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Hypothèses sur les raisons du moindre attrait des idées du FN
Chronique
Les idées du FN perdent du terrain », a titré Le Monde à la « une » de son édition du 15 janvier. Le fait est indéniable, si l’on s’en tient – ce dont il s’agissait alors – aux résultats du sondage TNS Sofres/Logica pour Le Monde et « A vous de juger »/France 2, réalisé les 4 et 5 janvier auprès de 1 000 personnes. Comparé à une enquête similaire effectuée en décembre 2006, il montre que le taux d’adhésion global aux idées de Jean-Marie Le Pen est passé, en trois ans, de 26 % à 18 %. Chacune des propositions suggérées a connu un recul sensible au cours de cette même période, de – 3 points (« Il faut rétablir la peine de mort ») à – 15 points (« Il y a trop d’immigrés en France »).
Le débat commence à s’ouvrir lorsqu’on s’interroge sur les raisons de ce moindre attrait des idées du FN. On peut avancer une explication de type sociétal, qui rejoindrait la thèse récemment développée par le démographe Emmanuel Todd dans ces colonnes (Le Monde du 28 décembre 2009). « La réalité de la France est qu’elle est en train de réussir son processus d’intégration (…) grâce à un taux élevé de mariages mixtes », assurait M. Todd, qui ajoutait : « Le signe de cet apaisement est précisément l’effondrement du Front national. » Si l’on peut penser qu’il est effectivement à l’oeuvre, dans la durée et les tréfonds de la société, ce facteur ne suffit toutefois pas à expliquer l’infléchissement observé après décembre 2006.
Il reste les explications de nature politique. L’usure du Front national, le vieillissement de son chef, ont certes pu contribuer à réduire son champ d’influence. L’hypothèse que l’on retiendra ici est que l’élément moteur est la campagne présidentielle victorieuse menée en 2007 par Nicolas Sarkozy. C’est bien l’ombre de ce dernier qui apparaît en filigrane des courbes du baromètre. Pour se convaincre de son rôle en la matière, il suffit d’observer l’évolution – atypique – de l’adhésion à la proposition « Il faut donner beaucoup plus de pouvoirs à la police », qui est passée de 76 % en mai 2002 à 53 % en novembre 2003, alors que M. Sarkozy était ministre de l’intérieur depuis dix-huit mois. Le futur chef de l’Etat avait alors mis à profit son passage Place Beauvau pour engager ce qui reste, à ce jour, la seule véritable « rupture » qu’il ait menée à bien : être le héraut d’une droite dite « décomplexée ». Traduction : une droite qui ne tourne plus le dos aux électeurs du FN, mais s’efforce, au
contraire, de prendre en compte leurs aspirations et leurs préoccupations, afin de les ramener dans son giron.
Ce fut une volte-face. Jusqu’alors, sous l’impulsion de Jacques Chirac et Alain Juppé, la direction du RPR avait déployé d’intenses efforts pour imposer à ses élus ainsi qu’à une base récalcitrante une stratégie de cordon sanitaire. Le point d’orgue de cette bataille eut lieu lors des élections régionales de 1998, alors que le RPR était présidé par Philippe Séguin, et avait pour secrétaire général… M. Sarkozy. Pour contenir – puis condamner – les alliances nouées avec le FN par certains élus (ex-UDF), comme Charles Millon en Rhône-Alpes, le discours tenu depuis les instances dirigeantes du RPR jusqu’au plus haut sommet de l’Etat fut clair et net. Le 23 mars 1998, dans une allocution télévisée, M. Chirac avait dénoncé la « nature raciste et xénophobe » du parti de Jean-Marie Le Pen, et « désapprouvé » le choix de « celles et ceux qui ont préféré les jeux politiques à la voix de leur conscience ». Non sans courage et abnégation, les lointains héritiers du mouvement gaulliste ont alors fait feu de tout
bois contre l’extrême droite, ses élus, et ses idées. A cette époque, le taux d’adhésion à ces mêmes idées, tel que le mesurait déjà notre baromètre, progresse dans la société française.
Hypothèse : une idée est d’autant plus attrayante qu’elle est dénoncée par le pouvoir en place. Le 23 janvier 2001, mettant un terme à une longue traversée du désert, M. Sarkozy publie un ouvrage, Libre, dans lequel il s’interroge : « Pourquoi donc serait-il noble d’être de gauche, et faudrait-il s’excuser d’être de droite ? » Sa réponse est dans la question. Elle va guider, jusqu’à la présidentielle de 2007, sa conquête de l’électorat de droite ; et d’une bonne partie de celui de l’extrême droite. Electoralement payante, la tactique a un prix. Non pas en termes d’alliances, ni même de programme : un abîme sépare fort heureusement la politique conduite par le gouvernement des préconisations de l’extrême droite. Mais parce que rien n’est gratuit, la facture à payer est sur le terrain des idées et des mots. Pour gagner l’adhésion des anciens électeurs du FN, puis s’employer à ce qu’ils ne quittent pas le navire, M. Sarkozy a dû – et doit encore – leur envoyer des « signes ». L’un des principaux a été la création d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale, puis le lancement d’un « grand débat »
sur ce thème. « On ne se sent plus vraiment chez soi en France » : le taux d’adhésion des Français à cette affirmation a chuté de 9 points depuis décembre 2006. Hypothèse : une idée est nettement moins attrayante dès lors qu’elle semble suggérée par le pouvoir en place. Les idées du FN ont-elles vraiment perdu du terrain ? Le débat reste ouvert.
Jean-Baptiste de Montvalon
Voir aussi : Rubrique politique Sarkozy discours de Latran, Le corpus nationaliste de Sarkozy ,
Fan de Chichourle !
Voici
Voilà ce que pourrait être le portrait subjectif d’Aurel : un individu discret dont le dernier opus, Carnets 2008-2009, édité aux éditions Carabas, présente une dimension autobiographique candide et insaisissable.
N’ayant pas la présomption du psychanalyste et le verbe sauvage, nous nous en tiendrons aux pures évidences médicales. Aurel est un gentil garçon. Cela, on le saisit dès la couverture. Comme on n’échappe pas à la force spontanée de son graphisme jaillissant de bonheur et de paisibilité. Une sagesse sereine et musicale, la musique étant comme l’on sait, ou comme l’on devrait savoir, la seconde passion d’Aurel. Ceux qui l’apprennent peuvent se rapporter aux trois BD que le dessinateur a déjà produites, autour de Django Reinhardt, Thelonious Monk, et My funny Valentine, ambiance quoi….
Mais revenons à ces récents carnets. Le titre Chichourle interroge l’inconscient, comme le dessin où figure une religieuse à vélo avec son instrument dans le dos qui paraît essoufflée après un ardent effort. Précision étymologique, le nom Chichourle, qui semble préoccuper l’artiste, est employé dans le Sud de la France. Il vient du fruit du jujubier et désigne également le sexe de la femme.
Parmi les autres pathologies, on relève une prédisposition au décalage dans le temps et l’espace qui ne devrait pas nuire à l’exercice de son métier. Ce jeune travailleur est donc apte à reprendre son travail. Préventivement nous lui préconisons un check-up complet ainsi qu’à tous ses lecteurs qui arborent étrangement un sourire béat.
Jean-Marie Dinh
Chichourle, éditions Carabas, 10 euros
voir aussi : Le site d’Aurel
Mircea Cartarescu sur la chute de la dictature roumaine en 1989
Dans
« La révolution nous a pris par surprise et nous y avons cru. Quand on se trouve dans la foule parmi un million de gens et que l’on s’embrasse et que l’on pleure de joie, alors on ne se pose plus la question de savoir qui a appelé à ce rassemblement et pour quelles raisons.
Environ 1 000 personnes ont été tuées [par les forces de l’ordre]. Puis ce fut le tour [du chef d’Etat communiste Nicolae] Ceau?escu dont nous pensions jusqu’alors qu’il était immortel. Tout cela est passé à la télévision. … Et bien que tout ait été évident, l’impact simple et les décors bon marché … nous avons cru tout éveillés à ce rêve. La révolution était un feuilleton, notre illusion douceâtre. ..
En 1990 nous sommes arrivés dans un monde libre et dans une démocratie. Mais nous ne savions pas ce qu’est la liberté et la démocratie. Après 50 ans de dictature fasciste et communiste nous n’étions même plus un peuple, même plus une société. Nous étions un troupeau. A l’époque on nous a menti, maintenant on nous ment. Dans le passé nous étions pauvres, maintenant nous sommes encore plus pauvres. »
Voir aussi : Roumanie littérature : Herta Muller prix Nobel
La rose qui dort et le propos tue-mouche
Enfin
La partie internationale du livre est une jolie balade au pays des tontons flingueurs en chef de la planète : Kadhafi, Bush, Hu Jintao, Poutine… Est-ce ce regard déformé par la pratique professionnelle qui conduit Plantu à percevoir l’essentiel ? Ou l’esprit d’indépendance cher et incorruptible qui le pousse à prendre position ? Toujours est-il que son propos fait mouche dans le grand bastringue de l’info. Déjà pas cire-pompe à la Une du Monde où son regard contraste en clair avec l’obscure collision de certains éditos, Plantu l’est encore moins quand il a quartier libre. La sélection de dessins du livre comporte quelques épreuves où il passe la ligne jaune. Pour autant, Plantu ne se lève pas le matin pour le plaisir de dézinguer une personnalité politique. C’est ce qui assure la longévité de son parcours. Il faut savoir rester frais dans la pratique d’un art qu’il définit comme « un savant dosage entre la provocation, la colère et le respect de la personne humaine. » Pour 2008, la couverture du livre arrive en guise de synthèse avec cette grosse rose qui roupille dans ses petites baskets rue de Solferino et le titre qui tombe d’évidence.
Jean-Marie Dinh
Un boulevard pour Sarko, édition du seuil,16,5 euros.