hTh. Fraîcheur au musée d’anatomie

«The End», éléments de scénographie sans formol. Photo JMDI

«The End», éléments de scénographie sans formol. Photo JMDI

hTh Lecture. «The End» de Vaeria Raimondi et Enrico Castellani.

Une temporalité singulière dans un lieu singulier, celui du conservatoire d’anatomie de la fac de Médecine de Montpellier. Endroit tout trouvé pour écouter The End, lâché dans le noir muni d’un casque sur les oreilles et d’une lampe torche.

Le texte de Valeria Raimondi et Enrico Castellani interroge la mécanique implacable et vaine de nos existences. Avec le sens de la dramaturgie que construit notre libre cheminement dans l’espace, on évacue d’emblée l’anecdotique pour en venir à notre propre histoire humaine et à son dénouement.

Le texte s’adresse à nous mais la distribution de casques nous isole face au miroir de nos considérations. La voix du lecteur qui se déplace résonne un peu comme une âme amie. Avec plus ou moins d’attention, nous l’écoutons une heure durant, en laissant aller nos pas dans les longues allées du musée où tous les éléments du corps humain (et de quelques animaux) se dévoilent sous vitrines.

En tant qu’oeuvre, la pièce qui se joue n’a rien d’un fait accompli. L’espace qui porte déjà les éléments de la mise en scène médicale, se redistribue selon le parcours physique et psychique du visiteur. Dans les vitrines, les scènes inspirées de récits scientifiques ne font plus vraiment référence. Notre parcours suspend les récits préalables, se soustrait à leurs lois, efface le texte. Il nous renvoie à l’ignorance de notre sort, et à la ténacité d’un «pas encore».

JMDH

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Grand bain dans un petit labo

La baignoire se rêve en piscine

La baignoire se rêve en piscine

Création théâtrale. Des découvertes, de l’étonnement, de l’émotion, on trouve tout cela dans le laboratoire artistique de la rue Brueys qui fête ses 10 ans.

« Bienvenue dans l’intimité de la création et des écritures contemporaines »  lit-on dans le programme de la dixième saison de la Baignoire. Cette phrase posée comme un épitaphe par l’artiste fondateur du lieu Béla Czuppon s’inscrit toujours comme une invitation, car ce lieu d’à peine 100 m2 reconnu par les meilleurs comédiens de la région et les plus grands auteurs de théâtre contemporain d’Europe existe encore. Mais qui se soucie aujourd’hui de l’intimité de la création et de la pertinence de l’écritures contemporaine théâtrale ?

« Le péril n’est pas tant la fonte générale des budgets que l’idéologie répandue laissant entendre, à qui veut, que la disparition de la culture, n’est pas si grave que ça » constate le maître des lieux qui sort la vraie baignoire de son lieu pour gagner un peu de place.

La Baignoire se rêve en piscine laisse entendre l’image de couverture du programme, peut-être un clin d’oeil, aux partenaires institutionnels qui maintiennent le lieu en survie sans mesurer les enjeux d’une démarche qui explore les savoirs sensibles en tenant à bout de bras depuis dix ans.

Suivant une alternance dans le temps entre textes contemporains et dispositifs sonores, l’offre proposée cette année, aborde des questions humaines. « C’est sans doute moins politique, observe Béla Czuppon, les textes procèdent par infusion pour produire une perception du réel.»

Le 9 octobre, pour l’ouverture de la saison le spectacle Lever l’encre propose des textes littéraires écrits par des chercheurs. Du 14 au 17 oct, « Nous  jouerons un texte sur l’amour évoque Mama Prassinos qui met en scène et interprète avec Béla Une séparation, un texte de Véronique Olmi. « C’est difficile d’aimer et de se quitter…»

En préambule à la création Air Vivant, performance sonore et chorégraphique pour cinquante performers, Maguelone Vidal et Dalila Khatir offriront un aperçu de cette joyeuse exploration du souffle à nu, les 13 et 14 nov. Du 18 au 21 nov on retrouvera Du côté de la vie de Pascal Lainé, un texte inspiré par Récit d’un jeune médecin de Mikhail Boulgakov magistralement interprété par Philippe Goudard.

La Baignoire clôturera l’année en musique du 10 au 12 décembre avec deux créations Far Est’ Depuis l’Est féminin  et un Hommage à Thomas Edison,  des Kristoffk. Roll en compagnie de Jean Kristoff Camps et Carole Rieussec qui placent l’écoute, le son, l’histoire, la performance au centre de la Dramaturgie.

Sont annoncés pour 2016 un Stanislas Cotton Le roi Bohême, mis en scène par Béla Czuppon qui avait déjà monté du même auteur Le Bureau National de Allogènes, l’adaptation intégrale de Dr Folamour par le collectif la carte blanche.

A noter également, un fascinant texte de Frédéric Vossier La forêt ou nous pleurons proposé par Fabienne Augié et deux pièces de Sarah Fourage. La Baignoire, les artistes connaissent l’adresse.

JMDH

La Baignoire 7 rue Brueys à Montpellier : Tel 06 01 71 56 27

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Dominique Pauwels. La beauté des masques

VDE9358Printemps des Comédiens. L’autre hiver, opéra fantasmagorique et dramaturgique de Dominique Pauwels.

« Il y eut un soir où contrairement aux autres soirs, les chants se mirent à se brouiller dans leurs échos. » Il y a la force du livret de Normand Chaurette. Il y a ce découpage scénographique qui laisse la part belle à la profondeur de champs comme pour rendre transparente la brume obsessionnelle emplissant les deux voyageurs. Peut-être Verlaine et Rimbaud dont la relation amoureuse fut expérimentale. Nous sommes sur le pont d’un navire errant à travers les glaces du nord.

Entre expérimentation et lyrisme L’autre hiver, nouvel opéra de Dominique Pauwels mis en scène par le duo Denis Marleau et Stéphanie Jasmin poursuit l’exploration des rapports entre théâtre et musique. La pièce conclut le Printemps des Comédiens sur une note profondément évaporée et en même temps très puissante.

Le processus de création associe la vidéo à travers un dispositif de mannequins fantômatiques incarnant le choeur. La capacité expressive de la musique associant un orchestre à cordes avec des sonorités électro se rapproche de l’art pictural. On touche à l’art total pour un spectacle qui campe les esprits.

JMDH

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Printemps des Comédiens 2015

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Julien Gosselin a réussi

lpe_1_gosselinhTh CDN. Les particules élémentaires du roman au théâtre en passant par le cinéma, la recette est bonne !

Revenir à Houellebecq avec Les particules élémentaires c’est un peu oublier le discours à forte connotation politique et idéologique de l’auteur autour de son dernier livre Soumission.

La pièce tirée du roman fleuve paru en 1998 est habilement mise en scène par Julien Gosselin qui joue sur le registre opéra rock. Le spectacle est prétexte à un délire musical bien rock and roll, sexuellement débridé et plein d’humour. On connaît le talent de Houellebecq pour occuper le centre de la scène littéraire française, s’attirant tous les projecteurs et pas mal de pognon…

Voilà donc une bonne occasion de s’instruire sur les recettes retenues par l’auteur à la sulfureuse réputation. Dans ce texte, plein de facilités, il s’attaque aux forces de l’univers. Et pour tout dire mieux vaut le voir au théâtre que de se taper son bouquin.

Un coup d’éclat donc pour le jeune metteur en scène dont la pièce n’a cessé de tourner depuis Avignon il y a deux ans. Les quatre heures de divertissement trompent l’ennui et ce spectacle « dédié à l’homme », qui fait songer à une forme de « littérature réalité » devrait constituer une référence,voire un nouveau modèle économique. Il suffit de changer les scénarios, les lieux, les personnages et travailler le bouche à oreille…

JMDH

Source La Marseillaise 23/06/2015

 

Go down Moses.  Choc esthétique et décollage onirique

GO-DOWN-MOSES_C_LUCA_DEL_PIA-672x359Go down Moses. Castellucci au Printemps des comédiens, un théâtre bien au-delà du réel qui nous perd et nous retrouve.

L’italien Roméo Castellucci compte avec le compositeur Dominique Pauwels, mis en scène par Denis Marleau, parmi les invités attendus et prestigieux de cette édition 2015. Ces artistes n’ont rien de commun hormis leur formidable capacité à nous vasculariser hors des grandes artères pour nous plonger dans le monde puissant de leur univers qui relève du monde du rêve.

Dans Go down Moses Roméo Castellucci fait, à sa façon, référence à Moïse. Le seul homme qui ait rencontré Dieu. On est aux antipodes de la démarche quasi patrimoniale du travail de Benjamin Lazar qui gère les ressources culturelles dans Le Dibbouk. Go down Moses parle d’une très vieille histoire débarrassée, des fausses vérités religieuses, des idées reçues et quelque part, de sa fonction nécessaire permettant l’établissement du lien social. Comme si Castellucci souhaitait nous perdre pour nous retrouver. Comme s’il souhaitait renouveler la façon dont on conçoit le rapport du langage à la réalité et au mythe.

Il résulte que le signifié sur le plateau n’est pas la réalité elle-même, mais une construction signifiante de la réalité. Il en va ainsi de la première scène où les humains se mesurent sans s’aimer, ou de la scène de la poubelle où l’enfant n’est déjà plus dans le sac en plastique. De cette machine qui turbine pour « nous exiler de notre être », du scanner, fierté de l’imagerie médicale, qui propulse bien plus loin que les pales performances scientifiques. C’est de cette construction de sens qu’on appellera le réel signifiant du monde dont l’artiste tire sa matière et sa spiritualité.

La fascination de Roméo Castellucci pour Moïse, libérateur de l’humanité, porte en germe l’ambition que cette libération pourrait aussi bien provenir de l’art.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 23/06/2015

Jean Varela : « qu’entend-on nous par culture ? »

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Après l’annulation de l’édition 2014 liée au combat des intermittents et précaires, le directeur du Printemps des Comédiens de Montpellier défend une politique culturelle émancipatrice ouverte et généreuse. A l’occasion du Festival Le Printemps des Comédiens qui se tient jusqu’au 28 juin au Domaine d’O à Montpellier son directeur artistique Jean Varela évoque les orientations théâtrales et politiques de sa mission.

Vous proposez cette année votre cinquième programmation. Vos choix artistiques et votre engagement en faveur du service public de la culture sont reconnus. Etes-vous serein ?

Cinq ans, on appelle cela un lustre. Serein n’est pas le mot. Je dirais que j’espère. Et en même temps je doute davantage. J’ai été nommé de façon provisoire, les enjeux n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. Depuis, nous avons essayé de construire une politique culturelle qui soit exigeante et pas élitiste tout en gardant le cap, malgré les difficultés. Le Conseil départemental protège la culture par son engagement. C’est une longue histoire commune.

Le festival et son équipe sortent-ils renforcés ou affaiblis de la mobilisation ayant conduit à l’annulation en 2014 ?

Le noyaux de l’équipe se compose de cinq personnes, pour beaucoup présentes depuis l’origine. Il y a eu des questionnements durant la traversée de l’été 2014. Notamment sur la ligne que j’ai choisi d’adopter en me portant, non solidaire du combat mais dans le combat, en tentant d’expliquer qu’il fallait que les représentations se tiennent, puisque c’était mon rôle. Nous étions tous dans l’incertitude du lendemain. Il a fallu faire œuvre de pédagogie. Reconnaître les choses, comme savoir d’où on vient et pourquoi on se trouve là ? A la fin la grève m’a inquiété et en même temps, la non tenue d’un mouvement m’aurait aussi inquiété. Je suis reconnaissant envers André Vezinhet et sa majorité, envers le public, les artistes et les techniciens… Ce qui ne tue pas renforce. J’ai vu chez les gens une prise de conscience plus forte de l’endroit où s’inscrivent nos métiers, et ce ne sont pas que des mots…

Comment gérez-vous les contraintes d’ordre budgétaire cette année ?

Pour résoudre l’équation budgétaire qui représente -6% sur le budget 2014 et -10% cette année nous avons été contraints de réduire la voilure qui se traduit par une réduction de la durée du festival et du nombre de lieux de représentation. Il n’y a pas de lieux éphémère cette année.

Quels choix avez-vous opérés pour cette programmation ?

J’ai d’abord fait le choix, de ne rien programmer de l’édition de 2014. Ce n’est pas intéressant de refaire la même chose, nous sommes passés à un autre moment, et puis j’aurais trouvé injuste de ne programmer que certains artistes. Même si des ponts surgissent parfois entre les spectacles d’une même édition, le festival ne s’articule pas autour d’une thématique. L’accompagnement des artistes en coproduction, le soutien à la création apparaissent en revanche comme un axe de travail. Dans cette programmation nous coproduisons Nobody de Cyril Teste, Le Dibbouk de Benjamin Lazar, Go down Moses, de Roméo Castellucci, ou encore En avant, marche ! d’Alain Platel. Il est important de partager avec le public la notion essentielle du risque qui permet aussi de montrer ce qu’est le théâtre.

Qu’en est-il de l’enjeu politique : le gel du soutien de la Métropole, la place de la culture sous la présidence du nouveau président Kléber Mesquida ?

Le président de la Métropole a annoncé avant les élections qu’il voterait la participation de la Métropole, pour l’instant le versement est suspendu. J’espère et reste confiant sur les possibilités de trouver une solution. Je connais la conviction dans l’intérêt général du président Kleber Mesquida qui est le député de mon lieu de résidence. Il considère le service public de la culture comme un enjeu fort des politiques publiques. Il a souhaité souligner l’importance du Domaine de Bayssan à l’ouest du département, violemment attaqué par le FN durant la campagne.

Quelle place attribuez-vous au théâtre dans cette période de crise politique, identitaire, démocratique..?

Depuis mon enfance je vis dans la crise. Et je constate chez les jeunes générations d’artistes, qu’ils n’espèrent même plus que la crise se termine. C’est comme un état de crise permanent et non permanent car ce n’est pas la crise pour tout le monde. La place du théâtre d’art est essentielle. Le clivage qui existait jusque dans les années 80 entre la droite et la gauche s’est quasiment estompé. La culture, dit on, est une priorité, mais qu’entend-on nous par culture ? Une culture qui éveille, permet l’émancipation, le rêve partagé ou une culture du plus grand nombre ? Les forces de progrès devraient se questionner fortement sur cette problématique et affirmer leur vocation, ce que fait le Conseil départemental en soutenant le Printemps des Comédiens.

Les choix artistiques de cette nouvelle programmation oscillent sans parti pris entre l’hybridation des formes portées au plateau et l’attachement au texte…

Oui, cette année nous pouvons entendre ce que dit Falk Richter dans Nobody et ce que disait Beaumarchais. avec Le mariage de Figaro. Cyril Teste travaille sur un texte en usant des technologies actuelles de l’image. A côté de cela, on trouve le travail très digne de Benjamin Lazard qui fait revivre la langue et la musique d’un peuple dans Le Dibbouk, ou l’hommage que rend Laurent Pelly au théâtre avec L’oiseau Vert. Nous tentons d’accompagner le public en restant proche de son désir de curiosité, de verbe et de sens. On peut avoir l’image d’un théâtre figé, mais souvenons nous que le théâtre s’est toujours adapté très vite aux nouvelles technologies les Grecs ont introduit la machinerie, les Italiens les techniques de navigation. Le gaz et l’électricité sont entrés très tôt dans les théâtres qui ont toujours été et devraient demeurer des endroits très ouverts.

 Propos recueillis par Jean-Marie Dinh

 

Source La Marseillaise lundi 15 juin 2015

 

Cirque Balthazar 25 piges éternelles
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 Printemps des comédiens. BiZARaZar cabaret bal Loufoque jusqu’au 13 juin.

Le centre des arts du cirque de Montpellier tient sa place au Printemps qui ouvre chaque année la possibilité aux jeunes circaciens en 1ère et seconde année de classe pro de se confronter au public. Un moment attendu de la programmation où se conjugue la culture sensiblement décalée du cirque Balthazar, et les traits de personnalité saillants des jeunes artistes.

Comme toujours, chez Balthazar c’est l’énergie du groupe qui permet la mise en valeur des individus. Les origines se mêlent et s’enrichissent sur une bande son de choix qui fait le tour du monde et des époques en explorant tous les styles de musique : salsa, jazz, techno, transe, rock, valse, reggae, chanson…

La mise en piste de Bi- ZARaZar, débute dans l’anonymat stressé des transports urbains.
Mais très vite les voyageurs du quotidien rejoignent un intérieur de type bar cabaret où vont se nouer une série d’interactions qui révéleront les caractères, talents, et, coups de nerf des personnages.

On touche du doigt la dimension poétique des sensations quand les stagiaires de la formation professionnelle exercent leur art et leur recherche en jouant à contre-sens
de l’attendu, comme si leurs performances se mettaient en oeuvre malgré eux. On savoure le côté bastringue et provocateur des artistes. On se laisse emporter dans
la magie révélatrice de l’art du cirque qui brise bien des codes et représentations.

JMDH

Source La Marseillaise 12/06/2015

 

Montpellier : quand le théâtre vole au secours de l’imaginaire

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Le rideau de tissu et de pins se lèvent aujourd’hui sur la 28e édition du Printemps des Comédiens. Un moment fort et novateur pour un public avide de rencontres et découvertes théâtrales.

Sous les feux de l’actualité l’année dernière, le Printemps des Comédiens s’est illustré à travers la parole révoltée des artistes et des techniciens du spectacle. Il a été le cœur national de la mobilisation des intermittents et précaires ne craignant pas d’engager son avenir, dans ce conflit éprouvant.

Faute de budget, la manifestation sera un peu écourtée cette année mais cette lutte brille pour souligner que la création ne se met pas toujours au service du pouvoir et rappelle que le théâtre est sans doute la forme d’expression artistique qui présente le plus souvent des sujets politiques et sociaux. Enfin le combat de 2014 n’est pas étranger à la délibération de l’Assemblée nationale, qui vient de graver dans le projet de loi sur le dialogue social et l’emploi le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle.

«Le Printemps a eu à vivre une édition 2014 singulière dans un moment complexe. J’ai soutenu sa démarche, indique Michaël Delafosse qui vient de prendre les rênes de L’Epic du Domaine D’O. Je me réjouis que l’Epic ait été un lieu de débats sur le rôle de la culture. Les artistes ont des choses à exprimer. Ce qui s’est passé a généré de la souffrance et en même temps, les gens se sont solidarisés, il y a eu un vrai dialogue avec le public. La culture ne se résume pas à des actes de gestion.»

Le choix de la qualité

C’est donc avec joie que ce beau festival reprend sa vocation aujourd’hui jusqu’au 28 juin. Le théâtre est entendu au Printemps des comédiens comme un médium qui développe l’imaginaire. Il est question de mettre en relation notre quotidien avec le fantastique, comme le spectacle Nobody qui débute ce soir. Cyril Teste met en scène de manière novatrice la vie compliquée d’une entreprise de bureaux d’après un texte de Falk Richter.

Avec une quinzaine de spectacles sur 18 jours le Printemps joue la carte de la qualité. Le directeur artistique Jean Varéla a concocté une affiche qui compte des grands noms de la scène contemporaine tels que l’Italien Romeo Castelluci qui poursuit sa quête spirituelle. Après le Christ il évoque la vie de Moïse dans Go down, Moses, pour la projeter dans notre époque. Benjamin Lazar usera des cordes baroques pour un Roméo et Juliette yiddish avec Dibbouk de Lazar.

Le jeune metteur en scène Julien Gosselin s’attaque aux Particules élémentaires de Michel Houellebecq en partenariat avec le h.T.h CDN de Montpellier. Décollage lyrique et poétique assuré, proche des rivages de Verlaine et Rimbaud avec L’autre hiver mis en scène par Denis Marleau et Stéphanie Jasmin sur un opéra innovant de Dominique Pauwels. Autre sortilège à suivre la fable philosophique de Carlo Gozzi, L’oiseau Vert dans une très belle mise en scène de Laurent Pelly.

Le festival croise depuis 28 ans les expériences artistiques de tous les continents avec une connaissances singulière des univers du théâtre, du cirque et du spectacle de rue. Dans ce registre on retrouvera le Nouveau cirque du Vietnam pour A Ô Làng Phô. Les artistes nous entraînent dans leurs pulsations poétiques à travers des tableaux vivants. Avec le spectacle En avant marche, le Flamand Alain Platel s’intéresse aux artistes de fanfare, réjouissances populaires et notes en folies. Le festival est passé maître dans le mélange des techniques scéniques pour les mettre au service des personnages et de la mise en scène. Une idée du théâtre pour tous avec le souci du détail et une haute exigence artistique.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 10/06/2015

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L’oiseau vert. Pelly met en scène un rêve de théâtre

Le monde merveilleux et parfois cruel du théâtre de Gozzi. Photo dr

Le monde merveilleux et parfois cruel du théâtre de Gozzi. Photo dr

Printemps des Comédiens. L’oiseau vert, magnifié par le travail onirique du directeur du TNT, la pièce de Carlo Gozzi s’installe pour trois jours dans l’Amphithéâtre d’O.

Laurent Pelly ouvre, comme il aime à le faire, grandes les portes de la fantaisie en signant la mise en scène de L’oiseau vert de Carlo Gozzi. Ce spectacle, créé au TNT il y a quelques mois, emporte par sa magie, sa bonne humeur, et la qualité de l’interprétation, tous les publics, des amoureux du conte aux mordus de théâtre. C’est aussi une bonne occasion de découvrir le méconnu Carlo Gozzi dont Pelly se réapproprie, avec le goût pour la machinerie qu’on lui connaît, l’univers multiforme, tout en gardant le regard mordant.

Contemporain de Goldoni avec qui il aura quelques différents sérieux, Carlo Gozzi (1720-1806) est le sixième enfant d’une famille aristocratique vénitienne endettée. Après trois ans d’armée, à son retour Dalmatie, il est reconnu pour ses pièces satiriques. Carlo Gozzi souscrit aux principes de la convivialité et aux mots d’esprit, comme à la défense de la langue pour préserver la littérature toscane des influences étrangères.

Alors que la commedia del l’arte décline, l’heure est à la recherche d’un renouveau théâtral. Tandis que l’abbé Chiari, que Molière insupporte, se pique pour la comédie larmoyante, Goldoni s’adonne au réalisme. Pour faire face à cette concurrence tenace, Gozzi imagine de porter à la scène les contes féeriques tirés de vieux recueils populaires.

La force satirique de L’Amour des Trois oranges en 1761 lui apporte le succès. Encouragé par l’effet qu’a produit sur le public l’introduction du surnaturel, Gozzi creuse le sillon avec une série de neuf fables. Quatre ans plus tard, il triomphe avec la représentation de L’oiseau vert. Pièce fantaisiste et conte philosophique qui ouvre un espace pour le théâtre dans lequel tout peut arriver.

Des pommes chantent, de l’eau danse, des jumeaux pauvres sont métamorphosés, un palais apparaît parce qu’ils ont jeté une pierre magique, des statues parlent et deviennent humaines, une femme croupit sous un évier… Et pourtant tout se tient grâce à la magie traditionnelle du théâtre auquel le metteur en scène rend un hommage formel et coloré.

On prend plaisir au texte et au jeu d’acteurs proche de l’improvisation. Cette première collaboration artistique entre le Printemps des Comédiens et le TNT Midi Pyrénées co-dirigée par Laurent Pelly nous amène un oiseau de bon augure.

JMDH

L’Oiseau vert Amphithéâtre d’O du 12 au 14 juin à 22h

Source La Marseillaise 11/06/2015

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