Manoeuvres militaires conjointes France-Nicaragua

Le Parlement du Nicaragua a approuvé aujourd’hui le déroulement en mai de manoeuvres militaires conjointes avec la France, dans le cadre du raffermissement des relations et de la coopération entre les deux pays, a indiqué le bureau de presse du Congrès.
Le Congrès a approuvé une demande d’urgence du gouvernement français sollicitant l’autorisation d’entrée sur le territoire nicaraguayen de moyens aériens et navals.
Les manoeuvres se dérouleront du 8 au 12 mai. Y participeront une frégate de surveillance, un navire de la marine française et 94 marins.
L’exercice vise à renforcer les relations entre les armées des deux pays et à parfaire les connaissances des soldats nicaraguayen, selon le bureau de presse.

Paris et Bagdad renouent leurs liens militaires

Les ministres de la Défense français et irakien Hervé Morin et Abdel Qader Obeidi en ont fait l’annonce sur le perron du ministère de la Défense à Paris, 19 ans après l’invasion du Koweït par l’Irak qui avait mis fin à toute coopération militaire bilatérale. Le contrat porte sur l’achat de 24 appareils de transport EC 635 d’Eurocopter, filiale du géant européen de l’aéronautique EADS, pour un montant de 360 millions d’euros. Mais Paris assurera aussi la formation des équipages irakiens en France, sur des hélicoptères Gazelle mis à leur disposition, la maintenance des appareils ainsi qu’un soutien technique.

Lors d’une visite-surprise de Nicolas Sarkozy à Bagdad le 10 février, la première d’un président français depuis la création de l’Irak en 1921, le chef de l’Etat avait proposé une collaboration « sans limites » de la France à la reconstruction du pays, y compris dans le domaine de la défense. « Nous pouvons collaborer, former et équiper aussi l’armée irakienne », avait-il déclaré. Le contrat sur les hélicoptères apparaît ainsi comme une première étape, M. Morin annonçant, après une entrevue avec son homologue irakien, que Paris allait « rouvrir une mission militaire à Bagdad » et y dépêcher un attaché militaire « dès cet été ». « Nous voulons retrouver le niveau des relations que la France avait jusqu’aux années 80 » avec l’Irak, a-t-il souligné, rappelant qu’à l’époque, « une grande partie de l’armée irakienne était formée en France et équipée de matériel militaire français ».

A ses côtés, le ministre irakien a précisé qu’au cours de sa visite en France, il avait engagé des discussions sur « d’autres projets » avec « de grandes entreprises françaises ». Ces contrats d’armement, a-t-il jugé, renforceront « l’indépendance » de l’Irak et « faciliteront l’accord conclu avec les Etats-Unis sur le retrait des forces américaines ».
Paris et Bagdad voient déjà plus loin. M. Morin a proposé à son homologue un « accord cadre » portant sur « la formation des officiers irakiens, l’entraînement et l’encadrement de l’armée irakienne ainsi que la coopération industrielle ». La France, a souligné le ministre, est prête à concourir à la « reconstruction d’une aviation de combat » irakienne et à « la remise à niveau de l’armée de terre » en fournissant des blindés.

De 1977 à 1988, Paris était devenu l’un des principaux fournisseurs d’armement de l’Irak dirigé par Saddam Hussein, avec la vente d’une centaine de Mirage F1. La France qui s’est farouchement opposée, avec l’Allemagne et la Russie, à l’intervention américaine en Irak, pourrait aussi y dépêcher prochainement des instructeurs. Interrogé sur cette perspective, M. Morin a répondu que la France était « ouverte à toute forme de coopération » mais qu’il appartenait « au gouvernement irakien de dire ce qu’il souhaite ». Des militaires français seront présents en Irak « dès l’arrivée des équipements français », a enchaîné son homologue irakien, sans préciser le calendrier.

Voir aussi : Rubrique Irak :  Pétrole contre nourriture L’Irak demande des réclamations, Le président Jalal Talabani à Paris,

Affaires étrangères : le quai d’Orsay sort de ses murs

Montpellier est la première escale d’Eric Chevallier, conseiller spécial de Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, qui entreprend une tournée dans les grandes villes de l’hexagone. Jeudi dernier, le diplomate a rencontré les médias locaux avant d’aller débattre avec les étudiants de la fac de droit.  » Le ministre souhaite donner aux Français une plus grande visibilité de la politique internationale française (…) car les enjeux concernent directement leur vie quotidienne. « 

L’idée semble d’autant plus heureuse qu’elle coïncide avec l’omniprésence du président de la République sur la scène internationale. On a vu comment, avec plus ou moins de réussite, Nicolas Sarkozy use du levier que lui offre la présidence du Conseil de l’Union européenne. La démarche n’est pas sans rappeler celle de son prédécesseur à l’Elysée qui,  au plus bas dans les sondages, avait trouvé l’occasion de redorer son blason en distillant quelque poncifs humanistes dans les conférences internationales.

Plus touche à tout qu’homme de conviction, Sarkozy souhaite absolument imprimer sa marque dans les affaires du monde. Le 13 juillet dernier, le projet d’Union méditerranéenne inauguré à Paris, a permis à 43 pays de figurer sur la photo. On peut cependant s’interroger sur cette initiative qualifiée de réussite par le représentant du quai d’Orsay, dès lors qu’ elle demeure vide d’idée et de moyen. Sarkozy peut se brûler les doigts, comme il l’a démontré avec la Chine aux JO, mais il peut aussi bénéficier de sa bonne réactivité comme dans la crise géorgienne.

De l’aveu d’Eric Chevallier, le plan mis en place dans l’urgence par la médiation européenne est imparfait mais il a le mérite d’exister.  » Nous avons procédé par étapes. Dans un premier temps, il fallait aboutir au cessez-le-feu. La seconde étape vient de débuter avec le déploiement d’observateurs internationaux. Les Russes ont annoncé qu’ils procéderaient au recul de leurs troupes. Nous allons voir s’ils tiennent leurs engagements. La troisième étape aura lieu à Genève où seront abordées les questions politiques comme celles de la sécurité ou de l’intégration des réfugiés.  » A un autre niveau, le diplomate juge moins importante l’entrée éventuelle de la Géorgie au sein de l’U.E que la présence de l’Europe dans cette région. Un jugement visant à nuancer l’atlantisme avéré et silencieux du président français sur les grands enjeux internationaux.

Les relations avec nos partenaires étasuniens sont qualifiées par Eric Chevallier de  » plus confortables, avec des points de désaccords…  » Désaccord peu probant sur le front afghan, où la France s’engage dans une guerre sans issue qui réduit moins le terrorisme qu’elle n’en aggrave les motivations.  » Nous ne nous sommes pas engagés sur un calendrier de retrait. Ce serait mentir aux gens, car on ne sait pas exactement quand on sera en mesure de se retirer. « 

Pas grand chose non plus sur le conflit israélo-palestinien, dont la résolution est un élément essentiel de lutte globale contre le terrorisme. Sur ce terrain la Françe figure comme remorque de la diplomatie américaine en désignant du doigt les vilains Iraniens. Bien qu’elles n’aient pas été abordées, il semble que, malgré l’agitation, les préoccupations d’ordre intérieure empiètent considérablement sur la détermination de notre politique étrangère.

«La torture une pratique institutionnelle »

photo Rédouane Anfoussi

Michel Terestchenko est un philosophe français contemporain, auteur de sept ouvrages qui abordent par différents endroits, la philosophie politique et morale. Il était invité aux Rencontres Pétrarque du Festival Radio France et Montpellier L-R dans le cadre du débat : « Contre le terrorisme, tout est-il permis ? ».

Au cours des débats, vous avez estimé la torture moralement inadmissible et juridiquement condamnable. Mais le juridiquement condamnable ne vaut que quand le droit est respecté…

Aux Etats-Unis, la Convention de Genève en 1949 et la convention de l’ONU contre la torture en 1984 ont été ratifiées. Elles font donc partie du droit interne. Le Congrès américain a signé la convention de l’ONU en 1994 avec une interprétation très restrictive qui excluait en réalité toutes les formes modernes de tortures qui ne sont plus des tortures physiques mais des tortures psychologiques. La CIA à dépensé des milliards de dollars pour développer ces nouvelles techniques. A partir de deux modèles : la privation sensorielle et la souffrance auto-infligée.

Au lendemain du 11 septembre, les juristes de la maison blanche ont commencé à faire un travail de casuistique pour expliquer que les combattants d’Al-Qaïda n’étaient pas des soldats sous la protection des conventions internationales mais des combattants illégaux ou appartenant à des Etats déchus dans le cas des Talibans. C’était pour les mettre à l’écart du droit positif.

On définit assez aisément l’Etat de droit mais il semble plus difficile de définir la torture ?

Le principe enseigné dans les académies militaires américaines, c’est l’interdiction de toucher au corps. A partir de là, on se dit que toutes les formes de tortures psychologiques visant à briser la psyché humaine ne relèvent pas de la torture. Ceci dit le droit international proscrit la torture et les actes humiliants et dégradants. Cette question fait donc l’objet de débats et ouvre une forme de zone crise.

Observe-t-on un développement des zones de non droit ?

Au nom de la logique sécuritaire on assiste à la fois à une expansion des zones de non droit et paradoxalement au développement d’une société de l’insécurité. Société dans laquelle tout citoyen peut passer du statut de l’ami à celui de l’ennemi. On entre dans une économie générale de la peur. C’est un aspect très intéressant si on le rapporte à la fonction première de l’Etat qui est d’assurer entre les individus des liens de confiance, de sécurité qui les prémunissent justement du sentiment de la peur. En se sens, la torture est totalement improductive.

Vous dites aussi que la torture est politiquement ruineuse… Le fait d’attiser les peurs semble plutôt servir le pouvoir ?

Effectivement la peur est un moyen d’instaurer un plus grand contrôle du pouvoir mais ce moyen ne correspond pas à la finalité du pouvoir dans une société démocratique. Par ailleurs la torture reste fondamentalement inefficace. Tous les militaires et les agents de renseignement savent que c’est le moyen le moins fiable pour obtenir des informations. Les renseignements recueillis par la torture sont de mauvaise qualité. Elle est politiquement ruineuse parce qu’elle n’a jamais été une solution au conflit. Le meilleur exemple demeure l’Algérie où elle était pratiquée à grande échelle. La torture se retourne toujours contre les états qui y ont eu recours. Je crois que la torture introduit une corruption généralisée de la société qu’elle prétend défendre parce qu’elle corrompt tous les corps sociaux, le gouvernement, l’armée, le système judiciaire et l’opinion publique prise dans une espèce de passivité.

Est-ce que le modèle qui valide la pratique de la torture est exportable en Europe ?

Je pense que s’il y avait un attentat en France comparable à celui qui a eu lieu le 11 septembre, il y aurait lieu de craindre que des dérives semblables se développent. Il ne faut pas s’imaginer que cela ne concerne que les Etats-Unis où 44% des Américains se déclarent toujours favorables à cette pratique. Si au lendemain d’un attentat sur la tour Montparnasse on demandait aux Français de se prononcer, il est probable que l’on entre dans une logique qui ne soit pas aussi protectrice des libertés individuelles et des principes fondamentaux de l’Etat de droit. D’autant que l’on explique maintenant que la menace à venir est précisément celle posée par le terrorisme. C’était le discours officiel de Nicolas Sarkozy relayé par tous les médias. La tâche essentielle, c’est le renseignement, et le danger c’est l’ennemi invisible qui est par définition n’importe qui.

Comment faire face à cette dérive y compris sur le plan moral ?

Le point de vue moral est le plus fragile face à une argumentation de type utilitariste. Lorsqu’on vous dit : on torture un individu pour en sauver cent. Ce n’est pas simple de la réfuter. Cela nous renvoie au dilemme de Weber sur l’éthique de la conviction et celui de la responsabilité. La question de savoir si l’on peut transgresser la loi en situation d’exception rapporte le problème de la torture au problème de l’euthanasie active. C’est le même débat. La seule argumentation à mettre en place est de se demander : est-ce que ce modèle propose un scénario réaliste ou pas ? Ma thèse est que ce n’est pas du tout réaliste mais pervers et qu’il faut déconstruire ce prétendu réalisme. Toute la justification libérale de la torture en situation de nécessité repose sur ce paradigme de la bombe qui est sur le point d’exploser. On attend des autorités de l’état qu’elles n’agissent pas sous le coup de l’émotion.

Voir aussi : Rubrique livre, Mai 68 en surchauffe, Rubrique Philosophie Deleuze et les nouveaux philosophes, Rubrique Politique entretien Jean-Claude Milner, Michela Marzano, Daniel Bensaïd, Bernard Noël,


« Du bon usage de la torture ou comment les démocraties justifient l’injustifiable » aux éditions de la Découverte.