parait viable. La dégradation des indicateurs sociaux aidant, il semble que les sociaux démocrate allemands s’orientent dans cette direction. La question pourrait se poser à peut près dans les mêmes termes au centre de l’échiquier politique français à l’horizon 2012.

JMDH

Voir aussi : Rubrique Allemagne Histoire entretien avec Markus Meckel Politique Election législative en Allemagne  Rubrique UE Les Européens protestent contre les mesures d’austérités, Merkel Sarkozy arroseurs arrosés, Sous pression l’UE répond aux marchés,

Angela Merkel et Nicolas Sarkozy parleront euro le 10 décembre

La France et l’Allemagne évoqueront la crise de l’euro lors d’un sommet bilatéral prévu le 10 décembre, une semaine avant un Conseil européen régulier, a déclaré vendredi un porte-parole du gouvernement allemand.

sarko-merkelIl n’y a en revanche aucun projet de sommet de l’Union européenne spécialement consacré à la crise de l’euro ce week-end, a ajouté Steffen Seibert. Une source gouvernementale française confirme à Paris que la chancelière Angela Merkel et le président Nicolas Sarkozy parleront « évidemment » à Fribourg des questions financières et de la situation de la zone euro. « Mais il n’y a pas de choses très spécifiques à ce stade » ajoute cette source, selon laquelle « la situation est en train de s’améliorer ».

L’Union européenne s’est accordée dimanche dernier sur un train de mesures pour enrayer la crise de la dette irlandaise et éviter sa contagion au reste de la zone euro, près de sept mois après avoir dû intervenir pour sauver la Grèce de la faillite. Les Vingt-Sept sont aussi convenus de pérenniser, après 2013, le mécanisme de gestion de crise mis en place à la suite de la crise de la dette grecque.

Ces décisions n’ont pas paru suffire, au début de la semaine, à rassurer les marchés. Les places européennes ont cependant clôturé jeudi en forte hausse, après des déclarations rassurantes du président de la Banque centrale européenne (BCE). Jean-Claude Trichet, que le président Nicolas Sarkozy devait recevoir vendredi en fin d’après-midi à l’Elysée avant de partir pour l’Inde, a réaffirmé vendredi matin qu’il n’y avait « pas de crise de l’euro en tant que monnaie ».

Steffen Seibert a pour sa part déclaré qu’il n’y avait ni projet « ni envie » de mettre en place une politique budgétaire commune dans la zone euro. Il a cependant souligné que des réformes étaient en préparation en vue d’une coopération plus étroite entre pays membres en matière de politique économique.

Interrogé sur le Portugal, considéré comme étant potentiellement le prochain pays à devoir solliciter une aide internationale, il a déclaré qu’il revenait à Lisbonne d’en décider le cas échéant.

Reuter

Voir aussi : rubrique Finance Crise rubrique On Line Journée d’action contre le sommet franco-allemand

Un « consensus de Berlin » imposé à l’Europe

t-image001Sommé par ses partenaires de solliciter l’« aide » du Fonds européen de stabilité financière, le gouvernement irlandais s’est exécuté. La Commission, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international orchestrent désormais un plan de sauvetage des banques dont les Irlandais paieront la facture. C’est ce dispositif, dans une version encore plus draconienne, que l’Allemagne entend pérenniser par une révision du traité de Lisbonne.

par Bernard Cassen

ruxelles, Strasbourg et Luxembourg, les vrais centres de décision de l’Union européenne ne se limitent pas aux sièges de la Commission, du Conseil, du Parlement et de la Cour de justice. Il faut y ajouter trois villes allemandes : Francfort, où est installée la Banque centrale européenne (BCE) ; Berlin, d’où s’exprime la chancelière allemande, Mme Angela Merkel ; et Karlsruhe (Land de Bade-Wurtenberg), qui abrite le Tribunal constitutionnel fédéral.

A différentes reprises, et quitte à désespérer Bruxelles, la cour de Karlsruhe a mis des grains de sable dans l’application de traités européens. Ainsi, il a fallu attendre novembre 1993 pour que le traité de Maastricht entre en vigueur : alors qu’il avait été ratifié au cours de l’année 1992 partout sauf en Allemagne, il a fait l’objet d’un recours suspensif devant le Tribunal, qui ne fut pas levé avant le 12 octobre 1993. Plus récemment, le 30 juin 2009, les juges de Karlsruhe ont étrillé le traité de Lisbonne, en subordonnant sa compatibilité avec la Loi fondamentale allemande au vote d’une loi d’accompagnement par le Bundestag et le Bundesrat. Parmi les considérants de leur décision, la dénonciation du « déficit structurel de démocratie » de l’Union et le rappel de « la centralité du Parlement national » dans la mesure où « le Parlement européen n’est pas l’organe de représentation d’un peuple européen dont les députés seraient les représentants » : une douche froide pour les mouvements et partis fédéralistes européens (1).

Partenariat germano-allemand

Aux yeux des dirigeants politiques allemands, ce document a constitué un sévère rappel à l’ordre constitutionnel. D’où l’extrême circonspection de Mme Merkel, qui ne peut se permettre d’essuyer un camouflet des hauts magistrats de Karlsruhe sur un dossier particulièrement sensible, celui du Fonds européen de stabilité financière. Créé en catastrophe en mai 2010 pour faire face à l’éventualité d’un défaut de la Grèce sur sa dette souveraine, il a une durée de vie de trois ans, soit jusqu’à la fin de 2012.

Doté d’une capacité d’intervention de 440 milliards d’euros — auxquels s’ajoutent les 310 milliards d’euros que le Fonds monétaire international (FMI) est disposé à verser —, ce fonds avait été institué en mai dernier sur une base intergouvernementale, donc hors traité, et avec la garantie des seize membres de la zone euro. Depuis cette date, et après la Grèce, plusieurs pays ayant adopté la monnaie unique ont été inscrits d’office par les autres gouvernements et par les marchés financiers sur la liste d’attente des « bénéficiaires » potentiels de ce dispositif d’« aide » d’urgence : l’Irlande et le Portugal en tête de liste, l’Espagne et l’Italie immédiatement après.

C’est au nom du principe de précaution que, lors du Conseil européen du 28 octobre dernier, Mme Merkel a imposé à ses partenaires ce qui paraît extravagant à la plupart d’entre eux : une révision du traité de Lisbonne, entré en vigueur dans la douleur moins d’un an auparavant (le 1er décembre 2009) au terme d’un processus qui s’était étalé sur sept années. L’objectif de la chancelière ? « Blinder » juridiquement la pérennité de ce fonds au-delà de 2012, en l’intégrant au traité.

Mais sa préoccupation n’est pas uniquement de nature juridique. Elle entend soumettre à des conditions draconiennes le recours à un mécanisme qui vise moins à sauver des Etats que leurs créanciers. Il s’agit pour elle de préserver les intérêts industriels et financiers d’une Allemagne que la dislocation de la zone euro fragiliserait. L’idée est simple : « agiter sous le nez des créanciers internationaux le projet de les obliger à assumer leur part de la restructuration des dettes souveraines au moment précis où (…) ils disposent encore de tous les moyens structurels de puissance susceptibles de déclencher une nouvelle tempête spéculative et de faire plier un peu plus les gouvernements », explique l’économiste Frédéric Lordon (2).

C’est donc dans le cadre d’un opportun partenariat germano-allemand que Karlsruhe vole au secours de Berlin. Ce « consensus de Berlin » n’a rien à envier à celui de Washington, dont les pays d’Amérique latine et l’Afrique, entre autres, ont fait la douloureuse expérience. Il n’est à cet égard pas fortuit que le FMI soit étroitement associé à l’opération.

Même s’il n’est pas prévu que le projet soit opérationnel avant 2013, tous les gouvernements conviennent qu’il faut l’élaborer au plus vite, la moindre tergiversation ayant une incidence immédiate sur le comportement des opérateurs financiers qui dictent leurs conditions aux Etats. Non sans raison, ils feront une lecture rétroactive de dispositions ne prenant formellement effet que dans deux ans. C’est pourquoi le Conseil européen du 28 octobre a fixé au 10 décembre 2010 la remise de deux rapports sur lesquels il sera appelé à statuer : l’un sur le contenu de la révision du traité, confié à la Commission européenne ; l’autre sur les modalités de cette révision, attribué au président du Conseil européen, M. Herman Van Rompuy. C’est de ces modalités qu’il sera ici principalement question.

Les gouvernements de l’Union se seraient bien passés de l’exigence allemande de procéder à une révision en bonne et due forme du traité de Lisbonne. On se doute bien que si des pays de la taille de Malte ou de la Lettonie avaient formulé des objections institutionnelles à usage interne, les grands Etats se seraient chargés de les remettre dans le droit chemin. L’exemple de l’Irlande rappelle aux réfractaires qu’un « non » à un référendum — sur le traité de Nice en 2001 ou sur celui de Lisbonne en 2008 — sera considéré comme incorrect. Dans d’autres pays (France et Pays-Bas), le Parlement se substituera au peuple. A Berlin, en revanche, on ne plaisante ni avec le tribunal de Karlsruhe ni avec le modèle économique allemand.

Cette fois-ci, il ne faut pas se tromper si l’on veut que la révision du traité s’effectue sans anicroche et qu’elle ne provoque pas une crise financière qui menacerait l’euro. Telle est la délicate mission de M. Van Rompuy. Une première indication sur la ligne à suivre lui a été fournie par M. Nicolas Sarkozy, qui compte sur la « créativité juridique » des fonctionnaires européens (3). Traduction : éviter toute forme de ratification pouvant donner lieu à un référendum, même dans un seul pays. Idéalement, l’affaire se réglerait au niveau des seuls gouvernements, hors de portée des électeurs et des Parlements. Mais l’imagination des juristes ne peut se déployer que dans les limites des règles de révision prévues par l’article 48 du traité sur l’Union européenne (TUE) qui, avec le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), constitue le traité de Lisbonne (lire « Protagonistes et arsenaux »). Cet article prévoit plusieurs procédures : l’une de révision ordinaire et d’autres dites « simplifiées ».

Approuver n’est pas ratifier

La procédure de révision ordinaire, pour les modifications d’envergure ou touchant à la répartition des pouvoirs dans l’Union, est celle qui a été suivie pour le défunt traité constitutionnel européen (TCE), recyclé à l’identique en traité de Lisbonne en décembre 2007. Elle implique la séquence suivante : convocation et mise en place d’une convention, tenue d’une conférence intergouvernementale (CIG) sur la base des conclusions de la convention, signature et ratification (par la voie parlementaire ou par référendum). On imagine que ce scénario — lourd, lent et surtout risqué — ne bénéficiera pas des faveurs de M. Van Rompuy.

Restent alors les procédures simplifiées. Au nombre de deux, elles ont en commun de ne pouvoir modifier que tout ou partie du traité sur le fonctionnement et pas le TUE. L’une, celle dite des « clauses passerelles », que l’on évoquera seulement pour mémoire, peut d’emblée être écartée car elle a été durement critiquée dans la décision du tribunal de Karlsruhe du 30 juin 2009. En revanche, l’autre semble adaptée à l’objectif recherché. Elle concerne la partie III du traité, consacrée aux politiques et actions internes de l’Union.

Selon les termes de l’article 48-6 du TUE, les dispositions de cette partie III peuvent être modifiées directement par le Conseil européen statuant à l’unanimité, sans convocation d’une convention ou d’une CIG. Oui, on a bien lu : modifiées directement, sans ratification ! Comme l’explique M. Etienne de Poncins, diplomate dont les travaux font autorité sur les questions institutionnelles européennes, « les révisions ainsi proposées doivent être “approuvées” (et non “ratifiées”) par l’ensemble des Etats membres, selon leurs règles constitutionnelles respectives. En réalité, la différence entre “approbation” et “ratification” paraît assez ténue et pourrait, dans certains cas, ne pas impliquer un vote formel du Parlement national sur un texte, mais seulement une autorisation de ce Parlement au gouvernement (4) ». Inutile donc, pour M. Van Rompuy, de mobiliser à grands frais des bataillons de juristes bruxellois. La simple lecture du traité de Lisbonne (ou celle, pour 4,90 euros, du Monde diplomatique) lui apportera la réponse qu’il souhaite. Du moins à première vue…

Car si l’argumentaire juridique est une chose, la légitimité démocratique en est une autre. En particulier pour les citoyens qui, en France, avaient très majoritairement dit « non » au TCE en 2005. En février 2008, à l’initiative de M. Sarkozy, le Parlement n’avait pas craint de violer cette décision en ratifiant le traité de Lisbonne. Ainsi, un traité adopté en piétinant la souveraineté populaire risque de s’enrichir de clauses qui la tournent encore davantage en dérision. On ne fera en effet croire à personne que le futur Fonds européen de stabilité financière constitue une simple mesure de gestion de la zone euro, donc relevant d’une procédure de révision simplifiée.

La preuve en est fournie sous nos yeux par le gouvernement irlandais qui, pourtant au bord de la faillite, a livré jusqu’au 21 novembre un combat désespéré pour éviter de faire appel au dispositif d’urgence créé en mai 2010, simple préfiguration — moins contraignante — du futur fonds : il y voyait à juste titre une aliénation de sa souveraineté qui le placerait sous la tutelle de la Commission, de la BCE et du FMI. Le ministre irlandais des entreprises, du commerce et de l’innovation, M. Batt O’Keeffe, avait déclaré à ce sujet : « La souveraineté de ce pays a été très difficile à gagner, et ce gouvernement ne va pas l’abandonner à n’importe qui (5). » Il avait parfaitement compris que, au sein de l’Union, le pouvoir était en train de basculer des gouvernements responsables de leurs actions devant leur peuple vers un « n’importe qui » — le trio cité plus haut — dont la caractéristique commune est de n’avoir de comptes à rendre à personne, sinon aux marchés financiers. De surcroît, l’un des membres de ce trio, le FMI, n’est même pas une institution européenne…

Dans ces conditions, ce n’est pas la procédure de révision simplifiée du traité qui peut être invoquée, mais bel et bien la procédure ordinaire — avec ses contraintes — puisqu’il s’agit de la répartition des pouvoirs au sein de l’Union, telle qu’elle figure dans le TUE. La bataille qui se prépare au sujet de la révision demandée par Mme Merkel devrait donc, en toute logique, être éminemment politique. Mais les gouvernements vont tout faire pour escamoter le débat ou le circonscrire à des questions de technique financière au service d’une « aide », de type presque humanitaire, aux Etats périphériques de l’Union. Ils le feront d’autant plus facilement qu’ils croiront ne jamais avoir à se soumettre aux contraintes du Fonds. C’est, de toute évidence, le sentiment de M. Sarkozy, qui a appuyé fermement les exigences de la chancelière allemande. Mais qui peut dire que la France ne figurera pas un jour sur la liste des pays à « sauver » ?

Si une campagne électorale a encore un sens, on est en droit d’attendre des partis politiques et des candidats à l’élection présidentielle de 2012 qu’ils se prononcent sans ambiguïté sur le projet de révision du traité de Lisbonne et sur ses modalités. Car, plus que jamais, la question européenne surplombe toutes les autres.

Bernard Cassen

 

Source : Le Monde Diplomatique Décembre 2010

(1) Lire Anne-Cécile Robert, « Où l’on reparle du « déficit démocratique » », Le Monde diplomatique, septembre 2009, et Bernard Cassen, « Le coup de semonce de Karlsruhe », Mémoire des luttes, 2 septembre 2009.

(2) « Crise européenne, deuxième service (partie I) », La pompe à phynance, Les blogs du Diplo, 8 novembre 2010.

(3L’Humanité, Saint-Denis, 30 octobre 2010.

(4) Etienne de Poncins, Le Traité de Lisbonne en 27 clés, Lignes de repères, Paris, 2008.

(5) Cité dans le Financial Times, Londres, 17 novembre 2010.

Le Parlement irlandais sera dissous après le vote du budget 2011

à l'heure de la crise

Au lendemain de l’annonce du plan d’aide à l’Irlande de l’Union européenne et du Fonds monétaire international, le premier ministre irlandais Brian Cowen a finalement cédé aux pressions de plusieurs partis réclamant la tenue d’élections anticipées. Après s’être réuni avec ses ministres, le chef du gouvernement a annoncé lundi soir qu’il entendait faire adopter le projet de budget 2011 au Parlement le 7 décembre prochain et dissoudre le « Dail », le Parlement, en janvier, comme le réclamaient des membres de sa coalition.

Arrivé au pouvoir quand l’Irlande est entrée en récession et tenu pour responsable de la crise, le premier ministre se trouve dans une position de plus en plus incertaine. Le plan d’aide, dont l’approbation a été officialisée dimanche soir, est perçu par une partie de la population et de la presse comme une perte de souveraineté pour Dublin ; les mesures de rigueur qui seront annoncées mercredi risquent d’écorner encore plus l’image du « Taoiseach » (premier ministre).

Lundi matin, les Verts, membres de la coalition gouvernementale, ont appelé à des élections générales en janvier prochain. « La semaine passée a été traumatisante pour l’électorat irlandais. Le peuple se sent trompé et trahi, a estimé le chef des Verts, John Gormley dans un communiqué qui ouvre une brèche au sein de la coalition au pouvoir. Le peuple irlandais a besoin de certitude politique (…). Donc nous pensons qu’il est temps de programmer des élections générales pour la deuxième quinzaine de janvier 2011. »

Au sein même du Fianna Fail, le parti de Brian Cowen, des parlementaires estiment, selon le Guardian, que M. Cowen devra renoncer à ses fonctions de Taoiseach peu après la mise en place du plan de rigueur, estimant que sa crédibilité a été durablement éreintée.

L’opposition – notamment le parti Fine Gael, première formation d’opposition, et le Parti travailliste – a quant à elle réclamé la dissolution immédiate du Parlement, avant la discussion du budget 2011, mais le premier ministre n’a pas suivi leur demande. Le Fine Gael a notamment exprimé le souhait dans un communiqué qu’un nouveau gouvernement soit en place à la mi-décembre pour « préparer le projet économique pour les quatre prochaines années, achever les négociations avec l’UE et le FMI et cadrer un budget pour 2011 ».

Les chances pour le Fianna Fail de garder la majorité au Dail après les élections sont quasi nulles, à en croire les sondages. Selon une enquête publiée dimanche, le parti ne recueille que 17 % des intentions de vote et les Verts 3 %, loin derrière le Fine Gael (33 %), les travaillistes (27 %) et le Parti nationaliste de gauche Sinn Fein (11 %).

Troisième budget d’austérité

Le mécontentement de la population irlandaise et de l’opposition porte en particulier sur le plan de rigueur, qui sera annoncé mercredi et qui vise à économiser sur quatre ans 15 milliards d’euros, afin de ramener à 3 %, comme le veut l’UE, un déficit public qui est aujourd’hui de 32 %. Les Irlandais en sont déjà à leur troisième budget d’austérité : plus de 100 000 suppressions d’emplois publics sont prévues, ainsi que des coupes dans les allocations chômage et familiales. Le nouveau plan de rigueur devrait aller encore plus loin en touchant au salaire minimum, jusqu’alors tabou.

Le Monde et AFP

Voir aussi : Rubrique UE Le vote Irlandais deuxième, rubrique Finance Les contribuables européens au secours des banques irlandaises Rubrique Finance La crise de la zone Euro mode d’emploi, Barnier rassure les fonds spéculatifs, Les banquiers reprennent leurs mauvaises habitudes, Un an après la city zen, rubrique UE sous pression, L’europe répond au marché, rubrique Société GB Les Britanniques à l’heure du travail forcé, Grèce Plan d’austérité inefficace et dangereux, Livre Kerviel dénonce sa banque , Susan Georges de l’évaporation à la régulation, Aux éditions la Découverte La monnaie et ses mécanismes, Les taux de change,