Entretien avec Laurent Mauduit autour de son livre « Main basse sur l’Information »

 Laurent Mauduit a été chef du service économique de Libération puis directeur adjoint de la rédaction du Monde. Cofondateur de Mediapart,

Laurent Mauduit a été chef du service économique de Libération puis directeur adjoint de la rédaction du Monde. Cofondateur de Mediapart,

Entretien
Laurent Mauduit  est un écrivain et journaliste d’investigation spécialisé dans les affaires économiques, et la politique économique et sociale. Il travaille pour le journal en ligne Mediapart dont il est l’un des cofondateurs. Il évoque son dernier livre Main basse sur l’information (éditions DonQuichotte).

Ce livre, est le premier que vous consacrez à la presse, est-ce lié à un fait déclencheur particulier, ou vouliez-vous aborder plus généralement le lien entre le sort de la presse et celui de la démocratie ?
J’ai écrit périodiquement sur différents acteurs de la presse, comme Bolloré , Niel ou Drahi  pour Mediapart.  Comme beaucoup de journalistes qui ont traversé le milieu de la presse parisienne, j’avais aussi beaucoup de choses en mémoire. Nous assistons à une normalisation économique et éditoriale sans précédent liée à la mainmise des puissances d’argent sur la presse. On constate depuis quatre cinq ans une accélération conséquente du naufrage. J’ai gardé la conviction d’un journaliste, selon laquelle l’histoire fondatrice de la presse est intimement liée à l’histoire de la démocratie. Il y a eu, à la Libération, une refonte de la démocratie et de la presse initiée par le CNR.  Les dirigeants du Conseil national de la Résistance souhaitaient une presse indépendante pour barrer la reprise en main des collabos et pour en finir avec la presse affairiste de l’entre-deux-guerres notamment du patronat, c’est à dire du Comité des forges.

Aujourd’hui ces mêmes « puissances d’argent » ont repris la main. A la veille des élections présidentielle et législatives, j’ai pensé qu’il était important d’alerter les citoyens. Ce livre a une fonction d’alerte. On a tous intérêt à défendre une presse libre et démocratique.

A quoi tient cette accélération ?
Si l’on se réfère à l’époque de la fondation du Monde par Hubert Beuve-Méry, ce que l’on a vécu dans les deux dernières décennies, est une succession d’abandons et une régression démocratique. Depuis cinq ans  nous sommes témoins d’un véritable séisme correspondant à l’abandon définitif des principes du CNR.

Aux commandes de l’empire Vivendi, Vincent Bolloré vient de mettre au pas Canal + sans le moindre souci de l’indépendance éditoriale des équipes. Après avoir spéculé sur les fréquences publiques de la TNT, il instaure le népotisme comme mode de gouvernance avec des conséquences sociales accablantes. Canal + qui joue un rôle majeur dans le financement du cinéma intègre le géant de la communication Vivendi et du divertissement avec Havas, auquel s’ajoutent l’institut de sondage CSA et le site Daylymotion.

La boulimie de Drahi, symbole des excès de la finance folle, est tout aussi préoccupante. Le financier possède Libé,  le groupe l’Express et 49% de NextRadioTV (BFM-TvV, BFM-Business, RMC) et il applique la même violence sociale que chez SFR. Cela ne s’arrête pas à ces deux exemples, toute la presse ou presque connaît le même sort.

Vous avez vous-même goûté à cette violence sociale au Monde ?
Le Monde a été mon journal pendant treize ans. Ce quotidien était la propriété des journalistes. Il a vécu une normalisation économique avec l’entrée du groupe Lagardère en 2005 puis une normalisation éditoriale, avec la remise en cause de la place de l’investigation et la promotion de la pensée unique néolibérale.

A l’époque, Alain Minc, le président du conseil de surveillance, poussait à la roue pour que Lagardère entre au capital. Je suis un des seuls à avoir voté contre. Je me trouvais en position minoritaire  ce qui fait partie du jeu que j’acceptais. J’ai néanmoins poursuivi mon travail de journaliste d’investigation. Mon départ fin  2006,  fait suite à la censure dont j’ai fait l’objet.

En 2010, l’arrivée du trio Bergé, Niel, Pigasse qui s’octroient 60% du capital du Monde marque la fin de l’indépendance de la rédaction. Dans la bataille pour la prise de contrôle, vous relatez le rôle trouble d’un certain Macron ?
En effet le trio ne parvient à ses fins qu’au terme d’une violente confrontation avec le groupe de  Claude Perdiel qui avait les faveurs d’Alain Minc et de son mentor Nicolas Sarkozy. Macron, à l’époque associé gérant de la banque Rothschild, est venu voir la bouche en coeur la société des rédacteurs en proposant ses services pour les conseillers en tant que citoyen bénévole. J’apporte la preuve dans mon livre qu’il travaillait pour le camp adverse.

Concernant la politique menée en direction de la presse faites-vous une distinction entre les années Sarkozy et Hollande ?
Je vois une petite différence, à mon sens assez minime. Sarko entre dans la famille du bonapartisme. Il  incarne le monarque républicain auprès duquel vont se presser les obligés du Palais que symbolise  le dîner au Fouquet’s.

Cela est moins vrai sous Hollande mais ce qui se passe n’est pas moins grave. Non seulement les règles anti-concentration n’ont pas été renforcées mais la loi n’a pas été respectée notamment quand Drahi a absorbé BFMTV et RMC en dépit de la loi relative à la liberté de communication. De même, peut on s’étonner de la nomination de Guillaume Zeller,  petit-fils d’un général félon de la guerre d’Algérie adoubé par  l’extrême droite catholique, à la direction de l’information du groupe Canal + qui bénéficie d’une fréquence attribuée par le CSA. Hollande n’a rien fait pour empêcher le séisme. Il n’a pas engagé les grandes réformes nécessaires.

A l’AFP comme à Radio France ou à France Télévisions le service public semble attaqué de toutes parts…
On aurait pu espérer que la presse publique conserve une certaine déontologie mais le présidentialisme qui convoque les journalistes au palais entraîne la presse publique dans une spirale de dépendance. Par ailleurs, le règne des doctrinaires libéraux sévit partout dans l’espace public. L’économie est une science sociale dont la richesse dépend de la pluralité des échanges. Il est dommageable pour la démocratie que le service public ne s’ouvre pas à ce type de débat.

La question de la concentration des médias se pose aussi en région avec des implications en termes politique, économique et démocratique…
On assiste en région à un phénomène de concentration inquiétant. A l’Est, le Crédit Mutuel dispose d’un monopole sur un quart du territoire. C’est un rouleau compresseur qui a absorbé des journaux concurrents en supprimant  des centaines d’emplois. Après avoir été condamné à rembourser 404 M d’euros Tapie est toujours à la tête de La Provence. La Dépêche et Midi Libre sont entre les mains d’un ministre en exercice. Ce qui est tout à fait choquant. La richesse de la presse, c’est la richesse de son pluralisme.

Quelles pistes préconisez-vous pour sortir de ce marasme quasi général ?
Quand à la fin du XIXe apparaît l’électricité, la France connaît une révolution technologique et industrielle qui se traduit par l’irruption de l’imprimerie et des rotatives. Cela donne lieu à la loi sur la presse de 1881. Ce que nous connaissons avec la révolution numérique relève de la même logique. Internet bouleverse beaucoup de choses. Pour les citoyens c’est un outil de transparence publique.

Il est temps de refonder totalement cette loi sur la presse afin de garantir le droit de savoir des citoyens à l’heure du numérique. La politique publique taillée pour favoriser les puissances de l’argent sape le pluralisme de la presse et menace le droit d’être informé librement des citoyens. La puissance publique pourrait envisager de créer des sociétés citoyennes de presse en inventant un statut qui les préserve de tout type de rachat.

 Recueilli par Jean-Marie Dinh

Source : La Marseillaise 08/10/2016

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Cinemed 2016 miroir d’un monde qui mute

17793JohnFromL’équipe du  Cinemed évoque ses intentions et dévoile les grands axes programmatiques  de la  38ème édition qui se tiendra du 21 au 29 octobre.

La nouvelle gouvernance du Festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier (Cinemed) entend affirmer le lien solide que la manifestation a su tisser dans le temps avec les acteurs du cinéma en Méditerranée. Elle souhaite dresser, conformément au voeu du maire de Montpellier Philippe Saurel,  l’étendard du 7e art au sein de la politique culturelle de la ville et de la Métropole qui contribuent à 67% de son budget. Une logique pas seulement budgétaire mais aussi culturelle, puisque la Ville a délibérément inscrit les axes de son développement au sein de l’espace méditerranéen.

Le nouveau directeur du festival Christophe Leparc qui assurait l’intérim depuis le départ de Jean-François Bourgeot a été confirmé dans cette fonction au début de l’année. Professionnel reconnu, il est aussi secrétaire général de la Quinzaine des réalisateurs et occupait au Cinemed le poste de délégué artistique.

« C’est une édition éclectique avec 22 pays méditerranéens représentés. Nous conservons les pierres angulaires avec un fort désir de rencontres pour associer tous les acteurs du cinéma en région , dans la ville et au sein de la Métropole. Le choix éditorial est de présenter la crème de la crème. Depuis l’édition précédente nous avons réduit le nombre de films afin de mieux les exposer. Le fil rouge de cette édition est sans doute à chercher du côté des jeunes réalisateurs de l’autre rive où l’on constate un renouveau, notamment en Tunisie et en Algérie. »

La nouvelle présidente Aurélie Filippetti souligne pour sa part l’effort de la collectivité en faveur de la culture et met l’accent sur la condition des femmes dans le bassin méditerranéen?: « Le talent féminin, symbolisé par la présidente du jury Laetita Casta, une actrice qui est passée de l’autre côté de la caméra et nous parlera de son premier film En moi présenté à Cannes. Mais aussi le combat et le courage des femmes, comme celui de l’actrice marocaine Loubna Abidar, qui sera aussi à Montpellier. »

Cette 38e édition rendra hommage à la grande actrice, scénariste et réalisatrice Ronit Elkabetz disparue en avril dernier. Un grand visage du cinéma israélien accueillie à plusieurs reprises au Cinemed. Henri Talvat président d’honneur et cofondateur du festival voit ce nouveau départ « comme une seconde vie du festival », que nous souhaitons longue !

JMDH

Source La Marseillaise 06/10/2016

Découvrir les autres rives avec le Cinemed

Festival

Tour de France de Rachid Djaïdani

Tour de France de Rachid Djaïdani «?destin commun pour deux personnes que tout semblait opposer?». Photo dr

Le meilleur du  cinéma méditerranéen à Montpellier du 21 au 29 octobre.

La tenue de soirée n’est pas de rigueur mais les étoiles montantes et inconnues du cinéma sont au rendez-vous pour la 38ème édition du Cinemed qui débute aujourd’hui à Montpellier. Pas de thématique pour le Festival International du cinéma méditerranéen qui donne à voir chaque année le meilleur de la production du moment en provenance de toutes les rives de la Méditerranée. Long, court, documentaire, film d’animation… Tous les genres y trouvent une place, parfois la seule sur les écrans d’Europe. Ce pourquoi, le public cinéphile et amateur, marque ce rendez-vous d’automne d’une pierre blanche, couleur symbolique de la paix, pour une région du monde qui en a bien besoin. Le nouveau directeur du festival Christophe Leparc,  évoque une édition où la nouvelle génération des réalisateurs tente de dessiner des perspectives d’avenir dans un espace en mutation. Avec vingt-deux pays méditerranéens représentés, la palette est large. Un coup de projecteur sera porté sur le cinéma tunisien. Comme de coutume, le Cinemed permet de réviser les classiques, à travers les rétrospective comme celle rendue à Mauro Bolognini, les hommages, (Ettore Scola et Ronit Elkabetz) et les Trésors de la Cinémathèque française. On attend aussi beaucoup d’avant-premières, à commencer par le dernier film  de Rachid Djaïdani , Tour de France, qu’il présentera avec son équipe, lors de la soirée d’ouverture. Le film met en présence Far’Hook, un jeune rappeur de 20 ans obligé de quitter Paris et Serge, un peintre s’engageant dans le tour des ports de France, sur les traces du peintre Joseph Vernet. Malgré le choc des générations et des cultures, une amitié improbable va se nouer entre ce rappeur plein de promesses et ce maçon du Nord de la France au cours d’un périple qui les mènera à Marseille pour un concert final, celui de la réconciliation.

JMDH

 Laetitia Casta.  Elle préside le jury qui décernera le  38e Antigone d’Or

Laetitia-Casta-au-photocall-au-diner-du-Global-Gift-Gala-la-fondation-d-Eva-Longoria-a-Paris-le-25-mai-2015_exact1024x768_pLa comédienne et réalisatrice Laetitia Casta a répondu avec enthousiasme à l’invitation du Cinemed de présider le jury de la compétition longs métrages. Entourée de son jury, elle décernera l’Antigone d’Or le samedi 29 octobre lors de la cérémonie de palmarès du 38e Cinemed à Montpellier. Elle poursuit une brillante carrière de comédienne. Elle joue notamment dans Une histoire d’amour, Sous les jupes des filles (Audrey Dana) et dans Des apaches de Nassim Amaouche. Laetitia Casta est passée de l’autre côté de la caméra cette année en réalisant le court métrage En moi. Son film, présenté au dernier Festival de Cannes à la Semaine de la critique, sera projeté lors de la clôture de cette 38e édition du Cinemed.

Neuf films sont en lice cette année pour l’Antigone d’Or. L’Étoile d’Alger de  Rachid Benhadj (Algérie), Vivre et autres fictions de Jo Sol (Espagne), Suntan de Argiris Papadimitropoulos (Grèce),  Tempête de sable de Elite Zexer (Israël), Personal Affairs de Maha Haj (Israël), Fiore de Claudio Giovannesi (Italie), Nightlife de Damjan Kozole (Slovénie/Macédoine/Bosnie Herzégovine), Demain dès l’aube de Lotfi Achour (Tunisie/France), Apprenti de Emre Konuk (Turquie).

Source : La Marseillaise 21/10/2016

Voir aussi : Actualité Locale, Rubrique Cinéma,Cinemed, rubrique Festival, rubrique Montpellier, rubrique Politique, Politique Culturelle, Politique locale,

Rodrigo Garcia s’explique sur son départ annoncé

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Rodrigo Garcia a été nommé en janvier 2014, par Aurélie Filippetti, à l’époque Ministre de la Culture. Un nomiation pour créer la rupture après le passage de Jean-Marie Besset. En arrivant, l’artiste argentin, a rebaptisé le CDN des Treize Ventes en hTh 6 Humain trop humain. Rodrigo Garcia ne briguera pas un nouveau mandat, pas assez d’argent, lieu excentré, il s’explique dans cette lettre .

 

PS : La dernière saison ne fait que commencer et elle mérite vraiment le détour…

 

Je m’empresse d’écrire quelques lignes pour expliquer les raisons que j’ai de ne pas renouveler mon contrat à la fin de mon mandat au CDN de Montpellier en janvier 2018.

De cette façon, j’espère au moins que la presse aura les éléments nécessaires pour traiter la nouvelle sans avoir besoin d’inventer quoi que ce soit, de supposer quoi que ce soit ni, enfin, de faillir involontairement à la vérité.

Je dois avant tout souligner que c’est le jour où mon contrat prendra fin que je ne le renouvellerai pas. C’est-à-dire que je remplis mon contrat. Que je tiens l’engagement que j’ai pris le 1er janvier 2014.

Pour commencer, une chose que je ne peux pas oublier : le projet hTh a été et demeure pour moi un privilège. J’ai pu mettre un rêve en marche, grâce à la collaboration et à l’investissement de toute l’équipe de ce théâtre ; et je serai éternellement reconnaissant à ceux qui au Ministère ont cru en mon projet, ainsi qu’aux institutions locales et, plus que tout, à chaque spectateur.

Lorsque j’ai signé mon contrat, je savais que je disposais d’un budget plus que limité pour développer ce projet. Certainement l’un des plus petits budgets de tous les CDN de France.

Même ainsi, je restais convaincu que je pourrais réaliser une grande partie de ce que je m’étais proposé de faire dans mon dossier de candidature. Ce à quoi je ne m’attendais pas ce fut de recevoir, un mois après être arrivé, c’est-à-dire au tout début de mon mandat, la nouvelle d’une coupe budgétaire de l’Agglomération de Montpellier de 100 000 euros. Des 450 000 euros dont je disposais plus ou moins pour les activités artistiques, il ne me restait plus que 350 000. C’était là le moment de démissionner, et je ne l’ai pas fait. Je ne le regrette pas. Mais quatre années à ramer à contre-courant sont plus que suffisantes, surtout lorsque que l’on ne reçoit aucun signe d’encouragement de ceux qui soutiennent économiquement ce théâtre.

Dans la mesure où le changement que mon projet supposait était radical, j’ai trouvé logique de rebaptiser ce théâtre, pour qu’il soit bien clair que nous commencions quelque chose de nouveau, de différent, et qui nous remplissait d’enthousiasme.

J’ai appelé le CDN « Humain trop humain », et j’ai encore en mémoire le ton, proche du cri, du représentant de l’Agglomération lors d’un comité de suivi, nous opposant un refus catégorique qui par la suite allait se concrétiser. Quoi qu’il en soit, j’ai réussi à rebaptiser le CDN Humain trop humain, même si le bâtiment lui-même n’a pas changé de nom. Ce qui a rendu les choses confuses pour le public, qui ne savait plus où il mettait les pieds.
Ce geste d’incompréhension de la part de l’ex-Agglomération, aujourd’hui Métropole de Montpellier, ne fut que le second (le premier étant les 100 000 euros) d’une longue liste.

Nous savons que ce CDN souffre de son emplacement. Il se trouve en périphérie de la ville, à un endroit où le tram n’arrive pas. Nous sommes tout de suite retournés frapper à la porte de l’Agglomération pour qu’elle nous aide en mettant à disposition des bus spéciaux. Encore une fois, ce fut un refus catégorique, ce qui nous a contraints à acheter un mini bus de 9 places qui chaque soir fait des allers –retours continus pour amener du public depuis la ville jusqu’au théâtre.

J’ai remarqué à mon arrivée que l’un des problèmes financiers du théâtre venait d’un atelier de construction de décors déficitaire que nous partagions avec l’Opéra de Montpellier. Voyant que celui-ci ne s’en souciait guère et que le CDN prenait tous les frais en charge au détriment des projets artistiques (c’est-à-dire qu’il restait encore moins d’argent pour la production et la programmation), j’ai mis le sujet sur le tapis à chaque comité de suivi. Pour toute réponse le silence, rien que le silence.

J’ai proposé à la Métropole de récupérer un très joli petit bâtiment du CDN inutilisé, tombant en ruines, pour en faire mon bureau. Des architectes sont venus et ont dessiné un projet fantastique qui à ce jour n’a toujours pas été réalisé. Trois années se sont écoulées et je continue, en tant que directeur, à recevoir les gens et à travailler dans une loge, que je dois quitter les rares fois où nous recevons une compagnie nombreuse.
Au niveau personnel, mes créations souffrent de cette situation, puisque je pouvais auparavant monter des pièces avec plus d’argent, alors que je dois à présent m’adapter à des budgets serrés.

Le pire, c’est l’impossibilité de faire venir de grandes compagnies avec des pièces majeures (qui sont des atouts pour le public) parce que nous n’avons pas assez d’argent.
Mon intention de fonder une compagnie permanente est restée en demi-teinte. D’abord parce que les moyens sont insuffisants pour la faire grandir, ensuite par impossibilité de collaborer avec l’ENSAD, du fait de sa volonté de se tenir à l’écart du CDN, malgré mon insistance.

Et puis enfin, le projet de transfert du CDN au Domaine d’O.
A l’heure actuelle, on ne nous a toujours pas dit dans quelles conditions cela se ferait, avec quels moyens économiques, quelles seraient nos compétences, ni ce qu’il adviendrait des salariés actuels du Domaine d’O… Tout est flou.

Devant ce panorama que je dresse sous vos yeux, vous semble-t-il abracadabrant que je décide de ne pas renouveler mon contrat pour trois ans de plus ? Qu’est-il advenu du dialogue, où sont passés les échanges d’idées et la collaboration avec les partenaires qui soutiennent ce lieu public ?

Pour finir je veux répéter trois fois le mot mensonge.
C’est un mensonge de dire que notre théâtre n’a pas de public. Ceux qui le disent sont ceux qui ne viennent pas, et qui pensent que parce qu’ils ne viennent pas, les autres habitants de Montpellier non plus.

C’est un mensonge de dire que le projet ne reflète pas la ville. Jetez un œil dans le hall du théâtre et vous verrez toutes sortes de gens, de tout âge et de tous milieux confondus.
C’est un mensonge de dire que dans mon cas un CDN est peut être une charge trop lourde parce que je suis un artiste. Au bout du compte, la raison de mon départ est celle-ci, que cette charge, moi je la souhaite plus lourde encore, parce que je me suis battu pour que ce CDN soit plus grand, dans tous les sens du terme, et je vois que mes efforts ont été vains. Dit autrement : j’ai plus de forces et d’enthousiasme que nécessaire pour ce travail.

Je quitterai ce CDN en décembre 2017 avec tristesse. Voir le public prendre plaisir aux pièces et en débattre, voir les participants aux laboratoires et aux workshops, prendre part à de si nombreuses activités et à une telle vitalité va me manquer.

Rodrigo García

07/11/2016

Voir aussi : Rubrique Théâtre, hTh 2017 Libre saison de bruit et de fureur, rubrique Politique, Politique culturelleDernière saison d’hiver au Domaine d’O ?, Politique Locale, rubrique Danse,  rubrique Montpellier, rubrique Rencontre, Rodrigo Garcia : «Vivre joyeusement dans un monde détestable»,

Actoral 16

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Festival international des arts et des écritures contemporaines
propose de découvrir chaque automne à Marseille,
à travers le travail d’une cinquantaine d’artistes, la
richesse et la diversité des écritures d’aujourd’hui.
La 16eme édition se déroule actuellement
à Marseille jusqu’au 15 octobre

Notre époque aime les frontières. Elle aime cloisonner, simplifier,
rétrécir. Elle aime ce qui est facile à définir, facile à nommer, facile à
ranger. Elle aime nommer les incompatibilités : si c’est noir ce n’est pas
blanc, si c’est dehors ce n’est pas dedans, si tu es toi tu n’es pas l’autre.
Comme si le réel ne pouvait être défini que par ses bords, par la surface
qui l’oppose à ce qu’il n’est pas.
Mais ce que notre époque préfère entre tout, c’est l’identité. Son petit
plaisir, celui qui la fait vibrer et saliver, c’est la division en groupes,
sous-groupes et sous-sous-groupes, jusqu’à obtenir quelque chose
d’unique et d’absolument seul. L’individu, indivisible car isolé du reste,
défini par une liste sans fin de critères identitaires. Tu es celui qui aime
les chats mais pas les chiens, celui qui est né ici et pas là bas, tu crois
en cela et le reste t’est infâme, tu es moral à ta manière, tes goûts te
portent à tel endroit et tout le reste tu n’aimes pas, ça ne t’intéresse pas
car tu es comme ça, c’est cela que tu es.
Etonnant comme on se laisse enfermer par des limites imaginaires. Car
les frontières sont des concepts théoriques, qui n’engagent que ceux qui
y croient. Et dans le domaine de l’art, justement,
Hubert Colas n’y a
jamais cru.
Pour la 16ème fois cette année, il nous prouve l’inadéquation
des limites que l’on pose parfois entre les pratiques plastiques et
scéniques, musicales et écrites. Alors pour moi, qui ai tendance à
confondre scène et atelier, ma gauche de ma droite, c’est un immense
honneur que d’être invité à parrainer le Festival actoral.
Cette année encore, nous nous acharnerons à piétiner les limites.
Marseille, cette vieille transformiste folle qui a passé les siècles à se
réinventer, invite notre époque à la grande partouze. Elle y goûtera
enfin au plaisir des mélanges, allongée sur le dos, offerte entièrement
à la curiosité. Elle verra le musée s’accoupler au théâtre, la techno à la
philo, la science-fiction à la tragédie grecque. Les teuffeurs se mêleront
aux chercheurs, aux islamistes gays, aux chiens et aux chats, sous l’œil
bienveillant d’un Hubert Colas sévère et exigeant, déguisé en panda.
Les frontières sont ouvertes, passez quand vous voulez.
Théo Mercier
Voir aussi : Rubrique Festival, La révolution par l’écriture, Théâtre,  rubrique Livre Littérature française, rubrique Danse,

Dernière saison d’hiver au Domaine d’O ?

Renaud Calvat et les directeurs artistiques dans l’incertitude.

Renaud Calvat et les directeurs artistiques dans l’incertitude.

La nouvelle saison d’hiver du Domaine d’O est lancée dans le marasme lié à l’affrontement entre le Conseil départemental et la Métropole  montpelliéraine sur la compétence culturelle.

Le public du Domaine d’O prend enfin connaissance de la programmation d’hiver. Comme les personnels dédiés au fonctionnement de l’Epic, il reste en revanche dans l’expectative quant à l’issue définitive du bras de fer opposant le président (PS) du Conseil départemental Kléber Mesquida à Philippe Saurel, président (divers gauche) de la Métropole. La compétence culturelle dont le Conseil départemental n’entendait pas se dessaisir faisait partie des quatre compétences réclamées par le maire de Montpellier.

Suite au désaccord persistant (un an de surenchères stériles), comme le veut la loi NOTRe, ce sont finalement huit compétences qui seront transférées à la Métropole en 2017. Le mode de transfert, notamment les subventions versées par le Conseil départemental aux festivals et aux différents protagonistes de la culture sur le territoire métropolitain, restent l’objet d’un âpre combat politique qui échappent aux principaux intéressés, acteurs culturels, publics et citoyens.

A l’occasion du lever de rideau tardif sur la saison d’hiver, le vice-président délégué à la Culture Renaud Calvat a rendu public la position de la Chambre régionale des comptes et du préfet de Région délivrée aux intéressés le 15 septembre : « S’il devait y avoir un transfert,  le décret ne serait pas signé avant le 1er janvier 2018 »,  à indiqué le délégué à la Culture. En clair, les arbitres donnent le temps aux belligérants d’accorder leurs violons et la saison culturelle du Domaine d’O, qui comprend notamment un théâtre de 600 places, un amphithéâtre de plein air de 1 800 places et accueille pas moins de sept festivals dont le Printemps des comédiens, qui attire à lui seul plus de 40 000 spectateurs, aura finalement lieu. Ce temps supplémentaire offre-t-il de nouvelles perspectives pour sortir de cette absurde impasse ?

Le temps presse de trouver une issue à ce conflit. Hors Métropole, d’autres structures sont impactées comme sortieOuest à Béziers, qui n’a toujours pas présenté sa saison. Les dernières hypothèses échafaudées par le Département passeraient par un élargissement de l’actuel Epic à d’autres structures implantées sur le territoire régional.

Cette voie de contournement devra d’abord trouver une validité juridique. Concernant le Domaine d’O, le Département serait prêt à ne conserver que la programmation d’été, ce qui signifierait peut-être la fin de la saison d’hiver et du festival dédié à l’enfance Saperlipopette… Côté Métropole, Philippe Saurel se fait discret. Il lui sera pourtant difficile d’assumer seul  le coût d’un divorce avec le Conseil départemental sans rogner sur la qualité des services et de l’offre culturelle libre et qualitative qui s’est construite en plusieurs décennies…

Au  programme
C’est David Ayala qui a ouvert cette semaine la saison avec Le Vent se lève, pièce pleine d’ébullition qui a trouvé matière à résonner avec le contexte en présence. En octobre, la Cie de la Raffinerie prendra le relais avec Pleine, de Marion Pellissier, qui pourrait être une  genèse des relations humaines.

Le Domaine d’O inaugure une saison consacrée à la chanson en mettant l’accent sur les textes, la variété de style et l’équilibre entre chanteurs connus et émergents.  Six concerts au programme dont Michel Jonas, Alexis HK, Michel Arbatz, et Miossec. Durant les vacances Saperlipopette ouvre les portes à la magie du mime avec 24:42 par la compagnie montpelliéraine Blabla production et le spectacle suédois Marmelade. Comme le veut la tradition du Domaine, le cirque sera de la partie avec les stagiaires professionnels de  Balthazar, le spectacle Noos, un duo inspiré de portés acrobatiques ou encore la Cie toulousaine BettiCombo.

On pourra aussi entendre  un récital du pianiste Bruno Fontaine et l’opéra Orfeo de Monteverdi, en croisant les doigts pour que le Domaine D’O sorte des enfers !

JMDH

Source La Marseillaise 01/10/2016