« Quand l’Union soviétique s’est effondrée fin 1991, Dick ne voulait pas seulement voir le démantèlement de l’Union soviétique et de l’empire russe mais de la Russie même, pour qu’elle ne puisse jamais plus être une menace pour le reste du monde », a écrit, dans ses mémoires publiées dernièrement, l’ancien secrétaire d’Etat américain à la Défense, Robert Gates. Gates faisait référence au secrétaire d’Etat à la Défense de l’époque et ancien vice-président américain, Dick Cheney.
Cette déclaration nous éclaire sur les dimensions géopolitiques du récent coup d’Etat survenu en Ukraine. Ce qui est en jeu, ce ne sont pas tellement les questions domestiques – et certainement pas la lutte contre la corruption et pour la démocratie – mais bien plutôt une lutte internationale pour le pouvoir et l’influence, qui remonte à un quart de siècle.
Le Financial Times voit les évènements en Ukraine sous le même angle. Dans un éditorial en date du 23 février, il a écrit : « Depuis un quart de siècle, cet énorme territoire qui se trouve en équilibre instable entre l’UE et la Russie fait l’objet d’un conflit géopolitique entre le Kremlin et l’Occident. » En 2008, une tentative maladroite du président George W. Bush n’avait pas réussi à attirer les anciennes républiques soviétiques d’Ukraine et de Géorgie dans l’OTAN, « Mais la révolution de Maïdan offre actuellement à toutes les parties une deuxième chance de revoir le statut d’une Ukraine se trouvant sur les lignes de faille de l’Europe. »
La dissolution de l’Union soviétique en décembre 1991 fut un cadeau inattendu pour les puissances impérialistes. La Révolution d’Octobre 1917 avait soustrait à la sphère d’exploitation capitaliste une part considérable de la superficie mondiale. Ceci fut perçu par la bourgeoisie internationale comme une menace, et ce même longtemps après que la bureaucratie stalinienne ait trahi le but de la révolution socialiste mondiale et assassiné une génération entière de révolutionnaires marxistes. De plus, la force économique et militaire de l’Union soviétique représentait un obstacle à l’hégémonie mondiale américaine.
La dissolution de l’Union soviétique et l’instauration du marché capitaliste avaient créé les conditions propices au pillage organisé par une poignée d’oligarques et par la finance internationale de la richesse sociale créée par des générations de travailleurs. Les acquis sociaux obtenus dans le domaine de l’éducation, de la santé, de la culture et de l’infrastructure furent détruits ou laissés à l’abandon.
Ce n’était cependant pas suffisant pour les Etats-Unis et les principales puissances européennes. Ils étaient déterminés à faire en sorte que la Russie ne puisse plus jamais menacer leur hégémonie, comme le dit clairement la déclaration de Dick Cheney citée ci-dessus.
En 2009, l’alliance militaire de l’OTAN, dominée par les Etats-Unis, avait absorbé dans ses rangs presque tous les pays de l’Europe de l’Est qui appartenaient jadis à la sphère d’influence de l’Union soviétique. Mais les tentatives d’incorporation des anciennes républiques soviétiques dans l’OTAN ont échoué – à l’exception de trois Etats baltes, l’Estonie, la Lituanie et la Lettonie – du fait de l’opposition de Moscou. L’Ukraine, avec ses 46 millions d’habitants et son emplacement stratégique entre la Russie, l’Europe, la Mer noire et le Caucase, s’est toujours trouvée au centre de ces efforts.
Dès 1997, l’ancien conseiller américain à la sécurité nationale Zbigniew Brzezinski avait écrit que sans l’Ukraine, toute tentative entreprise par Moscou de reconstruire son influence sur le territoire de l’ancienne Union soviétique était vouée à l’échec. La thèse centrale énoncée dans son livre Le Grand Echiquier était que la capacité de l’Amérique à exercer une prédominance mondiale dépendait de la question de savoir si l’Amérique était en mesure d’empêcher l’émergence d’une puissance dominante et hostile sur le continent eurasiatique.
En 2004, les Etats-Unis et les puissances européennes avaient soutenu et financé la « Révolution orange » en Ukraine, qui avait amené au pouvoir un gouvernement pro-occidental. En raison de conflits internes, le régime s’était toutefois rapidement effondré. La tentative de 2008 d’attirer la Géorgie dans l’OTAN en suscitant une confrontation militaire avec la Russie avait aussi échoué.
Actuellement, les Etats-Unis et leurs alliés européens sont déterminés à utiliser le coup d’Etat en Ukraine pour déstabiliser une fois de plus les anciennes républiques soviétiques en les attirant dans leur propre sphère d’influence. Ce faisant, ils risquent de déclencher un conflit armé ouvert avec la Russie.
Le groupe de réflexion Stratfor, qui entretient d’étroits liens avec les services secrets américains, a écrit, sous le titre « Après l’Ukraine, l’Occident se tourne vers la périphérie russe » : « L’Occident veut miser sur le succès d’avoir soutenu les protestataires anti gouvernement en Ukraine pour mener une campagne plus générale dans la région entière. »
Stratfor, signale qu’« Une délégation géorgienne actuellement en visite à Washington, ainsi que le premier ministre du pays, Irakli Garibashvili, doivent rencontrer cette semaine le président américain Barack Obama, le vice-président Joe Biden et le secrétaire d’Etat John Kerry. » Il est également prévu que le premier ministre moldave Iurie Leanca se rende le 3 mars à la Maison Blanche pour rencontrer le vice-président américain Joe Biden. « La perspective de l’intégration occidentale de ces pays – en d’autres termes, comment les rapprocher davantage des Etats-Unis et de l’Union européenne et les éloigner de la Russie – occupe une place importante dans le programme des deux visites. »
Lilia Shetsova, de la fondation américaine Carnegie pour la Paix internationale (sic) à Moscou (Carnegie Endowment for International Peace), explique également que le coup d’Etat en Ukraine doit être étendu aux autres pays et à la Russie même. « L’Ukraine est devenue le maillon le plus faible dans la chaîne post-soviétique, » a-t-elle écrit dans un commentaire rédigé pour le journal allemand Süddeutsche Zeitung. « Nous devrions garder à l’esprit que des soulèvements identiques sont possibles dans d’autres pays. »
Shetsova souligne une caractéristique de la révolution ukrainienne qu’elle souhaite préserver à tout prix : la mobilisation de forces fascistes pugnaces. « La chute d’Ianoukovitch est essentiellement attribuable aux ‘éléments radicaux’ sur le Maïdan, y compris entre autres, au Secteur droit qui est devenu une force politique sérieuse. » Elle a poursuivi en disant : « L’avenir de l’Ukraine dépendra du fait que les Ukrainiens peuvent maintenir le Maïdan. »
Les « éléments radicaux » que Shetsova veut préserver à tout prix sont les milices fascistes armées qui se basent sur les traditions les plus viles de l’histoire ukrainienne : les pogroms et les meurtres de masse des Juifs et des communistes commis durant la Seconde Guerre mondiale. Le rôle futur de ces milices fascistes sera celui de terroriser et d’intimider la classe ouvrière.
Il n’aura fallu que quelques heures pour que le réactionnaire fond social du soulèvement en Ukraine devienne évident. Les « valeurs européennes » que le l’éviction de l’ancien régime aurait soi-disant apportées au pays consistaient en attaques massives contre une classe ouvrière déjà appauvrie. Comme condition préalable à l’accord de prêts dont le pays a grandement besoin pour éviter une faillite imminente, le FMI exige la mise en flottement du taux de change de la hryvna, un brutal programme d’austérité et une augmentation du sextuple du prix du gaz domestique.
Le flottement de la monnaie du pays conduira à une inflation galopante, une augmentation correspondante du coût de la vie et la destruction de toutes les économies restantes des Ukrainiens ordinaires. Le programme d’austérité visera essentiellement les retraites et les dépenses sociales et la hausse des prix du gaz signifiera qu’un grand nombre de familles ne pourront plus chauffer leurs logements.
L’Ukraine doit être réduite à un pays où des travailleurs bien qualifiés et les membres des professions libérales gagnent des salaires qui se situent bien en dessous de ceux versés en Chine. Ce fait est d’une importance capitale pour l’Allemagne, le deuxième partenaire commercial de l’Ukraine (après la Russie) et, avec 7,4 milliards de dollars, le second plus important investisseur du pays.
Tandis que pour les Etats-Unis l’isolement de la Russie se trouve au premier plan, l’Allemagne est intéressée à bénéficier économiquement de l’Ukraine qu’elle a déjà occupée militairement par deux fois, en 1918 et en 1941. Elle veut exploiter le pays en tant que plateforme de main d’œuvre bon marché en l’utilisant pour tirer les salaires encore plus vers le bas en Europe de l’est et même en Allemagne.
D’après les statistiques de l’Institut de l’économie allemande (Instituts für deutsche Wirtschaft) les coûts de main-d’œuvre se situent au bas de l’échelle mondiale. Avec un coût de 2,50 dollars par heure travaillée, le coût horaire moyen (salaires bruts, plus d’autres coûts) des travailleurs et des employés se situe d’ores et déjà en-dessous de celui la Chine (3,17 dollars), de la Pologne (6,46 dollars) et de l’Espagne (21,88 dollars). En Allemagne, une heure travaillée coûte 35,66 dollars, c’est-à-dire 14 fois plus.
L’Office ukrainien des statistiques estime que le salaire mensuel moyen s’élève à 3.073 hryvna (220 dollars). Les universitaires sont aussi très mal rémunérés.
L’ancien président Ianoukovitch lui-même est un représentant des oligarques ukrainiens. Il n’a rejeté l’accord d’association avec l’UE que parce qu’il craignait de ne pouvoir survivre politiquement aux conséquences sociales. A présent, sa chute sert de prétexte à l’introduction d’un niveau de pauvreté et d’exploitation qui est totalement incompatible avec des normes démocratiques et qui mènera à de nouveaux soulèvements sociaux. C’est précisément pour réprimer toute agitation sociale que les milices fascistes doivent être préservées.
Source : Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) Wold Socialist Web Site 01 03 2014
Voir aussi : Rubrique Géopolitique, rubrique Europe Ukraine, rubrique Russie, rubrique UE rubrique Etats-Unis
Bagarre entre députés ukrainiens, le 21 février, à Kiev. REUTERS/Alex Kuzmin
Pro-Russes et pro-UE se renvoient ces accusations. Sont-elles fondées ?
Si, depuis l’Occident, les violents évènements qui secouent actuellement l’Ukraine sont principalement perçus comme une lutte des démocrates pro-européens contre un gouvernement autoritaire à la solde de Moscou, la position officielle de la Russie par rapport à la situation ukrainienne reflète un point de vue tout autre: les gouvernements occidentaux font preuve d’une trop grande naïveté et soutiennent de violents extrémistes aux tendances fascistes et d’extrême droite.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergeï Lavrov, a qualifié les manifestations de «Révolution brune», les comparant à la montée du nazisme dans les années 1930. «Comment se fait-il que l’on n’entende pas de condamnations officielles contre ceux qui prennent d’assaut des bâtiments gouvernementaux, attaquent les forces de l’ordre et profèrent des slogans racistes et antisémites?», a-t-il demandé. Samedi, le président ukrainien qui a quitté la capitale, a annoncé qu’il ne démissionnerait pas, et que le pays était victime «d’un coup d’Etat proche de celui des nazis dans les années 30».
Le gouvernement russe a l’habitude de lancer ce type d’accusation un peu à la légère, mais en l’occurrence (même si cela le sert indéniablement), tout n’est pas tout à fait faux.
L’une des trois figures de l’improbable coalition à la tête du mouvement du Maïdan (avec le boxeur Vitali Klitschko et l’ancien ministre des Affaires étrangères Arseni Iatseniouk) est Oleg Tiagnibok, le leader du parti nationaliste Svoboda, qui a par exemple pour habitude de désigner le gouvernement ukrainien en parlant de «mafia juive-russe».
Son parti, dont l’origine remonte à une armée partisane alliée aux Allemands durant la Seconde Guerre mondiale, se faisait appeler parti social national (référence au national-socialisme) jusqu’en 2004. Le mois dernier, il a organisé une marche aux flambeaux en l’honneur de Stepan Bandera, personnage controversé et considéré par certains comme un collaborateur nazi.
En 2012, l’élection au parlement, pour la première fois, de membres du parti «rebaptisé» avait préoccupé de nombreux Juifs ukrainiens, mais Tiagnibok s’était défendu (sans trop de succès) d’être antisémite en déclarant: «Personnellement, je n’ai rien contre les Juifs lambda, j’ai même des amis juifs. C’est à un groupe d’oligarques juifs qui contrôlent l’Ukraine et aux Juifs-bolchéviques [du passé] que j’en veux.»
Il est clair que les manifestations antigouvernementales menées par les partisans de l’intégration à l’Union européenne avaient débuté avant l’entrée en scène de Svoboda et que le parti nationaliste ne représente pas la majorité des protestataires, parmi lesquels on trouve de nombreux Juifs. Mais on ne peut nier que la présence de Tiagnibok a quelque chose de gênant pour les soutiens internationaux du mouvement.
Le leader de Svoboda a brillé par son absence lors de la réunion à Berlin de la semaine dernière entre la chancelière allemande Angela Merkel et les leaders beaucoup plus fréquentables que sont Klitschko et Iatseniouk. Le sénateur américain John McCain a été critiqué pour avoir partagé une scène avec lui lors de sa visite à Kiev en novembre dernier. Plus récemment, Tiagnibok a rencontré la sous-secrétaire d’État américaine Victoria Nuland et la haute représentante de l’Union européenne aux Affaires étrangères Catherine Ashton.
D’un autre côté, les accusations de fascisme et d’antisémitisme portées contre Euromaïdan prêteraient presque à sourire lorsque l’on voit qui les profère, comme l’a fait remarquer Timothy Snyder dans la New York Review of Books:
La propagande russe et les amis ukrainiens du Kremlin ne cessent de nous répéter que les manifestations du Maïdan constituent un retour du nazisme en Europe. À Munich, le ministre russe des Affaires étrangères a fait la leçon aux Allemands, coupables, selon lui de soutenir des adorateurs d’Adolf Hitler. Les médias russes ne cessent d’affirmer que les Ukrainiens qui manifestent sont des nazis. Naturellement, il est important de garder un œil vigilant sur l’importance de l’extrême droite dans la politique et l’histoire ukrainiennes. C’est une présence encore inquiétante aujourd’hui, même si elle est moins importante que l’extrême droite en France, en Autriche ou aux Pays-Bas. En outre, c’est le régime ukrainien, plus que ses opposants, qui a recours à l’antisémitisme en déclarant à sa police antiémeute que les manifestants sont des Juifs et à nous qu’ils sont des nazis.
Ce qu’il y a d’étrange, dans cette affirmation de Moscou, c’est l’idéologie politique de ceux qui la font. L’Union eurasiatique [proposée par Vladimir Poutine] est l’ennemi de l’Union européenne, non pas uniquement d’un point de vue stratégique, mais aussi idéologique.
L’Union européenne est née d’une leçon tirée de l’histoire: celle selon laquelle les guerres du XXe siècle étaient parties d’idées fausses et dangereuses –le nazisme et le stalinisme– qui devaient être rejetées et même dépassées par un système garantissant le libre marché, la liberté de circulation des personnes et l’État providence. L’eurasianisme, au contraire, est présenté par ses partisans comme l’opposé de la démocratie libérale.
Certains ont aussi accusé Ianoukovitch d’avoir délibérément permis la progression de Svoboda en Ukraine occidentale pour s’en servir comme d’un épouvantail politique bien pratique. Si tel est le cas, il est clair aujourd’hui que c’était un très mauvais calcul de la part du Président.
L’importance de Svoboda au sein du mouvement contestataire est sans doute inquiétante, non seulement parce que le parti pourrait jouer un rôle plus important à l’avenir dans la politique ukrainienne, mais aussi parce qu’elle a permis à un chef d’État de plus en plus autoritaire, ainsi qu’à ses soutiens internationaux ouvertement autoritaires, d’affirmer que ce sont leurs opposants qui constituent une menace pour la démocratie.
Carte présentant les aires de colonisation scandinave jusqu’au Xe siècle. NB : La coloration jaune (XIe siècle) du sud de l’Angleterre et de l’Italie résulte d’une confusion Vikings / Normands de Normandie
Histoire: La Finlande sert à maintes reprises de champ de bataille et d’enjeu entre les empires suédois et russe.
La Finlande (ou pays des Mille Lacs) a été initialement peuplée par des Lapons puis occupée au début de l’ère chrétienne par des nomades apparentés aux Estoniens et aux Hongrois. Ils ont légué au pays une langue très particulière du groupe finno-ougrien, proche du mongol et du turc !
Les Suédois et leur roi Éric IX le Saint occupent le pays en 1157 et l’évangélisent. Ils se montrent plutôt respectueux des Finlandais mais ont de plus en plus de mal à les tenir à l’écart des convoitises russes.
À l‘époque napoléonienne qui remodèle l’Europe, la Suède doit céder la Finlande au tsar Alexandre 1er par le traité d’Hamina ou Fredrikshamm du 17 septembre 1809. Le pays devient dès lors un grand-duché autonome dont les tsars de Russie sont les titulaires. Les Finnois découvrent et explorent leurs origines et leurs peuples parents. Ils s’affirment aussi progressivement, sans opposition frontale mais explicitement, face au pouvoir russe.
Le peuple de Finlande prend son destin en mains Le 6 décembre 1917,
La Finlande s’émancipe de la Russie et proclame son indépendance en profitant des désordres occasionnés par la guerre de 1914-1918 et les Révolutions russes de 1917.
Avec l’effondrement de l’Empire russe, le pouvoir exécutif est vacant. Les sociaux-démocrates à gauche et les conservateurs à droite se livrent bataille pour la direction du Sénat de Finlande.
Les Blancs gagnèrent la guerre aux dépens des Rouges, ce qui mit fin à l’hégémonie russe sur la Finlande et fit passer le pays dans la sphère d’influence allemande.
Les troubles avaient détruit l’économie de la Finlande, coupé en deux sa classe politique et durablement divisé la nation finlandaise. Le pays s’est lentement réunifié grâce aux compromis passés par les groupes politiques modérés aussi bien à gauche qu’à droite de l’échiquier politique.
La Finlande, en forme longue la République de Finlande, en finnois Suomi et Suomen tasavalta, en suédois Finland et Republiken Finland, est un État d’Europe du Nord membre de l’Union européenne depuis 1995.
La Finlande est baignée par la mer Baltique, précisément par le golfe de Botnie à l’ouest et par le golfe de Finlande au sud. Son territoire s’étend de part et d’autre du cercle Arctique dans la partie orientale de la Fennoscandie, ce qui fait d’elle un pays nordique entièrement extérieur à la Scandinavie. Composé de plus de 3000 lacs et d’innombrables îles, parmi lesquelles celles de l’archipel autonome d’Åland, il occupe une superficie totale de 338 145 kilomètres carrés entre la Russie à l’est, la Norvège au nord et la Suède au nord-ouest, ce qui en fait le cinquième plus vaste pays de l’Union européenne.
Cet espace géographique soumis à un climat rigoureux pendant l’hiver est majoritairement une zone de Taïga, les 5,3 millions d’habitants que recense la démographie nationale conférant au pays l’une des plus faibles densités de population au monde. Principalement installés dans le sud du pays, en particulier sur la côte méridionale, où se trouve la capitale, Helsinki, mais aussi les autres municipalités les plus peuplées, à savoir Espoo et Vantaa, qui sont regroupées au sein de la Région capitale ou « Grand Helsinki », les Finlandais disposent de deux langues officielles, le finnois et le suédois, dans lesquelles le pays est respectivement appelé Suomi et Finland3.
Néanmoins, bien qu’enrichie par les apports ancestraux d’une mythologie féconde, ou encore par les Saami, les populations autochtones de la province septentrionale de Laponie, et quoiqu’elle se soit clairement occidentalisée à la suite d’une reconversion réussie de son économie de la sylviculture à la métallurgie puis l’électronique, la culture nationale plébiscite toujours le silence et un certain dépouillement matériel dont le sisu et le sauna sont des symboles sûrs.
En marge de la soixante-huitième Assemblée générale des Nations unies, à New York, M. François Hollande a rencontré son homologue iranien, qu’hier encore il voulait exclure des négociations sur la Syrie. Un revirement de Paris, une fois de plus inspiré par les décisions diplomatiques de Washington.
A rebours de l’opération « Serval », déclenchée au Mali en janvier 2013, jugée remarquable sur le plan militaire et satisfaisante sur le plan politique (1), la terrible affaire syrienne constitue déjà un échec complet pour la diplomatie française.
L’humiliation objective subie par Paris, lâché par ses alliés après avoir tenu le rôle du matamore jusqu’au-boutiste, est profonde et laissera des traces. Les maladroits coups de menton en retraite, proposés in extremis par une France qui aurait « fait plier Moscou » et « entraîné » Washington, résistent peu à l’analyse, contrairement à ce qu’écrivent certains quotidiens de l’Hexagone. Hors de nos frontières, l’angle est moins sophistiqué : dans les chancelleries et les journaux étrangers, cette autosatisfaction a été commentée avec une commisération mêlée de Schadenfreude (« joie mauvaise » suscitée par l’échec de l’autre).
Le plan de sortie de crise proposé par le président russe Vladimir Poutine, le 9 septembre 2013, qui consiste, sous supervision de l’Organisation des Nations unies (ONU), à « sécuriser » les mille tonnes de l’arsenal chimique de Damas, et qui fait désormais l’unanimité, avait sans doute été évoqué avec les Etats-Unis de façon bilatérale au G20 de Saint-Pétersbourg, dès le 5 septembre. Cet accord informel entre « grands » — l’adjectif dénotant en l’occurrence une maturité diplomatique plus qu’un niveau de puissance — s’est établi sans que la France, qui espérait visiblement un statut de premier lieutenant après la défection britannique (2), ne soit même consultée.
La Russie permettait ainsi au président américain Barack Obama, foncièrement réticent à toute intervention, de sortir du piège qu’il s’était lui-même tendu avec sa mention en 2012 d’une « ligne rouge » concernant l’emploi d’armes chimiques dans la guerre civile syrienne. La dureté verbale du secrétaire d’Etat John Kerry a ensuite meublé la scène en sauvant ce qui pouvait l’être de la cohérence américaine, jusqu’à ce que la convergence prévue avec M. Poutine s’accomplisse, à la satisfaction des deux parties.Dès le 20 septembre, M. Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov étaient à Genève, pour des entretiens bilatéraux préparant les conditions d’une conférence internationale sur la Syrie, dite « Genève 2 », prévue en juillet 2014.
Maître des horloges, M. Poutine a conservé en permanence sa liberté d’action et mené le bal, forçant ses partenaires à emprunter toutes les issues qu’il ouvrait. Il augmente encore son emprise sur le régime de M. Bachar Al-Assad, tout en renforçant un argumentaire efficace car très simple : dans quelle mesure, demande-t-il, des frappes ciblées et limitées dans le temps soulageraient-elles le peuple syrien ? La force favorise- t-elle l’objectif d’une conférence internationale de paix ? Pourquoi pourchasser le djihadisme partout dans le monde, et lui venir en aide en Syrie ?
Dans ce jeu cynique de realpolitik à trois bandes, Moscou a rendu service au président américain en le tirant d’une opération qu’il redoutait, tandis que Paris, déjà sorti de la tranchée, jouait le clairon excité et vertueux en courant vers les lignes de barbelés sans s’assurer d’être couvert. Quelle que soit son orientation politique, tout Français ne peut qu’avoir été accablé par l’isolement du président François Hollande à Saint-Pétersbourg, et par la subordination au moins apparente de Paris envers le positionnement américain et les jeux d’appareil du Congrès. L’Elysée et le Quai d’Orsay auront réussi le tour de force simultané d’exaspérer Washington, de gêner Londres, de faire lever les yeux au ciel à Berlin, de désespérer Beyrouth, de déclencher un concert de soupirs à Bruxelles et d’amuser les joueurs d’échecs de Moscou.
Une partie de la population se range aux côtés d’un régime qu’elle n’aime pas
Pour clore ce tableau, mentionnons le ralliement révélateur du député de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) Frédéric Lefebvre au prurit d’ingérence français (3), qui établit un pont entre l’aventurisme libyen de M. Nicolas Sarkozy et l’imprudence syrienne de M. Hollande, au nom d’une géographie de l’inadmissible qui sélectionne ses indignations : la Palestine et une quinzaine d’autres scandales internationaux ne figurent pas dans la liste de ses « Munich » putatifs. A l’arrivée, le réel crédit acquis au Mali est entamé, cependant que l’image positive du refus de la guerre d’Irak en 2003 apparaît soudainement abîmée tant sur le plan de l’indépendance que sur celui de la lucidité jusque-là prêtées à la France.
Le président de la République, venu cueillir les dépouilles opimes à Bamako le 19 septembre, va peiner à faire oublier les fourches caudines de Saint-Pétersbourg, ce dont personne ne peut se réjouir. D’autant que le discours prononcé à cette occasion a permis d’apprendre que la France fournirait désormais officiellement des armes à la rébellion. M. Hollande évoque des livraisons « dans un cadre contrôlé, car nous ne pouvons pas accepter que des armes puissent aller vers des djihadistes » et non à « l’ASL », l’Armée syrienne libre. Le problème est malheureusement que l’équation présente trois inconnues, puisque les termes « contrôlé », « djihadistes » et même « ASL » ne sont aucunement définissables en l’état. Quel degré de porosité entre l’ASL et des groupes aux « tendances islamistes plus marquées (4) » comme Ahrar Al-Cham et Liwa Al-Tawhid, ou le Front Al-Nosra, encore plus extrémiste ? La décision de « livrer des armes », légitimée par le fait que « les Russes [le font] régulièrement » (5), jette de l’huile sur le feu et pourrait prolonger la folie de la boucherie syrienne, permettant à M. Al-Assad de dénoncer encore plus commodément l’ingérence étrangère. En somme, un coup de dés sans aucun espoir de traçabilité, contredisant la volonté proclamée par toutes les parties de parvenir à un règlement politique du conflit.
Comment en est-on arrivé là ? La faute, comme l’analyse Bernard-Henri Lévy, à une « diplomatie d’opinion (6) » enchaînée aux sentiments munichois d’un public qui refuse, sans doute par incomplétude cérébrale, de prendre la mesure de la gravité des événements syriens ? Comme toujours chez le chroniqueur du Point, la formule a le mérite de l’aplomb. Mais l’ellipse indignée peut-elle pour autant remplacer le raisonnement géopolitique et diplomatique ?
L’échec syrien s’explique en premier lieu par une évaluation hémiplégique de la situation régionale et de ses conséquences. Depuis des mois, des experts sont consultés par le ministère des affaires étrangères. Certains sont de vrais connaisseurs de la région, et à ce titre ont souligné la complexité de la réalité syrienne ; ils ont pointé le soutien « faute de mieux » d’une partie de la population à la dictature de M. Al-Assad — par rejet d’une « nouvelle » Syrie qui, le visage de la rébellion étant ce qu’il est, risque de se retrouver in fine en proie aux extrémismes confessionnels et aux manipulations de parrains régionaux dont on sait qu’il sont les sponsors indirects d’un obscurantisme condamnant les pays arabes à l’immobilisme. Ces Syriens-là, qui ne savent pas forcément où se trouve Munich, prévoient que l’après-Al-Assad, du moins dans les conditions actuelles, ne leur offrira que peu de sécurité, et c’est une litote.
Au milieu de tant de rumeurs, voilà donc un fait : une partie importante de la population syrienne se bat, ou plus exactement se débat, aux côtés d’un régime qu’elle n’aime pas. Les Irakiens ont lâché Saddam Hussein. Les Libyens ont abandonné le colonel Mouammar Kadhafi. Les Egyptiens ont congédié M. Hosni Moubarak. Tous ou presque l’ont fait dans leur ensemble, même quand ils doutaient à raison (c’est le cas de la jeunesse égyptienne, et d’une partie des Libyens) que le nouveau pouvoir serait plus vertueux et plus juste que le précédent. En Syrie, si aucune des deux parties ne semble pouvoir l’emporter sur l’autre, c’est non pas seulement en raison de la supériorité militaire du régime, mais à cause du loyalisme résigné d’une part de la population, qui refuse de lâcher M. Al-Assad malgré la brutalité, le népotisme clanique et l’immobilisme policier qui caractérisent son régime. Entre le Scylla alaouite — bien éloigné des idéaux de Michel Aflak (7) — et le Charybde des exécutions au sabre (8), de la charia intégrale et de l’oppression des minorités, quel espoir pour la Syrie de Maaloula, de Lattaquié et des confins kurdes ? C’est bien la réponse à cette question qui devrait structurer prioritairement toute analyse du drame syrien.
Une partie de la rébellion désespère de cette influence des plus extrémistes, mais ce sont ces derniers qui, très rapidement, ont eu le vent en poupe dans cette guerre civile. De nombreux experts — peu abonnés aux plateaux télévisés — ont discrètement fait valoir cette complexité, dérangeante sur le plan moral mais éminemment factuelle, à leurs interlocuteurs officiels à Paris. Leurs analyses semblent cependant avoir été passées par pertes et profits lors de la folle semaine qui a vu monter aux extrêmes la position de la France sur ce dossier.
Cet emballement diplomatique et médiatique constitue sans doute le second élément le plus préoccupant de l’affaire syrienne. La France avait-elle assez brocardé le vocabulaire de cow-boy des Américains après le 11-Septembre ! Avec raison, chacun en convient à présent. « Vous êtes avec nous ou avec les terroristes » : on se souvient de cette expression de l’ancien président américain George W. Bush, qui restera comme le degré zéro du positionnement diplomatique, sur le mode néo-conservateur (9). On peut donc se demander, dans le cas syrien, pourquoi il a été jugé si nécessaire d’annoncer à grand fracas la volonté de Paris de « punir » M. Al-Assad. A quoi cette « punition » correspond-elle dans la grille de gravité évolutive qui régit et pondère l’expression de la position des Etats dans le système des relations internationales ? Comme le regrette le professeur Bertrand Badie, « tout a été mêlé : la responsabilité de protéger le peuple syrien — le conflit syrien a fait plus de cent mille morts en deux ans — et la volonté de punir le régime de Bachar Al-Assad. Or punir et protéger sont deux choses différentes (10) ».
« La guerre civile est le règne du crime » (Corneille)
L’indignation est compréhensible, et l’ignoble attaque chimique du 21 août dans la plaine de la Ghouta ne peut laisser indifférent. Elle ne doit cependant pas faire perdre le sens de la mesure au plus haut sommet de l’Etat. La Syrie est aujourd’hui le cadre d’une guerre civile qui, par définition, transforme les hommes en bêtes : « La guerre civile est le règne du crime » (Pierre Corneille). Aucune des deux parties ne pouvant prendre l’ascendant sur l’autre, et aucune des deux n’étant en réalité plus « vertueuse » que l’autre, l’urgence est de stabiliser politiquement et militairement les lignes de front existantes, de manière à ce que les massacres cessent.
La Russie livre des armes au régime. Certains Etats du Golfe approvisionnent les différents groupes de la rébellion, en fonction de leur degré d’inféodation à leurs objectifs géopolitiques. La guerre civile s’est transformée en guerre régionale, où la Turquie, l’Arabie saoudite et l’Iran prennent des positions de plus en plus antagonistes, transformant l’une des terres les plus anciennement civilisées du monde en un champ clos dont le destin s’écrit ailleurs.
Dans ces conditions, le rôle du Quai d’Orsay, appuyé tant sur Moscou que sur Washington, aurait pu être de proposer une autre voie, diplomatique et équilibrée (11). Evidemment imparfaite. Assurément incomplète. Mais adaptée au nombre des inconnues de l’équation.
En devenant tout au contraire un élément d’instabilité supplémentaire dans le maelström syrien, Paris s’interdit pour le moment le rôle exigeant et indispensable d’arbitre. Berlin, froid et pondéré, représentera parfaitement l’Europe lorsqu’il s’agira, dans quelques mois, de réunir autour d’une table les Caïn et Abel syriens, sous la présidence sourcilleuse des Etats-Unis et de la Russie, et avec la présence probable de l’Iran, ce qui pourrait contribuer à débloquer en partie la situation. Bien que les présidents Rohani et Obama n’aient pu se rencontrer à l’ONU le 25 septembre, la diplomatie américaine semble favorable à un traitement plus réaliste des relations diplomatiques avec Téhéran. De son côté, M. Hollande, qui estimait le 18 juin que M. Rohani serait « bienvenu (…) s’il était utile » à la prochaine conférence internationale sur l’avenir de la Syrie, a finalement accepté de discuter avec le président iranien à New York.
Ces retournements pragmatiques montrent combien le terme de « punition », slogan de vengeur autoproclamé méprisant le Conseil de sécurité avant même qu’une inspection de l’ONU ne se soit penchée sur le drame de la Ghouta, peut être considéré comme l’une des bévues les plus incompréhensibles de ces dernières années, de la part d’un pays dont l’appareil diplomatique conserve à l’étranger une réputation méritée de professionnalisme et de mesure. Voilà ce que juge, en son for intérieur, « l’antipeuple qu’est l’opinion [publique] (12) », qui a sans doute tort, dans sa naïveté, de ne pas oublier la fiole de M. Colin Powell et les « armes de destruction massive » irakiennes.
De nombreuses voix, sur tout le spectre politique, appellent à revenir, sinon à la raison, du moins à la prudence, comme celle de M. Jean-Pierre Chevènement : « Autrefois, il y avait le droit. Aujourd’hui, on a remplacé le droit par la morale. Et de la morale on passe à la punition. C’est plus facile, mais c’est très dangereux, car le fameux “droit d’ingérence”, c’est toujours le droit du plus fort : on n’a jamais vu les faibles intervenir dans les affaires des forts (13). » En 2002-2003, la France, sans nier les crimes du régime irakien, appelait avec une hauteur de vue remarquée à une précautionneuse fermeté, dans le respect du fonctionnement des Nations unies.
Les gazages présumés de M. Al-Assad répondent à ceux avérés d’Hussein en Irak en 1988. Le parallèle doit-il être poursuivi à vingt-cinq ans de distance en faisant se répondre invasion de l’Irak et bombardements en Syrie ? M. Obama, qui lit quotidiennement les dépêches de ses services sur l’état réel de l’Irak après que Washington y a dépensé des centaines de milliards de dollars en pacification démocratique entre 2003 et 2013 (14), semble avoir une idée de la réponse. Elle ne sera que peu goûtée par les hérauts français de l’ingérence-réflexe (15). Ce qui devrait nous incliner à penser qu’elle est raisonnable.
Olivier Zajec
Chargé d’études à la Compagnie européenne d’intelligence stratégique (CEIS), Paris