Patrick Laupin : Hommage en poésie vivante

laupinRencontre Patrick Laupin, une soirée dédiée à Jean Joubert. 

Le contexte était grave et solidaire pour cette rencontre en rangs serrés début décembre à la Maison de la poésie de Montpellier. Un de ses pères, Jean Joubert venait humblement de tirer sa révérence. En ce moment, comme l’a souligné la directrice Annie Estève en maintenant cette rencontre de poésie vivante, le poète Patrick Laupin avait toute sa place.

Lui, et ses multiples tentatives de restitution des lieux de la mémoire et de leurs effets vécus en corps, était venu là pour donner lecture de poèmes extraits de son nouveau recueil Le dernier Avenir*.

Il était aussi là, pour être avec les autres. C’est-à-dire avec nous. Patrick Laupin est l’un des poètes dont la Maison de la poésie suit le parcours depuis de nombreuses années. Elle n’est pas la seule. La Société des Gens de Lettres lui a décerné le Grand prix SGDL de poésie pour l’ensemble de son œuvre en 2013.

Ses derniers poèmes sont admirables pour leur force d’éveil, simples, en gardant une haute tonalité de langue. On entend de la musique, le rythme d’une respiration, le flux d’un monologue intérieur. « Quand l’écriture arrive, je tente de la suivre en laissant parler l’enfant pour la première fois », dit Laupin.

« L’essentiel n’arrête pas de se perdre Mais rien de ce qui est vrai ne peut jamais disparaître. »

JMDH

Le dernier Avenir La rumeur libre Editions

Voir aussi : Rubrique Livre, Poésie, rubrique Rencontre Jean-Joubert, rubrique Montpellier,

Jean-Joubert : « désir du vent de feuille en feuille comme un murmure d’eau féconde. »

12246596_889790424471895_7372876493640612646_n

Tandis que grogne au loin et se disloque

le jeu des anciens mots de poussière et de nuit

voici enfin retournement de la parole

comme une terre noire que la charrue partage,

que le soc fend et verse, et, débourbés,

ce sont de jeunes mots, des oubliés

qui s’arrachent et luisent

dans la grâce du petit jour,

Ils sont semence, ardeur, promesse de moisson.

L’oeil les caresse.

La main déjà les accompagne

et le désir s’ébroue de l’arbre et de sa voix:

désir du vent de feuille en feuille comme un murmure d’eau féconde.

Et c’est encore l’enfant rêvé, l’enfant lointain, si proche désormais

qui surgit et se penche

et boit le vent au creux de ses paumes.

La mère en robe blanche le regarde. Une pivoine rouge éclot près de la grange

et, dans l’allée, le fantôme du chat

s’avance à pas de laine.

Jean Joubert

Eveil III L’alphabet des Ombres, éditions Bruno Doucey 2014

Voir aussi : Rubrique Lecture, rubrique LivresJean Joubert. A la lumière de l’automne, Poésie, rubrique Rencontre, Jean Joubert libre enfance,

Jean Joubert. A la lumière de l’automne

 

Jean-Joubert. Photo Midi Libre

Jean-Joubert. Photo Midi Libre

Livre. « L’alphabet des ombres » de Jean Joubert, un sensible recueil de poésie.

 Paru au printemps, le dernier recueil de Jean Joubert, l’Alphabet des ombres, s’est niché dans la bibliothèque près du lit. Il y est resté tout l’été oublié. Peut-être parce que cette saison n’est pas propice au lyrisme des femmes fougères. La lumière écrasante est inapte à révéler les fraîches nuances de vert que dissimule la forêt, elle aveugle les gris colorés des écailles du poisson calme et sans avenir qui respire dans votre main comme ce livre le bleu nuit rayé de noir.

L’automne qui débute ouvre l’espace d’un patient travail de réparation. Dans cet opus, le poète rugueux et lyrique étouffe le cri du fuyard pour laisser filer une teinte de rouge de sa veine percée. Le liquide coule vers le silence énigmatique d’un organe qui bat au coeur de la roche. Sur cette pierre lourde enfouie dans le sol et le temps, nos doigts frôlent le mystère de la mousse. Les signes de l’auteur donnent acte d’une intériorité dans un rapport de transparence à soi et au monde. Ils offrent un refuge contre la fuite du temps et l’au-delà des songes, propulsent dans un dehors où la sentence reste secrète.

Jean Joubert est un écrivain distingué et courtois aux pensées sauvages, son Alphabet des ombres ne cède rien à l’obscurité pourtant présente, il donne tout à la lumière de l’homme et à la nature broussailleuse.

Jean-Marie Dinh

 L’Alphabet des ombres, éditions Bruno Doucey, 15 euros.

Voir aussi : Rubrique Livre, Poésie, rubrique Rencontre, Jean Joubert libre enfance,

Le soleil et les fleurs appellent le poème, partons

download

Annie Estèves devant une oeuvre de Raphaël Segura. photo Rédouane Anfoussi

Maison de la poésie. Le Printemps des poètes s’ouvre aujourd’hui à Montpellier et dans toute la région. Jusqu’au 23 mars, il rejoint le carrefour des arts.

Au plus profond de la splendeur du printemps s’éveille le temps des poètes. La Maison de la poésie de Montpellier Languedoc révèle  le banquet qu’elle a dressé pour les réjouissances autour du thème national « la poésie au coeur des arts ». Cette dimension qui associe d’indomptables signes au travail des plasticiens, musiciens, comédiens, photographes… prolonge   et ravive des liens tissés de longue date entre la poésie et ses « alliés substanciels ».

« La poésie c’est un état, souligne Annie Estèves, la directrice artistique de la manifestation, ce que le mythe d’Orphée transcrit peut-être le mieux. Celle qui envoûte la bête avec sa lyre, charme les rochers par une parole qui persiste et vous transforme. » Mais que se passe-t-il quand le poème s’échappe du livre pour se mettre en bouche et croiser d’autre formes d’art ? Il part à la rencontre de la vie. « L’oralisation est nécessaire parce que la poésie appelle naturellement un rapport à l’oral, y compris pour les poètes. Mais je la conçois avec un retour à l’écrit, à la lecture. Le poème c’est ce qui reste, ce que l’on a envie de retenir en soi. Je ne crois pas à une poésie uniquement livresque. Cet aller-retour entre l’oral et l’écrit est nourrissant. »

A l’occasion du lancement national de la manifestation, se tient ce soir à 19h, à la Maison de la poésie, le vernissage du peintre montpelliérain Raphaël Segura, compagnon de route de nombreux poètes, dont Béatrice Libert et Jean Joubert, qui seront présents. Bien d’autres artistes s’associeront aux poètes, jusqu’au 23 mars. Le 18 mars, l’éditeur Bruno Doucet présentera la première traduction de la poète Maria Mercè Marçal autour d’un spectacle de la Cie Fitorio Théâtre. Le 21 mars, ce sera la présentation de l’ouvrage Levée des ombres qui rassemble les poèmes de Françoise Ascal et les photos de Philippe Bertin autour d’un travail sur la mémoire de l’Abbaye d’Aniane qui fut une colonie pénitentiaire pour mineurs.

Toutes ces manifestations et d’autres* croisent les disciplines artistiques. « On est à l’initiative de ces rencontres et l’on reste à l’écoute des nouvelles formes. La poésie a vocation à se dresser où l’on ne l’attend pas, confirme Annie Estèves, elle se mêle au spectacle vivant à bien des endroits, mais le poème ne doit pas rester dans l’air. Que nous reste-t-il d’une performance ? Nous avons constaté que nos propositions vivantes donnaient envie d’aller en librairie ». La Maison de la poésie travaille en partenariat avec l’Association Coeur de Livres et Le Musée Paul Valéry qui reçoit la poétesse libanaise Vénus Khoury-Ghata et Franck Venaille.

                                     JMDH

w *programme www.maison-de-la-poésie-languedoc-roussillon.org

Voir aussi : Rubrique Poésie, rubrique Lecture, rubrique Montpellier,

Quelques prévisions de veillées poétiques

La Maison de la poésie  a longtemps été une maison sans toit mais tout arrive. « Nous avons appris la nouvelle au Printemps des poètes 2010. Le 15 septembre nous étions dans les lieux*. C’est arrivé comme un rêve auquel on ne croyait plus » se remémore Annie Estèves, la directrice artistique dont le bleu paisible des yeux semble percer les ténèbres. Elle n’est pas la seule à prolonger le pouvoir des mots au sein de cette libre association d’une soixantaine de membres dont 40 poètes. Jean Joubert qui préside la structure n’est pas mal non plus dans son genre. L’écrivain, qui rendait cette semaine hommage au poète italien Giorgio Caproni (1912-1990), entretient un rapport à la réalité quotidienne plein d’éclats.

Après quatre mois de fonctionnement sédentarisé l’équipe expérimentée qui compte aussi  la libraire Fanette Debernard (ex-présidente de La Comédie du Livre), n’a pas l’intention d’user de ce lieu de diffusion pour faire de l’entre-soi. « Nous avons la volonté de diversifier et de mêler les publics, en ouvrant notamment en direction des jeunes », confie Annie Estèves. Le lieu mis à disposition par la Ville de Montpellier permet une meilleure visibilité.

Rencontre poétique à Castries. Photo Serge Viudez

Rencontre poétique à Castries. Photo Serge Viudez

Yves Bonnefoy en avril

En maintenant l’exigence et en se gardant du sectarisme, la structure se trouve à l’origine d’une multitude d’actions qu’elle mène en partenariat. C’est le cas avec le Musée Fabre qui sera le théâtre d’un événement associant une lecture de la correspondance de René Char et Nicolas de Staël avec le concours de Marie Claude Char et d’Anne de Staël, la fille du peintre. La rencontre se tiendra sous le tableau Ménerbes, village provençal où vécut le peintre, un des  trésors cachés du musée montpelliérain. En avril, les liens avec la médiathèque Zola désormais voisine, permettront l’organisation d’une soirée pour explorer « Notre besoin de Rimbaud » en présence d’Yves Bonnefoy. L’œuvre immense du poète contemporain sera aussi à l’honneur le lendemain en comité plus restreint.

Le travail mené dans les lycées sur le recueil poétique de Jim Morrison se poursuit avec succès. Les partenariats existent dans le département également à Clermont-L’hérault  et à Castries où le flux poétique emprunte les voies prospères d’un triangle entre l’association, la médiathèque et l’école primaire. Cette année débutera une nouvelle collaboration prometteuse avec le Musée Paul Valéry à Sète dont on connaît le goût immodéré de sa conservatrice Maïté Vallès Bled pour la poésie. Du 7 au 21 mars Montpellier fleurira avec le Printemps des poètes. L’édition 2011 nous réserve des surprises…

En attendant l’espace de la Maison de la poésie a vocation à être un lieu d’échanges et « de faire artistique » où poètes, peintres, comédiens, musiciens redessinent les contours de cette liberté qui n’a pas de prix, juste pour le plaisir.

Jean-Marie Dinh

* La Maison de La Poésie Carrefour de l’Aéroport International à Montpellier. Rens : 04 67 87 59 92

Voir aussi : Rubrique Poésie, Quelques prévisions de veillées poétiques, Voix de la Méditerranée le contenu d’une union , L’espace des mots de Pierre Torreilles, Salah Stétié, Rubrique Rencontre Jean Joubert, Bernard Noël, Gabriel Monnet,