Festival Montpellier Danse. Fortes expériences sensorielles

« Dança  Doente » un corps malade et engagé qui danse. Photo dr

« Dança Doente » un corps malade et engagé qui danse. Photo dr

Avec Flood, l’américain Daniel Linehan explore le monde sur le rythme binaire apparition/disparition. Dans Dança Doente, le brésilien Marcelo Evelin l’ausculte via les ténèbres du corps obscur.

Daniel Linehan présente Flood, sa dernière création. Né à Seattle en 1982, il a travaillé comme danseur et chorégraphe à New York, avant de s’installer à Bruxelles où il s’initie à l’école d’Anne Teresa De Keersmaeker. Drôlerie sérieuse, cruauté froide, envolées interrompues par des cris silencieux, chuchotements incompréhensibles, méditations, portraits féroces, rire malicieux, violentes douceurs.  Les jeux de Linehan apparaissent, disparaissent, se répètent devant nos yeux. On songe à l’enfance,  à l’expression d’une étrange liberté, contrainte par la règle d’un jeu programmé.

Les mouvements s’opèrent dans un espace circulaire à l’intérieur d’un labyrinthe invisible.  On y circule un peu comme dans Pac Man, en évitant d’être touché par des fantômes. Plus de foyer, de feu, et de foi, dans notre société du tout-jetable pleine de nouvelles technologies et idées, Linehan interroge la domination culturelle de la nouveauté et réfléchit à ce qui disparaît, à ce qui devient superflu dans un rythme toujours plus effréné. Un beau souffle partagé par les danseurs et une technique à suivre pour survivre : respirer pour tenir ou  se tenir pour respirer…

Là où Linehan se confronte à la déformation du temps et suggère un apaisement par le ralentissement. Marcelo Evelin et sa compagnie Demolition Inc prennent pour base des corps fatigués, fragiles, souffrants. Les corps adversaires les plus constants et les plus efficaces à la frénésie du beau et du renouvellement permanent. Ce qu’un certain nombre de spectateurs ont eu l’occasion, la chance (?) d’apprendre avec surprise.

 Expression  affirmée    
Dança Doente (Danse malade)  débute sous l’apparence d’un cortège sinistre dont la force évocatrice pourrait s’apparenter au meilleur bestiaire zombies, à la différence majeure que les danseurs laissent leur corps trouver une manière propre d’exprimer la vie. C’est sur les pas de Tatsumi Hijikata, figure pionnière de la danse bûto, que Marcelo Evelin trouve matière à son questionnement : « Comment penser la danse comme activation d’un état corporel qui conduit à un état en commun ?»

Question éminemment politique qui ne manque  pas d’écorner la vision du monde lissée qui nous tient de modèle. Pour le dire vite ce que nous renvoie Evelin, c’est notre monde, la publicité en moins. Avec ce spectacle très abouti l’habile archer brésilien équilibre une proposition qui fait mouche. Le public entre dans une zone vibratoire, esthétique et pulsionnelle qui le ramène à l’essentiel.

L’univers sonore complète cette expérience multi-sensorielle qui renvoie au changement, à la perception des modifications subtiles de notre corps. De quoi faire fuir d’impatience les gens pressés de traverser la vie au plus vite pour échapper aux hommes, dirait le libéral Benjamin Constant.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 05/07/2017

Voir aussi : Rubrique Danse, Ouverture du Festival Montpellier Danse. 37ème pas dans l’espace danse mondial, Preljocaj  » L’Europe aussi à ses Sorcières de Salem »Le sens de la cérémonie de Steven Cohen, rubrique Festival, rubrique rubrique Montpellier,

Saison Montpellier Danse. Un dialogue propice et un juste équilibre

Matadouro de Marcelo Evelin

Matadouro de Marcelo Evelin

Comme pour tous les fleurons qui ont fait de Montpellier un lieu de culture et de création reconnu en Europe, le temps est incertain à moyen terme pour la danse contemporaine dans la capitale héraultaise. Les structures sont là, mais c’est le pragmatisme qui sert de nouveau référentiel dans l’esprit politique de la nouvelle génération. Ce processus, ponctué d’objectifs à court terme, relègue les ressources humaines, seules garantes de la qualité artistique, au dernier rang des priorités.

On sait pourtant combien cette mise en tension s’avère un mauvais calcul y compris économique mais la culture est devenue un espace électoral à investir où les discours peu rigoureux se succèdent tantôt sur la décadence de l’art et des institutions tantôt sur l’échec de la démocratisation qui justifie toujours des économies et un nivellement par le bas.

Dans ce contexte, le directeur de Montpellier Danse Jean-Paul Montanari choisit de construire sa nouvelle saison « sous le signe du dialogue et de l’échange. » Une douzaine de spectacles* est proposée répondant à un savant équilibre artistique et budgétaire. Montpellier Danse affiche également cette année la volonté d’intensifier les relations de travail avec l’Opéra et l’Orchestre National, le CDN et le CCN.

Avant-goût de belles promesses

En ouverture de saison, Angelin Preljocaj qui a fait les frais de la mobilisation des intermittents et précaires au début du Festival Montpellier Danse, revient présenter Empty moves (parts I, II & III). Après la journée de grève programmée le 16, on pourra apprécier les 21 et 22 octobre sa construction non narrative inspirée de la performance de John Cage autour du texte La désobéissance civile de Henry-David Thoreau.

A découvrir en novembre Matadouro, spectacle invité en collaboration avec le CDN HTH. C’est le troisième volet d’une trilogie signée par le chorégraphe brésilien Marcelo Evelin entamée avec Sertao (2003) puis Bull Dancing (2006). Privilégiant une gestuelle simple, le spectacle installe une bataille silencieuse tandis qu’en fond sonore résonnent les notes du Quintette à cordes en do majeur de Schubert. Une course de 57 minutes qualifiée par le chorégraphe Marcelo Evelin de «bataille contre l’ennui intérieur installé en nous.»

Maguy Marin sera de retour en mars avec Singspiele proposé en partenariat avec le Théâtre de La Vignette. Un spectacle incarné par le comédien David Mambouch avec qui la chorégraphe a travaillé en étroite collaboration. Entre chorégraphie, théâtre et tableau vivant.

                           JMDH

w * Au programme Danzaora y Vinàtica de Rocio Molina, Contact de Philippe Decouflé, X Rotonda de Patrice Barthès, So Blue de Luise Lecavalier, Sauce/Hachia/ Va, vis et deviens, Now de Carolyn Carlson, Pixel de Mourad Merzouki, Je suis fait du bruit des autres, collectif 2 temps 3 mouvements, d’après une histoire vraie de Christian Rizzo.

Source : La Marseillaise, L’Hérault du Jour 04/10/2014

Voir aussi : Rubrique Danse, rubrique Politique, politique culturelle, rubrique Montpellier, rubrique Actualité locale,