Sondages : Un procès pour intimider les chercheurs ?

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Transition Autoritaire : « Un petit prof de fac » – Alain Garrigou, enseignant-chercheur en sciences politiques, assigné par Patrick Buisson, conseiller spécial de l’Elysée et dirigeant de Publifact.

Le lundi 22 novembre 2010 avaient lieu les plaidoiries de l’affaire opposant M. Patrick Buisson à notre collaborateur Alain Garrigou (1) et au journal Libération. Le dirigeant de l’institut de sondages Publifact, conseiller de la présidence de la République, ancienne plume du journal d’extrême droite Minute, assignait, en effet, pour « diffamation », ce professeur de science politique de l’université de Paris-Ouest-Nanterre, spécialiste des sondages, et le journal lui ayant consacré un entretien. Dans Libération daté du 6 novembre 2009 (2), M. Garrigou aurait « franchi la ligne rouge », comme n’a eu de cesse de le soutenir durant sa plaidoirie Me Gilles William Goldnadel, avocat de M. Buisson, en tenant les propos suivants : « Pourquoi l’Elysée paie-t-il beaucoup plus cher en passant par lui [Patrick Buisson] au lieu de les acheter à moindre prix directement ? Et pourquoi laisser Buisson se faire une marge de 900 000 euros sur son dos ? Soit c’est un escroc, soit un petit soldat qui constitue un trésor de guerre pour payer des sondages durant la prochaine campagne électorale sans que ce soit visible dans les comptes de campagne du futur candidat Sarkozy. » Pour ces motifs, Me Goldnadel demandait, en plus de la reconnaissance du délit de diffamation publique à l’encontre de M. Buisson, le paiement de la somme de 100 000 euros, à titre de dommages et intérêts, par les prévenus.

Dans un contexte de mise en question publique des pratiques de l’Elysée en matière de sondages, ce procès ne pouvait que revêtir un caractère politique. Ainsi, dans sa plaidoirie, Me Goldnadel, expert dans l’art de poursuivre en justice pour « diffamation » et « antisémitisme » les auteurs de propos qui relèvent le plus souvent de la liberté d’expression ou de recherche (« Affaire Morin » (3)), ne manquait pas de critiquer à la fois la partie II, alinéa C, du rapport de juillet 2009 de la Cour des comptes (4) ; les « agitateurs » des débats relatifs à la mainmise de M. Nicolas Sarkozy sur les médias et M. Garrigou, « un universitaire placé dans une situation d’anobli », « se laissant aller dans une telle ire », vivant dans « un sentiment d’impunité » et « roulant dans la fange ! » le conseiller du président de la République. « Nous disons “non !”, c’est impossible de laisser passer cela, même lorsque l’on a le cuir tanné » poursuivait Me Goldnadel, rappelant « l’énormité » du propos de M. Garrigou. « Comment l’exercice des sondages serait-il constitutif d’escroquerie ? », demandait-il au tribunal, innocemment, avant de s’en prendre plus virulemment au prévenu : « Garrigou ne pensait pas du tout aux sondages », « C’est une véritable escroquerie intellectuelle vis-à-vis de la Nation », « une inversion des normes invraisemblable ». Selon lui, en effet, la présomption d’innocence de M. Buisson aurait été « foulée aux pieds » dès le départ, et ce dernier représenterait en outre un martyr d’une « autointoxication » et d’une « guerre des médias ». « M. Garrigou aurait pu être beaucoup plus prudent », indiquait-il avant de fustiger la « perversion intellectuelle » que représenterait la pétition que cent universitaires ont signée pour l’appuyer (5). « Il y a là-dedans, concluait Me Goldnadel, un esprit de caste ! J’aimerais que l’on m’explique pourquoi un universitaire ne pourrait pas être poursuivi en justice ? Est-ce que je suis en train d’étrangler la liberté de la presse ? ».

Les plaidoiries d’Alain Garrigou et de son avocate ont ramené la focale sur l’importance du débat sur les sondages – « débat d’intérêt général », a rappelé Me Caroline Mécary – qui concerne tout à la fois l’utilisation de l’argent du contribuable et la liberté d’expression. Quant aux propos tenus, ils le furent de « bonne foi » et correspondent bien à une attitude descriptive, sans jugement de valeur, de l’universitaire nanterrois, exprimée sous la forme d’un jugement hypothético-déductif.

Le résultat du délibéré des juges, le 19 janvier 2011, est particulièrement attendu, notamment par la communauté universitaire et de nombreux citoyens venus soutenir M. Garrigou lors de l’audience. Il posera en effet la question de la liberté de la recherche (6).

Jeremy Mercier (Le Monde Diplomatique dec 2010)

 

(1) Alain Garrigou a notamment publié L’ivresse des sondages (La Découverte, Paris, 2006). Il coanime l’Observatoire des sondages, qui sera prochainement hébergé par Le Monde diplomatique.

(2) « “Les sondeurs violent tous les principes déontologiques qu’ils défendent” », Libération, 6 novembre 2009.

(3) Suite à sa tribune « Israël-Palestine : le cancer », publiée dans Le Monde, le 4 juin 2002, et cosignée par Danièle Sallenave et Sami Naïr, Edgar Morin était poursuivi pour antisémitisme par Me Goldnadel. Ce dernier fut heureusement débouté par la Cour de Cassation, qui, jugeant que les opinions exprimées relevaient « du seul débat d’idées ». Lire « Edgar Morin, juste d’Israël ? », par Esther Benbassa, octobre 2005.]

(4) Rapport remis par le premier président de la Cour des comptes à M. Nicolas Sarkozy, président de la République, le 15 juillet 2009, « Gestion des services de la présidence de la République (service 2008) » (PDF), page 11. Cette partie, relevant une anomalie et une dépense exorbitante de 1,5 millions d’euros en frais de sondages de la part de la présidence de la République, ne satisfaisait pas Me Goldnadel, selon lequel l’opinion de M. Buisson aurait dû être entendue. Ce rapport, selon lui, a le défaut de ne pas être « contradictoire ».

(5) « Tu critiques ? Gare au procès ! », Fondation Copernic, 24 janvier 2010.

(6) « Un procès politique en 2010 » (PDF), par Alain Garrigou, Association française de science politique (AFSP), janvier 2010.


«Les sondeurs violent tous les principes déontologiques qu’ils défendent»

 Interview

Alain Garrigou, universitaire, participe à l’Observatoire des sondages :

Par LILIAN ALEMAGNA

sondagesMembre de l’Observatoire des sondages, Alain Garrigou est professeur de sciences politiques à l’université Paris-Ouest-la Défense-Nanterre. Il est l’auteur de l’Ivresse des sondages (la Découverte, 2006).

Quelles observations faites-vous sur les listings de l’Elysée ?

Tous les prix sont faramineux… Par exemple, 8 000 euros pour un simple verbatim qui est censé faire une seule page ! C’est une vraie pompe à finances. L’Elysée défend le choix d’OpinionWay par Patrick Buisson [directeur de Publifact et conseiller du Président, ndlr] pour la rapidité des études Internet. Or, ils oublient de préciser que les sondages en ligne sont surtout réputés pour être moins chers ! Pourquoi l’Elysée paie beaucoup plus cher en passant par lui au lieu de les acheter à moindre prix directement ? Et pourquoi laisser Buisson se faire une marge de 900 000 euros sur son dos ? Soit c’est un escroc, soit c’est un petit soldat qui constitue un trésor de guerre pour payer des sondages durant la prochaine campagne électorale sans que ce soit visible dans les comptes de campagne du futur candidat Sarkozy.

Que révèle cette affaire sur le monde des sondages ?

Elle montre l’ampleur de la bulle sondagière qui doit éclater. Les sondeurs accumulent les entorses aux règles pour tenter d’asseoir leur légitimité. Ils violent tous les principes déontologiques qu’ils défendent et en sont à truquer les chiffres. Prenez l’exemple du sondage OpinionWay début mai sur la cote de popularité des chefs d’Etat européens. Pour éviter que le résultat de Sarkozy passe sous les 50 %, ils ont enlevé les réponses des Français et n’ont pas fait non plus de péréquation selon la population des pays ! Le sondage doit être un instrument de connaissance qui aide à la légitimité et la rationalité de la démocratie. C’est devenu un moyen de faire advenir les choses, un instrument d’image, de publicité, pour les instituts.

Il existe une commission des sondages…

Mais elle ne fait rien du tout ! Elle ne contrôle plus rien. En juillet, lorsque l’affaire des sondages de l’Elysée a éclaté, elle s’est dite incompétente.

L’Elysée semble jouer le jeu de la transparence, c’est une bonne chose, non ?

Ils en sont bien obligés. Ils ont été pris le doigt dans le pot de confiture par la Cour des comptes… Aujourd’hui, Christian Frémont [directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, ndlr] à l’air de vouloir mettre de l’ordre. Reste à s’assurer qu’ils ne vont pas inventer autre chose.

Tout est à revoir dans ce monde des sondages ?

Il faut commencer par supprimer la commission des sondages et laisser le marché se réguler. Cela redonnera du poids à la critique scientifique. Les sondages en ligne rémunérés doivent être interdits. La commission d’enquête demandée par les socialistes doit voir le jour pour faire éclater cette bulle des sondages. Tous les instituts y ont intérêts, il en va de leur crédibilité.
Libération 06/11/10
Source  Terra, Libération, Le Monde Diplomatique
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La crise de la zone euro, mode d’emploi

Prévision d la dette publique en % du PIB

 

L’Irlande, dont le déficit atteint des sommets avec 32 % du PIB, la Grèce, qui peine à redresser son budget, le Portugal – et bientôt l’Espagne et l’Italie – menacé de contagion, les attaques spéculatives qui se poursuivent et les emprunts d’Etat qui flambent sur les marchés financiers : la zone euro traverse une crise majeure, à tel point que la question de son éclatement est aujourd’hui ouvertement posée.

Des discussions entre les autorités irlandaises, la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international ont eu lieu, mardi 16 novembre, afin de mettre sur pied un programme d’aide aux banques de l’ancien Tigre celtique. L’urgence est telle que le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a estimé que l’Union monétaire était « confrontée à une crise pour [sa] survie », menaçant jusqu’aux fondements de l’Union européenne, et a appelé les Etats membres à « travailler de concert » pour éteindre l’incendie.

  • Quelles sont les raisons qui expliquent cette poussée de fièvre ?

L’endettement massif des pays. La crise économique, entraînée par la crise des prêts immobiliers à risque (subprimes) aux Etats-Unis, a augmenté le déficit public et l’endettement de nombreux pays, qui ont dû baisser leur fiscalité ou procéder à des subventions massives pour faire face à la récession. La question de leur capacité à rembourser leur dette a alors provoqué l’augmentation des taux d’intérêt d’emprunt. Dans le cas de l’Irlande, la flambée du déficit, de 14 % du PIB en 2009 à 32 % attendus en 2010, s’explique par la crise bancaire que traverse le pays. « Depuis trois ans, les finances des banques n’ont pas été assainies et les actifs pourris existent toujours », regrette Jérôme Creel, économiste au Centre de recherche en économie de Sciences-Po et professeur à l’ESCP-EAP.

Le manque de solidarité entre Etats membres. « En mettant beaucoup de temps à se porter au secours des pays en difficulté, notamment de la Grèce, l’Europe a fait le jeu des spéculateurs, contrairement à ce qui s’est passé aux Etats-Unis, où est à l’œuvre une solidarité interétatique », assure Jean-Paul Fitoussi, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques et professeur d’économie à Science-Po.

Ce manque de cohésion au sein de l’Union s’explique par des divergences de stratégie sur la façon d’envisager la croissance et la résorption des déséquilibres. « L’Allemagne a ainsi choisi une croissance basée sur les exportations vers l’international. Son excédent budgétaire commercial se fait au détriment de ses principaux partenaires, situés dans la zone euro, qui sont contraints d’adopter une politique de déflation », explique Jérôme Creel.

La structure de la zone euro. La structure inhérente à l’Union monétaire, enfin, rend la crise plus aiguë. Les difficultés rencontrées par un pays fragilisent l’ensemble de la zone dans la mesure où les investisseurs, méfiants, augmentent les taux d’intérêt de rachat de sa dette. Et si la monnaie commune assure une stabilité relative de ses pays membres, elle empêche les Etats en difficulté de procéder à des dépréciations qui leur auraient permis de régler leurs problèmes domestiques.

  • Quelles sont les solutions et issues de la crise ?

Des aides financières européennes. Elles pourraient prendre la forme d’une aide massive de la BCE pour racheter les titres de dette, « de l’ordre de 1 000 milliards d’euros, à la manière de l’aide de la Réserve fédérale américaine », explique Alexandre Delaigue, professeur d’économie à Saint-Cyr.

L’intervention du Fonds européen de stabilisation financière, créé en mai et doté d’une capacité d’emprunt de 440 milliards d’euros, pourrait par ailleurs calmer les turbulences. Il s’agirait ainsi pour les Etats européens de prendre en charge une sorte de dette européenne consolidée. « Mais ce fonds n’a pas vocation à être permanent dans la mesure où il n’est pas en accord avec le traité de Maastricht, qui interdit tout renflouement direct d’un Etat en difficulté », précise l’économiste.

Enfin, les Etats pourraient choisir de faire défaut et de restructurer leur dette, c’est-à-dire de ne pas en rembourser la totalité ou d’en allonger l’échelonnement, au risque d’envoyer un mauvais signal aux marchés financiers.

Une nouvelle gouvernance au sein de la zone. « Il faudrait revoir la politique budgétaire mais aussi fiscale, monétaire et de change », assure Jérôme Creel, qui pose la question des objectifs de la BCE, qui devraient intégrer les taux de change et non plus seulement la stabilité des prix de la zone euro.

Les pays devraient adopter des « pratiques budgétaires plus disciplinées et coordonnées ainsi qu’une surveillance renforcée ». Mais le risque est grand que les pays refusent un contrôle de l’Europe sur leur budget, qui serait associé à une perte de souveraineté.

Surtout, cette gouvernance pourrait forcer l’ensemble des pays à adopter des politiques de contraction budgétaire, pour l’instant peu convaincantes selon les économistes. « L’austérité, dans un contexte de crise, affaiblit la croissance et donc les recettes fiscales. Les déficits ne diminuent donc pas », assure Alexandre Delaigue.

L’éclatement de la zone euro. La fin de l’Union monétaire permettrait aux Etats de retrouver leurs propres taux de change et de déprécier leur monnaie. « La contagion de la crise à toute la zone euro, et donc son éclatement, est possible car les Etats qui octroient leurs garanties sur les dettes des pays en difficulté prennent à leur charge une partie du risque, estime Alexandre Delaigue. D’autant que pour l’instant, les mesures prises pour résorber les turbulences ont seulement repoussé le spectre d’une crise majeure. »

Pour Jean-Paul Fitoussi, au contraire, une telle situation ne se produira pas. « Les pays touchés par la crise monétaire actuelle sont peu importants, tant en termes de PIB que d’endettement comparé à celui de la zone euro, assure l’économiste. Par ailleurs, le fait que l’euro soit fort prouve qu’il est demandé par des marchés financiers qui parient sur la pérennité de la zone. Ces rumeurs sur l’éclatement participent d’une stratégie de peur pour contraindre les Etats à redoubler de rigueur budgétaire. »

Le Monde.fr

Voir aussi : Rubrique Finance La décision de la Fed sous le feu des critiques, Le grand Krach automatique, Barnier rassure les fonds spéculatifs, Les banquiers reprennent leurs mauvaises habitudes, Un an après la city zen, rubrique UE sous pression, L’europe répond au marché, rubrique Grèce Plan d’austérité inefficace et dangereux, rubrique Chine Politique monétaire La Chine traduit ses paroles en actes, Impact de la crise en Chine, Si Pékin cessait d’acheter la dette américaine, La réévaluation du Yuan en question rubrique Livre Kerviel dénonce sa banque , Susan Georges de l’évaporation à la régulation, Aux éditions la Découverte La monnaie et ses mécanismes, Les taux de change,

La décision de la Fed suscite des critiques de toutes parts

L’injection par la Réserve fédérale de 600 milliards de dollars supplémentaires dans l’économie américaine risque d’exacerber les tensions internationales liées aux changes.

Pour Wolfgang Schaüble, le ministre allemand des Finances, faire marcher la planche à billets pour soutenir la conjoncture "ne vaut plus rien".

Pour Wolfgang Schaüble, le ministre allemand des Finances, faire marcher la planche à billets pour soutenir la conjoncture "ne vaut plus rien".

Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble est très critique des mesures de relance de la Réserve fédérale américaine. L’injection par la Fed de 600 milliards de dollars supplémentaires dans l’économie américaine, décidée mercredi, va « poser des problèmes supplémentaires » au monde, a dit M. Schäuble dans un entretien à la chaîne ARD diffusé dans la nuit de jeudi à vendredi.

Risque d’inflation

Il a affirmé vouloir aborder le sujet lors du prochain sommet du G20, qui regroupe pays riches et puissances émergentes, en Corée du Sud. Les Etats-Unis ont déjà « injecté un montant infini de liquidités dans l’économie », a-t-il par ailleurs critiqué dans un entretien avec la chaîne ZDF, pour des résultats « désespérants ». Selon M. Schäuble, faire marcher la planche à billets pour soutenir la conjoncture « ne vaut plus rien ».

Jeudi le ministre allemand de l’Economie Rainer Brüderle avait fait part de son « inquiétude » face aux décisions de la Fed et appelé les Etats-Unis à faire plutôt des réformes structurelles. En injectant de l’argent dans l’économie, la Fed prend le risque d’alimenter l’inflation et de faire baisser la valeur du dollar par rapport à l’euro, une mauvaise nouvelle pour l’Allemagne, championne européenne des exportations.

L’initiative des banquiers centraux américains est de manière générale totalement contraire aux convictions allemandes en matière de politique monétaire. Traumatisée par une inflation folle dans les années 1930, qui a encouragé la montée du nazisme, l’Allemagne s’est toujours posée depuis 1945 en garante de la rigueur monétaire et de la stabilité des prix. Cette orthodoxie a inspiré les statuts de l’actuelle Banque centrale européenne.

Lagarde : l’euro « porte le poids » de la décision

Le geste de la Fed n’a toutefois pas irrité que l’Allemagne: la ministre française de l’Economie Christine Lagarde a ainsi regretté que l’euro « porte le poids » de cette décision. « Je ne suis pas en train de porter un jugement sur l’assouplissement quantitatif américain. Mais cela montre le besoin impératif de repenser le système monétaire international et les mécanismes de coopération », a-t-elle ajouté.

Le cours de l’euro a grimpé face au dollar avant comme après cette annonce, stimulé par la création monétaire qu’elle implique pour les Etats-Unis.

Les pays en développement pénalisés

La décision de la Fed mécontente également les économies en développement, pénalisées à l’exportation par l’appréciation de leurs monnaies. Elle risque donc d’exacerber les tensions liées aux changes, qui ont conduit certains dirigeants à évoquer récemment le risque d’une « guerre des monnaies », et donc compromettre un accord mondial sur les déséquilibres commerciaux et monétaires lors du sommet du G20.

« Tant que le monde ne s’efforcera pas de limiter les émissions de devises internationales telles que le dollar – ce qui n’est pas facile – il est inévitable qu’une nouvelle crise ait lieu, comme le déplorent quelques Occidentaux éclairés », a commenté un conseiller de la banque centrale chinoise, Xia Bin, dans une publication de la Banque populaire de Chine.

Le ministre sud-coréen des Finances a quant à lui prévenu qu’il envisagerait « de façon résolue » un contrôle des flux de capitaux.

A Brasilia, son homologue brésilien, Guido Mantega, a estimé que la décision de la Fed ne favoriserait sans doute pas la croissance mondiale et qu’elle risquait d’aggraver les déséquilibres internationaux. « Tout le monde souhaite que l’économie américaine se reprenne mais le fait de jeter des dollars depuis un hélicoptère ne fait pas du bien à tout le monde », a-t-il dit.

Quant à la Thaïlande, elle a évoqué la possibilité d’une action concertée destinée à lutter contre l’afflux de dollars attendu sur les marchés émergents.

Le ministre turc de l’Economie a estimé que la décision de la Fed risquait de se retourner contre les Etats-Unis et un haut responsable indien a souligné que, si Washington avait le droit de relancer son économie, les autres pays avaient celui de défendre leurs intérêts.

Reuter 05/11/10

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2010 décennie des pages numériques

le livre de demain

Edition. La baisse constante des lecteurs français « traditionnels » projette le livre de demain sur le terrain de l’édition électronique. La nouvelle enquête sur les pratiques culturelles des Français* entre 1997 et 2008 confirme l’érosion des lecteurs quotidiens de presse et de livre. Dans le cas des livres, la baisse des « forts » et « moyens » lecteurs se poursuit, nous apprend l’étude. Mais cette tendance, bien antérieure à l’arrivée d’Internet, continue à peu près au même rythme que lors de la décennie précédente.

Dans ce baromètre, les Français reconnaissent eux-mêmes que leurs relations avec le monde du livre se sont distendues. 53% d’entre eux déclarent spontanément lire peu ou pas du tout. Cette évolution liée aux changements technologiques et sociétaux s’inscrit dans un mouvement de long terme. Elle n’a rien d’inédit. Ce qui retient davantage l’attention, c’est la différence entre milieux sociaux qui se creuse au cours de la dernière décennie avec un décrochage marqué des milieux populaires. La distinction entre les sexes s’est également accrue de manière significative. 62% des hommes déclarent lire peu ou pas du tout de livres contre 46% des femmes.

La mutation la plus marquante touche l’ensemble des pratiques culturelles. Elle concerne l’essor de la culture numérique et d’Internet. « Cette évolution a définitivement consacré les écrans comme support privilégié de nos rapports à la culture tout en accentuant la porosité entre culture et distraction, entre le monde de l’art et ceux du divertissement et de la communication, » souligne Olivier Donnat, chargé de recherche au ministère de la Culture. Un défi majeur et un chantier gigantesque qui appellent à réinventer l’action publique dans le domaine culturel…

La guerre numérique du livre

Le développement du numérique impacte évidemment la chaîne du livre. L’éditeur français, Hervé de La Martinière, qui vient de faire condamner Google pour contrefaçon de livres, remporte une bataille mais la guerre reste ouverte. Le marché des ouvrages dits « épuisés » suscite beaucoup d’appétit. Et la firme américaine poursuit son programme lancé en 2006 pour numériser des millions de livres à travers le monde.

Outre-Atlantique, l’entreprise de commerce électronique Amazon a outrageusement fait chuter le prix des livres. Cela ne regarde que les Etats-Unis pourrait-on penser car le prix unique, en France, nous préserve de tels abus. Le Président de la République vient néanmoins de se prononcer en faveur d’une TVA réduite dans le domaine du numérique. Mais cette mesure, qui dépend du bon vouloir du gouvernement, n’entrera en vigueur qu’à la condition que les éditeurs parviennent à s’entendre pour la création d’une plate-forme de vente commune.

L’idée également soutenue d’un prix unique du livre numérique dépend, elle, de la Communauté européenne dont l’intention globale est de faciliter l’entrée des industries culturelles sur le marché numérique.

Selon la Commission européenne, les différents cadres nationaux en la matière constituent un frein au passage vers une nouvelle ère dans le domaine du livre numérique. « Le défi sera d’assurer la mise en place d’un cadre réglementaire favorisant un déploiement rapide de services semblables à ceux rendus possibles par l’accord signé par Google aux Etats-Unis », ont souligné dans un communiqué les deux commissaires européens en charge du dossier, Viviane Reding et Charlie McCreevy. Ils devraient présenter leur propositions dans les prochaines semaines au Parlement européen et aux Etats membres. Etant entendu que l’indépendance éditoriale, la rémunération des auteurs et la diversité offerte aux lecteurs ne figurent pas dans leurs préoccupations.

Jean-Marie Dinh

Les pratiques culturelles des Français à l’ère du numérique Editions la Découverte 20 euros.

La LDH dénonce un « recul des droits et libertés » en France en 2008

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) dénonce dans son rapport annuel sur « l’Etat des droits de l’Homme en France » la poursuite d’un « recul des droits et libertés » en 2008, en soulignant la « surveillance » de « tous les citoyens » et le renforcement du « contrôle social ». « Le recul des droits et libertés qu’avait accéléré l’arrivée au sommet du pouvoir politique de Nicolas Sarkozy en mai 2007, a continué sans désemparer tout au long de l’année 2008 », écrit le président de la LDH Jean-Pierre Dubois dans ce rapport, publié jeudi aux éditions La Découverte. La LDH insiste sur l’avènement de ce qu’elle appelle « l’ère des miradors invisibles », quand « puces, caméras, lecteurs d’empreintes, bases de données et fichiers (…) pullulent », soulignant que  la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a elle-même « alerté sur la mise en place d’une +société de la surveillance+ ».

Selon l’organisation de défense des droits de l’Homme, ce sont « tous les citoyens, partout et toujours » qui sont « surveillés », et « tout particulièrement » (…) les défenseurs des droits et les lanceurs d’alerte ». Plus « l’Etat pénal avance », plus « l’Etat social recule », poursuit-elle, citant l’exemple du « fichage des chômeurs » qui « s’enrichit d’une surveillance de plus en plus inquisitoriale sur leur train de vie ». L’organisation parle également d’un renforcement du « contrôle social », en particulier à travers « des entraves à la liberté d’expression », s’inquiétant de ce que « le nombre de poursuites intentées pour outrage à l’autorité publique et pour injure et diffamation explose ».

Evoquant des « dérives sécuritaires », la LDH cite notamment à ce propos la loi sur la rétention de sûreté, qui « prive de liberté après la prison ». Elle condamne « une gestion de la police génératrice de dérives de plus en plus préoccupantes », particulièrement dans l’affaire de Tarnac où présomption d’innocence et secret de l’instruction ont été selon elle « piétinés »: des sabotages de lignes ferroviaires « qui n’ont mis en danger aucune vie humaine » y ont été « présentés » comme « une menace +terroriste+ de grande ampleur ». L’association parle d’une « dérive xénophobe de plus en plus ouvertement assumée », notamment concernant les sans-papiers, mais se réjouit de l’émergence  en 2008 de « résistances et réveils civiques face aux +contre-réformes+ », au cours de la campagne contre le fichier Edvige ou du mouvement de grèves de sans-papiers salariés.

Selon la LDH, « nul n’échappera au choix entre une société de solidarités durables, de prééminence démocratique du politique sur l’économique, de construction de libertés et d’égalités réelles » et « une société de surveillance dans laquelle des pouvoirs de plus en plus autoritaires chercheront à toujours plus +surveiller et punir+, pour réduire les citoyens à l’état de consommateurs et d’administrés dociles ».

Voir aussi : Rubrique Justice Affaire Villiers-le-Bel,