Moyen Orient. « Agiter le peuple avant de s’en servir » *

index_295

Ne remontons pas ab ovo si nous voulons éviter d’évoquer le premier précédent de l’histoire, celui d’Abel et de Caïn, le premier ayant sans doute eu à souffrir des brimades de son frère avant d’être trucidé par celui-ci. Mais avouons tout de même que des siècles d’exactions, de brimades et d’abus en tout genre finissent par déboucher au mieux sur des révoltes, au pire sur des guerres civiles, ou plutôt inciviles, comme celles que nous observons dans notre monde dit arabe. Des mouvements entamés par des jeunes rêvant liberté et démocratie, poursuivis par des semi-professionnels de la politique et débouchant désormais sur les bains de sang dans lesquels tout ce (pas si) beau monde patauge allégrement. À croire que les guerriers disputent aux péripatéticiennes le discutable privilège d’exercer le plus vieux métier du monde.

Sur la marmite arabe où bout un peu ragoûtant brouet, d’autres que nous, incollables dans l’art hautement pointu de la politologie, se sont penchés sur le sujet pour conclure que la religion, l’exercice du pouvoir, le tracé des frontières, les pâturages plus abondants ici que là, le besoin irrépressible chez l’être humain de faire étalage de ses muscles ou simplement la température ambiante (SVP biffez les mentions inutiles) est/sont le(s) grand(s) responsable(s) du désordre régional actuel. Sans douter est-il plus impressionnant de parler de rhinopharyngite que de rhume.

Et pourtant… Comme si la nature, en sa douteuse sagesse, avait semé dans le cœur des hommes les germes de la discorde, ce sont les divergences qui mènent le monde « parce que c’est bon pour lui », a décrété il y a longtemps Emmanuel Kant. Les réactions en chaîne dont nous sommes les témoins, un peu trop vite baptisées « printemps arabe », ne sont que la conséquence inéluctable des épreuves subies au fil des âges. L’oppression, nous disait-on, finit toujours par enfanter la révolution. Et les révolutions débouchent sur une gamme infinie de conflits.

Ainsi, longtemps les Kurdes ont représenté deux siècles durant la parfaite illustration de cet irrédentisme mis à l’honneur au XIXe siècle. « La plus grande nation sans État », selon la formule d’Olivier Piot et Julien Goldstein**, est constituée d’une quarantaine de millions d’êtres disséminés à travers la Syrie, l’Irak, la Turquie et l’Iran, soit un territoire de 520 000 kilomètres carrés (superficie de la France métropolitaine : 552 000 kilomètres carrés), jadis compartimenté par les Anglais et les Français, alors même qu’une patrie avait été prévue à leur intention par le traité de Sèvres. Le groupe a connu des heures de gloire, des vicissitudes aussi. Contre eux, Saddam Hussein a eu recours à l’aviation, à l’artillerie et aux gaz ; les Turcs s’en sont pris aux partis censés les représenter, mais aussi à leurs combattants pour la liberté ; Syriens et Iraniens ont vu en eux tantôt des alliés dans l’interminable bras de fer avec Ankara et tantôt des ennemis qu’il convenait de pourchasser. Aujourd’hui, c’est au tour de Daech de les harceler au pays du Cham, avec les résultats qu’on connaît.

À partir du Djebel syrien, les alaouites n’ont jamais cessé de se battre contre l’occupant et contre une nature inhospitalière, cause d’un sous-développement qui les poussait à s’enrôler dans les rangs de l’armée. C’est d’ailleurs par le biais de l’institution militaire que Hafez el-Assad devait assurer son emprise sur la Syrie à partir de 1970 et jusqu’au jour où, lassé de les voir se venger – à leur manière – des abus dont longtemps ils avaient été victimes, de la corruption dont profitaient leurs coreligionnaires, des atteintes aux libertés, des brimades, le peuple s’est soulevé dans un vaste élan qui, il y a tout lieu de le craindre, se poursuivra longtemps encore.

Comme un simple hoquet peut modifier le cours de l’histoire et un grain de sable enrayer une machine, le Proche-Orient vit actuellement les heures les plus sombres de son existence, marquée périodiquement par des soubresauts sanglants entre sunnites et chiites. Faux prétextes ou raisons justifiées ? On n’en est plus là, maintenant que le loup des guerres de religions est sorti du bois. Point n’est besoin d’invoquer le souvenir des ilotes grecs ou de Spartacus pour comprendre qu’il suffit de peu de chose pour transformer un vassal en tyran et que, pour se présenter en seul détenteur de la vérité, on a juste besoin de brandir l’étendard religieux, politique ou socioéconomique.

Maître Blaise Pascal, rappelez-leur donc l’indispensable rôle des Pyrénées.

* Citation attribuée à Talleyrand.

** « Kurdistan, la colère d’un peuple sans droits », texte d’Olivier Piot, photographies de Julien Goldstein, éd. Les Petits Matins, 2012, 256 pages.

Source : L’Orient Le Jour 09/10/2014

Voir aussi : Rubrique Actualité Internationale, rubrique Moyen Orient, rubrique Méditerranée, On Line, A la frontière turco-syrienne,

Palestine. Jour de rage ! Résistance à tous les étages du global au local

Environ 400 personnes hier se sont rassemblées dans les rues de Montpellier.

Environ 400 personnes hier se sont rassemblées dans les rues de Montpellier.

 

Mobilisation. Nouveau soutien au peuple palestinien hier à Montpellier. Le porte
parole de BDS France 34 est l’objet d’une plainte déposée par la fédé PS.

La sixième manifestation en soutien au peuple palestinien a rassemblé environ 400 personnes hier dans les rues de Montpellier, après un mois de conflit, entre le Hamas, retranché dans la bande de Gaza, et l’armée israélienne. Suite au retrait de Gaza des troupes israéliennes mardi le bilan – 1873 Palestiniens tués, dont une importante proportion d’enfants (28%), et 64 soldats israéliens tués et trois civils – ajoute une couche de rancœur et de haine de part et d’autre, plutôt qu’il ne porte à la paix. D’autant que les armes ont recommencé à parler vendredi après une courte trêve.

« Nous répondons à l’appel palestinien Jour de rage ! indique José Luis Moraguès, le porte parole du Comité BDS France 34, Israël avec la complicité de l’Egypte  tente de mettre en place un cesser le feux sans aucune négociation sur les raisons de cet arrêt. »

Le déséquilibre des forces armées en présence pourrait laisser à penser que l’arrêt simple des armes pourrait se conclure à la faveur des palestiniens…

« Ce serait ignorer qu’Israël a une nouvelle fois fait régresser le territoire palestinien en termes de conditions de vie, d’infrastructures, et de viabilité économique. Après cette nouvelle agression, la délégation des palestiniens de Gaza ne veux pas revenir à l’état de mort vivant où la plonge Israël. Elle exige la levé du blocus, la vraie libération des prisonniers qu’Israël a relâché pour les remettre aussitôt en prison, une extension des zones de pêche au large de Gaza, l’ouverture d’un port et d’un aéroport. »

BDS France souligne que le gouvernement Fabius était aux abonnés absents pendant trois semaine avant de reconnaître le massacre. Mais il ne se contente pas de mots et demande un blocus des ventes d’armes française à Israël.

Au niveau local le Comité BDS France 34, et le MIB assimilent la plainte nominative contre son porte parole déposé par la fédération socialiste de l’Hérault pour dégradation de biens d’autrui à : « une campagne qui vise la criminalisation du mouvement de solidarité à la Palestine, lancée au plus haut niveau par Hollande et Valls. Quelle interprétation peut-on donner à cette plainte contre un seul homme alors que l’occupation des locaux du PS le 30 juillet à l’appel du MIB 34, du Comité BDS France 34 avait mobilisé 35 personnes dont des représentants du NPA ?»

José Luis Moraguès est convoqué au commissariat central pour audition le 18 août prochain à 15h. Le Comité de BDS France 34, le NPA et le MIB 34 appellent à un rassemblement de soutien à 14h30.

Voir aussi : Rubrique Actualité Locale, Actualité Internationale, rubrique Moyen Orient  Israël, Palestine, rubrique Montpellier, Un millier de personnes dans les rues pour l’arrêt des bombes rubrique Politique, Politique Internationale,

JMDH

Source : L’Hérault du Jour 10/08/14

 

Aujourd’hui, toute l’Egypte appartient aux militaires. Toute? Toute

chocegypte

Des chocolats à l’effigie de Al Sissi

L’élection du maréchal Sissi soulève la question des intérêts d’une caste militaire de plus en plus influente en Egypte.

Il ne s’agit point d’un secret. Avec plus d’un million de membres, l’institution militaire égyptienne est la plus grande d’Afrique, et l’une des plus imposantes. Son poids n’est pas seulement militaire. L’armée en Egypte contrôle une partie importante de l’économie du pays. Et cela ne date pas d’hier.

Les généraux ont érigé un empire au cours des trente dernières années, constitué désormais de quelques 35 usines et entreprises, qu’ils ont dûment protégé contre la politique de libéralisation économique et les vagues de privatisation des années 1990 et 2000.

Cet empire, qui place l’Egypte dans une position ambivalente, à mi-chemin entre une économie socialiste et un modèle capitaliste, serait constitué de trois pôles principaux: le ministère de la Production militaire, l’Organisation arabe pour l’industrialisation, et l’Organisation nationale de services. Selon un article du centre Carnegie pour la paix, The Generals’ Secret: Egypt’s Ambivalent Market, les deux premiers piliers rassembleraient 19 usines et entreprises, dont 40 à 70% de la production est orientée vers le marché privé. Quant à la troisième entité, elle serait engagée dans la fabrication d’une large gamme de produits, dont des voitures de luxe, des couveuses, des bouteilles de gaz, ainsi que des produits alimentaires. Elle fournirait également des services tels que le nettoyage domestique et la gestion de stations-service.

Cette nébuleuse s’est développée à partir de la fin des années 1970, à la suite des accords de paix de Camp David. L’armée avait alors commencé à investir dans plusieurs secteurs du pays, allant de l’agriculture à la construction de routes et de ponts, en passant par l’immobilier, les industries électroniques, les usines laitières et les fermes d’élevage.

Les grands officiers ont également investi l’industrie du tourisme, via la construction et la gestion d’hôtels et de villages touristiques dans plusieurs sites, dont celui de Charm el-Cheikh; cette tendance s’était développée à l’époque du maréchal Abdel-Halim Abou Ghazala, ministre de la Défense à la fin du mandat d’Anouar el-Sadate et du début de l’ère Moubarak.

L’Armée possède également des restaurants, des terrains de football, ainsi que des hôpitaux et des centres de soins pour enfants. Elle joue aussi un rôle important dans le secteur agricole, avec plusieurs contrats conclus avec des investisseurs étrangers d’une valeur de centaines de millions de dollars. Aujourd’hui, cette économie «grise», dont les bilans ne sont soumis à aucun contrôle parlementaire ou audit indépendant, représenterait près du tiers du PIB du pays.

Des privilèges protégés par le pouvoir politique

Les intérêts économiques des militaires n’ont jamais été menacés par les régimes en place, même lorsque la pression extérieure montait pour l’application de certaines réformes-clés. Hosni Moubrak, lui-même un ancien militaire, a réussi à ménager la chèvre et le chou, se conformant à l’accord de 1992 de la Banque mondiale qui prévoyait notamment la privatisation à grande échelle d’entreprises publiques en contrepartie d’aides financières. L’ancien Rais avait toutefois veillé à ce que l’application de l’accord en question ne froisse pas les hommes d’affaires en habit militaire.

Ainsi, lorsque plus de 300 usines et entreprises publiques ont été privatisées au début des années 1990, les avoirs de l’armée sont restées intactes. Ce scénario s’est reproduit entre 2004 et 2011, lorsque le pays a connu une nouvelle vague de privatisations, à l’instigation des gouvernements formés par le cercle proche de Gamal Moubarak, homme d’affaires influent et fils du Rais. Aucune de la douzaine d’entreprises publiques concernées n’appartenait à des militaires, tandis que les hauts gradés de l’Armée étaient placés dans des postes-clés au sein de ces sociétés ou usines privatisées.

En parallèle, et dans un objectif clair de préserver les chasses gardées des bonnets militaires, tous les « réformateurs » ont été écartés du pouvoir durant l’ancien régime. Sitôt après sa nomination à la tête du ministère de la Défense par Moubarak, Youssef Sabri Abou Taleb fut destitué de son poste en 1991, après avoir promis de séparer l’armée de tous les projets non liés à la défense ou en concurrence avec le secteur privé et de lutter contre la corruption au sein de l’institution militaire. Ce dernier a été remplacé par Mohamed Hussein Tantawi, qui a refusé toutes les tentatives de mettre fin à l’empire économique de l’armée.

Les exceptions et «privilèges» sur le terrain existent également sur le papier.  En 2007, après quinze ans de réformes néolibérales, Moubarak a modifié la constitution pour supprimer des articles socialistes de Nasser, taillant toutefois avec beaucoup d’habileté les passages se rapportant à la privatisation du secteur public. Le contenu de l’article 4 de la Constitution, qui consacre le modèle économique libéral, fut atténué par des clauses stipulant la protection des entités publiques et des coopératives nationales. Au lendemain de la révolution de janvier 2011,  le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui assurait le pouvoir par intérim, a intégralement copié cet article dans sa déclaration constitutionnelle postrévolutionnaire.

Pouvoir foncier et aides du Golfe

Ce rempart légal et politique a permis à l’armée d’étendre son influence au-delà du Caire. Celle-ci possède aussi de vastes étendues de terres sur l’ensemble du territoire. En 1997, un décret présidentiel lui a accordé le droit de gérer l’ensemble des terrains en friche. Selon certaines estimations, l’armée contrôlerait ainsi de facto près de 87% de la superficie du pays.

Ce «pouvoir» foncier a conféré à l’armée le rôle d’acteur incontournable dans les projets immobiliers entrepris par des investisseurs locaux ou étrangers. En mars dernier, le géant émirati Arabtec Holding concluait un accord avec le ministère égyptien de la Défense pour la construction d’un million de logements, d’un montant global de 40 milliards de dollars. Le projet, destiné aux populations à faibles revenus, s’étend sur treize sites d’une superficie totale de 160 millions de mètres carrés, majoritairement détenus par l’armée.

Cette vague de méga-projets profitant aux officiers a été dopée par l’aide des pays du Golfe, qui a culminé à plus de 12 milliards de dollars depuis la prise du pouvoir par l’armée. Au moins six gros contrats, d’une valeur totale de 1,5 milliard de dollars, ont été confiés à l’institution militaire et ses ramifications entre septembre et décembre dernier. Ce processus a non seulement été autorisé par le gouvernement égyptien, mais il a été activement facilité. Selon la loi égyptienne, les contrats sont accordés sur la base d’un appel d’offres, mais en novembre 2013, le président par intérim, Adly Mansour, a publié un décret autorisant les ministères d’outrepasser la procédure habituelle en «cas d’urgence».

Le Canal de Suez et la destitution de Morsi

Autre cible de l’armée: le canal de Suez qui génère plusieurs milliards de dollars par an et dont le contrôle aurait constitué l’un des motifs de la destitution forcée de Mohamed Morsi par les militaires. En effet, ce dernier aurait décidé de lancer un vaste projet de développement de la zone du canal, avec le soutien du Qatar, sans impliquer l’armée de manière directe. Depuis son élection, le représentant de la confrérie musulmane avait pourtant pris garde, à l’instar de ses prédécesseurs, de ne pas marcher sur les plates-bandes de l’armée.

Mais les négociations avec les qataris – présentées comme un enjeu de souveraineté politique et militaire par les anti-Morsi et déplaisant, par ailleurs, au concurrent saoudien du petit émirat gazier – furent perçues par les militaires comme le franchissement d’une ligne rouge. L’enjeu réel était davantage lié à la «souveraineté économique» d’un des sites les plus juteux sur le plan financier.

Preuve de cet intérêt, en janvier dernier, six mois après le «putsh» militaire contre Morsi, l’Autorité du Canal de Suez, dirigée par le vice-amiral Mohab Mamish —un ancien membre du conseil militaire qui a pris le pouvoir en Egypte après le départ de Moubarak— a nommé 14 entreprises éligibles à l’appel d’offres propre au plan directeur  du projet de développement du canal. Selon le Washington Post, seules trois sociétés n’auraient aucun lien avec l’armée égyptienne, tandis qu’au moins deux parmi celles sélectionnées entretiennent des relations étroites avec les militaires.

Il s’agit d’Arab Contractors, gérée pendant 11 ans par le Premier ministre proche de l’armée, Ibrahim Mahlab. Le conseil d’administration d’une autre compagnie, Maritime Research and Consultation Center, est en outre composé presque entièrement d’officiers militaires et est présidé par le ministre des Transports, ajoute le journal qui dénonce l’opacité concernant l’identité des autres compagnies préqualifiées.

Soutenue par les pays du Golfe, et confortée par l’élection de Abdel Fattah al-Sissi, l’armée devrait ainsi confier, sans soucis majeurs, à une seule société le contrat du Canal de Suez en octobre prochain et étendre son pouvoir politique et économique à l’ensemble du pays. Non sans risque. En l’absence de respect des libertés et d’altération des fondements du pouvoir économique, le nouveau régime risque de faire face aux mêmes «perturbations» qui avaient mené au renversement de Hosni Moubarak.

Bachir El Khoury

Source : Slate 04/06/2014

Voir aussi : Rubrique Actualité internationale, rubrique Afrique  Méditerranée, rubrique Egypte,

La peine capitale demandée contre 683 Frères en Egypte

f2122c9541abcab3f312c6e0a9f05106-0-628-426-3729596

PEINE CAPITALE REQUISE CONTRE 683 FRÈRES MUSULMANS EN ÉGYPTE

par Yasmine Saleh

MINYA Egypte (Reuters) – A un mois de l’élection présidentielle, la justice égyptienne a condamné à mort lundi le chef des Frères musulmans et 682 partisans de la confrérie et interdit le mouvement du 6-Avril, organisation ayant contribué au renversement d’Hosni Moubarak.

La confrérie, désormais classée parmi les organisations terroristes, fait l’objet d’une vaste campagne de répression depuis que l’armée a déposé en juillet le président Mohamed Morsi, issu de ses rangs.

Outre la condamnation de Mohamed Badie et de 682 membres du mouvement, le tribunal de Minya a confirmé celle de 37 autres personnes à la peine capitale dans le cadre d’une autre affaire jugée le mois dernier et pour laquelle 529 condamnations à mort avaient été initialement prononcées. Les autres condamnés ont vu leur peine commuée en réclusion à perpétuité.

Mohamed Badie, 70 ans, est accusé d’avoir été l’un des instigateurs des violences qui ont suivi le renversement de Mohamed Morsi par l’armée le 3 juillet. L’ex-chef de l’Etat, premier président démocratiquement élu en Egypte, est lui aussi en cours de jugement.

Quelques heures après sa condamnation, Mohamed Badie, considéré comme un idéologue conservateur, a comparu dans le cadre d’un autre procès au Caire.

« Même s’ils m’exécutent un millier de fois, je ne dévierai pas du droit chemin », a déclaré le guide des Frères musulmans cité par l’avocat Oussama Morsi, fils du président déchu, présent à l’une de ces audiences.

D’après des responsables des services de sécurité, Mohamed Badie est apparu décontracté et il a notamment demandé en plaisantant à d’autres membres de la confrérie de lui acheter la tenue rouge des condamnés à mort.

Comme cela avait été le cas le mois dernier, les condamnations à la peine capitale de Mohamed Badie et des 682 autres prévenus seront soumises au grand mufti, la plus haute autorité religieuse d’Egypte. Son avis n’est toutefois pas contraignant et la justice peut s’en affranchir.

Les organisations de défense des droits de l’homme s’élèvent contre ces procès de masse voulus par le gouvernement.

Sarah Leah Whitson, responsable de Human Rights Watch pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, estime qu’il s’agit sans doute des condamnations à mort les plus nombreuses jamais prononcées de manière simultanée dans l’Histoire récente. « Il semble que ces condamnations visent à semer la peur et la terreur dans le coeur de ceux qui s’opposent au gouvernement intérimaire », dit-elle.

Un des premiers à réagir pour l’Occident, le ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt, a parlé de scandale. « Le monde doit réagir et il réagira », a-t-il lancé sur Twitter.

« QUE DIEU TE PUNISSE »

Même si elles sont susceptibles d’appel, ces condamnations soulèvent de nouvelles interrogations sur la transition politique, trois ans après la « Révolution du Nil » qui avait entraîné le renversement de l’autocrate Hosni Moubarak et fait espérer à ses opposants l’avènement d’une démocratie dans le plus grand pays arabe.

D’autant que l’organisation démocrate qui avait contribué au renversement d’Hosni Moubarak en février 2011, Le Mouvement du 6-Avril, a été interdite lundi par la justice égyptienne, a-t-on appris de sources judiciaires.

Selon le quotidien public Al Ahram, le mouvement est accusé d’avoir « porté atteinte à l’image de l’Etat ».

Trois de ses dirigeants ont été condamnés en décembre à des peines de prison ferme pour avoir contrevenu à la nouvelle législation sur les rassemblements publics.

Les condamnations de Frères musulmans annoncées lundi ont suscité des cris et des pleurs dans les rangs des accusés et parmi leurs proches qui se trouvaient devant le tribunal de Minya. Certains s’en sont pris au maréchal Abdel Fattah al Sissi, qui a fait déposer le président Morsi et qui est donné comme grand favori de la présidentielle du mois prochain.

« Sissi dirige comme s’il était un monarque »; « que Dieu te punisse pour ce que tu as fait », a-t-on entendu lundi aux abords du tribunal.

Principal parti politique égyptien jusqu’à l’année dernière, les Frères musulmans, mouvement désormais clandestin, se sont jurés de faire tomber le gouvernement. Ses partisans seraient au nombre d’un million. L’Egypte compte 85 millions d’habitants.

Malgré des décennies de répression sous tous les gouvernements, les Frères ont réussi à survivre, s’assurant le soutien des Égyptiens grâce à leurs actions caritatives.

Saïd Youssef, le juge qui a prononcé les peines à l’encontre de Mohamed Badie et de ses partisans, est réputé pour sa sévérité sélective. Dans une affaire, il a prononcé une peine de 30 ans de prison pour vol à l’étalage et possession illégale d’un couteau. Dans une autre affaire, il a acquitté un chef de la police et dix policiers qui étaient accusés du meurtre de 17 manifestants durant la Révolution du Nil.

(Jean-Philippe Lefief, Danielle Rouquié et Bertrand Boucey pour le service français)

Source Reuter : 28 04 2014

Voir aussi : Rubrique International Egypte, rubrique  Méditerranée,  rubrique Moyen Orient, rubrique Religion,