L’Observatoire
Pour la première fois, une étude fait le point sur les budgets « culture » des collectivités sur une période récente : 2015-2016. Habituellement, les enquêtes du ministère de la Culture portent sur des données remontant à 4 ans. Cette fois, l’Observatoire des politiques culturelles (OPC) associé au ministère de la Culture, produit une « note de conjoncture sur les dépenses culturelles des collectivités territoriales » sur la période 2015-2016, qui permet de visualiser des évolutions dont les impacts sont en train de faire sentir sur le terrain.
Fléchissement
L’implication financière des collectivités (crédits de fonctionnement), tous échelons confondus, a fléchi sur la période 2015-2016. 59% d’entre elles ont fait le choix de baisser leur budget culturel. 30% seulement, l’ont augmenté. Selon les échelons, les comportements financiers s’avèrent différents, tant pour la tendance que pour les secteurs jugés prioritaires.
Régions : le soutien aux associations préservé
En moyenne, la baisse des crédits culturels des régions’établit à 4%. Les arts visuels et plastiques constituent le secteur le plus sévèrement touché. Meilleure nouvelle, en revanche, pour l’éducation artistique et culturelle (EAC), dont les crédits sont stabilisés dans 4 des 9 régions étudiées et même en hausse dans 2 d’entre elles. De même, le soutien des régions aux structures et aux associations culturelles sortent, durant la période étudiée, quasi-indemnes des turbulences budgétaires.
Départements : repli sur les missions historiques
Du côté des départements, la tendance est au désengagement financier, en moyenne, à hauteur de de 5%. Mais pour un tiers d’entre eux, la coupe dépasse les 10%. « Un mouvement contenu depuis 2008 », soulignent les auteurs de la note de conjoncture. Et qui donne encore plus de relief au choix d’autres conseils départementaux qui décident d’intensifier leur engagement financier pour la culture : soit un quart des départements étudiés.
« Ces écarts sont révélateurs d’une disparité croissante des politiques culturelles départementales, souligne l’OPC. Tandis que certains continuent d’assumer un rôle moteur dans la gouvernance culturelle territoriale, en particulier en milieu rural, d’autres, plus nombreux, semblent se retirer fortement du jeu de la coopération entre collectivités. »
Parmi les premiers sacrifiés figurent les associations, touchées dans plus de 60% des départements. Egalement lourdement frappés, les événements, à commencer par les festivals, le spectacle vivant et, plus généralement, la création artistique. A contrario, les bibliothèques, les archives et le patrimoine, trois missions historiques, et même obligatoires (à travers les bibliothèques départementales de prêt et les services d’Archives départementales pour les deux premières) restent préservés.
Grandes villes : baisse modérée, mais impact «saisissant»
Environ la moitié des villes de plus de 100 000 habitants (catégorie étudiée) a réduit son budget culturel de fonctionnement. Mais dans une amplitude plus faible que dans les départements : – 7% en moyenne, avec quelques cas seulement à – 10%.
Un constat que l’OPC explique par la nature des dépenses des villes : charges de gestion de structures et charges de personnel, ces dernières ayant d’ailleurs augmenté sur la période étudiée. « Du fait de la place majoritaire des villes dans le financement culturel, l’impact sur les politiques territoriales d’une telle tendance à la baisse est particulièrement saisissant, que ce soit du point de vue des moyens, de la vitalité culturelle ou de la spirale de désengagement que cela peut susciter », s’alarme l’OPC.
Là encore, c’est l’événementiel qui trinque. L’EAC, le spectacle vivant, la création artistique étant moins touchés.
Horizon budgétaire incertain
En 2017, la moitié des régions compte stabiliser leurs budgets culturels. Du côté des départements et des villes de plus de 100 000 habitants, les dés ne sont pas encore jetés, entre stabilité pour les uns (34% des départements et 36% des grandes villes) ou baisse pour les autres (27% des départements et 29% des grandes villes).
Au total, tous échelons confondus, ce sont près de 25% des collectivités qui envisagent une baisse des crédits pour la culture, et un peu plus de 30% qui espèrent les stabiliser. Un autre tiers n’a pas encore déterminé la tendance qui sera suivie. Seulement 3% des collectivités affirment avoir l’intention d’augmenter ces dépenses.
Coopération renforcée contre l’« affaissement » des ambitions politiques
Globalement, l’OPC parle de baisse « dans des proportions qui restent contenues ». Sa note de conjonctuure avance deux raisons pour expliquer ces coupes budgétaires imposées aux politiques culturelles territoriales. Pour la première – la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités, ces dernières ne font que subir de plein fouet une décision qui leur est extérieure. Et cette explication peut malgré tout laisser espérer une réflexion des collectivités pour limiter autant que faire se peut l’impact de cette pénurie de fonds publics.
En revanche, la seconde a de quoi inquiéter : «l’affaissement de l’ambition politique dans ce domaine. Bref, la culture n’a plus la même évidence dans les politiques territoriales. » Et l’OPC de faire un rappel historique qui sonne comme une exhortation : « les politiques culturelles en France ont progressé lorsqu’elles faisaient l’objet d’une ambition partagée entre État et collectivités territoriales et entre pouvoirs locaux eux-mêmes. C’est cette perspective du renforcement des coopérations qui peut redonner un élan à la culture dans les territoires. »
La nécessité d’un suivi rapproché
Avec cette « note de conjoncture » établie sur les deux dernières années, 2015-2016, l’Observatoire des politiques culturelles (OPC) veut mettre fin à un suivi trop espacé des évolutions enregistrées par les budgets culturels des collectivités territoriales. En effet, les études, complètes et détaillées, réalisées par le Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la Culture, ne sont publiées que tous les 4 ans. Pendant longtemps, explique l’OPC, « l’absence d’un repérage réactif des budgets culturels des collectivités territoriales n’était pas un problème majeur dans la mesure où la France a connu, dans la dynamique de l’essor de la décentralisation, une longue période de progression ou de consolidation de l’effort des pouvoirs locaux en matière culturelle. » Et de préciser que la crise budgétaire apparue à la fin des années 2000 provoquent des « fluctuations rapides » de ces dépenses, que les acteurs de terrain ont besoin de connaître pour opérer négociations et arbitrages.
Source La Gazette.fr 23/02/2017
Voir aussi : Actualité France rubrique Politique, Politique culturelle, Politique économique, Macron met les collectivités au régime sec, Politique locale, Les réformes qui ont bouleversé les collectivités territoriales en dix ans,