Le sociologue Jacques Broda était invité à Montpellier par le Collectif éducation populaire et transformation sociale. L’enseignant chercheur est intervenu sur le thème d’une école qui résiste à la marchandisation. Il travaille depuis 20 ans sur la jeunesse dans le champ de la sociologie critique en s’impliquant sur le terrain.
Quelle définition donnez-vous à la jeunesse ?
« C’est une catégorie d’âge sur laquelle je porte un regard anthropologique. J’ai travaillé longtemps avec Armand Gatti avec qui je partage l’idée que nous sommes des sujets historiques. C’est ainsi que j’interroge la jeunesse. De quelle politique vient-elle ? Quelle politique fait-elle ou ne fait-elle pas ? Et quelle politique fera-t- elle ? Ce qui me pousse à considérer l’avenir avec une immense inquiétude.
L’école est-elle au centre de la problématique ?
L’école devrait être un lieu de résistance. Parce qu’il n’y a plus que l’école pour apprendre à penser et se rendre compte de ce qui se passe. Or l’école n’est pas l’école de la politique mais un lieu de dressage.
Vous êtes critique sur l’idée de démocratisation de l’école.
La démocratisation est un leurre. Bourdieu l’a analysée. L’inégalité scolaire redouble l’inégalité sociale. Je connais un jeune issu d’une famille de mineurs qui a dû emprunter 22 000 euros pour payer ses études de commerce. C’est la société qui a une dette envers lui et c’est lui qui doit en contracter une. Le problème est qu’il ne conteste pas. Une grande partie de la jeunesse s’adapte à la réalité sans se rendre compte qu’elle se met en difficulté et qu’elle met aussi en grande difficulté ses futurs enfants. Mais les jeunes ont beaucoup de mal à se projeter dans l’avenir.
Ne subissent-ils pas les effets d’une société qui ne leur laisse aucune place ?
Les jeunes sont des individus qui doivent s’investir dans le devenir politique et éthique. D’ailleurs tous les jeunes ne sont pas déresponsabilisés. Je suis admiratif d’une partie de la jeunesse dont personne ne parle qui est critique et a énormément de courage. Ce sont les Antigone des temps modernes. Certaines font trois jours en un. Elles sont à la fois pilier au sein de leur famille, travaillent au Mac D’o et suivent leur études et les réussissent.
S’agit-il de jeunes issus de l’immigration ?
Pour la plupart oui. Mais pas seulement, Je connais aussi des fils de bourges qui refusent que leur parents leur payent une voiture parce qu’ils ont une certaine éthique. Je pense qu’il faut encourager cette forme de résistance spirituelle.
La religion y tient-elle une place ?
Les rares étudiants avec qui je peux dialoguer des valeurs sont ceux qui ont une éducation religieuse. Je sais qu’en tant que communiste, mes propos peuvent paraître provocateurs. Les formes de religions universalistes moderne ont laissé des dépôts. Je crois que le marxisme s’est trompé sur la religion. Il n’a pas compris qu’à l’intérieur des religions se niche une base morale.
Comment situez-vous la crise morale par rapport à la crise sociale ?
Elle est plus importante parce qu’elle touche les individus de l’intérieur. Pour avancer sur le social il faut des bases morales.
Comment concernez-vous les classes moyennes dans votre rapport à la lutte des classes ?
Je suis partisan du concept d’une alliance sur la base de l’émancipation des marchés financiers. Les classes moyennes n’ont aucun intérêt à vivre dans un monde barbare. La majorité de la population est en demande d’humanité, de tolérance, et de service public. La classe moyenne a tout à gagner à évoluer dans un monde civilisé.
Recueilli Par Jean-Marie Dinh
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