Cinéma.
Roschdy Zem vient de présenter en avant première au Gaumont Montpellier son dernier long métrage Chocolat. Le film raconte l’histoire exceptionnelle du premier artiste noir de la scène française en nous plongeant dans la Belle époque (1896-1914) où Paris s’épanouit porté par les progrès de la seconde révolution industrielle.
C’est dans ce contexte de fête et de divertissement que Roschdy Zem livre son quatrième long métrage dans une mise en scène classique et accessible. « Pour moi, c’est un compliment. Je ne suis pas un adepte des longs plans séquences virtuoses. Ce qui m’intéresse, ce sont les acteurs. Ce qui se passe dans le cadre. J’ai souhaité faire un film populaire avec un thème universel. Je l’assume. »
La qualité photo et la maitrise du jeu d’acteur, y compris des seconds rôles, sont au rendez-vous. Roschdy Zem relate avec une grande efficacité narrative la vertigineuse ascension de Rafael Padilla (Omar Sy) répondant au nom de scène de « Chocolat ».
Né à Cuba en 1868 et débarqué en Espagne à l’âge de 10 ans, Rafael Padilla atterrit en France sans papiers. Il est initié aux arts de la piste et au métier de clown par son complice Tony Rafael (James Thierrée) avant d’être propulsé sur la scène parisienne du Nouveau Cirque, fréquentée par le tout Paris.
Époque d’ombre et de lumière
Au tournant du siècle, la capitale devient le carrefour des artistes et des innovations ce que restitue parfaitement le film en ouvrant des fenêtres sur l’arrivée du cinéma avec les premières prises de vue des frères Lumière, l’architecture, le monde des arts et notamment Lautrec qui fut inspiré par Chocolat dans un cabaret de Montmartre.
« Pour aimer la France, il faut raconter son passé explique le réalisateur. Qu’on le veuille ou non, Chocolat fait partie de l’histoire de France. C’est le premier artiste afro-américain à devenir une star, bien avant Joséphine Baker et l’arrivée du jazz américain à Paris dans les années 20. Je ne voulais pas traiter Rafael Padilla comme une victime, c’est un jouisseur, joueur et fêtard qui profite de la vie. »
Une des trames du film demeure l’histoire d’amour entre Chocolat et Footit. La relation entre les deux clowns se construit à travers la dimension du spectacle et des représentations qu’il renvoie dans le contexte colonial de la IIIe République.
Si le clown blanc ne cesse de maltraiter l’Auguste au visage noir, le duo fonctionne en parfaite complicité en jouant de cette ambiguïté. C’est quand cette signification va s’imposer politiquement et économiquement avec l’exploitation publicitaire de la notoriété des artistes, que débute leur déclin. Et c’est aussi dans le subtil traitement du rapport de domination intime et politique que Roschdy Zem signe un film très réussi.
Jean-Marie Dinh
Chocolat : sur les écrans le 3 février 2016.
Source : La Marseillaise 07/01/2016