Vauvert. Festival contre les discriminations : L’échange comme une haie brise-vent

mandela

Le 3ème édition du Printemps de Vauvert est dédiée à Nelson Mandela. Photo dr

Société. Troisième Printemps de l’éducation contre les discriminations et le racisme à Vauvert et dans la petite Camargue .

En décembre 2013 Gilbert Collard le député  FN  de  la  2 ème circonscription  du  Gard  assiste aux  obsèques  du  général  Aussaresses propriétaire à Vauvert et chef du   sinistre escadron de la mort  en  Algérie. Une vieille connaissance, puisque l’avocat l’avait défendu en 2004 quand Aussaresses fut condamné pour apologie de la  torture. A  son  enterrement,  Collard  rend hommage à son camarade : « Il a accepté de faire le sale boulot  et c’est beaucoup plus honorable que de se défausser, je trouve ça  courageux… » André Génot initiateur du Printemps de l’éducation contre les discriminations et le racisme à Vauvert lui répond en lui rappelant qu’il y eu en Algérie des hommes courageux qui se sont opposés à la torture sous toutes les formes parce qu’ils aimaient leur pays.

Trois mois plus tard, au lendemain du second tour des élections municipales le même Génot débute la présentation du 3ème Printemps en ces termes : « Nous constatons ce beau temps qui règne sur Vauvert. Le ciel s’était assombri et nous craignions qu’un vent de tempête ne s’abatte sur les associations réunies ici aujourd’hui. Le ciel s’est dégagé mais il reste beaucoup de travail à faire.» Jean Denat (DVG) venait de perforer,  avec 41,48% des voix, la lourde chape qui embrume les esprits en empêchant le candidat Meizonnet (35,35%) d’afficher Vauvert au tableau de chasse frontiste.

A quelques battements d’ailes Eddy Valladier (UMP-UDI) devenait le nouveau maire de Saint-Gilles en barrant le passage à Gilbert Collard à 194 voix près. Dans le Gard, seule Baucaire est entrée dans l’ère grise avec l’élection du frontiste Julien Sanchez. Comme le dit André Génot : « Le combat n’est pas terminé, loin s’en faut

Pour le collectif d’association du 3ème Printemps de l’éducation contre le racisme et les discriminations, ce combat n’est pas politicien. C’est un projet citoyen qui se reconnaît dans la pensée du journaliste ex-rédac’chef du Monde, Claude Julien : « En tout premier lieu, il nous appartient de provoquer la réflexion, de stimuler l’esprit critique, d’inspirer des attitudes d’ouverture qui permettent d’aller à la rencontre de l’autre. ». Un projet qui tente de se mettre en œuvre à l’échelle de la petite Camargue, un territoire où les paradoxes soufflent parfois comme le mistral.

Interactions territoriale

Pour cette troisième édition qui se poursuit jusqu’au dernier week-end d’avril, le festival étend sa programmation aux communes voisines d’Aimargues, St-Laurent, et Lunel, et bénéficie d’une partie de la dotation parlementaire du député Christophe Cavard. L’ Education nationale,  l’Académie et le Conseil général du Gard sont partie prenante, ainsi que plusieurs communes, ce qui permet au Printemps de l’éducation de faire vivre les valeurs de l’éducation populaire, en déclinant son offre pédagogique des écoles communales à l’université nîmoise.

L’année dernière, le préfet s’était déplacé pour apporter le soutien de l’État. « Les rencontres mobilisent un réseau associatif représentatif, certains services de l’État entérinent notre vision en s’impliquant dans une démarche qui vise à favoriser le dialogue, explique Eric Krzywda le directeur de l’Espace social vauverdois, mais on ne parvient pas à toucher tout le monde.» La ségrégation s’ancre dans les dialectiques de l’intérieur et de l’extérieur, celle du privé et du public, du pur et de l’impur, de l’intégration et de l’exclusion.

Sur un territoire historiquement ouvert, disposant d’une culture forte, comme la petite Camargue, la crise et le manque de réflexion en terme d’aménagement du territoire ont laissé s’opérer une division sociale qui impacte le champ des valeurs traditionnelles en éloignant et en isolant les populations. Des modèles simplistes se sont imposés, des lignes de démarcations érigées.

La lutte menée par le Printemps de Vauvert contre le racisme qui peut aussi s’exprimer entre voisins de même appartenance culturelle, passe par l’éducation. « En sensibilisant la jeunesse nous concernons leur parents », indique Eric Krzywda. Il passera également par les livres avec l’implication résolue de la librairie Vauverroise La fontaine aux livres et l’association 1Différences qui reconduisent le festival du livre contre les discriminations.

Jean-Marie Dinh Renseignements www.fives.asso.fr

  Dans le contexte La Marseillaise partenaire de toutes les cultures

Vu de loin, la petite Camargue peut être perçue comme un point noir. Une terre de liberté passée dans le camp réactionnaire. La fédération d’acteurs que nous avons rencontrée autour du 3ème Printemps de l’éducation contre les discriminations et le racisme nuance ce regard. Issus du milieu associatif, de services publics ou du secteur privé, tous défendent l’ouverture d’esprit et la diversité. Tous se sont engagés, et agissent concrètement dans leur discipline, autrement dit combattent en s’appuyant sur l’évolution des esprits et des représentations que développe l’éducation. Nous avions largement relayé l’an passé le festival in/différences initié par les éditions au Diable Vauvert et la librairie La fontaine. Nous l’accompagnons cette année en tant que partenaire média. Il est temps que la presse prenne sa part pour sortir de la névrose nationale et donner du sens…  Qu’elle contribue à sortir d’un temps aveugle qui éblouit. Le thème de cette année : Révolution sexuelle !

Ayerdhal. L’auteur de Rainbow Warriors  invité du festival à Vauvert

La SF, puissant outil pédagogique

 Rainbow-Warrior-Ayerdhal Ayerdhal est né à Lyon dans le quartier de la Croix-Rousse. Il commence par écrire de la science-fiction (SF) avant de se lancer dans le thriller.  Auteur d’une vingtaine de romans, il a entre autres obtenu deux grands prix de l’Imaginaire, deux prix Ozone, et le prix Cyrano pour l’ensemble de son œuvre. Ayerdhal considère la science-fiction comme un puissant outil pédagogique, un véhicule idéologique non négligeable et la plus riche expression de l’imagination créatrice…

Il sera à Vauvert pour en débattre les 11 et 12 avril prochains. Si vous n’êtes pas déjà fans, on vous conseille Rainbow warriors (éditions Au diable Vauvert, 2013). Un thriller dédié à celles et ceux qui, sous prétexte de leurs préférences sexuelles ou de leur genre, sont privés du droit premier de la déclaration des droits de l’homme.

Rainbow warriors a tout d’un bon livre de guerre, avec l’originalité et l’humour en plus. Un général à la retraite se voit proposer de diriger une armée privée pour intervenir militairement, dans un pays d’Afrique, le Mambési. La mission non officielle consiste à renverser la dictature en place, pour y instaurer la démocratie.

L’armée privée qui intervient doit être nombreuse et motivée : cette dictature étant à l’origine d’une des politiques de répression les plus féroces envers les personnes ayant des orientations sexuelles différentes. L’opération Rainbow sera menée par des troupes composées essentiellement de lesbiennes, de gays, de bisexuels et de transgenres regroupées sous l’acronyme LGBT.

Zoom sur les acteurs du festival Marion mazauric Marion Mazauric Fondatrice des éditions du Diable

Pour cette seconde édition, Au diable Vauvert et la librairie La fontaine aux livres organisent, le festival 1Differences du livre pour la fraternité et contre les discriminations. Il s’agit d’apporter par le livre et les rencontres avec des auteurs, des réponses pour comprendre les victimes de discriminations, dans un esprit fraternel de partage, de découverte et d’ouverture à l’autre. Il s’agit aussi de soutenir l’action de la librairie en petite Camargue. Le livre crée du lien social, il favorise l’ouverture à l’autre. Car la diversité est l’essence même du livre, ce dont il se nourrit au quotidien, via tous ses acteurs. Décidé au printemps 2013, ce thème incarné par le mouvement LGBT, a confirmé depuis qu’il était d’une actualité incontournable. Le rapport Teychenné remis en juin 2013 au ministre de l’Éducation nationale a fait apparaître combien est nécessaire, dès l’école et la formation de l’identité sexuelle, un travail de pédagogie et de sensibilisation à l’homophobie et à la lutte contre les discriminations ordinaires liées à l’orientation sexuelle et l’identité des genres.

 Jérémy Patinier : Touche-à-tout sans choisir

P3 patinierJérémy Patinier est un journaliste et éditeur de 30 ans, originaire de Dunkerque mais Lillois d’adoption. Parce qu’il ne voulait pas attendre en vain qu’on s’intéresse à ses poèmes d’ado, il crée un atelier d’écriture en 2004, un festival littéraire sur les sexualités en 2005, puis une compagnie de théâtre contemporain fin 2005. Il rédige et met en scène « Mon corps avec un –e à la fin », écrit, joue et met aussi en scène le two-man-lecture-show-musical « Les Hommes aussi parlent d’amour ». Il en est de même pour « Parano », une pièce-chorale. Journaliste, danseur, auteur et comédien, « ne pas choisir » entre les disciplines, c’est un choix. Jérémy travaille pour un magazine féminin en ligne, et comme correspondant pour Tetu. Il préside la compagnie Des ailes sur un tracteur et crée les éditions du même nom en 2011 pour publier essais, BD, et ouvrages de référence sur les cultures LGBT.  Le créneau de Jérémy Patinier : traquer la poésie dans la bêtise et proposer une politique du divertissement. Il participera aux tables rondes et sera l’éditeur invité du stand SOS Homophobie.

Coralie Trinh Thi : Le sexe rebel et assumé

P4 Coralie trinhFille d’un hells angel qu’elle a très peu connu, élevée par sa mère, Coralie Trinh Thi grandit en banlieue parisienne. Elle a des origines vietnamiennes par sa grand-mère maternelle dont elle emprunte le nom de jeune fille. Elle se fait baptiser à l’âge de onze ans. Elle reparle de son rapport à la religion vu par les yeux d’enfant à travers l’héroïne de son premier roman Betty Monde (2002) qui sera suivi de La voie humide en 2007 tous deux publiés au Diable Vauvert. Adolescente, elle fréquente assidûment les soirée gothiques en arborant un style batcave (tendance punk chez les ghotiques). Actrice, elle a tourné sous le nom de Coralie une soixantaine de films pornographiques pour lesquels elle a notamment reçu l’Award de la meilleure actrice française de X, et le prestigieux Hot d’or. Coralie Trinh Thi est co-auteur avec Virginie Despentes du film Baise-moi, censuré en France. À la différence de Virginie Despentes, elle rejette le terme « féministe » et préfère se dire « antisexiste ». Auteur invité du festival, elle participera aux tables rondes.

Stéphanie Nicot Présidente de la fédé LGBT

OLYMPUS DIGITAL CAMERALicenciée en lettres modernes et en information-communication, Stéphanie Nicot – qui n’aime guère rappeler qu’elle est née en 1952 – a autrefois exercé divers petits métiers (ouvrière intérimaire, fonctionnaire au ministère des Finances, attachée parlementaire) avant d’enseigner les lettres et l’histoire en lycée professionnel puis de se consacrer à la littérature. Spécialiste incontestée des littératures de l’imaginaire, elle participe et anime, quand elle en a le temps, débats, conférences et formations, ce sera le cas à Vauvert. Critique littéraire, essayiste, formatrice, anthologiste, rédactrice en chef de la revue Galaxies de 1996 à 2007, Stéphanie Nicot compte parmi les meilleurs spécialistes des littératures de l’imaginaire. Elle assure depuis sa création, en 2002, à Épinal, la direction artistique du festival Imaginales, grand rendez-vous de tous les amateurs de fantasy. Transgenre, lesbienne, féministe, elle a fait sa  transition tardivement, en 1984-1985, et a découvert à cette occasion la violence de la transphobie d’État. Elle vient d’être élue  présidente de la fédération LGBT.

Concert : Deborah. Dégoûts, M. Marlène, Manuel

P6 d dégoûtsUn concert hot qui décoiffe pour clôturer le festival samedi soir en présence de Déborah Dégoûts, chanteuse de punk rock, une diva post-tout avec des textes qui chantent l’amour, le crime, la folie, la beauté des ports, sur une musique nerveuse et accrocheuse. En attendant la sortie de son premier opus, Déborah se donne sur scène en power trio pour que son public adoré puisse dévisser pendant les concerts. Sous ses airs nonchalants elle aborde des thèmes universels tels que la corruption avec son tube Je couche. Déborah Dégouts, égérie underground parisienne, se décide maintenant à quitter les ordres pour débarquer en Camargue. Dans un autre genre, on pourra voir aussi le groupe Merci Marlène, dont les chansons françaises sont teintées d’humour et de dandysme. Et on ne passe pas sur Manuel, accompagné de Géraldine Masson au piano, qui donne dans un répertoire cabaret expressionniste mêlant farce et mélancolie. Après s’être retourné les méninges, on ne résistera pas à faire bouger les corps. Samedi 12 avril 21h à la Salle Bizet rue Louise Désir à Vauvert.

Source : La Marseillaise 11/04/2014

Voir aussi : Rubrique Actualité France, rubrique Festival, rubrique Livre, rubrique Edition, rubrique Société, Montpellier Gay Pride 2014 rubrique Politique, Politique locale, Société civile,

Dans le Gard la société civile s’engage contre la discrimination

Agir devant l'impuissance publique face à la montée du FN

Pour un vrai débat public et citoyen

Réfléchir sur les pannes qui se sont produites dans le processus d’intégration ou analyser la montée de l’extrême droite à l’échelle locale ne consiste pas à réduire ces problématiques qui se déploient à l’échelle nationale et européenne. Ce peut être au contraire une facon d’ouvrir le débat au plus près du quotidien. Les thèmes de l’exclusion et des discriminations émergent toujours difficilement dans le débat public hexagonal. « Localement, la moitié de la population est raciste, certains maires refusent d’aborder la question pour ne pas fâcher les gens », confie M. Mazauric.

A l’aune de ce témoignage, on mesure la nécessité de voir émerger des mouvements organisés et massifs. Avec le soutien de partis en manque de symbole, le monde associatif s’est depuis longtemps engagé dans ce combat mais de Fadela Amara à Harlem Désir, les premiers concernés ont plus pensé à servir leurs ambitions qu’à s’investir dans une action collective. La marche pour l’égalité de 1983 et « Convergence 84 » avaient ébauché une avancée qui fut minée par la récupération politique et les déceptions consécutives.

Par l’effet d’une méfiance compréhensible, les intéressés on finit par s’isoler dans des revendications communautaires. Il est plus que temps de dépasser le lourd contentieux colonial pour s’inscrire dans la réalité de la diversité. L’effet de loupe porté sur la situation du Gard permet de voir que le racisme s’exerce aussi en direction de l’étranger qui vient s’installer dans la région quelles que soit ses origines. « La peur du FN reste un des principaux ressorts du vote utile », souligne l’historien Alexis Corbière, une raison citoyenne de plus d’évaluer et d’agir en connaissance de cause…

JMDH

Société. Le Gard est le seul département à avoir placé le FN (25,51%) en tête au premier tour de la présidentielle en 2012. La société civile s’engage pour un retour à la fraternité soutenu par le CG 30.

Marion Mazauric créatrice des Editions Au diable Vauvert

Marion Mazauric créatrice des Editions Au diable Vauvert

Premier festival du livre contre la discrimination

La semaine nationale contre le racisme et les discriminations prend du sens ce week-end à Vauvert avec la première édition du Festival in/différences initiée par les éditions Au Diable Vauvert et la librairie La Fontaine aux livres. « Nous inaugurons le premier salon du livre en France contre la discrimination, indique Marion Mazauric fondatrice des éditions du Diable. Nous le reconduirons chaque année à l’occasion de la semaine contre le racisme en mettant à l’honneur une pratique, une culture ou une population ostracisée. Le thème de cette année c’est le racisme, ce pourrait être les homosexuels ou la tauromachie...» Au cœur de la 2e circonscription du Gard représentée à l’Assemblée par Gilbert Collard, cette initiative s’accompagne de la parution d’un petit livre* qui fait le point sur les raisons locales de la montée du FN. L’ouvrage réunit historiens, sociologues, géographes ou spécialistes de l’extrême droite pour se pencher sur le cas du Gard.

L’historien Raymond Huard rappelle que les mouvements d’extrême droite prospèrent toujours sur un terreau particulier. Des débordements xénophobes d’Aigues-Mortes à l’encontre des ouvriers italiens à la fin du XIXe aux différents succès électoraux du FN dans le Gard à partir des Européennes de 1984 en passant par le mouvement poujadiste qui perce dans les années 50 auprès des rapatriés d’Algérie, le FN a trouvé les moyens de s’ancrer dans le département. Il a en outre bénéficié de l’attitude de deux présidents de région successifs. Jacques Blanc s’alliera directement avec le FN tandis que Frêche s’en est accommodé par calcul politicien.

La géographe Catherine Bernié- Boissard fait le lien entre le rapport des habitants à la ville et leur comportement électoral. Rattachant la récente progression du FN à un ensemble de facteurs : crise économique, délitement des services publics, ruptures des liens sociaux, crise culturelle. Ici comme ailleurs, la ruralité a reculé au profit du péri-urbain. « On ne gère plus le collectif, confirme Marion Mazauric qui vit sur place. On construit des villes entières sans place pour se rencontrer. Le défi du développement démographique suppose un effort mutuel. Les gens qui arrivent doivent respecter la culture et les autres doivent pendre conscience qu’ici les sangs se sont mêlés depuis les Wisigoths ». Au-delà du festival, plus de 75 associations sont mobilisées pour remettre l’intelligence au service de l’humain. Ils ont trouvé une réponse institutionnelle avec le Préfet du Gard Hugues Bousiges qui lance la semaine de la fraternité du 21 au 28 mars. Un réveil ?

Jean-Marie Dinh

Vote FN : pourquoi ? Ed Au Diable Vauvert 128 p 5 euros.

Source : La Marseillaise 16/03/2013

Voir aussi : Rubrique Livre, Essais, Le massacre des Italiens rubrique Edition, rubrique Festival, rubrique Histoire, rubrique Société, citoyenneté, rubrique Politique, Politique de l’immigration, rubrique Débat,