Le festival de Radio France célèbre la révolution en musique

1-radiofrance-3Festival Radio France Montpellier Occitanie
La 33e édition du Festival de Radio France Montpellier Occitanie débute aujourd’hui. L’ensemble des radios publiques se penchent cette année sur le thème des Révolutions, en particulier celle de 1917.

Après le grand voyage d’Orient proposé en 2016, le Festival de Radio France Montpellier Occitanie affirme sa singularité en choisissant cette année de célébrer les Révolutions et notamment le centenaire de 1917. Non que le terme de révolutions ne soit pas d’actualité dans le monde en crise que nous connaissons, bien au contraire, mais il compte toujours dans la sphère politique, médiatique et en partie intellectuelle parmi les mots tabous. On préfère évoquer les termes de transformation sociale plutôt que  celui de révolution, de même qu’on choisira de parler de redressement ou de responsabilité plutôt que d’user du terme d’austérité.

Ténacité  artistique
La détermination du directeur du festival Jean-Pierre Rousseau, qui connaît les couloirs circulaires de la Maison ronde comme sa poche, est à souligner pour ce choix artistique pertinent. L’an dernier, l’homme avait analysé avec rigueur le mal dont notre société souffre en maintenant la programmation culturelle du festival après la sinistre soirée du 14 juillet niçois.

Depuis sa nomination en 2014, son travail a permis de dégager l’horizon incertain dans lequel se trouvait le Festival. Comme quoi, les grands navires – et le festival de Radio France en est un (il propose pas moins de 125 concerts en 18 jours) – doivent beaucoup à l’intégrité de leur capitaine.

Retour de Sonya Yoncheva à Montpellier dans Sibéria de Giordano le 22 juillet.

Retour de Sonya Yoncheva à Montpellier dans Sibéria de Giordano le 22 juillet.

Avec la complicité de Corinne Delafons en charge de la programmation et de la coordination artistique, Rousseau trace cette année un récit musical des révolutions. L’année 1917  est une date charnière de l’histoire du monde.

« Célébrer le centenaire de l’année 1917, c’est mettre l’accent sur l’incroyable foisonnement artistique et musical qui nait du chaos politique et social partout en Europe, indique Jean-Pierre Rousseau, de nouveaux langages s’inventent, la révolution s’empare des créateurs jusqu’à ce que tombent les rêves et les illusions ».

Richesse du programme
L’édition 2017 s’ouvre largement aux audaces du répertoire russe à travers les récitals de piano des deux virtuoses Lukas Geniusas et Boris Berezovsky qui interpréteront Rachmaninov, Prokofiev, Vsevolod Zaderatsky. On pourra également entendre le concerto pour violon de l’arménien Khachaturian sous la direction d’Emmanuel Krivine avec l’Orchestre National de France. L’orchestre National de Lille dirigé par Alexandre Bloch jouera l’œuvre de Nikolai Roslavets, Aux heures de la nouvelle lune.

Le 25 juillet, l’Orchestre Philarmonique de Radio France propose un programme dédié à la Révolution d’Octobre dirigé par Vladimir Fedosseyev. Le propos s’élargit à toute l’Europe de l’époque (Sibelius, Respighi, Ravel, Langgaardn Nielsen) et à la révolution des langages pianistiques de Scarlatti à Boulez.

Trois soirées lyriques sont attendues à l’Opéra Berlioz, dont la version en deux actes d’I Puritani de Bellini samedi 15 avec Karine Deshayes dans le rôle d’Elvira. Sibéria de Giordano le 22 juillet, marque le retour de Sonya Yoncheva et du chef Domingo Hindoyan,  le 24 Hervé Niquet viendra fêter les 30 ans du Concert Spirituel avec l’Opéra imaginaire.

L’édition 2017 du Festival permet une explosion de talents en poursuivant sur sa lignée. Il propose un nombre impressionnant de jeunes artistes, chefs d’orchestre, jeunes ensembles et solistes à découvrir. 90% des propositions sont gratuites, et tous les genres musicaux sont à nouveau au rendez-vous.

JMDH

Source La Marseillaise 07/10/2017

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Festival, rubrique Musique, rubrique Montpellier, rubrique Histoire, rubrique Russie,

Festival Montpellier Danse. 35 000 spectateurs séduits

L’histoire de la danse contemporaine et son renouveau.  Photo dr

L’histoire de la danse contemporaine et son renouveau. Photo dr

Un bilan satisfaisant pour la 37e édition de Montpellier danse.

Au regard des chiffres, le 37e Festival de Montpellier Danse fait état d’un très bon bilan. 35?000 spectateurs, 95% de taux de fréquentation 35 représentations payantes. 20 chorégraphes venus de 11 pays. 48 films projetés dont 25 sur Merce Cunningham. Le président de Montpellier Danse Michel Miaille, cite les partenaires publics et privés du festival avec une satisfaction non dissimulée car sous la vigilance hystérique du directeur Jean-Paul Montanari le festival affiche un excédent.

Avec 400?000 euros de recettes enregistrés la billetterie couvre près de 50% des dépenses artistiques (850 000 euros) cela en maintenant une politique tarifaire attractive 40% de prix spéciaux et 3 000 billets vendus à 5 euros. Autre indicateur intéressant, 88% du public provient de la région Occitanie dont une bonne part de Montpellier et sa Métropole, ce qui fait dire à Jean-Paul Montanari en référence à Aix-en-Provence, Orange ou Avignon, « Nous ne courons pas après les Parisiens en vacances

Cette approche structurelle  avec beaucoup de chiffres peut paraître assez lointaine des préoccupations du public exigeant de Montpellier Danse. Il n’en demeure pas moins qu’elle assure les bases de la pérennité du festival face à un avenir que l’ensemble des acteurs culturels redoutent. Alors que la Métropole à maintenu son soutien, le budget de la région Occitanie consacré au Festival enregistre un petit recul cette année et cette tendance devrait se poursuivre en 2018. L’inquiétude provient surtout du nouveau gouvernement via la réduction importante mais pas encore arbitrée, des dotations aux collectivités publiques qui pourraient se répercuter sur un secteur en crise.

Réussite artistique
Avec 21 spectacles différents dont 16 créations ou 1ères en France, Montpellier Danse demeure un vrai festival. Cette année la programmation a balayé les grands moments de près de 40 ans de danse contemporaine. Offrant avec Lucinda Childs et l’hommage à Hans van Manen un petit historique de la Danse post moderne que Prejocaj a su nourrir avec ses Pièces de New York.

Le présent a été porté par des chorégraphes comme Marlene Monteiro Freitas,Daniel Linehan, Marie Chouinard, Steven Cohen a pour sa part offert une très attachante vision personnelle de la création avec put your heart under your feet and walk/à Elu.

JMDH

Source La Marseillaise 14/07/2017

Voir aussi : Rubrique Danse, Ouverture du Festival Montpellier Danse. 37ème pas dans l’espace danse mondial, Preljocaj  » L’Europe aussi à ses Sorcières de Salem »Le sens de la cérémonie de Steven Cohen, rubrique Festival, rubrique rubrique Montpellier, Rubrique Politique, Politique économique, Macron met les collectivités au régime sec, Politique culturelle, Budgets « culture » : en baisse dans 59 % des collectivités territoriales,

 

Festival Montpellier Danse. Fortes expériences sensorielles

« Dança  Doente » un corps malade et engagé qui danse. Photo dr

« Dança Doente » un corps malade et engagé qui danse. Photo dr

Avec Flood, l’américain Daniel Linehan explore le monde sur le rythme binaire apparition/disparition. Dans Dança Doente, le brésilien Marcelo Evelin l’ausculte via les ténèbres du corps obscur.

Daniel Linehan présente Flood, sa dernière création. Né à Seattle en 1982, il a travaillé comme danseur et chorégraphe à New York, avant de s’installer à Bruxelles où il s’initie à l’école d’Anne Teresa De Keersmaeker. Drôlerie sérieuse, cruauté froide, envolées interrompues par des cris silencieux, chuchotements incompréhensibles, méditations, portraits féroces, rire malicieux, violentes douceurs.  Les jeux de Linehan apparaissent, disparaissent, se répètent devant nos yeux. On songe à l’enfance,  à l’expression d’une étrange liberté, contrainte par la règle d’un jeu programmé.

Les mouvements s’opèrent dans un espace circulaire à l’intérieur d’un labyrinthe invisible.  On y circule un peu comme dans Pac Man, en évitant d’être touché par des fantômes. Plus de foyer, de feu, et de foi, dans notre société du tout-jetable pleine de nouvelles technologies et idées, Linehan interroge la domination culturelle de la nouveauté et réfléchit à ce qui disparaît, à ce qui devient superflu dans un rythme toujours plus effréné. Un beau souffle partagé par les danseurs et une technique à suivre pour survivre : respirer pour tenir ou  se tenir pour respirer…

Là où Linehan se confronte à la déformation du temps et suggère un apaisement par le ralentissement. Marcelo Evelin et sa compagnie Demolition Inc prennent pour base des corps fatigués, fragiles, souffrants. Les corps adversaires les plus constants et les plus efficaces à la frénésie du beau et du renouvellement permanent. Ce qu’un certain nombre de spectateurs ont eu l’occasion, la chance (?) d’apprendre avec surprise.

 Expression  affirmée    
Dança Doente (Danse malade)  débute sous l’apparence d’un cortège sinistre dont la force évocatrice pourrait s’apparenter au meilleur bestiaire zombies, à la différence majeure que les danseurs laissent leur corps trouver une manière propre d’exprimer la vie. C’est sur les pas de Tatsumi Hijikata, figure pionnière de la danse bûto, que Marcelo Evelin trouve matière à son questionnement : « Comment penser la danse comme activation d’un état corporel qui conduit à un état en commun ?»

Question éminemment politique qui ne manque  pas d’écorner la vision du monde lissée qui nous tient de modèle. Pour le dire vite ce que nous renvoie Evelin, c’est notre monde, la publicité en moins. Avec ce spectacle très abouti l’habile archer brésilien équilibre une proposition qui fait mouche. Le public entre dans une zone vibratoire, esthétique et pulsionnelle qui le ramène à l’essentiel.

L’univers sonore complète cette expérience multi-sensorielle qui renvoie au changement, à la perception des modifications subtiles de notre corps. De quoi faire fuir d’impatience les gens pressés de traverser la vie au plus vite pour échapper aux hommes, dirait le libéral Benjamin Constant.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 05/07/2017

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Un coeur noir de 20 ans au FIRN de Frontignan

Pas de panique tout baigne, c’est juste les 20 ans du FIRN.  dr

Pas de panique tout baigne, c’est juste les 20 ans du FIRN. dr

A vingt ans, le Festival International du Roman noir de Frontignan enclenche une petite fiesta du polar sans plisser les paupières.

Organisé conjointement par la ville de Frontignan et l’association Soleil Noir, le FIRN fête cette année ses vingt ans. Créé en 1997 par Michel Gueorguieff qui a su convaincre le maire de Frontignan, Pierre Bouldoire, sur la base de quelques fondamentaux comme l’idée que le livre est avant tout populaire, que le roman noir est utile pour comprendre les sociétés parce qu’il parle de leurs sous sol et qu’on y découvre les règles du jeux, qu’écrire du noir peut être un acte de lutte, que lire du noir est un acte de culture, qu’on doit parfois, comme tous bons inspecteurs de la crim’, laisser tomber les évidences pour suivre son intuition. Les fidèles vous le diront ;  ce n’est pas un hasard si Cesare Battisti a été fait citoyen d’honneur de Frontignan et que la marraine du festival, qui y a fait ses premières armes, se dénomme Fred Vargas.

Cet événement littéraire bénéficie d’un pouvoir d’attraction hors du commun. Il rassemble tous les éditeurs qui comptent sur la planète noire. Des écoles aux maisons de retraite, le polar a bousculé cette ville de 20 000 âmes. Cela se vérifie aussi auprès des meilleurs écrivains français. Il se dit que l’association du roman noir à Frontignan rend le Muscat fou de jalousie. Elle s’est même propagée  aux quatre coins du monde en séduisant les plus grands auteurs de polar de la planète. James Crumley, Georges V Higgins, Gregory Mcdonald, Elmore Leonard… pour ne citer qu’eux, sont venus à Frontignan. On peut affirmer que le FIRN a fait école si on se réfère à la profusion de festival de roman noir  ayant vu le jour au cours des deux dernières décennie,  mais le FIRN reste un cas d’espèce qu’il doit à son exigence et à son humanité.

Tous les ans, le festival choisit sa thématique. Cette année, c’est autour du nombre 20, que l’équipe a inventé de nouvelles mises en scène. 20 ans, 20 événements parmi lesquels l’expo Yes Willem à découvrir à la Médiathèque Mitterrand à Sète, 20 jours de festival, et 20 auteurs de nationalités différentes de l’argentine (Carlos Salem) au Nigéria (Leye Adenie) en passant par la Moldavie (Vladimir Lortchenkov) ou le Soudan (Parker Bilal) qui se retrouvent dans la place à partir d’aujourd’hui jusqu’à dimanche.

En numérologie, le nombre 20 est considéré comme le symbole d’une transformation et amène une évolution heureuse. On vous attend donc pour le meilleur à Frontignan, toujours loin des sentiers battus…

 JMDH

Source : La Marseillaise 30/06/2017

Voir aussi : Rubrique Festival  Livre, rubrique  Roman noir, FIRN,

Bacon Nauman, intense présence dans un stupéfiant face-à-face

Francis  Bacon  et Bruce Nauman, un face à face  sidérant au Musée Fabre de Montpellier

Francis Bacon et Bruce Nauman, un face à face sidérant au Musée Fabre de Montpellier

Exposition
A l’occasion des dix ans de la réouverture du musée Fabre et des 40 ans de la création du Centre Pompidou, Montpellier accueille un choc artistique inédit entre Françis Bacon et Bruce Nauman proposé par Cécile Debray en charge des Collections modernes du Centre national d’art parisien. A ne pas manquer à Montpellier du 1 juillet au 5 novembre.

Les œuvres de l’autodidacte irlandais Francis Bacon, marqué à ses débuts par le surréalisme, et celles de l’américain Bruce Nauman, inspirées par le mouvement Dada, dialoguent au Musée Fabre dans un espace parfaitement scénographié pour rendre compte de cette confrontation. Bien qu’issu de générations et de pratiques différentes, ce face-à-face fait sens. L’idée a surgi par hasard dans l’esprit de Cécile Debray alors qu’elle visitait une exposition à New York et s’est soudainement trouvée en présence d’une œuvre de chaque artiste.

« Cette confrontation permet de relire la peinture de Bacon, trop connu au niveau du marché de l’art à travers la vision de richissimes collectionneurs. Cela a pu lui faire perdre de sa radicalité, indique la commissaire qui vient d’être nommée à la direction du musée de l’Orangerie, la rencontre avec Bruce Nauman agit un peu comme une remise à niveau qui redonne à son oeuvre toute sa puissance. »

Force de la véhémence artistique

Bruce Nauman  Sans titre 1970 from studies from holograms. Photos dr

Bruce Nauman Sans titre 1970 from studies from holograms. Photos dr

Cette exposition de stature internationale devrait faire date. L’exercice périlleux pour mener le projet à terme a été conduit avec maîtrise et rigueur. La qualité du choix des œuvres, une soixantaine, issues de différents musées et de collections privées, et le remarquable travail réalisé sur l’interpénétration des expressions, des genres et des époques,  apparaissent comme les facteurs clés de cette réussite.

Francis Bacon était attaché aux références de la tradition picturale pour mieux les subvertir tandis que Nauman s’en débarrasse comme le montre son installation en ouverture du parcours. L’artiste qui s’enduit de peinture devant les caméras procède à une déconstruction de la peinture métaphorique en introduisant l’image visuelle comme médium et le corps comme langage.

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L’exposition démontre comment par des moyens distincts, les deux artistes conçoivent l’art comme une expérience. Bacon fit toujours figure d’indépendant dans la peinture contemporaine. Il a traité de sujets religieux sans aucune soumission à la représentation. Nauman évolue aussi en rupture avec le questionnement artistique de son époque privilégiant l’importance du processus créatif et la volonté artistique.

Le parcours est découpé en cinq sections qui explorent les pistes de dialogue entre les deux œuvres. Au-delà d’une fascination commune pour le corps et ses possibles déformations et transformations, le visiteur est amené à ressentir la force du cadre, voire de la cage, dont usent les deux artistes pour exprimer l’aliénation ou le non-sens de la condition humaine. La confrontation avec l’animalité chez Bacon trouve son pendant chez Nauman dans le goût développé chez l’américain pour l’anthropomorphisme.

De même son intérêt pour la fragmentation du geste – qui aurait pu faire pont avec l’hommage du Festival Montpellier Danse à Cunningham – flirte avec les corps mutilés de Bacon. La piste de la rotation suggérant l’idée de répétition est aussi de circonstance  dans le rapprochement opéré entre les deux artistes.

La confrontation de ces deux parcours  renouvelle en profondeur le regard porté sur ces deux grands artistes du XXe siècle qui chacun à leur manière  questionne la dualité entre nature et culture.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 29/06/2017

Voir aussi :   Rubrique Art, rubrique Exposition, rubrique Montpellier,