Les personnages de La Mouette dans leur quête improbable. Photo dr
Théâtre des 13 Vents. Christian Benedetti nous plonge dans l’univers tchekhovien avec La Mouette et Oncle Vania.
Christian Benedetti met en scène La Mouette d’Anton Tchekhov ce soir au Théâtre des Treize Vents et enchaîne à partir de samedi avec Oncle Vania. A propos de La Mouette, on peut penser que Tchekhov règle à travers le personnage de Trigorine quelques comptes avec le théâtre réaliste de son temps. Celui-ci souhaite montrer le réel sans médiation.
Benedetti fait de même. Il cite la sociologue Marie-José Mondzain : « C’est la barbarie qui menace un monde sans spectateur ». La place du spectateur qui fut un enjeu pour l’auteur l’est aussi pour le metteur en scène. « Il y a un combat à mener avec le théâtre et l’acte de création contre ce qui assigne, capture fige…L’institution culturelle, par exemple, définit le rôle de chacun : ceux qui regardent et subissent, devant ceux qui imposent et qui font, dans une nécessaire hiérarchie du sens qui laisse l’expert dominer le jeu des images offertes aux spectateurs silencieux. »
La traduction de Markowicz restitue parfaitement le bouillonnement de l’oeuvre. L’intention de Benedetti, qui a eu Vitez comme professeur, est de « prendre en charge pleinement la nécessité » et « le questionnement » posés par le texte de Tchekhov en l’occurrence l’interrogation face à la mort que le metteur en scène reformule ainsi : « Pourquoi on ne sait pas pourquoi on va mourir ? »
On le ressent sur la scène chaque fois que le récit fait place au silence où lorsqu’un coup de feu retentit près du lac ou dans la campagne que l’on s’imagine sinistrement verte. Le hors scène est exploité de manière judicieuse.
Sans décor, tout est dans le rythme et dans l’engagement total des comédiens. L’ironie qui se dégage s’appuie sur la force et la sincérité de chaque personnage. On rapporte que la troupe qui a joué pour la première fois la pièce en 1896 au Théâtre Alexandra a été déconcertée par les traits parodiques à l’œuvre dans la pièce. Cela semble toujours d’actualité.
Rencontre littéraire. Invité par la librairie Sauramps, Christine Jordis est venue présenter son essai sur Blake.
William Blake ou l’infini, Christine Jordis a le sens du titre qui dit tout. L’auteure prix Femina pour De petits enfers variés et prix Médicis pour Gens de la Tamise est venue cette semaine présenter son essai biographique à la Médiathèque Emile Zola. Christine Jordis est auteure d’une thèse de doctorat sur l’humour noir anglais, et a notamment dirigé la littérature anglaise aux Éditions Gallimard.
« William Blake (1757-1827) est quelqu’un qui cherchait la liberté et qui l’a trouvé. Il affirmait que, pour retrouver la joie que nous portons en nous, il faut nettoyer les fenêtres de la perception, ce qui signifie que nous restons aveugles à ce que nous pourrions voir. » Mais qu’est ce que voir ? C’est entrer dans le monde vivant, pense Blake, celui de la poésie, de la vraie vie. Après avoir vu Dieu à huit ans, puis un arbre « rempli d’anges », il dessina, peignit, grava, écrivit de longs poèmes prophétiques. Son imagination n’avait pas de limite peut être parce qu’il avait refusé dès six ans, d’aller à l’école.
Bien qu’ayant appris à lire avec la Bible, c’est un anticlérical, antimonarchiste, pacifiste, révolté par la misère et l’injustice sociale. «Blake s’imprégnait de son environnement quotidien. Il voulut changer l’homme et le monde, souligne Christine Jordis. L’auteur du Mariage du Ciel et de l’Enfer ne croyait pas en un dieu transcendental. « Pour lui, l’homme véritable était semblable à dieu. Il s’était donné pour mission de dire aux hommes ce qu’ils avaient en eux, de les restituer à eux-mêmes.» À l’argent-roi, il opposa l’esprit, c’est-à-dire la poésie et l’art. « Il se dressait contre le matérialisme de son temps. Un homme qui ne pense qu’au progrès matériel est amputé d’une grande partie de lui-même.»
Rejeté, condamné à la solitude et à la pauvreté, Blake n’en continua pas moinsde poursuivre son chemin jusqu’à sa mort. « La différence entre Blake et ses lecteurs, la plupart du temps, c’est que Blake est génial. »
JMDH
William Blake ou l’infini, éd Albin Michel, 19 euros
Hans Christian Andersen, dessin de Sergimao (2005). dr
Rencontre littéraire. En amont, de la Comédie du livre consacrée aux littératures nordiques, l’association Coeur de livres poursuit ce soir son cycle de découverte des classiques avec Andersen.
L’association Coeur de livres invite à la découverte des littératures classiques nordiques. Après le Kalevala du Finlandais Elias Lönnrot, l’association des libraires propose une nouvelle rencontre autour de l’écrivain danois le plus connu : Hans Christian Andersen. Devenu célèbre grâce à ses contes, il est l’auteur d’une oeuvre riche et variée qui ne saurait se résumer à la littérature enfantine.
Andersen (1805-1875) est issu d’un milieu modeste. Son père est un libre penseur qui s’engage dans les armées napoléoniennes et qu’il perd à l’âge de 11 ans. Sa mère une robuste paysanne qui prend en charge la responsabilité de nourrir la famille. Séduit par le théâtre à l’âge de 7 ans, il semble prédestiné à une carrière artistique, puisque dès 14 ans, il veut être danseur, comédien ou chanteur. Hans Christian, quitte Odense, sa ville natale, pour rejoindre Copenhague en 1819. Sa silhouette pittoresque et ses déclarations grandiloquentes aux directeurs de théâtres les déconcertent. Mais ses premiers essais d’écrivain dramatique sont remarqués et lui valent la protection du directeur du Théâtre Royal.
Il parfait ses études à l’école latine de Stagelse tout en publiant anonymement des poèmes (Enfant mourant en 1827). Un premier recueil de poésie paraît en 1830 suivi de plusieurs autres ( Fantaisie et Esquisses en 1831, les 12 mois de l’année en 1932.) Bien que reléguée au second plan de son oeuvre, la poésie ne cesse de le préoccuper. Il réunit une partie de sa production sous le thème « Poèmes anciens et nouveaux ». Plusieurs de ses poèmes ont été mis en musique et sont entrés dans la conscience populaire. Andersen poursuit son travail d’écriture pour le théâtre en mêlant le réalisme historique et la féerie mais ce n’est ni avec le théâtre, ni en tant que romancier qu’il gagne la célébrité, Ses récits de voyages sont appréciés, l’auteur ramène de ses excursions européennes une moisson d’images et de descriptions qui captent l’intérêt des lecteurs.
La vraie reconnaissance lui vient entre 1832 et 1842 avec la publication de six brochures de contes pour enfants. Encouragé par le succès qu’il a toujours recherché, Andersen regrette néanmoins la mention « pour les enfants ». Il use d’un style parlé et vif, tout en gardant la saveur de la tradition populaire et évolue vers des créations plus originales. Devenu un succès de la littérature mondiale Le vilain petit canard illustre à certains égards la recherche d’Andersen sur lui-même.
Hans Christian Andersen, dessin de Sergimao (2005). dr
Michel Forget : « Ce qui caractérise le mieux Andersen, c’est la contradiction »
Michel Forget sera ce soir l’invité de Coeur de livres. C’est un éminent connaisseur d’Andersen auteur de traductions de récits de voyages (Voyage à pied), de roman (Peer-la-chance) et de recueils de récits, (Le bazar d’un poète). Il vient de traduire aux éditions Les belles Lettres Poèmes, premier recueil de poésie disponible en français d’Hans Christian Andersen.
Comment avez-vous croisé l’oeuvre d’Andersen ?
C’est en dispensant une formation sur la littérature de jeunesse à l’Ecole normale que je me suis penché sur son oeuvre. Je devais connaître une dizaine de contes guère plus, et j’ai découvert la diversité de sa production. En m’y intéressant je me suis rendu compte qu’il était peu traduit en français. J’ai poursuivi mes recherches sur son oeuvre en allemand et me suis pris de passion. J’ai fini par apprendre le Danois.
Andersen commence et finit son oeuvre par des poèmes, comment avez-vous opéré votre choix pour ce recueil ?
Il a écrit des poèmes tout au long de sa vie, mais surtout dans les premières années, puis à la fin de sa vie où il a cultivé la poésie lyrique en ayant trouvé sa propre voie. Pour le recueil, je me suis efforcé de restituer un échantillon des différentes facettes de son oeuvre poétique en laissant de côté les textes de circonstance.
Issue d’un milieu modeste et doté d’une grande ambition, il semble fortement animé par un souci de reconnaissance ?
C’est un aspect important de sa personnalité avec le doute. Il a été étonné par sa réussite qu’il considérait comme miraculeuse en ayant pourtant tout fait pour y parvenir. A la fin de sa carrière, alors qu’il n’avait plus rien à prouver, il était toujours tenu par l’angoisse d’un tarissement possible de sa source créative. Il y avait chez Andersen une fragilité intérieure mais il pouvait aussi se coiffer de vanité qu’il contre-balançait par son sens de l’humour.
Son oeuvre poétique se situe à la charnière entre le romantisme et une modernité bien plus matérialiste, comment cela coexiste-il chez lui ?
Ce qui caractérise le mieux Andersen c’est la contradiction. Il a peur de tout et voyage dans les pays dangereux. Il déteste la noblesse et recherche sa compagnie. Il dispose d’un physique ingrat et veux plaire aux plus belles femmes…
Que savons nous de sa vie amoureuse ?
Il a été amoureux toute sa vie et toute sa vie éconduit. Cela transparaît dans ses contes, plusieurs ont comme fil directeur, l’amour à sens unique du personnage principal.
Quelle est la nature de la relation qu’il entretient avec la religion ?
C’était un croyant sincère. Dans sa poésie la religion prend une forme interrogative.
Que ressort-il de ses récits de voyages ?
Andersen est un voyageur curieux et observateur de l’Ecosse à la Turquie. Il offre une perception de l’Europe du XIXe. Ce qui déclenche son écriture c’est ce qu’il ne peut voir. Il était à ce point romantique. Il trouvait le vraisemblable plus intéressant que le réel.
propos Recueillis par JMDH
Rencontre avec Michel Forget ce soir à 19h, salle Pétrarque
Annie Estèves devant une oeuvre de Raphaël Segura. photo Rédouane Anfoussi
Maison de la poésie. Le Printemps des poètes s’ouvre aujourd’hui à Montpellier et dans toute la région. Jusqu’au 23 mars, il rejoint le carrefour des arts.
Au plus profond de la splendeur du printemps s’éveille le temps des poètes. La Maison de la poésie de Montpellier Languedoc révèle le banquet qu’elle a dressé pour les réjouissances autour du thème national « la poésie au coeur des arts ». Cette dimension qui associe d’indomptables signes au travail des plasticiens, musiciens, comédiens, photographes… prolonge et ravive des liens tissés de longue date entre la poésie et ses « alliés substanciels ».
« La poésie c’est un état, souligne Annie Estèves, la directrice artistique de la manifestation, ce que le mythe d’Orphée transcrit peut-être le mieux. Celle qui envoûte la bête avec sa lyre, charme les rochers par une parole qui persiste et vous transforme. » Mais que se passe-t-il quand le poème s’échappe du livre pour se mettre en bouche et croiser d’autre formes d’art ? Il part à la rencontre de la vie. « L’oralisation est nécessaire parce que la poésie appelle naturellement un rapport à l’oral, y compris pour les poètes. Mais je la conçois avec un retour à l’écrit, à la lecture. Le poème c’est ce qui reste, ce que l’on a envie de retenir en soi. Je ne crois pas à une poésie uniquement livresque. Cet aller-retour entre l’oral et l’écrit est nourrissant. »
A l’occasion du lancement national de la manifestation, se tient ce soir à 19h, à la Maison de la poésie, le vernissage du peintre montpelliérain Raphaël Segura, compagnon de route de nombreux poètes, dont Béatrice Libert et Jean Joubert, qui seront présents. Bien d’autres artistes s’associeront aux poètes, jusqu’au 23 mars. Le 18 mars, l’éditeur Bruno Doucet présentera la première traduction de la poète Maria Mercè Marçal autour d’un spectacle de la Cie Fitorio Théâtre. Le 21 mars, ce sera la présentation de l’ouvrage Levée des ombres qui rassemble les poèmes de Françoise Ascal et les photos de Philippe Bertin autour d’un travail sur la mémoire de l’Abbaye d’Aniane qui fut une colonie pénitentiaire pour mineurs.
Toutes ces manifestations et d’autres* croisent les disciplines artistiques. « On est à l’initiative de ces rencontres et l’on reste à l’écoute des nouvelles formes. La poésie a vocation à se dresser où l’on ne l’attend pas, confirme Annie Estèves, elle se mêle au spectacle vivant à bien des endroits, mais le poème ne doit pas rester dans l’air. Que nous reste-t-il d’une performance ? Nous avons constaté que nos propositions vivantes donnaient envie d’aller en librairie ». La Maison de la poésie travaille en partenariat avec l’Association Coeur de Livres et Le Musée Paul Valéry qui reçoit la poétesse libanaise Vénus Khoury-Ghata et Franck Venaille.
JMDH
w *programme www.maison-de-la-poésie-languedoc-roussillon.org
On le sait déjà, pour choisir un livre, notre ordi ne sert pas à grand chose. Rien ne remplace une petite visite chez le libraire du coin qui est au fait de la vie littéraire et peut nous conseiller. Ce libraire donne une valeur à nos critères de choix et finalement à nos lectures. C’est un travail important que celui de libraire. Le problème c’est qu’on en prend conscience au fur et à mesure qu’ils disparaissent.
A force d’acheter des livres en fonction du coût et de la facilité, on finira par lire n’importe quoi. A vouloir économiser quelques euros, gagner du temps, rester chez soi sans entrer en relation, on ne sait même plus ce qu’on perd. Et l’on oublie ce que nous offre ce métier prodigieux de libraire : des informations non commerciales sur un auteur, une forme de langue particulière, des pistes de lecture pour entrer dans un bouquin, tous ces facteurs de découverte qui contribuent au plaisir de lire. Il se pourrait même qu’on oublie l’existence des librairies… A ce sujet, on pourrait dire que l’association Cœur de Livres joue un rôle de berger…
Librairie Nemo. Photo R.A
Des passeurs de livres
La manifestation Escapades en Librairie nous réveille la mémoire depuis hier et durant tout le week-end, elle rafraîchit la signalétique sur l’ensemble de la ville pour nous ramener vers les passeurs de livres. L’idée originale s’articule autour d’une programmation faite de concert, performance, théâtre, lecture, art en tout genre qui se tiennent dans toutes les librairies indépendantes de Montpellier. Comme il fallait s’y attendre, tous ont accepté de sortir la tête de leurs cartons pour ouvrir leur portes à la création et s’y impliquer.
Entre autres propositions, on peut se rendre ce matin à la librairie Nemo à 10h30 pour combattre les stéréotypes sur le rôle des filles et des garçons. « A l’instar des cafés philo, on organise un chocolat philo autour des idées reçues du genre : les filles pleurent tout le temps, les garçons n’ont peur de rien ! Idées qui trouvent écho dans la littérature jeunesse, explique une représentante de la librairie, l’auteur et prof de philo Isabelle Wlodarczyk fera circuler la parole. On a aussi proposé l’idée à notre comité de lecture ado qui s’est s’impliqué avec enthousiasme en préparant des petites saynètes d’impro. »
Librairie Ioku photo R.A
Pas très loin, toujours au centre-ville, la librairie Ikoku spécialisée dans le Manga propose demain à 14h des ateliers de calligraphie, confection de maki ou encore d’ikebana. A noter, que le graveur typographe Marc Granier débarque cette après-midi avec ses presses à la librairie l’Ivraie pour un atelier création. L’objectif est de repartir avec son livre. « Les gens peuvent venir avec leurs écrits mais nous mettrons aussi des textes à disposition » explique le gérant.
Bien d’autres propositions alléchantes sont proposées en ville pour nous rappeler que les librairies ne sont pas seulement des espaces où l’on range les livres.