Axel Odelberg : le 11 septembre début d’une nouvelle ère

 

Axel Odelberg

Les attaques terroriste du 11 septembre 2001 supplantent de plus en plus des évènements historiques majeurs comme la fin de la Seconde Guerre mondiale ou la chute du mur de Berlin, estime l’écrivain Axel Odelberg dans le quotidien Svenska Dagbladet : « Le 11 septembre marque de plus en plus nettement le début d’une nouvelle ère. En Afghanistan et en Irak ont lieu actuellement deux guerres qui ont un lien direct avec l’attaque terroriste. Le conflit entre Israël et les Palestiniens, où il a toujours été question de terre et de biens, a pris dans les deux camps les traits de l’extrémisme religieux. … Le 11 septembre a empoisonné l’atmosphère et créé un sentiment de défiance générale à l’égard des musulmans, et ce non seulement parmi les xénophobes notoires, mais aussi parmi des individus tout à fait normaux, ouverts et xénophiles. … Dans les années 1970, les Brigades rouges et Baader-Meinhof ont tenté de créer une situation révolutionnaire en instillant la défiance envers l’Etat démocratique. Ils ont échoué. Osama Ben Laden a connu un succès bien plus important. La défiance envers le monde musulman croît, et par la même, celle des musulmans envers le reste du monde. L’effondrement des tours du World Trade Center fait de plus en plus d’ombre à la chute du mur de Berlin. »

Svenska Dagbladet – ( Suède)

Lieux et temps de l’aventure mathématique

la-mathematiquePour austère qu’elles puissent paraître, les maths sont aussi la clé de la liberté. Cette affirmation ne provient pas d’un professeur de collège tentant de  convaincre sa classe de bûcher sur les mystérieuses formules inscrites dans le socle commun des connaissances exigibles, mais du constat d’un comité scientifique réunissant  les plus grands spécialistes internationaux.

Une centaine de collaborateurs planche à travers le monde sur l’histoire encyclopédique  des mathématiques, de l’aube de l’humanité au XXIe siècle. Le tome 1 d’une série qui en comptera quatre est consacré aux lieux et aux temps de cette aventure humaine. Il présente le récit des centres historiques à partir desquels a rayonné la science des nombres, de Babylone à Oxford, en passant par Princeton et Athènes.

Une des vertus premières, presque religieuse, des mathématiques est de lever tous les doutes.  « Elle nous conduit à cette connaissance, nous y prépare en purifiant l’œil de  l’âme et en enlevant les obstacles que les sens mettent à la connaissance de l’universalité des choses » soutient le philosophe néo-platonicien Proclus de Lycie (412-486).  A travers l’histoire, cet art serait celui qui reflète en permanence le combat pour accompagner la recherche de vérité. Et qui la cultive toujours : « à un degré tel qu’elle n’admette non seulement rien qui soit faux, mais aussi rien qui ne soit seulement probable, et enfin rien qui n’ait été confirmé et corroboré par les démonstrations les plus certaines », souligne le directeur de recherche au CNRS Michel Blay dans la préface.

On apprend que les termes de  science et de mathématique furent longtemps synonymes. Ce qui ouvre un espace de réflexion sur le concept actuel de la science, souvent réduit à la dimension technique et utilisé dans une dimension très éloignée de l’horizon de vérité pour répondre aux enjeux de pouvoir. L’ensemble des articles de ce premier volume retrace l’histoire de cette science majeure. Un livre de référence dans lequel on découvre comment, où et quand les mathématiques se sont instituées en ouvrant une liberté et une autonomie à la pensée.

Jean-Marie Dinh

La mathématique Tome 1, CNRS éditions 1000 p, 89 euros.

Voir aussi : rubrique Livre, Lewis Caroll,  Gatti

Etre juif après Gaza: Un travail de conscience face à l’autisme politique

esther-benbassa165x150Esther Benbassa occupe la chaire d’histoire du judaïsme moderne et contemporaine à l’Ecole pratique des hautes études de La Sorbonne. Elle pose dans ce court essai une question simple et courageuse : comment être juif après l’offensive israélienne contre Gaza ? Pour trouver une réponse à cette interrogation, l’intellectuelle explore dans un style limpide les fondements d’appartenance à l’identité juive.

« Je ne veux plus être juive et rejeter Israël, dit-elle. Je ne veux pas non plus être juive et approuver cette guerre immorale que mène Israël. » Cette volonté, Esther Benbassa le sait, sous-tend de ne plus se dissoudre dans l’anonymat identitaire. L’histoire partagée, qui sert officiellement de ciment au peuple juif, « est d’abord une histoire appropriée  qui se résume le plus souvent à l’Holocauste », soutient l’auteur qui précise que jusqu’à leur exil à partir de la fin des années 50, les Juifs d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient évoquaient peu le génocide. Ils ont assimilé, en arrivant en Europe, l’histoire tissée de massacres de l’aristocratie juive, celle des Ashkénazes, principalement des Juifs d’Europe centrale et orientale auquel s’ajoutent en France les Ashkénazes intégrés de longue date dans la République.

Une histoire complexe

Au sein de la communauté juive française, l’universitaire souligne la déconsidération dont peuvent souffrir les Juifs originaires d’Afrique du Nord : « Seul le partage de cette histoire de souffrance était susceptible d’impartir aux juifs maghrébins et orientaux une place un tant soit peu honorable. » Ce décalage s’intensifie en Israël où l’on réserve aux « Orientaux » marqués au fer de l’infériorité mais proches de la tradition religieuse, une meilleure considération qu’aux « chevilles ouvrières du nouvel Etat, essentiellement d’origine Est européenne, traitées par tout le système, en particulier sous les travaillistes, comme des citoyens de seconde zone. »

Esther Benbassa met en exergue la façon dont les populations venues du Maghreb et du Moyen-Orient, pour peupler la nation, ont été coupées de leur propre histoire par les artisans du sionisme. « Au déracinement s’est substitué l’Holocauste comme histoire et identité partagée. » La revanche politique des Juifs orientaux s’exprime avec la victoire du Likoud en 1977. « Une première pour la droite, qui augure son renforcement continu et qui débouche, comme c’est le cas aujourd’hui, sur sa coalition avec l’extrême droite (…) Ce sont ces gouvernements de droite ou dominés par elle, soutenus par les +Orientaux+ qui ont pris le relais de la gauche travailliste dans la colonisation massive des territoires palestiniens et qui ont mené la meurtrière offensive de Gaza. »

A l’instar du décret Crémieux signé en 1870 permettant aux Juifs algériens d’accéder à la nationalité française, l’auteur souligne la convergence d’intérêts entre les Juifs et le colonisateur. Lors de son rapatriement, cette population se retrouva coupée de son pays d’origine, sans pour autant être considérée comme vraiment française. « C’est aussi de cette histoire, spécifique et complexe, et finalement si peu partagée, que découle l’inconditionnel soutien de larges franges de la judaïcité française d’origine maghrébine à Israël. »

Un regard rare et un livre clé, permettant de connaître et comprendre les ressorts historiques et psychologiques préalables à un avenir commun.

Jean-Marie Dinh

Etre juif après Gaza, CNRS éditions 4 euros.

Voir Aussi : Rubrique politique Manifestation contre l’offensive israélienne, Rubrique religion Le judaisme libéral prône une adaptation au monde moderne, Rubrique actualité internationale Rapport de l’ONU sur Gaza , Repère sur la guerre de Gaza. Rubrique société civile « L’appel à la raison » des juifs européens à Israël, Rubrique Livre Dictionnaire d’Esther Benbassa,

L es chemins de légendes du Languedoc-Roussillon

Céline Magrini-Romagnoli

Céline Magrini-Romagnoli

Ce beau livre de Céline Magrini-Romagnoli, spécialiste de la culture provençale, nous plonge dans un voyage fascinant. Le lecteur est invité a contempler la diversité des paysages tout en suivant les traces de la passion dont le Languedoc Roussillon vibre toujours. Démarche originale qui allie le plaisir de la découverte à l’appétit de culture, sans négliger de nous ouvrir en grand les portes de l’imaginaire.

L’auteur a sélectionné trente légendes qui ponctuent les étapes du parcours. Certaines proviennent de la tradition écrite ou littéraire ; d’autres ont été collectées oralement et réécrites. On part du Gard, on monte en Lozère puis l’on descend par l’Hérault. On passe par l’Aude, en bifurquant par les Pyrénées pour arriver à la mer. Un itinéraire comblé de tous les dons de la nature, à la fois géographiques et historiques mais surtout guidé par le fruit des mémoires collectives.

De l’antiquité au Moyen Age le Languedoc Roussillon se révèle comme une région de transit où héros et armées se fraient un passage. Des colonies romaines aux Maures en passant par les Wisigoths. De Charlemagne à la croisades des Albigeois, d’Hercule, le Phénicien quittant les Pyrénées pour les Alpes à Hannibal, dont la mémoire a conservé la vision d’un éléphant emporté dans les flots de la Cèze, l’ouvrage magnifiquement illustré, s’offre comme une quête de mots d’images et de mystères qui conservent leurs secrets.

Au fil de ces chemins célèbres, la Voie Domitienne, la Voie d’Aquitaine, les chemin de Saint-Jacques ou de Régordane, Céline Magrini-Romagnoli trace les sillons d’une culture forte de ses diversités et de son peuple dont l’esprit est peuplé de fées, de lutins, de sorcières et de loup garous.

Languedoc-Roussillon sur le chemin des légendes, éditions Edisud, 34 euros

Théâtre : De l’intime à la nation

Sanja Mitrovic et Jochen Srechmann

Sanja Mitrovic et Jochen Srechmann

Autres regards, et regards autres, au Théâtre de la Vignette qui poursuit l’exploration des possibles. Dans un espace national qui peine ou refuse d’envisager les perspectives de son temps, La Vignette joue la carte de l’ouverture, de l’interdisciplinarité et de l’échange international. Un triptyque fondateur et cohérent pour un projet où l’on ose toujours la confrontation.

Will you ever be happy again, la pièce conçue par Sanja Mitrovic, jeune metteur en scène serbe, résidente au Pays-Bas, est une œuvre originale et aboutie. Sur le fond, ce travail caractérise les symptômes du mal identitaire contemporain de l’après chute du mur et plus largement de l’ère mondialisée. La question de l’unique face au pluriel est posée :  » Quel rapport l’individu entretient-il avec une histoire nationale à laquelle il ne veut pas répondre ?  » Si cette formulation de l’auteur résonne aujourd’hui dans l’Hexagone, elle ne le concerne qu’indirectement. Sanja Mitrovic situe son action dans deux contextes historiques identifiés : celui de la seconde guerre mondiale et de la guerre froide en Allemagne, et celui de l’explosion yougoslave et des conflits ethniques en Serbie.

Une tranche de temps et d’histoire suffisamment épaisse pour induire des effets générationnels. Fondée sur l’expérience personnelle, la pièce est portée par une pulsion vitale, ludique et physique étonnante. La forme du spectacle apprivoise l’image qui intègre l’espace de jeu, autant qu’elle sert le propos.

Deux grands enfants se livrent sur scène à leurs jeux favoris. L’une est serbe, l’autre allemand. Ils se servent des objets accessibles pour construire leur univers. Un miroir, où ils apparaissent eux-mêmes comme les objets de l’Histoire. La problématique de la culpabilité qui les hante fait incessants allers-retours. Les deux comédiens libèrent leur questionnement à travers une succession de scènes qui ricochent. Les déplacements chorégraphiés et le travail sonore empruntent à l’esprit de la performance. Comme dans la vie par moment, l’acteur se métamorphose en un simple vecteur corporel. Supporters de foot acharnés ou enfants vertueux de la nation de Tito, on n’en reste pas moins enfants de la propagande nationale. Le montrer, c’est déjà le reconnaître et le reconnaître c’est se libérer du cadre pour un nouveau départ dans l’histoire…

Jean-Marie Dinh