Fela, une révolution fondée sur l’authenticité

" Music is the weapon of the future "

 » Music is the weapon of the future « 

Festival Sète
Si vous êtes passés à côté des grands festivals du début de l’été, calez vous sur le Théâtre de la Mer et Fiest’A Sète pour une traversée de la dernière chance. Du 2 au 7 août la musique vivante vient à vous.

Après une première semaine de concerts réjouissants et gratuits dans le Bassin de Thau, Fiest’A Sète pénètre dans les murs exceptionnels du Théâtre de la mer pour une série de cinq concerts excellents pour la circulation sanguine. Un tourbillon qui nous entraînera aux quatre coins de la planète.


Demain ambiance Cubassimo assurée par Eliades Ochoa comparse du célèbre Buena Vista Social Club et le talentueux pianiste Roberto Fonseca. Jeudi la soirée African Divas avec Fatoumata Diawara, Hindi Zahra et Oumou Sangare est sold out. Vendredi 4 août cap sur les Balkans avec le groupe stanbouliote à découvrir Baba Zula et la fanfare roumaine Ciocarlia. Le 5 août, on file vers l’Orient avec le chanteur et joueur de Oud inspiré du jazz Dahfer Youssef (Tunisie), et le retour de la grande interprète égyptienne Natacha Atlas. Prodigieuse conclusion aux sources du blues rural américain dimanche, accompagnée par la violoncelliste new-yorkaise Leyla McCalla et Eric Bibb, héritier du folk rural du sud américain qui rendra hommage à Lead Belly avec l’harmoniciste Jean-Jacques Milteau.

Ce soir Tribute to Fela


On peut voir dans cette célébration des 20 ans de la mort de Fela une des lignes de force de Fiest’A Sète pas toujours très apparente pour le grand public fréquentant le festival. La force et l’émotion de la plus part des artistes invités, notamment africains, se puise dans un vécu social ou politique. Ce qui est manifeste dans le cas de Fela Kuti (1938-1997), musicien et homme politique engagé à travers sa musique et sa vie.

L’artiste nigérian,  qui compte parmi les pionniers de l’afrobeat, fut aussi un symbole de la rébellion. Il a dénoncé avec acharnement la trahison des idéaux indépendantistes, les systèmes politiques néo-patrimoniaux et l’autoritarisme des régimes africains.  Se présentant comme Africain avant de se dire Nigérian, Fela Kuti rejette les influences culturelles chrétiennes et musulmanes puis la colonisation qu’il perçoit comme des instruments de domination. 

Fela s’inscrit dans un courant radical du pan-africanisme. Il adopte un langage révolutionnaire inspiré des idéaux de Kwame Nkrumah, homme politique ghanéen qui contribua à l’obtention de l’indépendance du pays en 1957, une des premières en Afrique. Fela a incarné la contestation en dénonçant haut et fort toutes les failles du système politique nigèrian où les gouvernements successifs ont perpétué le système colonial d’appropriation des richesses par une élite.


Fela pense l’afrobeat comme une façon d’engager sa pratique artistique dans un courant émancipateur vis-à-vis de la domination occidentales. Lors d’un séjour aux Etats-Unis en 1969, le jeune musicien est confronté aux humiliations raciales que subit la populations noires. Il rencontre Sandra Smith, une membre des Black Panthers qui lui fait découvrir les écrits du militantisme noir radical dont ceux de Malcolm X.


Lors de cette soirée Tribute to Fela kuti sont invités l’afro américain Roy Ayers grand monsieur du jazz funky qui a gravé avec Fela Music of Many Colors et le fils  de Fela, Seun Kuti  qui jouait tout jeune au sein de l’orchestre paternel.  Ce qui augure d’une conjonction singulière qui synthétise éléments musicaux et revendications.

Fiest’A Sète demeure un festival à prescrire pour le retour aux sens des choses et le bien être moral dont tout le monde à grand besoin par les temps qui courent !

Jm & Alizé DINH

Réservation : 04 67 74 48 44

Source : La Marseillaise 1/08/2017

Voir aussi : Rubrique Afrique, Nigéria, rubrique Musique, Ethiopie Mahmoud Ahmed rubrique, RencontreSeun Kuti : Libre petit prince de l’AfrobeatMory Kanté, rubrique Festival,

Les nègres : Le grotesque salvateur

 

Après sa relecture des Nègres, le metteur en scène Emmanuel Daumas, parle de mise en abîme à l’infini, à propos du texte de Genet. Ce qui l’a poussé à aller chercher ses comédiens en Afrique. Il a rencontré au Bénin des comédiens prêts à donner suite à l’idée qui le taraudait : mettre en scène des jeunes qui puissent dire leur quotidien urbain en faisant paraître leur ressenti sur la manière dont les blancs les perçoivent et « qu’ils déconnent avec ça ».

Le résultat sur scène nous entraîne sur un fil sensible. La puissante présence des comédiens qui campent le plateau en appuyant sur le mauvais goût s’écarte des critères de la bienséance. On néglige la diction chère au théâtre classique au profit d’un langage corporel, tout paraît plus libre. Étrange sensation que d’éprouver un autre monde qui est pourtant le nôtre, celui de la cruauté et de la barbarie, celui de l’absurdité, de la honte, celui des célébrations travesties…

On est bien dans l’esprit de l’auteur qui voulait prendre les blancs à leur propre jeu. Genet a écrit ce texte à la fin des années 50, dans les années 70, il s’est investi aux côtés des Black Panthers. C’était un type convaincu et peu fréquentable qui mettait du blanc sur les visages noirs et du noir sur la peau noire en faisant ressortir la bouche bien rouge et les dents bien blanches, comme dans The Very Black Show de Spike Lee.

Cinquante ans plus tard, la confrontation entre le noir africain et le blanc français demeure ambiguë. La décolonisation institutionnelle s’est bien accomplie, mais elle n’a pas été suivie d’une décolonisation des esprits. Est-ce au théâtre d’en chercher les raisons ? Peut-être pas, mais le théâtre, pour Genet en tout cas, reste un art provocateur et subversif. Dans la pièce les nègres parlent aux morts.

Jean-Marie Dinh

Théâtre des 13 Vents, jusqu’à vendredi, résa 04 67 99 25 00.

Théâtre Trioletto

Hb Project, Les Européens d’Howard Barker

Howard Barker

Nous n’aurons pas peur des monstres ; nous serons capables d’être monstrueux et de mon(s)trer les monstres. Auteur anglais contemporain sulfureux, Barker décrit une humanité cruelle par nature et, paradoxalement, toujours séduisante d’intelligence et de lucidité. Dans les années 80, sa langue prend un tournant radical en rompant définitivement avec la narration et le sens, explorant avec rigueur l’effondrement du discours. Les thèmes très présents de la mutilation, et des violences spectaculaires ou invisibles font de son théâtre une œuvre puissante. Mise en scène de Stefan Delon

Au Théâtre Trioletto jusqu’au 23 mars à 20h30, entrée libre Résa Crous : 04 67 41 50 09.