Mathieu Gallet décroche la pub par décret

98479-une-mathieu-gallet_3143-300x130La contre-offensive des dirigeants d’Europe 1, de RTL et de RMC n’y aura rien fait: Matignon vient de rédiger un décret pour ainsi dire historique, que le CSA doit encore valider, autorisant les stations de Radio-France, dont France Inter au premier chef, à diffuser de la publicité commerciale. Ces spots, très ciblés et encadrés par la loi, ne devront pas pour autant inonder ces antennes et vanter des secteurs comme la grande distribution ou des industries comme celles de l’automobile ou des lessiviers. Ce sont pourtant 40 millions d’euros de recettes publicitaires , – sur un marché de quelques 800 millions d’euros en radio -, qui vont rentrer dans les caisses de la maison présidée par Mathieu Gallet: un PDG au bord du gouffre l’été dernier avec l’affaire de la rénovation de son bureau, mais qui fort de ses bons rapports avec Manuel Valls et Emmanuel Macron s’est remis en selle, dans un climat social maintenant apaisé, pour aller arracher cet arbitrage inédit.

Renaud Revel

Source Immédiat 09/02/2016

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La procédure de nomination de Mathieu Gallet à Radio France qualifiée d’ »opaque » et « hors sol »

L'oeil de la synthèse stratégique...
Le socialiste Marcel Rogemont, auteur d’un rapport sur l’application par le CSA de la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public, estime que ni l’actuel président de Radio France avant sa nomination, ni le CSA « n’avaient une vision suffisamment éclairée de la situation de l’entreprise ».

La commission des affaires culturelles a examiné mercredi le rapport d’information sur l’application, par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), de la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public.

Son auteur, le député socialiste Marcel Rogemont, a formulé plusieurs recommandations, comme celle de supprimer la mention au « projet stratégique » des candidats qui souhaitent prendre la présidence d’un groupe de l’audiovisuel public, critiquant au passage la nomination de Mathieu Gallet à la tête de Radio France.

Des stratégies « sans connaissance réelle des données de l’entreprise »

« Le projet stratégique est source de confusion et a de nombreux inconvénients« , explique Marcel Rogemont. Selon lui, les projets stratégiques sont élaborés « sans connaissance réelle des données de l’entreprise, sans discuter avec les tutelles, sans discuter avec les salariés« .

Pour appuyer son propos, le député évoque la procédure de nomination de Mathieu Gallet à la tête de Radio France. Il rappelle, dans un sourire, la justification du CSA, qui estimait que son projet stratégique « est porté par une vision claire de la gouvernance de l’entreprise, de la politique de ressources humaines et du dialogue social…« 

Il faut en effet rappeler que Radio France a été touchée, en mars 2015, par le plus long conflit social de son histoire, qui a duré près d’un mois. Les salariés du groupe radiophonique rejetaient le plan de suppression d’emplois de Mathieu Gallet, entraînant une grève. Fleur Pellerin, la ministre de la Culture, avait dû intervenir et un médiateur avait été nommé.

Au moment de ce conflit, le président de la commission des affaires culturelles Patrick Bloche avait d’ailleurs, dans l’hémicycle, évoqué un « déficit du dialogue social au sein de l’entreprise publique« .

Procédure de nomination de Mathieu Gallet (Vidéo)

Un projet stratégique toujours inconnu

Autre problème soulevé par Marcel Rogemont : le CSA doit produire un « rapport quadriennal sur la base du projet stratégique » mais « il n’a pas souhaité rendre public le projet de Mathieu Gallet » et n’en a donné qu’une « synthèse« . « Il rend, plus encore, opaque la nomination d’un projet stratégique et surtout la nécessaire transparence de son évaluation au bout de quatre ans…« 

Conclusion de Marcel Rogemont : « Au moment de la nomination, ni le candidat, ni le Conseil, je dis bien ni le Conseil, n’avaient une vision suffisamment éclairée de la situation notamment financière de l’entreprise (…) c’est vraiment une opération hors sol. »

Source : LCP Assemblée Nationale 20/01/2016

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Médias, Radio France après la grève, rubrique Politique, Politique Culturelle, rubrique Rencontres, Mermet :  Radio France une grève de civilisation,

Après la grève, la réorganisation à Radio France

le PDG de Radio France Mathieu Gallet Photo AFP

« Comme annoncé par le président Mathieu Gallet le 16 avril dernier, une réflexion a effectivement été engagée sur l’évolution des instances de direction de Radio France dont les conclusions seront présentées dans quelques semaines », a confirmé la direction de l’entreprise publique dans un message interne, mercredi 6 mai.

Tout en déplorant « des informations parues dans la presse ce matin au sujet de changements présumés au sein du Comité exécutif de l’entreprise ».

Comme l’a annoncé Le Figaro, Sibyle Veil, actuellement directrice du pilotage de la transformation de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, est pressentie pour rejoindre Radio France. Toutefois, sa venue n’est pas confirmée officiellement. Se posent notamment, selon nos informations, des questions sur le périmètre de ses missions.

Elle a été présentée comme une future « directrice générale » et une remplaçante de Catherine Sueur, l’actuelle directrice générale déléguée, réputée en froid avec M. Gallet. Mais son poste pourrait avoir une envergure un peu moindre. Mme Sueur était numéro deux de l’entreprise sous le président précédent, Jean-Luc Hees.

Sibyle Veil est énarque, issue de la même promotion qu’Emmanuel Macron, le ministre de l’économie, Gaspard Gantzer, le conseiller communication de François Hollande, ou Boris Vallaud, le secrétaire général adjoint de l’Elysée, aussi mari de Najat Vallaud-Belkacem. Elle a été conseillère santé, travail et logement à l’Elysée sous Nicolas Sarkozy. Elle est mariée à Sébastien Veil, lui aussi ancien membre du cabinet du président de la République et petit-fils de la ministre Simone Veil. Elle ne connaît pas le secteur audiovisuel.

Le ministère de la culture de Fleur Pellerin a été informé par Radio France de la possible venue de Mme Veil, mais nie avoir donné une forme d’aval.

D’autres changements possibles

Un autre changement devrait intervenir prochainement : le départ de Jean-Pierre Rousseau, l’actuel directeur de la musique, recruté par Mathieu Gallet. Cette hypothèse avait été évoquée dès fin mars, lors du conflit social qui a débouché sur une grève inédite à Radio France. Jean-Paul Quennesson, délégué Sud de Radio France et corniste à l’Orchestre national, avait qualifié sa direction de « fiasco total ».

Pendant le conflit, l’assemblée générale des grévistes avait aussi visé l’actuel directeur des ressources humaines, Christian Mettot, un des principaux interlocuteurs des syndicats.

Après la crise qui a secoué son autorité, Mathieu Gallet a donc engagé une réflexion sur la gouvernance de Radio France. Avant la sortie de grève, la ministre, Fleur Pellerin, s’était davantage impliquée personnellement, « convoquant » le dirigeant nommé par le CSA et nommant plus tard un médiateur pour renouer le dialogue entre les syndicats et la direction. Après la crise, certains anticipaient que la réflexion évoquée par Mathieu Gallet puisse être l’occasion pour le gouvernement de peser sur la réorganisation de l’entreprise. Il semble plutôt que le président de Radio France étudie sa future direction de son côté, dans la lignée du comité exécutif élargi mis en place à son arrivée.

Pendant ce temps, le médiateur Dominique-Jean Chertier poursuit actuellement la « seconde phase » de sa mission, menant des réunions avec les parties prenantes en vue de la négociation du contrat d’objectifs et de moyens, feuille de route de l’entreprise pour les cinq années à venir. Parmi les chantiers sensibles figurent notamment la réforme des modes de production et la négociation d’un plan de départs volontaires de 300 personnes environ.

Toutefois, la mise en place de ces discussions reste délicate. De source syndicale, un calendrier a été proposé par le médiateur. S’il propose des ateliers sur France Bleu, la musique ou les modes de production, aucun espace de discussion n’est pour le moment prévu sur le plan stratégique de l’entreprise.

Source Le Monde 06/05/2015

Daniel Mermet : « A Radio France, c’est une grève de civilisation »

« Celles qui ont engagé la grève ce sont les femmes de ménage. » DR

Daniel Mermet, le producteur-réalisateur-journaliste, évoque le conflit social de la radio publique toujours dans l’impasse et présente un documentaire sur le travail de l’historien Howard Zinn.

Ecarté des programmes de France Inter en juin 2014, Daniel Mermet a créé Là-bas Hebdo un site internet payant* animé par une équipe de professionnels. Il était à Montpellier jeudi 9 avril pour présenter en avant-première au cinéma Diagonal le premier volet d’une trilogie sur l’histoire populaire américaine*. Ce film co-réalisé avec Olivier Azam, revisite l’histoire populaire de Christophe Colomb à nos jours à travers le parcours personnel de l’historien Howard Zinn, figure majeure de la gauche américaine.

Après plus de trois semaines de grève, quel regard portez-vous sur le conflit social de Radio France ?

Je suis justement venu pour faire une collecte au profit de Mathieu Gallet, le PDG de la Maison ronde qui se trouve en grande difficulté… (rire) Non, plus sérieusement je pense que c’est une grève historique, très importante, exceptionnellement longue et profonde. Il s’agit d’une grève de civilisation où deux possibilités sont offertes entre une civilisation de l’émancipation et une civilisation de la consommation.

Rien à voir donc pour vous, avec le problème budgétaire qui est évoqué ?

Mathieu Gallet est une figure caricaturale qui incarne parfaitement l’idéologie dominante. Lorsqu’il est arrivé, il a tout de suite annoncé la couleur en déclarant : « Je ne suis pas un homme de radio, je ne suis pas un journaliste, je suis un manager. » La stratégie a été de dire : on est frappé par la crise. Il y a un déficit et un trou dans la caisse et il va falloir y remédier par des économies et un pléthorique plan de départs volontaires. Ainsi, le problème budgétaire est asséné comme une vérité absolue, 20 millions de trou alors qu’il est très difficile d’avoir accès aux comptes. Sur le fond du problème, on veut démanteler le service public mais il n’y a pas de crise dans ce pays, il y a en revanche entre 60 et 80 milliards d’euros d’évasion fiscale

La durée de la grève semble faire grincer des dents une partie des journalistes ?

Celles qui ont engagé la grève ce sont les femmes de ménage au-sous-sol de la Maison ronde, puis les pompiers et les intermittents, et le mouvement s’est étendu aux journalistes précaires et finalement à l’ensemble du personnel. Cette question sur les journalistes renvoie à celle de leur encadrement. Si cet encadrement existe, c’est bien parce que les journalistes voulaient pratiquer leur métier autrement. Au fil du temps les journalistes intériorisent les limites dans lesquelles ils évoluent. Si on prend un support d’investigation comme Médiapart qui sort une affaire tous les jours, on peut considérer cela comme une pratique du métier excessive mais on peut se dire aussi que Radio France qui emploie 700 journalistes ne sort jamais aucune affaire… Prenez un sujet comme l’amiante, personne n’en parlait alors que Radio France a déjà consacré 10 M d’euros au désamiantage depuis 2006. Eh bien, il n’y a pas eu une seule enquête des journalistes sur leur propre maison alors que cela concerne leur propre santé !

Nous dirigeons-nous vers une arrivée massive de la publicité sur les antennes du service public ?

Il faut décrypter le discours des managers et des spécialistes de la communication en lisant entre les lignes. Quand ils disent par exemple qu’il n’y aura plus de pub dans les matinales cela signifie qu’il y aura de la pub dans tout le reste de la journée. Les radios qui attrapent les auditeurs par les oreilles pour les vendre aux publicitaires ça s’appelle des radios commerciales. Contrairement à ce qui a été dit, Radio France n’est pas née en 1963 avec la création de la Maison de la Radio par le Général de Gaulle. L’acte de naissance remonte au 22 août 1944, lors de la libération de Paris après une période où la grande majorité des médias avaient joué la carte collabo. La volonté de créer un pôle de radios publiques est issue de la Résistance. On retrouve cet esprit dans un texte du CNR qui affirme la volonté d’avoir une presse échappant aux puissances de l’argent et à celles des puissances étrangères. Aujourd’hui, l’ensemble des antennes de Radio France touche 14 millions d’auditeurs jour. On a très peu besoin de pub puisque le financement provient de la redevance et assure un budget pérenne.

Vous venez présenter en avant première Du pain et des roses, premier film d’une trilogie sur l’histoire populaire des USA à partir du travail d’Howard Zinn. Par quel bout avez-vous entrepris ce travail gigantesque ?

Tout est parti d’une rencontre avec cet homme extraordinaire en 2003. En 1980, Howard Zinn (1922/2010) sort son livre L’histoire populaire américaine qui rencontre un succès énorme. C’est un bouquin facile à lire, précis et documenté, qui fait que les gens s’y retrouvent. Au point où ce livre a contribué et contribue toujours à changer le regard des Américains sur leur propre histoire. Pour retracer 500 ans de cette histoire enfouie, nous sommes partis du parcours de Zinn lui-même qui a grandi dans une famille pauvre d’immigrants juifs ce qui lui a donné dès le départ une conscience de classe.

Une lutte de classe américaine mise en exergue dans ce premier film, du XIXème à la Première guerre, est littéralement gommée de l’histoire…

Oui, Zinn explique cette lecture de l’histoire très familière en Europe en commençant par la révolution américaine présentée comme une guerre contre l’occupant alors que ce fut surtout une guerre des riches contre les pauvres. Zinn a passé sa vie à faire comprendre comment cette vision politique du monde a été passée sous le tapis par la mobilité sociale. C’est à dire la forme de religion qui tend à vous faire croire qu’en étant cireur de chaussures vous pouvez devenir Rockfeller…

Recueilli par Jean-Marie Dinh

* Une histoire populaire américaine editions Agone

Source La Marseillaise 13/04/2015

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