Qui s’intéresse à l’écriture échappe difficilement à l’attraction pour Sade, qui aime les actrices et les comédiennes ne peut être insensible au parcours imprévisible d’Isabelle Huppert. De quoi saisir l’engouement pour cette lecture, étonnement donnée dans les conditions d’un spectacle. A Montpellier, lors d’une soirée de fin de printemps, Isabelle lit Sade dans le grand amphi du Domaine d’O, face à 1 200 spectateurs.
Sa frêle silhouette d’adolescente se dessine sur la grande scène. Elle paraît fragile, dans sa robe légère rouge vermillon. Pourtant, le rythme sec de ses petits pas, la détermination avec laquelle elle traverse la scène, indiquent que cette pieuse image pourrait être une apparence.
La première de Juliette et Justine, le vice et la vertu a été donnée en janvier 2013 au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, depuis l’actrice reprend régulièrement le spectacle, comme un souffle, qu’elle intercalerait selon ses désirs entre ses nombreux projets. « Il y a un suspense, une naïveté, commente-t-elle à propos du spectacle. C’est pathétique, bien sûr, mais la chose que je ressens en lisant Sade, c’est l’humour.»
A vrai dire, cette risée silencieuse que la comédienne interprète parfaitement en l’enfouissant profondément en elle, démasque les fondements de notre savoir. Elle ébranle la norme, l’alliance du trône et de l’autel, du pouvoir et de la croyance…
Tantôt Justine, perdue par la vertu, tantôt Juliette triomphant par le vice, Isabelle nous fait entrer dans l’immensité du texte, dont les extraits sélectionnés par Raphaël Enthoven composent un récit. Les textes choisis se trouvent en position charnière, portant les instances de refoulement de l’oeuvre sadienne, immoralisme, érotisme, folie, littérature, inconscient, font surgir la pensée s’y trouvant enfermée
. Par l’écriture et la fiction, Sade permet au crime de trouver sa voie. C’est l’auteur qui a vaincu le miroir narcissique et se retrouve de fait au coeur de l’actualité contemporaine. Dans la bouche d’Isabelle Huppert, l’écriture méditée de Sade nous traverse corporellement comme une radiographie.
JMDH
Source La Marseillaise 23/06/2017
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