Le Mexique privatise son pétrole

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par John Mill Ackerman,

Le 20 décembre 2013, le Mexique a fait un bond de soixante-seize ans dans le temps quand le président Enrique Peña Nieto a annoncé une réforme constitutionnelle remettant le contrôle de l’industrie pétrolière aux mains des mêmes multinationales qui en avaient été écartées par le père de l’Etat moderne mexicain, le président Lázaro Cárdenas, en 1938. Cela faisait trois décennies que la clique de politiciens néolibéraux qui gouverne le pays échouait dans sa tentative de démanteler le monopole d’Etat de Petróleos Mexicanos (Pemex) et de privatiser la rente pétrolière. Mais en décembre dernier, presque sans aucun débat et comme un coup de tonnerre, il leur a fallu moins de deux semaines pour rassembler les votes nécessaires et accomplir cette transformation historique de la constitution mexicaine (lire « Echec et mat pour la gauche mexicaine »).

Avant la réforme, l’industrie pétrolière mexicaine était l’une des plus « nationales » du monde. Elle contenait une stricte interdiction constitutionnelle contre toute forme de contrat ou de concession accordée au secteur privé lui attribuant un contrôle direct ou des droits de propriété sur l’une des étapes de l’extraction, du raffinage ou de la commercialisation du pétrole. Avec les réformes des articles 25, 27 et 28 de la constitution mexicaine de 1917, Pemex se voit reconvertie en simple sous-traitant du ministère de l’énergie. Le président pourra décider, après appel d’offres mais sans aucune intervention du pouvoir législatif, de la répartition des différents gisements pétrolifères entre les entreprises intéressées. La réforme ouvre également la porte à l’expansion massive de la fracturation hydraulique, ou fracking, sur l’ensemble du territoire mexicain pour l’extraction du pétrole et du gaz naturel.

Le Washington Post a immédiatement salué ces réformes avec émotion :« Alors que l’économie du Venezuela implose et que la croissance du Brésil stagne, le Mexique est en train de devenir le producteur de pétrole latino-américain à surveiller — et un modèle de la façon dont la démocratie peut aider un pays en développement » (éditorial du 16 décembre 2013). Le Financial Times a également applaudi « le vote historique du Mexique en faveur de l’ouverture de son secteur pétrolier et gazier aux investissements privés, après soixante-quinze ans de soumission au joug de l’Etat, (…) un joli coup politique de la part d’Enrique Peña Nieto » (15 décembre 2013). La revue Forbes, quant à elle, promettait : M. Peña Nieto « restera dans les livres d’histoire » (18 novembre 2013).

Ceux qui défendent les modifications de la constitution postulent que Pemex est devenue une entreprise inefficace et corrompue, incapable de tirer avantage des énormes réserves de pétrole et de gaz naturel du pays : approximativement 30 milliards de barils de pétrole et 46 450 milliards de mètres cube de gaz naturel (seul l’Arctique détiendrait de plus grandes réserves de pétrole brut inexplorées). Alors que la production du pétrole au Mexique a fondu ces dernières années d’un pic de 3,3 millions de barils par jour en 2004 à seulement 2,5 millions actuellement, les auteurs de la réforme promettent qu’elle permettra de la porter à 4 millions de barils par jour à l’horizon 2025.

Il n’existe toutefois aucune garantie que l’entrée en scène des multinationales dope la production. La priorité de ces entreprises n’est pas l’exploitation directe du pétrole, mais le contrôle des nouvelles réserves afin de soutenir leur cote en bourse. Est-ce vraiment un hasard si l’un des articles de la réforme énergétique précise que bien que le pétrole mexicain restera « propriété de la nation », les entreprises privées qui bénéficieront de nouvelles licences « pourront reporter dans leur comptabilité et leur bilan l’allocation ou le contrat ainsi que les bénéfices attendus » ?

Ces « bénéfices » pourraient bien ne jamais se matérialiser. Le cas de Repsol en Argentine est un excellent exemple de contraction de la production, dans un contexte de privatisation (1). En avril 2012 le gouvernement de Cristina Fernández de Kirchner a même décidé de nationaliser l’entreprise en réponse à ce qu’elle considérait comme une politique délibérée « de saccage » et « d’improductivité » (2). Les menaces des sociétés pétrolières de ralentir leur production motivèrent également l’expropriation décidée par Cárdenas au Mexique, en 1938.

L’enthousiasme de la presse contraste avec le scepticisme des Mexicains, nourri par une longue expérience des privatisations au cours des deux dernières décennies. Le principal résultat de cet épisode ? L’enrichissement d’une poignée de familles qui forment aujourd’hui une oligarchie prédatrice et corrompue, contrôlant tous les aspects de la vie politique et économique du pays (3). Sans surprise, toutes les études d’opinion suggèrent qu’une grande majorité de la population rejette la privatisation de l’industrie pétrolière (4).

Pourquoi imaginer que le nouveau spasme privatisateur se distingue du précédent ? Après tout, M. Peña Nieto doit sa carrière politique à son mentor, l’ex-président Carlos Salinas de Gortari (1988-1994), responsable de la plus grande partie des privatisations antérieures. Les deux hommes sont membres du très ancien Parti Révolutionnaire institutionnel (PRI), qui a gouverné le pays pendant soixante et onze ans et qui demeure le plus corrompu du pays.

Mais la privatisation présente également un autre danger : celui d’une importante crise budgétaire. A l’heure actuelle, Pemex fournit un tiers de son budget à l’Etat fédéral. Le gouvernement compensera-t-il le manque à gagner par une hausse de la fiscalité sur des entreprises aussi puissantes qu’Exxon-Mobil, Shell ou Chevron ? Les doutes s’avèrent fondés : quelques jours après que la réforme pétrolière a été annoncée, M. Peña Nieto s’est plié aux pressions des grandes entreprises en signant un décret les exemptant d’une série de nouveaux impôts approuvés à peine deux mois auparavant.

Et si le gouvernement mexicain ne peut pas, ou ne veut pas récolter les impôts nécessaires, il sera bien moins en mesure d’éviter les graves atteintes à l’environnement qui accompagnent inévitablement l’expansion de l’extraction pétrolière — un danger particulièrement important lorsqu’on utilise la technique du fracking. En France, le Conseil constitutionnel a récemment avalisé la loi du 13 juillet 2011 qui interdit précisément l’utilisation de cette technique en raisons des dangers environnementaux qu’elle présente. Au Mexique, le Congrès et la Cour suprême de justice auraient difficilement assez de poids pour résister aux pressions des entreprises pétrolières et prendre une telle mesure. L’impunité dont jouissent les entreprises minières canadiennes sur le sol mexicain n’est qu’une illustration supplémentaire de la vague de destruction environnementale que pourraient entraîner les nouvelles réformes pétrolières.

Face au rejet de la réforme par la population, le gouvernement se réfugie derrière la « grande coalition » politique dont le président s’est armé pendant la première année de son mandat : le « Pacte pour le Mexique », qui a réuni à la table de négociation les dirigeants des trois principaux partis politiques en vue d’un accord sur un agenda législatif commun.

Succès indéniable dans la mesure où il a atténué les conflits entre les membres de la vieille classe politique qui gouverne le pays depuis trois décennies, le Pacte a simultanément approfondi le fossé entre le monde politique et la société. L’enquête annuelle Latinobarómetro révélait en 2013 que seuls 21 % des Mexicains s’estimaient « satisfaits » de leur démocratie : le pire résultat de la région latino-américaine. L’hebdomadaire The Economist anticipe même un soulèvement social au cours des prochaines années. Il a inclus le Mexique dans sa liste des soixante cinq pays du monde présentant les plus hautes probabilités de « rébellion » au cours de l’année 2014 (5).

Paradoxalement, ce mécontentement généralisé pourrait être l’acteur le plus important à l’heure d’impulser un développement durable dans le pays. Ce dont le Mexique a besoin aujourd’hui n’est pas d’accueillir et de mener à ses conséquences ultimes l’ancien modèle de privatisation, mais bien de construire un mouvement social d’opposition fort capable de défendre l’intérêt et les institutions publics à l’heure où les entreprises pétrolières se rapprochent pour profiter des nouvelles « opportunités » dans le pays. Le véritable « décollage » du Mexique, ainsi qu’une économie forte, ne jailliront pas de la privatisation du pétrole, mais de la réponse sociale que cette réforme pourrait entraîner.

Ceux qui défendent la réforme pétrolière au Mexique affirment qu’elle permettra au pays de suivre l’exemple de la Norvège, dont la population a bénéficié des fruits de la production pétrolière dans un contexte impliquant une large participation du secteur privé (6). Mais ce dénouement dépend autant du contexte politique que des réalités économiques. En l’absence d’un Etat fort et animé d’une volonté claire de serrer la vis aux multinationales, une ouverture pétrolière entraînerait probablement de graves problèmes de gouvernabilité et une stagnation économique.

Paradoxalement, c’est le pays qui a montré l’exemple au reste du monde en 1910 avec la première révolution véritablement sociale du XXe siècle qui reste aujourd’hui en retrait de la tendance latino-américaine de revitalisation démocratique avec une « vague rose » de gouvernements décidés à engager une transformation sociale, en Equateur, en Uruguay, en Bolivie, au Venezuela, voire au Brésil ou en Argentine. Au Mexique, le retour au pouvoir du PRI semble, au contraire, annoncer le démantèlement accéléré des conquêtes sociales du siècle dernier. Cependant, bien que la privatisation pétrolière marque la fin d’une époque historique, elle pourrait aussi, comme la chouette de Minerve, signifier le début d’une renaissance sociale, qui permettrait finalement au peuple mexicain d’unir ses forces avec ses frères et sœurs latino-américains dans la transformation politique de l’ensemble du continent américain.

John Mill Ackerman

Chercheur à l’Institut de recherches juridiques de l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM) et directeur de rédaction de la Mexican Law Review.
Source : Le Monde Diplomatique mars 2014
Voir aussi : Rubrique Amérique Latine, Mexique, Rubrique International,

 

24 réacteurs nucléaires à fermer pour EELV et le PS

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Alors que chacun donne de la voix pour imposer sa vision du nucléaire de Jean-François Copé à Manuel Walls, d’Henri Proglio à Daniel Cohn-Bendit, les négociations ardues entre PS et Europe Ecologie les Verts (EELV) continuent en arrière-plan. Ce mardi 15 novembre, Martine Aubry et Cécile Duflot se sont rencontrées et entendues sur un « accord politique de majorité parlementaire » entre les deux partis pour 2012, selon des sources de l’AFP chez EELV.

Cet accord devrait être rendu public ce soir par le PS et validé ce week-end, chez les écologistes, lors du conseil fédéral d’EELV. Le document d’une trentaine de page acte les points d’accords et de désaccord entre les deux formations.

Pour ce qui est des accords, l’addition est salée pour la filière de l’atome. Les deux formations s’entendent sur la fermeture de 24 réacteurs d’ici 2025, l’arrêt du retraitement et de la filière MOX (combustible mélangé de l’uranium et du plutonium), une politique d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables, la réduction de la consommation d’électricité et la mise en place d’une filière d’excellence du démantèlement des réacteurs nucléaires. La fermeture de 24 réacteurs, sur les 58 que compte la France, toucherait en premier lieu les centrales les plus anciennes comme Fessenheim ou le Tricastin.

Côté désaccord, demeure l’arrêt du chantier de réacteur EPR de troisième génération en construction à Flamanville (Manche). Les travaux se situent à mi-chemin selon l’opérateur EDF et déjà 3 à 4 milliards d’euros y ont été dépensés.

François Hollande, le candidat PS à la présidentielle, refuse de stopper cette réalisation nécessaire à la réalisation d’une transition énergétique en France. Les verts, de leur côté, jugent que la mise en route de ce réacteur pour 60 ans, à partir de 2016, ne peut que ralentir la France dans une mutation énergétique, considérés comme indispensable par la formation écolo.

Si l’accord est maintenu en l’état, EELV y gagne un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale de 25 à 30 députés. En revanche aucun ministre vert ne devrait entrer au gouvernement tant que l’affaire de l’EPR n’est pas tranchée.

Ludovic Dupin (L’Usine Nouvelle)

 

Communiqué du Réseau sortir du nucléaire

Les négociations PS-EELV à la botte du lobby nucléaire 

Accord ou diktat du PS ?

L’accord EELV-PS présenté le mardi 15 novembre laisse un goût amer à ceux qui veulent réellement la sortie du nucléaire. En fait d’accord, François Hollande est tout bonnement parvenu à imposer son positionnement initial : sous de belles formules, on ne retrouve rien d’autre que son propre programme. Pas question de remettre en cause l’EPR de Flamanville, malgré ses surcoûts, dangers et malfaçons qui sont maintenant de notoriété publique.

La poursuite du nucléaire n’est absolument pas remise en question par la promesse de fermeture de 24 réacteurs d’ici 2025. Cette maigre concession passe outre l’état de vieillissement du parc restant (rappelons que d’ici 2025, plus de trente réacteurs auront dépassé la quarantaine, alors même que les cuves des réacteurs, qui ne se remplacent pas, ne sont conçues que pour une durée de fonctionnement de 30 ans) [1] Plus grave, ni calendrier précis ni liste de réacteurs (à l’exception de Fessenheim) n’ont été publiés : en évoquant une échéance à 2025, le PS se laisse ainsi les coudées franches pour se contenter de la seule fermeture de la centrale alsacienne lors d’un futur quinquennat !

La catastrophe de Fukushima persiste maintenant depuis plus de huit mois, et la majorité des Français (et des membres du PS) souhaite la sortie du nucléaire… mais cela importe peu à M. Hollande !

Une rédaction sous la dictée du lobby nucléaire

Ces dernières semaines, alors que se poursuivaient les négociations, les nucléocrates de tous bords, de Jean-François Copé à Michel Rocard se sont relayés pour décrédibiliser l’idée d’une sortie du nucléaire. Les affirmations caricaturales ont fusé de toute part pour qualifier d’apocalyptique une transition énergétique pourtant indispensable et créatrice d’emplois [2]. Or le journal Médiapart révèle aujourd’hui à quel point l’industrie nucléaire a pris le pas sur le politique. Le seul paragraphe véritablement ambitieux, promettant l’arrêt du retraitement et de la fabrication du MOX, un combustible extrêmement dangereux et récemment abandonné par les Britanniques, a ainsi été tout bonnement supprimé de la version soumise au vote du PS… suite à des SMS envoyé par l’équipe d’Henri Proglio aux membres du Bureau National du PS ! [3].

Pour le Réseau « Sortir du nucléaire », cette manipulation de la démocratie est intolérable. Il est inacceptable qu’un parti politique, censé défendre l’intérêt général, se soumette ainsi aux ordres du lobby nucléaire. Le Réseau « Sortir du nucléaire » appelle à dénoncer haut et fort cet accord biaisé, et à la mobilisation citoyenne pour une sortie ferme et définitive du nucléaire.

voir aussi : Rubrique Ecologie, rubrique Politique,

L’Allemagne renonce au nucléaire

L'Allemagne renonce au nucléaire

 

Dans la nuit de dimanche à lundi, la coalition libérale-conservatrice allemande s’est entendue sur une sortie du nucléaire. D’ici 2022 au plus tard, la dernière des 17 centrales nucléaires allemandes devra avoir fermé ses portes. Une initiative visionnaire qui profitera à l’économie allemande pour certains commentateurs, une mise en péril de l’approvisionnement énergétique européen pour d’autres.

Aftonbladet – Suède 

Berlin montre la voie

En décidant de sortir du nucléaire, l’Allemagne assume au moins dans le domaine de l’énergie la position de précurseur qui lui échoit en Europe, salue le journal à sensation de gauche Aftonbladet : « L’Allemagne est la quatrième nation industrialisée de la planète, la première économie européenne et vient de décider de prendre les devants. La décision d’hier constitue une avancée inédite pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Le Financial Times écrit que la liquidation du nucléaire allemand déclenchera un boom en Europe pour l’utilisation des énergies renouvelables et la réalisation d’économies d’énergie. … Ce changement nécessite des investissements massifs mais générera aussi des coûts d’électricité plus élevés. L’efficacité énergétique revêt donc une importance primordiale. Les études montrent que l’Allemagne pourrait réduire ses coûts énergétiques de 10 à 20 pour cent en améliorant son efficacité. … Ces derniers temps, l’Allemagne n’a cessé de temporiser et de refuser à assumer le rôle de leader que l’Europe attend de son meilleur représentant. C’est précisément ce que fait le pays aujourd’hui dans le domaine de l’énergie. » (31.05.2011)


Polityka – Pologne 

Les énergies vertes à la place du nucléaire

Sortir du nucléaire en Allemagne d’ici 2022 est véritablement audacieux mais faisable du fait de l’économie innovante du pays, estime l’édition en ligne du magazine d’information Polityka : « L’Allemagne s’est donc décidée à mettre fin à l’ère du nucléaire sur son territoire et ce bien qu’elle ait construit 17 centrales qui couvrent 23 pour cent des besoins en électricité du pays. Ils ont eu le courage de prendre cette grande initiative mais on ignore encore comment les choses se poursuivront. L’objectif est clair et décrit du reste précisément depuis longtemps : miser sur les énergies vertes. Cela est-il possible ? Dans le cas de l’Allemagne, il semble que oui. L’Allemagne est aujourd’hui déjà le leader incontesté du marché en Europe dans l’exploitation des sources d’énergie renouvelables. » (31.05.2011)

 

De Tijd – Belgique 

Une décision bénéfique à l’économie

La décision de l’Allemagne de sortir du nucléaire est légitime mais constitue aussi un défi pour l’économie, estime le journal économique De Tijd : « L’accident de Fukushima a montré que l’énergie nucléaire n’est pas fiable à 100 pour cent. Les tests de résistance peuvent au mieux réduire les risques de catastrophe nucléaire sans toutefois complètement les exclure. Si la population allemande n’est pas prête à prendre ce risque, elle est dans son bon droit. Mais le pays doit alors accepter toutes les conséquences. Ce sera un défi important de garantir l’approvisionnement énergétique à un prix acceptable sans affaiblir la position concurrentielle des entreprises allemandes. La décision de sortir du nucléaire d’ici 2022 a le mérite d’être claire. Cela pourrait constituer une formidable impulsion pour le secteur des énergies renouvelables et pour la recherche de techniques permettant de rendre les centrales conventionnelles plus écologiques. Si l’Allemagne y parvient, elle aura une longueur d’avance sur les autres pays. » (31.05.2011)


Blog Géopolitique – France 

Les écolos allemands importeront du nucléaire

La sortie du nucléaire en Allemagne est une initiative électoraliste et hypocrite qui affaiblira l’Europe, estime Pierre Rousselin dans son blog Géopolitique : « Face à l’effondrement de ses alliés libéraux du FDP, Angela Merkel parie sur une alliance avec les Verts. Cette équation politique a des répercussions pour toute l’Europe. Notre continent renonce pour longtemps à toute indépendance énergétique. Sa dépendance à l’égard de la Russie et de son gaz va s’aggraver. La France, elle, exportera davantage de son électricité. Comble de l’hypocrisie?: ce sont nos centrales qui éclaireront et chaufferont les écolos allemands. Quant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce n’est déjà plus une priorité. » (31.05.2011)

» article intégral (lien externe, français)

Die Welt – Allemagne 

La pression écologique menace la démocratie

Deux mois après l’accident de Fukushima, le gouvernement allemand a décidé de sortir définitivement du nucléaire. Le quotidien conservateur Die Welt s’irrite d’un rythme décisionnel qui nuira selon lui à la démocratie : « Hans-Jürgen Papier, ex-président de la Cour constitutionnelle, juge ‘illégal’ le moratoire que la magicienne Angela Merkel a sorti de son chapeau quelques jours après Fukushima. … Et cela ne semble choquer personne que l’instance établie par Merkel pour imposer la sortie du nucléaire ait été effrontément nommée ‘Commission d’éthique’. … Si un membre fondateur de l’UE aussi puissant que la République fédérale d’Allemagne souhaite autant une nouvelle voie énergétique pour l’Europe et la planète, il aurait été indispensable de mener cette entreprise au niveau européen. … Il se forme déjà une alliance impie entre ceux qui veulent enfin pouvoir gouverner comme ils l’entendent et ceux qui souhaitent occulter le Parlement et l’opinion publique en exerçant une pression écologique ‘morale’. » (31.05.2011)

Voir aussi : Rubrique Ecologie, rubrique Politique24 réacteurs nucléaires à fermer, rubrique UEParlement européen et corruption, rubrique internationale Fukushima désinformation,

Electricité, gaz, téléphone: des tarifs sociaux bien planqués

Et voilà, les prix du gaz augmentent encore, de 5,2% cette fois. Soit une hausse de plus de 20% en un an. Quant aux tarifs de l’électricité, ce n’est pas vraiment mieux. Selon Les Echos, EDF réclame une hausse de 30% d’ici 2015. «Dans l’ensemble, depuis cinq ans, on constate une augmentation des prix des services essentiels, dont on ne peut pas se passer. Que ce soit le gaz, l’électricité  mais aussi le fioul, l’essence, l’ADSL, les assurances…», énumère Thierry Saniez de l’association de consommateurs CLCV (Consommation, logement et cadre de vie).

Comme pansement social à ces hausses, les politiques, de droite comme de gauche, brandissent les tarifs sociaux, censés alléger les factures des plus démunis. Ils existent déjà pour l’électricité, le gaz et le téléphone fixe. Le Premier ministre, François Fillon, en a promis un (il y a plus d’un an) pour faciliter l’accès à Internet. Le Parlement vient de voter une loi instaurant un tarif social de l’eau. Quant à Yves Cochet (Verts), il veut dupliquer l’idée pour les prix des carburants. Efficace? L’idée est bonne mais en pratique le fonctionnement n’est pas satisfaisant. Revue des principaux problèmes. Et pistes de solutions.

La galère pour y accéder

Prenez le tarif première nécessité (TPN), mis sur pied par EDF en 2004 et le tarif spécial de solidarité (TSS) valable pour le gaz. Pour en bénéficier, il faut être éligible à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). Sauf que cela n’a rien d’automatique. La caisse primaire d’assurance maladie envoie un formulaire aux personnes concernées. Complexe, comme tous les formulaires, avec une mention spéciale sur le nombre de chiffres à recopier. «Cela multiplie les risques d’erreur, sans compter les documents qui se perdent, ceux qui ne sont pas envoyés à la bonne adresse… Et tous ceux qui n’ont pas de factures en leur nom, qu’ils vivent chez des proches ou en concubinage», explique Stéphane Mialot, directeur des services du médiateur de l’énergie.

Pour le téléphone fixe, France Télécom propose depuis plus de dix ans une réduction sur l’abonnement de base. Sont éligibles cette fois les personnes touchant le RSA (revenu de solidarité active), l’allocation adulte handicapé ou l’allocation de solidarité spécifique (pour les chômeurs en fin de droits). Aucun courrier n’est envoyé pour informer les bénéficiaires potentiels. Ceux qui par chance sont au courant doivent demander un formulaire au Pôle emploi.

C’est l’un des gros points noirs de ces tarifs sociaux, ils sont peu connus. «Il faut dire que les entreprises ne communiquent pas beaucoup sur le sujet. On avait mené l’enquête il y a quelques années sur les tarifs sociaux de l’électricité et du gaz, peu de travailleurs sociaux en avaient connaissance», rapporte Pierre Mazet, de l’observatoire du non recours aux droits et services.

Très peu de personnes en bénéficient

L’écart entre les bénéficiaires potentiels et réels est important. Pire, il se creuse. L’année dernière, le nombre de ménages profitant du TPN (électricité) a chuté, et pas qu’un peu. Ils étaient 940.000 fin décembre 2009 et seulement 625.000 (-33%) en 2010. Comment expliquer cette baisse? EDF plaide la bonne foi, disant ne pas avoir d’explication. La nécessité de refaire chaque année la demande (et donc la paperasse) serait un élément d’explication.

Quoi qu’il en soit, ces chiffres sont le signe du mauvais fonctionnement de ces tarifs sociaux. On estime à deux millions le nombre de personnes éligibles au TPN et à un million pour le tarif spécial du gaz (contre 300.000 dans les faits).

Concernant le téléphone, même constat. Quelque 330.000 clients bénéficient de la réduction sur l’abonnement à la ligne fixe. «Leur nombre baisse mais c’est normal, il suit l’évolution des abonnements de ligne fixe. Les gens préfèrent le portable», assure-t-on chez France Télécom qui se targue de proposer depuis un an et demi — «avant nos concurrents et avant que le gouvernement nous le demande» — un forfait mobile spécial RSA. Sauf que là, encore, ils sont très peu à en bénéficier, à peine 4.500.

Pas du tout à la hauteur des factures

Dans le cas du forfait mobile d’Orange, c’est 10 euros par mois pour 40 minutes de communication et 40 SMS. Sachant qu’une fois le temps épuisé, il faut racheter des recharges au prix fort. Quand on sait que les premiers forfaits classiques commencent à 15 euros par mois… On comprend mieux que peu de personnes fassent les démarches.

Pour l’électricité, c’est encore pire. «Le tarif première nécessité ne couvre pas du tout les frais de chauffage. Il a été pensé pour garantir le minimum de lumière et le fonctionnement du frigo», indique Stéphane Mialot. Le TPN n’offre qu’une réduction sur l’abonnement et sur les 100 premiers kWh consommés chaque mois. C’est très peu. Cela revient à une économie d’environ 88 euros par an! C’est rien du tout quand on sait que la facture moyenne d’électricité est de 600 euros par an, et monte facilement à 1000 euros quand on utilise un chauffage électrique. «Or, souvent les personnes dans le besoin vivent dans des appartements mal isolés avec des radiateurs électriques», rappelle comme une évidence Stéphane Mialot.

Comment améliorer

Première idée, valable pour le gaz et l’électricité: automatiser l’application des tarifs sociaux pour éviter la case paperasse. «Cela fait des années que cette mesure de bon sens est imminente, on attend toujours», ironise Pierre Mazet. «Concrètement, on voit mal comment cela va fonctionner, estime Stéphane Mialot. Encore faudrait-il que les fichiers des adresses soient à jour… Et cela ne résout pas tout : quand la personne n’a pas de facture à son nom, elle n’a pas droit à l’aide.»

L’association de consommateur CLCV milite pour une solution plus radicale : «Repenser le système, réfléchir à un dispositif global plutôt que de multiplier comme ça les tarifs sociaux pour colmater les trous, juge Thierry Saniez. On a fait des propositions, elles sont sur la table. Maintenant, cela relève d’un choix politique. Veut-on, oui ou non, garantir l’accès pour tous aux services essentiels ? »

Marie Piquemal (Libération)

 

Voir aussi : Rubrique Société Pauvreté, rubrique Consommation,

Total accusé de «complicité d’assassinats et de travail forcé» en Birmanie

Le siège de Total à la Défense. Photo AFP

Le siège de Total à la Défense. Photo AFP

Dans un rapport que «Libération» a pu consulter en avant-première, l’ONG EarthRights International publie de nouveaux éléments montrant des violations massives des droits de l’homme dans la zone exploitée par le pétrolier français.

Exécutions, travail forcé, expropriations et soutien financier à la junte, les nouvelles accusations portées à l’encontre de Total en Birmanie sont sévères. Dans un rapport publié ce matin que Libération s’est procuré, l’ONG américano-thaïlandaise Earth Rights International (ERI) accuse le géant pétrolier français et ses partenaires américain (Chevron) et thaïlandais de «complicité d’assassinats ciblés, de travail forcé».

ERI écrit également que le gisement gazier de Yadana, géré par ces compagnies pétrolières dans le sud du pays, demeure la «principale source de revenus d’une dictature militaire notoirement répressive». Et, comme elle l’a déjà fait en avril, appelle les compagnies à une plus grande transparence (lire ici).

Ces accusations ne sont pas nouvelles. En septembre dernier, ERI publiait deux rapports accablants pour Total (lire ici) montrant, chiffres et témoignages à l’appui, comment le groupe pétrolier entretenait des liens très troubles avec le régime birman.

«Charte éthique» et «éliminations ciblées»

Mais dix mois plus tard, ERI ne constate pas franchement d’améliorations. Pis, dans son dernier document, l’ONG détaille de nouvelles violations des droits de l’homme et révèle que l’exploitation de Yadana par Total et ses partenaires a «généré plus de 9 milliards de dollars (7,17 milliards d’euros, ndlr) en Birmanie depuis 1998». Ces accusations montre à nouveau le grand écart auquel se livre Total en Birmanie: elle brandit sa «charte éthique» et cite les droits sociaux et des droits de l’homme qui ne sont pourtant guère appliqués sur le terrain. Contacté vendredi, le groupe pétrolier français n’a pas souhaité s’exprimer avant d’avoir lu les 49 pages de l’enquête.

Ces douze derniers mois, ERI a rassemblé plusieurs témoignages dans la zone du pipeline de Yadana. L’un d’eux rapporte l’exécution de deux hommes de l’ethnie Mon, dans le village Ahlersakan. Ces «éliminations ciblées», selon EarthRights International, auraient été commandités par «l’officier Balay (aka) Nyi Nyi Soe du bataillon 282 spécialement chargé de la sécurité du personnel des compagnies pétrolières et du gazoduc».

Total et Chevron ont confié leur sécurité et celle de leurs installations à l’armée birmane. Pas moins de 14 bataillons seraient déployés dans la région de Tenasserim où est installé le gisement et le pipeline reliant la mer d’Andaman à la Thaïlande. Là, dans un corridor long de 60 km, vivent près de 50.000 personnes. C’est dans cette zone que les villageois sont forcés à s’entraîner pour aider l’armée à sécuriser les lieux. Des témoins indiquent que certains entraînements obligatoires ont duré tout le mois de février et qu’ils devaient financer de leur poche les opérations.

«Total nous a payé chacun»

D’autres villageois ont précisé des cas de travail forcé, une accusation récurrente pour Total qui s’est pourtant engagé à lutter contre ce fléau en collaborant avec l’Organisation internationale du travail. ERI avance qu’«entre fin 2009 et début 2010», des soldats en nombre ont réquisitionné des habitants pour «porter des charges, servir de guide dans la jungle, creuser des tranchées, dans les villages de Zinba, Kaleingaung, Michaunglaung, etc.»

Plus grave, il semble même que Total ait été informé d’au moins un cas de travail forcé. Un villageois de Zinba raconte: «A la fin de l’année 2009, j’ai dû aller nettoyer le campement du bataillon 410. Notre chef de village nous a demandé de couper la pelouse pour les soldats. Plus tard, Total est venu et nous a payés 3000 Kyat (2,40 euros environ) chacun pour avoir taillé de l’herbe avec nos engins.»

Dans la seconde partie du rapport, EarthRights International revient sur les revenus dégagés dans le projet Yadana. Grâce à de nouveaux documents, ERI va plus loin que l’année dernière et estime que les compagnies pétrolières auraient généré quelque 9,031 milliards de dollars (7,2 milliards d’euros). Sur cette somme, 1,679 milliard de dollars (1,33 milliard d’euros) auraient payé «les coûts de développement et de fonctionnement». Les généraux birmans auraient perçu 4,599 milliards de dollars (3,65 milliards d’euros). Une bonne part de cette somme serait sur des comptes de deux banques offshore: Overseas Chinese Banking Corporation (OCBC) et DBS Group à Singapour. Matthew Smith croit savoir qu’une part de ces «fonds est conservée sur des comptes privées de personnes physiques» afin d’échapper à l’attention des listes de sanctions internationales.

En 2009, ERI écrivait que «Yadana a été un élément décisif permettant au régime militaire birman d’être financièrement solvable». Autrement dit, il a pu «à la fois ignorer la pression des gouvernements occidentaux et refuser au peuple birman toute demande démocratique». Cette année, l’ONG avance que ces fonds pourraient «servir à des fins diverses, comme l’acquisition illégale de technologies nucléaires ou d’armes balistiques». Mais, même en reprenant des informations publiées en juin sur les intentions nucléaires de la Birmanie, le rapport n’apporte aucun nouvel élément de preuve sur cette question.

Voir aussi : On line Nouvelles accusationn contre Total en Birmanie, le site EarthRights en anglais