D’où vient la hausse rapide de la radioactivité à Fukushima ?
Le Monde
Que se passe-t-il vraiment à Fukushima ? Mercredi 10 juillet, la compagnie Tepco, l’exploitant de la centrale nucléaire japonaise ravagée par le séisme et le tsunami du 11 mars 2011, a annoncé avoir mesuré la veille, dans un forage situé entre les réacteurs et le bord de mer, une nouvelle augmentation des taux de césium radioactif dans la nappe phréatique. Ils atteignaient 22 000 becquerels par litre d’eau (Bq/l) pour le césium 137 et 11 000 Bq/l pour le césium 134. Le 8 juillet, ces niveaux étaient de 18 000 et 9 000 Bq/l, soit respectivement… 86 et 99 fois plus que les taux relevés trois jours auparavant.
Infographie Le Monde
Le 5 juillet, Tepco avait déjà signalé, au même endroit, un taux astronomique de 900 000 Bq/l d’un autre radioélément, le strontium 90. L’électricien avait alors indiqué que le point de prélèvement se situait sur le passage d’une canalisation où s’étaient déversées de grandes quantités d’eau contaminée en avril 2011, un mois après la catastrophe.
Cette explication n’est pas nécessairement celle de la récente et brusque montée des teneurs en césium. Celle-ci pourrait être le résultat de la lente migration souterraine, via la nappe phréatique, de produits de fission arrachés aux cœurs fondus des réacteurs sinistrés, dans les jours ou les semaines qui ont suivi l’accident. C’est l’une des hypothèses, « plausible mais non certaine », que formule Thierry Charles, directeur général adjoint de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
Un cocktail de plus de 300 radionucléide
On l’a su plus tard, les cœurs des réacteurs 1, 2 et 3 de Fukushima (les tranches 4 à 6 étaient à l’arrêt) ont fondu en totalité ou en partie dès les premières heures du sinistre, et le corium (magma brûlant de matière fissile et de gaines métalliques), après avoir percé les cuves des réacteurs, s’est répandu au fond des enceintes de confinement, où il s’est agrégé au béton. Ce corium contenait – et contient toujours – un cocktail de plus de 300 radionucléides formant les produits de fission, c’est-à-dire les cendres de la réaction nucléaire. Parmi eux, des éléments solubles dans l’eau, comme les césium 134 et 137.
Or, depuis deux ans, les trois réacteurs ont été noyés sous un déluge d’eau. Pour les refroidir, Tepco y injecte toujours, en continu, 5 m3 d’eau douce par heure et par réacteur. Soit, quotidiennement, plusieurs centaines de tonnes d’eau qui s’écoulent dans les sous-sols des bâtiments, les galeries et les tranchées du site nucléaire, où la hauteur de l’eau atteint, en permanence, plusieurs mètres. Cette masse liquide contaminée est normalement pompée puis traitée afin d’en extraire les éléments radioactifs – mais pas tous –, avant d’être réinjectée dans le circuit de refroidissement.
Pour compliquer encore la situation, la centrale est située sur une nappe phréatique qui, au contact des bâtiments contenant les eaux contaminées, a pu se charger elle aussi en radionucléides. C’est précisément pour contrôler l’état radiologique de cette nappe souterraine que Tepco a creusé, en front de mer, des puits de prélèvement. Et c’est dans l’un de ces forages qu’a été mesurée une hausse brutale des teneurs en césium 134 et 137.
Selon le scénario avancé par l’IRSN, ces deux produits de fission, qui perdent la moitié de leur radioactivité au bout de respectivement deux et trente ans, seraient passés dans la nappe phréatique – et avec eux sans doute d’autres radioéléments – pour rejoindre, au bout de deux ans, le bord de côte, à une centaine de mètres des réacteurs. Si tel est le cas, estime Thierry Charles, on pourrait encore assister à une montée du niveau de radioactivité au niveau des forages, suivie d’un plateau puis d’une baisse, la gestion actuelle des niveaux d’eau dans les sous-sols des bâtiments visant à minimiser les transferts de radioactivité vers la nappe. Mais, ajoute-t-il, « sur une durée impossible à prévoir ».
Une paroi enterrée étanche entre la centrale et l’océan
Le risque principal est celui d’une nouvelle contamination radioactive de l’océan, dont la pollution causée par l’accident a été, au fil des mois, dispersée par les courants. « Nous ne sommes pas pour le moment en mesure de dire si l’eau contaminée s’écoule ou non dans la mer », a admis, mardi, Tepco. L’exploitant a entrepris d’installer, entre le site nucléaire et l’océan, une paroi enterrée étanche. Mais elle ne sera pas achevée avant mi-2014. Dans l’immédiat, il s’efforce, en injectant dans la terre des produits chimiques agissant comme un ciment, d’empêcher les écoulements vers la mer.
En tout état de cause, les dernières semaines confirment la difficulté de Tepco à résoudre le casse-tête de l’évacuation des eaux radioactives. « L’état de la centrale est globalement stabilisé, mais tout reste à faire, commente Thierry Charles. Le gros problème est désormais la gestion des eaux contaminées. »
Ce n’est pas le seul défi que doit relever l’électricien japonais. Il lui faut aussi vider les piscines d’entreposage des combustibles, situées dans les parties supérieures des bâtiments des réacteurs gravement endommagées. A commencer par celle du réacteur 4, dont l’état est le plus critique. Il faudra ensuite retirer les combustibles fondus des réacteurs eux-mêmes. Quant au démantèlement complet, il exigera une quarantaine d’années.
Pierre Le Hir
Source Le Monde 10/07/2013
Fukushima : hausse phénoménale du taux de césium radioactif
Le Monde AFP
Photo : Reuters Kyodo
Le gérant de la centrale accidentée de Fukushima a annoncé mardi 9 juillet avoir constaté une multiplication par 90 en trois jours du niveau de césium radioactif dans un puits de prélèvement situé entre les réacteurs et la mer. Cette énième mauvaise découverte suscite de nouvelles interrogations sur la propagation de l’eau souterraine contaminée.
Selon les prélèvements effectués le 8 juillet, l’eau souterraine en un point situé à environ 25 mètres de la mer contenait 9 000 becquerels de césium 134 par litre et 18 000 becquerels de césium 137, contre respectivement 99 becquerels/litre et 210 becquerels/litre trois jours auparavant. Le facteur de multiplication dans ce court laps de temps est de 91 fois dans le premier cas et 86 fois dans le second.
« Nous ne sommes pour le moment pas en mesure de dire si l’eau contaminée s’écoule ou non dans la mer », a déclaré Tepco à la presse. Le groupe promet toutefois de renforcer les contrôles et de prendre des dispositions pour empêcher de contaminer davantage l’océan Pacifique voisin.
Le 5 juillet, Tepco avait déjà découvert au même endroit un niveau phénoménal d’autres éléments radioactifs, en l’occurrence une quantité de strontium 90 et d’autres éléments produisant des rayons bêta, de 900 000 becquerels/litre. Le 8 juillet, le niveau de ces substances était à peu près identique, 890 000 becquerels/litre, soit plusieurs milliers de fois le plafond admis pour l’eau de mer.
Tepco avait expliqué que le point de prélèvement se situe là où passe un tuyau et où s’étaient déversées de grandes quantités d’eau contaminée le mois suivant la catastrophe nucléaire, soit en avril 2011. Cela n’explique toutefois pas l’augmentation soudaine des quantités de césium.
La centrale Fukushima Daiichi a été ravagée par le séisme et le tsunami du 11 mars 2011 dans le nord-est de l’archipel. Du combustible a fondu dans trois des six réacteurs du site, d’où la présence de nombreux éléments radioactifs alentour.
Le Monde.fr avec AFP | 09.07.2013
Fukushima: des éléments radioactifs à nouveau découverts
De très fortes doses d’éléments radioactifs toxiques ont de nouveau été détectés dans les eaux souterraines accumulées au pied de la centrale nucléaire de Fukushima accidentée en mars 2011, selon un communiqué publié samedi par l’opérateur Tepco.
Selon Tokyo Electric Power Co (Tepco), les analyses ont permis d’établir la présence de tritium à des doses dix fois plus élevées que le taux limite admis.
« Selon les échantillons analysés le 5 juillet (…) nous avons détecté un niveau record de 600.000 becquerels par litre » de tritium, dix fois supérieurs aux recommandations gouvernementales de 60.000 becquerels par litre, a indiqué Tepco.
« Nous poursuivons nos efforts pour empêcher que la pollution prenne de l’ampleur (…) et allons renforcer tout le processus de contrôle », a de nouveau promis l’opérateur.
Fin juin, Tecpo avait annoncé avoir mesuré un niveau de 3.000 becquerels par litre pour les éléments radioactifs produisant des rayons béta, comme le strontium 90, dans le liquide extrait d’un nouveau point de prélèvement situé entre les réacteurs et la mer. A ce moment-là, il avait constaté la présence de tritium à un niveau huit fois supérieur à la dose autorisée.
Ces substances radioactives s’étaient échappées des réacteurs de la centrale Fukushima Daiichi, ravagée par le séisme et le tsunami du 11 mars 2011 dans le nord-est de l’archipel. Et elles avaient ensuite polluées les eaux souterraines.
Ces eaux s’écoulent normalement dans la mer, ce qui signifie que les deux substances toxiques pourraient polluer l’océan, et affecter la vie aquatique puis les produits de la mer consommés par les populations.
Cependant, un responsable de Tecpco avait affirmé le mois dernier qu’il n’avait pas été constaté de hausses anormales de ces substances dans l’eau de mer, après analyses, la compagnie estimant que l’eau souterraine a été largement contenue par les bases en béton et armatures en acier.
Ces révélations sont les dernières d’une série d’incidents à la centrale de Fukushima, plus de deux ans après la pire catastrophe nucléaire que le monde a connue en une génération.
Fin juin, le gouvernement japonais et Tepco, s’étaient entendus sur un nouvel échéancier de démantèlement du site ravagé, programme qui prévoit une accélération du retrait du combustible fondu des réacteurs 1 à 3, même si cette opération cruciale ne devrait pas débuter avant 2020.
Une centaine de milliers de personnes avaient dû quitter leur domicile et environ 19.000 personnes ont été tuées par la catastrophe naturelle, mais il n’y a aucune statistique officielle sur les décès directement liés aux radiations nucléaires émanant de la centrale.
La coupure de l’alimentation électrique provoquée par la déferlante avait engendré un arrêt des systèmes de refroidissement du combustible qui avait fondu dans trois des six réacteurs du site, d’où la présence de nombreux éléments radioactifs alentour.
Qui sont les Anonymous ? « Des citoyens comme vous » affirment deux jeunes participants démasqués présents au rendez-vous donné hier sur la Comédie, pour lutter contre le projet Acta. Faut-il être bon en informatique ? « Non on peut être nul. Tout le monde n’est pas hacker loin de là, il suffit de se connecter sur facebook. » Comment s’organise-t-on ? « Ce n’est pas politique, il n’y a pas de hiérarchie. C’est le peuple qui lutte pour la liberté… » Une liberté dont la force peut faire peur. Et un élan citoyen qui ne correspond pas aux intérêts économiques dominants, comme le démontre la signature de l’accord commercial anti-contrefaçon (Acta) signé Le 26 janvier 2012 à Tokyo, par l’Union européenne et 22 de ses États Membres, dont la France.
Les indignés estiment que ce nouveau cadre juridique se soustrait à la démocratie en créant son propre organisme de gouvernance, et qu’il représente une menace majeure pour la liberté d’expression. « Cela ne concerne pas qu’Internet, son application touche à la santé en réduisant l’accès aux médicaments génériques, ou encore à l’agriculture, en contraignant à l’utilisation des semences qui sont aux mains des géants de l’agroalimentaire. » Le texte a provoqué une levée de boucliers dans le monde entier avec des manifestations de milliers de personnes. « Agir avec Internet c’est instantané et radical. Les jeunes l’ont bien compris et ils ont raison. Il y en a marre de ces multinationales qui massacrent des millions de gens pour le pognon, explique un physicien de 58 ans venu avec ses trois enfants. Etre derrière son ordi où descendre dans la rue participe pour moi d’un même mouvement. Je suis malade, mais je me battrais. »
Le 26 janvier dernier les signataires du traité international ont royalement ignoré les revendications du Parlement européen concernant les atteintes aux droits individuels, et la dénonciation de manœuvres pour que le traité soit adopté avant que l’opinion publique ne soit alertée. Mais l’ampleur de la contestation de la société civile, notamment en Pologne et en Allemagne, a semble-t-il fait son chemin puisque la Commission européenne a finalement décidé de saisir la Cour européenne de Justice afin de valider sa compatibilité avec les droits et libertés fondamentales européennes. Anonymous citoyens levez-vous !
New York, correspondant – Installé depuis 2005 à New York, Ian Buruma est devenu l’un des intellectuels les plus en vue aux Etats-Unis. Il collabore à la New York Review of Books, au New York Times et au New Yorker. Polyglotte (néerlandais, anglais, allemand, chinois, japonais et français, quoi qu’il en dise), il a été l’éditeur des pages culturelles de la Far EasternEconomic Review, à Hongkong, et de The Spectator, à Londres. Aujourd’hui professeur de démocratie, droits de l’homme et journalisme à l’université Bard – « façon de dire que j’enseigne ce que je veux, c’est le charme du système universitaire américain », dit-il en riant -, il est un auteur polyvalent et prolifique. Nous avons interrogé cet intellectuel à focale large, prix Erasmus 2008, sur sa spécialité initiale : la Chine et l’Extrême-Orient.
Votre itinéraire vous place au carrefour de l’Asie, de l’Europe et de l’Amérique. En quoi cela influence-t-il votre regard sur le monde ?
Mon père est néerlandais, ma mère anglaise d’origine juive allemande. L’Asie puis l’Amérique se sont ajoutées un peu par hasard. Très jeune, étudiant en langue et littérature chinoises, j’étais un cinéphile. Un jour, j’ai vu à Paris Domicile conjugal (1970), de François Truffaut. Le personnage d’Antoine Doinel y tombe amoureux de la Japonaise… et moi aussi ! A l’époque, aller en Chine était impossible. Je me suis donc tourné vers le Japon, où j’ai étudié le cinéma et participé à la troupe de danse Dairakudakan. L’Amérique est venue à moi tardivement, quand on m’a proposé d’y enseigner. Je me sens toujours plus européen qu’américain. Un Européen marié à une Japonaise et parfaitement chez lui à New York, la ville de la mixité.
Vous êtes progressiste et un produit typique du multiculturalisme. Pourquoi dénoncez-vous la « courte vue » des progressistes sur l’islam ?
Je ne suis pas « progressiste ». C’est ce pays tellement conservateur que sont les Etats-Unis qui m’a beaucoup poussé à gauche ! Je l’étais moins en Europe et en Asie. Je n’ai jamais admis les complaisances de gens de gauche pour toutes sortes de potentats sous le prétexte d’accepter les différences. Et je suis opposé à l’idéologie du multiculturalisme. Lorsque le terme décrit une réalité, il me convient. Sur le plan factuel, je suis multiculturel. Mais l’idée que les gens doivent impérativement préserver toutes leurs racines est absurde. Dans le cas célèbre d’un crime d’honneur commis en Allemagne, où le juge avait estimé que le criminel avait des circonstances atténuantes en raison de sa culture d’origine, je considère qu’il a tort.
Il y a des choses plus importantes que la culture. Je n’admets pas l’argument culturel pour justifier l’excision. En même temps, je suis plus tolérant que la loi française pour l’affichage des symboles religieux. Qu’une policière ou une enseignante soit interdite de porter le niqab dans ses fonctions, oui. Une personne dans la rue, non. Ce type d’interdiction n’est qu’une façon de dissuader des gens impopulaires d’adhérer à une religion impopulaire.
La peur des Japonais était très forte il y a vingt-cinq ans aux Etats-Unis. Comment expliquez-vous qu’un même phénomène soit aujourd’hui dirigé contre la Chine ?
Les deux phénomènes ne sont pas similaires. Ce qui faisait peur aux Américains il y a une génération, c’était la visibilité des Japonais : Mitsubishi rachetait le Rockefeller Center, Toyota déboulait, etc. Leurs marques étaient très visibles. De plus, dans l’histoire américaine, les Japonais sont suspects. Aujourd’hui, les Américains se disent que, si les Chinois parviennent à la puissance qu’avaient les Japonais, ils seront bien plus dangereux. Mais, sur le fond, la menace nipponne avait été grandement exagérée et la menace chinoise l’est tout autant. D’abord, l’absence de liberté intellectuelle en Chine reste un obstacle très important pour son développement. Ensuite, l’intérêt des deux parties à préserver des liens l’emportera sur les forces poussant au conflit.
Quelle est la part de réalité et de fantasme dans cette tension montante ?
Par fantasmes, vous entendez peur. Elle est fondée : la montée en puissance de la Chine ne pourra que réduire le pouvoir et l’influence américaine dans le monde. Après 1945, les Etats-Unis sont devenus le gendarme de l’Asie. Ce n’est plus le cas. Des peurs populistes sont également fondées sur des motifs socio-économiques. Mais je ne pense pas qu’elles atteignent le niveau des peurs antinippones de la fin des années 1980. Et les craintes de l’influence économique chinoise sont surtout concentrées dans les Etats de la vieille économie, où l’industrie lourde est en déclin.
Un sondage de l’Institut Pew a montré que les Américains croient que la Chine est devenue la première puissance économique mondiale. Or elle reste loin des Etats-Unis. C’est un fantasme typique…
C’est une combinaison d’ignorance et de peurs, exploitées par des chroniqueurs de radios dans le but de blâmer Barack Obama. Mais je le répète : le déclin des Etats-Unis est un fait, comme la montée en puissance économique de l’Asie. Ce déclin génère un choc, dont il ne faut pas s’alarmer inconsidérément. Au début du XXe siècle, l’invention du personnage de Fu Manchu (sorte de génie du Mal incarnant le « péril jaune ») avait provoqué un arrêt de l’immigration sino-nipponne en Amérique qui avait même eu un impact en Europe. A suivi la menace communiste, qui était, pour les Etats-Unis, loin d’être aussi réelle qu’on l’a présentée. Mais même la CIA y a sincèrement cru.
Les Etats-Unis sont un pays qui vit sous la peur constante de puissances extérieures qui menaceraient de faire disparaître son espace sécurisé. Ce pays a bâti et a été bâti par une société d’immigrés mais, dans le même temps, il pourchasse ces immigrés pour se protéger. Comme la France, du reste. Et, comme les Français, les Américains s’estiment porteurs d’une mission civilisatrice universelle. Or le « modèle chinois » ébranle leurs certitudes.
Est-ce parce que les Américains fondent leur économie sur l’idée que la liberté est le meilleur garant du succès, alors que les Chinois ont une croissance très supérieure avec un régime dictatorial ?
C’est exactement ça. Ce mélange chinois réussi de capitalisme et d’Etat fort est plus qu’une remise en cause, il est perçu comme une menace. Je ne vois pourtant pas monter une atmosphère très hostile à la Chine dans l’opinion. Depuis un siècle, les Américains ont toujours été plus prochinois que pronippons. Les missions chrétiennes ont toujours eu plus de succès en Chine qu’au Japon. Pour la droite fondamentaliste, ça compte. Et, dans les années 1980, des députés ont détruit des Toyota devant le Capitole ! On en reste loin.
Et le regard des Chinois sur les Etats-Unis, comment évolue-t-il ?
Tout dépend de quels Chinois on parle, mais, pour résumer, c’est attirance-répulsion. Surtout parmi les classes éduquées qui rêvent d’envoyer leurs enfants dans les universités américaines et en même temps peuvent être emplies de ressentiment à l’égard d’une Amérique qu’elles perçoivent comme hostile, pour beaucoup à cause de la propagande de leur gouvernement. Du communisme comme justificatif du pouvoir il ne reste rien. Le nouveau dogme est un nationalisme fondé sur l’exacerbation d’un sentiment victimaire vis-à-vis du Japon et des Etats-Unis. En Chine, à Singapour, en Corée du Sud, on constate une forte ambivalence typique de certaines élites, par ailleurs fortement occidentalisées, pour qui le XXIe siècle sera asiatique. Dans les années 1960, au Japon, a émergé une nouvelle droite ultranationaliste, dont les représentants les plus virulents étaient professeurs de littérature allemande ou française. Ils voulaient se sentir acceptés, légitimes en termes occidentaux, et se sentaient rejetés. C’est ce que ressentent aujourd’hui les nationalistes chinois.
En 2010, vous avez écrit que la Chine est restée identique sur un aspect essentiel : elle est menée par une conception religieuse de la politique. Serait-elle politiquement soumise à l’influence du confucianisme, comme l’espace musulman le serait par le Coran ?
Dans le cas chinois, il ne s’agit pas que de confucianisme ; le maoïsme était identique. Il n’y a aucune raison pour que les musulmans ne puissent accéder à la démocratie tout en préservant leur religion. La Turquie, l’Indonésie l’ont fait. La Chine le pourrait tout autant. Des sociétés de culture sinisante comme Taïwan ou la Corée du Sud ont montré qu’un changement est possible. L’obstacle à surmonter, en Chine, est que le confucianisme rejette la légitimité du conflit. L’harmonie est caractérisée par un ordre social ou règne l’unanimité. Donc la plus petite remise en cause apparaît instantanément menaçante.
Qu’est-ce qui pourrait déclencher un processus démocratique en Chine ?
Le plus grand obstacle est l’alliance entre les élites urbaines et le Parti communiste. Les deux ont peur de l’énorme masse paysanne ignorante. Ces élites ont une telle histoire récente de violence et une telle peur d’un retour du chaos qu’elles préfèrent un ordre qui leur assure la croissance, au risque d’avancer vers la démocratie. Pour le pouvoir, la grande faiblesse de ce système est que, le jour où l’économie cesse de croître et que l’enrichissement des élites urbaines s’arrête, l’édifice s’écroule. Dans ce cas, tout pourrait advenir, d’une alliance entre démocrates, ressortissants des nouvelles élites, et une fraction du parti, jusqu’à un coup d’Etat militaire.
Samedi 1 octobre 2011
Du Plutonium a été décelé à 45 km de la Centrale de Fukushima. Les mesures montrent des contaminations de 0,82 becquerels par m2 de plutonium-238 à 45 km de la Centrale et 4,0 becquerels de plutonium-239 et 240 à 30 km de la Centrale dans les villes de Futaba et Namie. Du plutonium avait déjà été décelé sur le site de la centrale, mais à 45 km, c’est une première!
Alors que d’un côté un département du Gouvernement annonce du plutonium, un autre département autorise les habitants de 5 communes situées entre 20 et 30 km à retourner chez eux. Il ne leur reste qu’à souhaiter un retour des plus rayonnants.
Takashi Oizumi, le Responsable du Panel d’experts mis sur pied par le gouvernement, a souligné que le Gouvernement japonais a intentionnellement manipulé l’opinion publique au sujet de l’énergie nucléaire. Vue d’occident, cela ressemble à l’enfoncement d’une porte ouverte. Mais pour les Japonais, et surtout les médias qui n’ont pas toujours éclairés la population sur l’accident de Fukushima, il s’agit d’une prise de conscience douloureuse.
Vendredi 30 Septembre 2011
Tepco a fait sonner les trompettes: pour la première fois depuis la catastrophe, les températures des 3 Réacteurs en perditions sont passées sous la barre des 100 degrés Celcius. Ho! pas de beaucoup. Le Réacteur 2 flirte a 99,7 degrés, mais c’est une belle réduction alors que le thermomètre indiquait 110 degrés au début du mois de septembre. Les Réacteurs 1 et 3 se maintiennent en-dessous de 100 degrés depuis le mois d’août. Tepco espère pouvoir maintenir la température des réacteurs d’ici à la fin décembre. Mais l’entreprise se trouve toujours devant une montagne d’eau hautement radioactive.
Jeudi 29 Septembre 2011
A 19h00 heure locale, la Centrale de Fukushima a subit un nouveau tremblement de terre de 5,4. Il n’y a pas de grosse casse selon les autorités. De grandes quantités d’hydrogène ont été découvertes dans les tuyaux du Réacteur 1. Souvenez-vous, c’est justement à cause de l’hydrogène que les bâtiments 1 et 3 avaient explosé début mars. Tepco va tenter de réduire ce gaz et éviter une nouvelle explosion.
Mercredi 28 Septembre 2011
Un panel d’experts du Gouvernement japonais vient d’enfoncer une porte ouverte en déclarant: « Tepco n’était pas préparé pour une catastrophe du type de Fukushima et encore moins pour la résoudre ». C’est sympa d’avoir mis une brochette d’experts autour d’une table pour arriver à cette constatation. Mon labrador était arrivé à la même conclusion il y a 3 mois déjà!
Le président de ce panel, Yotaro Hatamura, a ajouté qu’ils allaient encore enquêter afin de savoir pourquoi Tepco n’a pas su maîtriser cette catastrophe et qu’une réponse serait donnée d’ici à la fin 2011. Ben, s’ils donnent les véritables raisons, il y a des hommes politiques qui vont avoir du mal à dormir ces prochaines semaines.
Les niveaux de contaminations radioactives à Fukushima-city, (ville de 300’000 habitants à 60 km de la Centrale) sont en train de se détériorer au point que les autorités sont prêtes à évacuer des quartiers de la ville. Certaines familles, qui craignent pour leurs enfants, ont déjà quitté leur maison.
La municipalité envisage un plan de nettoyage des parties radioactives comme les toits des maisons, d’enlever une partie du goudron des routes ainsi que de la terre. Cependant, les autorités ne savent pas comment recycler ou stocker ces déchets contenant ces traces radioactives.
Il est paradoxal, qu’à 60 km de la Centrale, les autorités pensent à évacuer, alors que le Gouvernement japonais veut donner le feu vert pour faire retourner les habitants dans 5 villes situées à 30 km des Réacteurs accidentés. Certainement une question d’indemnisations.
A suivre : La veille de Laurent Horvath l’ économiste spécialisé, fondateur du site 2000watts.org sur lequel il décrypte en continu la catastrophe nucléaire de Fukushima . Fukushima fil de l’information
Fukushima: la situation continue à empirer
par Claude-Marie Vadrot
Comme annoncé, la situation à Fukushima et dans la région ne s’arrange pas et, à en juger par les derniers développements du délabrement des réacteurs accidentés, cet accident pourrait dépasser en gravité, dans le temps et dans l’espace, celui de Tchernobyl. Car non seulement les trois réacteurs restent pratiquement hors d’atteinte pour les ouvriers et les ingénieurs, mais trois des quatre piscines endommagées ne sont toujours pratiquement pas refroidies. Seule celle liée au réacteur numéro quatre est équipée depuis la fin du mois de juillet d’un système de refroidissement de secours qui « ne donne pas entièrement satisfaction ». Traduit en langage de profane cela signifie que cette piscine relâche toujours de la radioactivité dans l’air. Ce qui est évidemment le cas des carcasses des bâtiments et de réacteurs un, deux et trois. Donc, n’en déplaise aux « docteurs tant mieux » qui s’agitent aussi bien au Japon qu’en France chez Areva, la situation des rejets et des risques à venir reste exactement la même que le 13 mars dernier, quand la fusion a commencé. Un accident dont il faut quand même rappeler, car les partisans du nucléaire sont en train d’essayer de le faire oublier à l’opinion publique internationale, qu’il n’a pas été provoqué par le tsunami mais par l’arrêt automatique des réacteurs provoqué par le tremblement de terre. Il se trouve, les experts le savent mais ne le crient jamais sur les toits, que les conséquences de l’arrêt brutal d’un réacteur nucléaire, qu’elles qu’en soient les causes, sont toujours imprévisibles : cela peut fort bien se passer normalement ou au contraire déstabiliser définitivement un réacteur sans que les spécialistes sachent vraiment pourquoi.
Pour prendre la mesure de la radioactivité toujours relâchée dans l’atmosphère, il suffit de savoir que dans le réacteur numéro deux, par exemple, les instruments de contrôle que les techniciens ont réussi à glisser le 2 août prés du réacteur numéro deux n’ont pas pu fonctionner car la radioactivité était trop forte. Elle dépassait –d’un montant ignoré- la limite de 10 sieverts/heure (10 000 millisieverts). La veille, dans le réacteur numéro un, les ingénieurs qui voulaient commencer à étudier la mise en place d’un système de refroidissement de secours, ont du renoncer à s’approcher par ce que les instruments enregistraient une radioactivité de 5 sieverts/heure. Impossible donc, toujours, de travailler dans les bâtiments et aux abords des réacteurs : la norme pour un salarié du nucléaire, limite au delà de laquelle il court des risques est de 20 millisieverts/an. Ce qui situe largement, si l’on tient compte de la durée de l’exposition de référence, la radioactivité menaçant les ingénieurs japonais à un niveau au moins 10 000 fois supérieur à ce qui est acceptable sans être irrémédiablement et gravement contaminé.
Cette permanence de la radioactivité interdit donc, tout en polluant davantage chaque jour la région, toute intervention sur les trois réacteurs accidentés. Les techniciens ne peuvent strictement rien à faire, les premiers robots expérimentés pour les suppléer ont été paralysés par la force des radiations.
La « promesse » de la Tepco, l’opérateur privé en cause, et du gouvernement japonais de « maîtriser » la situation pour le début de l’année 2012 est donc en train de voler en éclats. En fait les réactions nucléaires se poursuivent et les techniciens de disposent d’aucun moyen pour les arrêter ou les diminuer. Ils n’ont strictement pas progressé depuis le lendemain de l’explosion des réacteurs et même la décontamination des centaines de milliers de tonnes d’eau contaminée est au point mort. Dans les conditions actuelles, la preuve est faite qu’un réacteur peut échapper durablement à toute tentative de contrôles et que les spécialistes ne peuvent que constater l’aggravation d’une situation de crise. Quant à l’autre « promesse », celle de construire rapidement un grand sarcophage par réacteur ou une énorme enceinte de confinement, elle est pour des mois, sinon des années irréalisables. Ce qui condamne une partie du Japon à subir une augmentation des contaminations, y compris par du plutonium.
D’où la nécessité, comme le fait régulièrement Politis, de continuer à expliquer ce qui se passe à Fukushima pour que personne n’oublie l’ampleur de la catastrophe.
Le premier ministre japonais, Yoshihiko Noda, a présenté vendredi 2 septembre la composition de son gouvernement chargé de conduire la reconstruction du pays éprouvé par le tsunami de mars.
Le gouvernement est composé de 18 membres qui appartiennent tous au Parti démocrate du Japon (PDJ, centre gauche), présidé par M. Noda, à l’exception de Shozaburo Jimi, ministre délégué aux services financiers et à la réforme postale, un dirigeant du Nouveau Parti du peuple (NPP, nationaliste).
M. Noda, 54 ans, a confié le portefeuille des finances à Jun Azumi, 49 ans, originaire de la préfecture de Miyagi (nord-est) dévastée le 11 mars, un parlementaire qui n’a jamais été membre d’aucun gouvernement.
Sous le premier ministre Naoto Kan, qui vient de démissionner, M. Azumi était responsable des rapports du Parti Démocrate du Japon avec le Parlement, où il s’est employé à chercher la coopération de l’opposition conservatrice dans un pays frappé par une catastrophe naturelle et un accident nucléaire. Il aura la lourde tâche de succéder au ministère des finances à M. Noda lui-même, partisan d’une rigueur budgétaire et d’une réforme fiscale destinée à financer les besoins de la reconstruction du nord-est et à alléger la dette colossale du pays.
Le nouveau premier ministre a choisi, en outre, Koichiro Gemba, 47 ans, pour diriger la diplomatie, mise à l’épreuve en fin d’année dernière par des crises à propos de différends territoriaux avec la Chine et la Russie. M. Gemba devra aussi s’efforcer de ménager les liens du Japon avec son principal allié, les Etats-Unis, sur fond de discussions sans fin à propos du déplacement d’une base militaire américaine de l’île méridionale d’Okinawa. Il était ministre délégué à la stratégie nationale du précédent gouvernement.
Le portefeuille de la défense a, lui, été confié à Yasuo Ichikawa, un sénateur de 69 ans.
A la tête du puissant ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie (Meti), le chef du gouvernement a choisi aussi un homme sans expérience gouvernementale, Yoshio Hachiro, 63 ans. Issu de l’aile gauche du PDJ, cet ancien étudiant en agriculture devra notamment orchestrer le redémarrage de l’économie japonaise, engluée dans la récession, et affronter les nouveaux défis de la politique énergétique du pays aujourd’hui privé de 80 % de sa capacité de production nucléaire.
M. Noda s’est enfin associé les services de Osamu Fujimura, 61 ans, pour le poste stratégique de secrétaire général et porte-parole du gouvernement. Spécialiste des problèmes d’éducation, M. Fujimura est un avocat de la décentralisation qui dénonce volontiers la toute-puissance de la bureaucratie.
M. Kan a jeté l’éponge la semaine dernière en raison de vives critiques pour sa gestion du séisme et du tsunami du 11 mars, qui ont fait plus de 20 000 morts et disparus, et pour le suivi maladroit de l’accident nucléaire subséquent à Fukushima Daiichi. Son successeur est devenu mardi le sixième premier ministre du Japon en cinq ans.
AFP
La composition du nouveau gouvernement
– Premier ministre: Yoshihiko Noda, 54 ans (ex-ministre des finances, député)
– Secrétaire général et porte-parole du gouvernement: Osamu Fujimura, 61 ans (nouveau, député)
– Ministre des affaires étrangères: Koichiro Gemba, 47 ans (change de portefeuille, député)
– Ministre des finances: Jun Azumi, 49 ans (nouveau, député)
– Ministre de l’économie, du commerce et de l’industrie: Yoshio Hachiro, 63 ans (nouveau, député)
– Ministre de la défense: Yasuo Ichikawa, 69 ans (nouveau, sénateur)
– Ministre de l’environnement et chargé de la gestion de l’accident de Fukushima ainsi que de la prévention des risques nucléaires: Goshi Hosono, 40 ans (nouveau à l’environnement, reconduit pour l’accident nucléaire, député)
– Ministre des affaires intérieures et des communications, chargé du développement d’Okinawa et de la question des Territoires du Nord (îles Kouriles administrées par la Russie, ndlr): Tatsuo Kawabata, 66 ans (nouveau, député)
– Ministre de la justice: Hideo Hiraoka, 57 ans (nouveau, député)
– Ministre de l’agriculture, de la pêche et des forêts: Michihiko Kano, 69 ans (reconduit, député)
– Ministre de la santé, du travail et des affaires sociales: Yoko Komiyama, 62 ans (nouvelle, députée)
– Ministre des transports, de l’aménagement du territoire et du tourisme: Takeshi Maeda, 74 ans (nouveau, sénateur)
– Ministre de l’éducation, de la culture, des sports et des sciences: Masaharu Nakagawa, 61 ans (nouveau, député)
– Ministre délégué à la reconstruction: Tatsuo Hirano, 67 ans (reconduit, sénateur)
– Ministre délégué à la politique économique et fiscale et à la consommation: Motohisa Furukawa, 45 ans (nouveau, député)
– Ministre délégué aux services financiers et à la réforme postale: Shozaburo Jimi, 65 ans (reconduit, sénateur)
– Ministre déléguée à la réforme administrative: Renho Murata (dite Renho), 43 ans (retrouve ce poste, sénatrice)
– Président de la commission nationale de sécurité publique et de la population (chargé des incidents liés aux produits de consommation): Kenji Yamaoka, 68 ans (nouveau, député)