Penché sur un cercueil en verre, l’ancien président pleure la mort de son compagnon politique José Alencar. C’est la photo qui s’affiche à la une du journal O Globo. « Inconnu à l’étranger, Alencar était une grande figure de la scène politique au Brésil. Ancien vice-président de Lula, il avait su nouer des alliances entre partis de gauche. Et ce sont ces alliances qui ont permis à Lula de gouverner pendant huit ans avec une grande majorité au Parlement ». Alencar a lutté pendant des années contre le cancer, c’est finalement la maladie qui l’a emporté. « Toute la classe politique lui rend un dernier hommage », comme l’écrit O Estadao, à commencer par la présidente Dilma Rousseff. Elle a écourté son séjour au Portugal pour assister aux obsèques de celui que le journal brésilien appelle « un grand battant ».
Portugal : la présidente brésilienne propose une aide économique
Lors de cette visite officielle, la présidente brésilienne a proposé une aide économique au Portugal. Cette initiative est très commentée par la presse brésilienne et pour cause : l’ancien pays colonisé, devenu la septième économie mondiale, suggère de venir en aide à son ancien colonisateur, en pleine crise économique. L’hebdomadaire Carta Capital traite le sujet par la satire : « et si le Portugal devenait tout simplement une province du Brésil ?, se demande le journal de Sao Paulo. On pourrait annexer le cousin lusophone, qui, du coup, se transformerait en une partie importante du pays. Nous aurions alors 10% de Brésiliens en plus ». Et Carta Capital de poursuivre dans sa politique-fiction : « le Brésil est avec les autres grands pays émergents, la Chine, l’Inde et la Russie, le socle du nouveau pouvoir mondial. Le pont avec le Portugal permettrait aussi de redynamiser une Europe de plus en plus âgée et fatiguée ».
Cette économiste et ex-guérillera a prêté serment sur la Constitution brésilienne devant les députés et les sénateurs ainsi qu’un parterre de chefs d’Etat étrangers. Elle devient le 40ème président brésilien.
Dilma Rousseff a été investie, samedi 1er janvier, présidente du Brésil et devient la première femme à diriger le géant sud-américain, succédant au président sortant Luiz Inacio Lula da Silva.
Cette économiste et ex-guérillera de 63 ans ayant connu les geôles de la dictature, a prêté serment sur la Constitution brésilienne devant les députés et les sénateurs ainsi qu’un parterre de chefs d’Etat et de gouvernement étrangers réunis au Congrès. Dilma Rousseff a été longuement ovationnée par les parlementaires.
Une dizaine de présidents latino-américains devaient assister à la cérémonie. La secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, le numéro deux du gouvernement français, le ministre de la Défense Alain Juppé, le prince des Asturies, Philippe de Bourbon, et le président de l’Autorité palestinienne, Mamhoud Abbas, ont fait aussi le déplacement.
Dilma Rousseff qui hérite d’un pays en plein boom économique avec une croissance de 7,6% cette année et un taux de chômage au minimum historique (5,7%), prêtera serment au Parlement sur la Constitution brésilienne. Auparavant, elle défilera dans la Rolls-Royce présidentielle, une décapotable de 1952, sur l’Esplandade des Ministères, au coeur de Brasilia. Dans un discours qui devrait durer 45 minutes, Dilma, comme l’appellent les Brésiliens, définira les priorités de son gouvernement.
Après sa victoire au second tour de la présidentielle d’octobre, elle avait proclamé « son engagement fondamental : éradiquer la pauvreté« . « Je ne pourrai pas me reposer tant que des Brésiliens souffriront de la faim », avait-elle dit.
Une Coupe du monde et des JO
Lula passera l’écharpe présidentielle vers 17h, heure locale (20h heure française) à celle qu’il avait choisie pour lui succéder comme candidate du Parti des Travailleurs (PT-gauche). Dilma Rousseff s’adressera ensuite pour la première fois aux Brésiliens à la télévision.
La nouvelle présidente hérite d’un pays où d’énormes investissements sont prévus au cours des prochaines années en vue d’accueillir la Coupe du monde de football de 2014 et les Jeux Olympiques de 2016 mais qui reste l’un des plus inégalitaires du monde.
Au cours des deux mandats de quatre ans de Lula, 29 millions de personnes sont sorties de la misère et plus de la moitié des 191 millions de Brésiliens font aujourd’hui partie de la classe moyenne. Mais les défis sont encore nombreux : le pays est à la traîne en matière de santé et d’éducation et doit lutter contre la corruption et réformer la fiscalité, les retraites et le système politique.
AFP 01/01/2011
Dilma Rousseff, qui succède samedi 1er janvier au populaire Luiz Inacio Lula da Silva, est une ex-guérillera de 63 ans surnommée la « dame de fer » pour son tempérament bien trempé et sa grande capacité de travail.
Dilma – comme l’appelle les Brésiliens – a été élue fin octobre face au social-démocrate José Serra, grâce au soutien de Lula qui a usé de tout son charisme et de son poids politique pour faire élire cette économiste quasi-inconnue des Brésiliens, aux premiers pas publics hésitants. C’est déjà Lula qui l’avait imposée en 2009 comme candidate de son parti des Travailleurs (PT, gauche), alors qu’elle avait le double handicap de n’avoir jamais disputé une élection et de ne pas être une membre historique du PT.
Mais le président sortant affirme que ses talents politiques et de gestionnaire l’ont convaincu qu’il s’agissait de la « meilleure » candidate. « Elle est arrivée avec son petit ordinateur. On a commencé à discuter et j’ai senti quelque chose de différent en elle », dira Lula en 2003 après l’avoir nommée au gouvernement au poste stratégique de ministre de l’Energie.
Militante dans les mouvements de lutte armée
Connue pour son caractère tranchant, Rousseff a la réputation de houspiller publiquement les ministres. « Je suis dans un gouvernement, un pays, où aucun homme n’assume ses positions. Je suis la seule femme méchante au Brésil entourée par des hommes gentils », a plaisanté Rousseff lors d’une rencontre avec la presse.
En 2005, le scandale sur le financement parallèle de la campagne du PT a décapité la direction du parti en contraignant les poids lourds du gouvernement à démissionner. Dilma Rousseff a alors été propulsée au poste clé de ministre de la Maison civile, une sorte de chef du gouvernement. Depuis 2007, Lula présente Dilma comme la « mère du PAC », le programme d’accélération de la croissance qui finance d’énormes investissements dans les favelas et les infrastructures du pays.
Née le 14 décembre 1947 à Belo Horizonte, capitale du Minas Gerais (sud-est) d’un père bulgare et d’une mère brésilienne, Dilma a activement milité dans les mouvements de lutte armée, en pleine dictature.
Image adoucie
Dans des dossiers secrets récemment révélés, les militaires la présentaient comme la « Jeanne d’Arc de la subversion ». Arrêtée à Sao Paulo en janvier 1970, elle a été condamnée à six ans de prison mais a été finalement libérée fin 1972 sans avoir cédé à la torture.
Début 1980, elle participe à la refondation du Parti démocratique travailliste (PDT, gauche populiste) de Leonel Brizola avant de rejoindre le PT en 1986.
Pour affronter les électeurs, Dilma s’est soumise à plusieurs opérations de chirurgie esthétique. Elle en est sortie rajeunie, plus mince, et sans ses grosses lunettes.
L’année dernière, elle a admis publiquement subir un traitement contre un cancer, ce qui a adouci son image. Les médecins la considèrent aujourd’hui guérie.
La « dame de fer », qui maintient une grande discrétion sur sa vie privée, est divorcée après avoir été mariée deux fois. Elle est mère d’une fille, Paula, et grand-mère depuis début septembre.
« C’est le plus beau des cadeaux de Noël », a assuré la ministre sud africaine des Affaires étrangères. Pour Maite Nkoana-Mashabane, en rejoignant les BRIC, l’Afrique du Sud va pouvoir renforcer son influence. Pourtant, la première économie du continent reste un petit poucet par rapport aux autres géants du groupe. Son Produit intérieur brut ne représente qu’un quart du PIB de l’Inde. Avec 49 millions d’habitants, son poids démographique est aussi largement inférieur face aux 191 millions de Brésiliens ou au milliard 360 millions de Chinois. Et les prévisions de croissance du gouvernement atteignent les 3% cette année, un niveau bien plus faible que les autres pays émergents du groupe. Mais la nation arc-en-ciel devrait surtout servir de port d’entrée aux membres des BRIC pour consolider leur présence sur l’ensemble du continent. Ils accéderont plus facilement aux consommateurs de la région, ils sont environ un milliard en Afrique subsaharienne. La Chine, l’Inde, la Russie ou le Brésil pourront aussi mieux exploiter les nombreuses ressources minières africaines.
Essai. Frédéric Martel entreprend une enquête fouillée sur la culture de masse à travers le monde.
Dans Mainstream, Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde, le chercheur et journaliste Frédéric Martel, a mené une enquête sur la culture grand public dans trente pays. L’auteur analyse le jeu des acteurs, les logiques des groupes et suit la circulation des contenus sur cinq continents.
Un ouvrage riche en information pour aborder le fonctionnement et les enjeux de la culture de masse à travers le monde. Dans ce nouveau schéma du capitalisme culturel, les médias, Internet et la culture sont étroitement mêlés. On apprend beaucoup sur le modèle de production de contenu qui reste l’apanage des Etats-Unis. Avec 50% des exportations mondiales de contenu de bien ou de service culturel et d’information, le géant américain domine le secteur sans avoir vraiment de concurrence. Mais tout en usant de barrières protectionnistes efficaces sur leur marché intérieur, les Chinois se sont mis aux travail et leur fusée culturelle décolle. L’Inde, l’Indonésie, L’Arabie Saoudite sont dans la course. On assiste aussi à une montée significative des pays émergents comme le Brésil qui mise sur Internet et le potentiel de la jeunesse de sa population. L’Europe apparaît bien fragile. L’auteur évoque une juxtaposition de cultures nationales fécondes qui peinent à s’exporter.
Frédéric Martel s’oppose à la lecture néo-marxiste qui considère que l’important pour analyser l’industrie créative est de savoir qui détient le capital et qui est le propriétaire des moyens de production avec le présupposé que celui qui les possède les contrôle. La nature de ses recherches démontre que l’articulation entre créateurs, intermédiaires, producteurs et diffuseurs s’inscrit désormais dans une organisation interdépendante plus complexe. Reste que la nouvelle grille de lecture prônée par l’auteur ne propose rien d’autre qu’une adaptation à la financiarisation de l’économie. L’ensemble du livre repose sur une structure qui répond à « une guerre mondiale des contenus », une forme de pendant à la vision géopolitique du Choc des civilisations. On garde espoir qu’il existe d’autre manière de concevoir la modernité que sous l’angle de l’uniformisation culturelle.
Jean-Marie Dinh
Mainstream, éditions Flammarion, 455p, 22,5 euros
Invité des rencontres Sauramps, Frédéric Martel a présenté son dernier livre à l’Université Montpellier 3.
Bernardo Carvalho est né à Rio de Janeiro en 1960. Ses récits reflètent son goût du voyage et sa grande inventivité. Traduit en dix langues, il a reçu de prestigieux prix littéraires au Brésil. Il est en lice pour le prix Femina étranger. Également journaliste, Carvalho vit actuellement à Sao Paulo. Il était jeudi à la librairie Le Grain des Mots pour présenter son roman ‘Ta mère? qui nous conduit à St Petersbourg en pleine guerre de Tchétchénie. Rencontre.
Votre livre part d’une commande, tout en demeurant une fiction littéraire où l’on ressent une totale liberté d’expression. Comment avez-vous intégré les contraintes de départ ?
J’ai été contacté par un producteur de cinéma brésilien qui a demandé à une trentaine d’écrivains de se rendre un mois dans une grande ville du monde pour écrire une histoire d’amour. Il m’a proposé Saint Petersbourg, j’ai accepté. Ce n’est pas la première fois que je travaille à partir d’une commande. Ce fonctionnement me convient. J’aime bien avoir des points de repères, cela m’évite de lutter avec moi-même pour créer le contexte d’origine. Jusqu’ici je suis toujours parvenu à m’orienter vers la littérature que j’ai envie de faire.
Comment la définiriez-vous ?
J’ai le sentiment qu’aujourd’hui beaucoup de romans se rapportent à l’expérience personnelle des écrivains. Moi quand j’écris, je préfère explorer des dimensions qui me sont inconnues. Je restitue de manière totalement subjective. Il m’arrive de me plonger dans le désespoir et l’insécurité. Quand je suis arrivé à Saint-Pétersbourg, les gens qui devaient m’accompagner étaient en vacances. Je me suis donc retrouvé seul, sans parler la langue, dans cette ville que je connaissais pas. Le troisième jour, je me suis fait agresser dans un tunnel. J’ai eu la peur de ma vie et suis resté tétanisé le reste de mon séjour. Je crois que cela a plutôt bénéficié au livre.
L’histoire d’amour dans laquelle vous nous entraînez est intimement associée au risque de la guerre ou à celui de se faire prendre par les autorités…
Oui le jeune conscrit Andreï et le Tchétchène Rouslan sont des êtres fragiles et vulnérables qui ne peuvent pas être visibles. Leur histoire se déroule dans une ville où l’on ne peut pas se cacher, une ville conçue pour que rien n’échappe à l’autorité en place.
Cette ville littéraire s’il en est, a-t-elle influé sur votre inspiration ?
Je voulais éviter cette influence artistique, faire en sorte que mes personnages n’aient pas de rapport avec la littérature. Je me suis rendu compte que c’était impossible. En dépit de ma volonté, mes personnages font quelques citations. J’avais l’idée d’écrire une histoire d’amour entre deux garçons dans le Saint-Pétersbourg contemporain. J’ai lu beaucoup de livres écrits par des journalistes. C’est ainsi que les mères qui veulent sauver leurs fils de la guerre sont entrées dans mon histoire. J’ai été frappé par leur détermination.
Le roman emprunte à une réalité historique très dure, liée à la guerre et à la quête d’identité nationale. Vous abordez aussi la question de la corruption, peut-on y voir un parallèle avec le Brésil ?
La corruption existe au Brésil, mais ce n’est pas la même chose. Ce qui m’a frappé en Russie c’est le pragmatisme et l’individualisme. Il n’y a pas d’innocence, pas d’espoir. Tout le monde a un rapport avec le crime et la prostitution. On ne connaît pas de demain. Du coup on vit dans l’immédiateté. On souffre aussi au Brésil mais on vit dans l’espoir. La corruption existe mais elle n’est pas institutionnalisée comme en Russie où le crime est dans l’Etat.
Quel regard portez-vous sur les élections au Brésil ?
La campagne n’a pas passionné les foules. Idéologiquement, la logique voudrait que le PT de Lula et le parti social-démocrate conduit par José Serra s’associent, or ce sont les deux partis qui s’affrontent. Ce qui conduit à des alliances contre nature. Avec un sens politique incroyable Lula a réussi à faire émerger la classe moyenne brésilienne. Il est très populaire pour ça. Les gens veulent que les programmes sociaux se poursuivent. Tous les médias sont dans les mains de l’élite minoritaire mais cela ne changera rien, car le peuple à compris et va élire Dilma.