«Vive la gauche» cherche une issue à la fronde

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REPORTAGE

Devant plusieurs centaines de militants PS, le collectif issu des députés «frondeurs» a accueilli samedi à Paris deux nouveaux animateurs: les ex-ministres Hamon et Filippetti.

Une étape. En réunissant ce samedi plusieurs centaines de militants socialistes dans un gymnase du XIVe arrondissement de Paris, le collectif «Vive la gauche» a rappelé qu’au sein du PS, le feu couve toujours contre la politique de François Hollande et Manuel Valls. Certes, les projets de lois de finances sont passés sans trop de frayeurs pour le gouvernement. Certes, les parlementaires dits «frondeurs» n’ont pas «réorienté» la politique du président de la République. Personne n’a voulu aller jusqu’à faire tomber Manuel Valls par peur de la dissolution. Mais toute cette frange du PS allant des plus à gauche à quelques proches de Martine Aubry et ex-strausskahniens «chemine», «avance», «se renifle»

Pour aller où? «That’s the point!» sourit Jérôme Guedj, président du conseil général de l’Essonne. La logique voudrait que tout ce petit monde – qui ne se connaît que trop bien – se retrouve au prochain congrès du PS, début juillet. Beaucoup imaginent déjà une grande motion obligeant François Hollande à une réorientation de sa politique. Mais compte tenu du rythme d’enfer de ce quinquennat, personne n’est capable de savoir à quoi ressemblera la majorité dans sept mois. D’autant plus qu’entre-temps, la débâcle annoncée des départementales et le score du Front national auront peut-être changé la donne à Matignon… Du coup, «on accumule des forces, insiste le député de Paris, Pascal Cherki, chez qui se déroulait ce rassemblement. On a réussi à créer un émetteur au Parlement, maintenant, il faut travailler dans le PS et dans la société».

Hamon et Filippetti attendus

En août, dans un amphithéâtre surchauffé de la fac de lettres de La Rochelle, ces militants PS déçus de l’action du gouvernement avaient acclamé la ministre de la Justice Christiane Taubira, venue pour une visite surprise. Les trois virés du gouvernement une semaine plus tôt, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Aurélie Filippetti, avaient préféré rester à l’écart. Ce samedi, Montebourg se tient toujours à distance. Pas les deux autres. Très dure à l’égard du gouvernement ces derniers jours, l’ex-ministre de la Culture a rappelé qu’elle était «dans la majorité de François Hollande» à condition de rester «sur une base de gauche» et assuré qu’il n’y avait ni «fatalité» ni «malédiction» à ce que la gauche «trahisse» ou «renie» ses engagements.

Avant elle, Benoît Hamon avait imposé le silence dans l’assistance. «Nous avons l’impression d’un grand dérèglement politique, a-t-il d’abord lancé. Et ce grand dérèglement appelle de la clarté.» L’éphémère ministre de l’Education nationale rappelle «l’aspiration à l’égalité» et au «progrès social» qui doit guider la gauche avant de demander à François Hollande de «prendre des risques». Hamon plaide ainsi pour un «référendum sur les questions institutionnelles» mais aussi «qu’on puisse associer ce quinquennat de la gauche à une conquête sociale». Il assure que lui et ses amis «feron(t) des propositions» bientôt. Puis l’ancien porte-parole du parti se mue en aspirant Premier secrétaire: «Le congrès du PS ne peut être que le point de départ d’un nouveau cycle politique à gauche.» 2017 ne serait qu’«une étape» dans le «dépassement de toutes les formations politiques».

Guerre des égos ?

Le courant dont fait partie Hamon – et nombre de parlementaires «frondeurs» – avait déjà hébergé une réunion de Vive la gauche lors de leur université de rentrée, fin septembre dans les Landes. Les amis de l’ex-ministre verraient bien ce collectif servir de socle à une grande motion au congrès.

Mais à la gauche de Hamon aussi on se méfie du camarade «Benoît». Au précédent congrès, il avait fait le choix de rallier la grande motion majoritaire. On n’oublie pas non plus, qu’avec Montebourg, c’est lui qui a poussé Valls à Matignon. Avec ses 30% récoltés à l’élection du premier secrétaire la fois précédente, Emmanuel Maurel a rappelé à ses camarades qu’il faudra plus que de simples effets de tribunes : «Le rassemblement de la gauche est nécessaire… mais sur un contenu.» Maurel rappelle indirectement à ses camarades députés qu’ils peuvent toujours porter «l’interdiction des licenciements boursiers» ou qu’ils n’ont pas rétabli la retraite à 60 ans. «On sait où on habite», souligne-t-il comme pour rappeler qu’ils n’ont jamais tenu d’autre discours depuis le début du quinquennat… Contrairement à d’autres.

Une nouvelle guerre des égos à venir? «Je ne pense pas, répond le conseiller de Paris Frédéric Hocquard. Tout dépend de notre dynamique et de l’état dans lequel le parti va sortir des départementales.» Ces socialistes vont courir cette étape sur un faux rythme jusqu’aux prochaines élections. Et attendre de constater l’ampleur de la défaite pour attaquer la prochaine: celle de la prise du parti. Du moins sa tentative.

Lilian ALEMAGNA

Source Libération 30/11/2014
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