Sondages de l’Elysée: Patrick Buisson débouté d’une action contre Libération

Le tribunal de grande instance de Paris a débouté mercredi le patron de la société Publifact et ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson, qui avait engagé une action en diffamation contre le journal Libération et l’universitaire Alain Garrigou.

Dans un rapport de 2008, la Cour des comptes avait épinglé la convention confiée sans appel d’offres par l’Elysée à Publifact pour réaliser ses sondages. Une plainte a depuis été classée sans suite par le parquet de Paris mais une nouvelle plainte, avec constitution de partie civile, déposée récemment pourrait relancer l’affaire dite des sondages de l’Elysée. Le 6 novembre 2009, dans le cadre de cette controverse, Libération avait publié une interview de l’agrégé d’histoire Alain Garrigou, intitulé « Les sondeurs violent tous les principes déontologiques qu’ils défendent ».

Le chercheur, qui enquête depuis plusieurs années sur les sondages, y déclarait que M. Buisson était « soit (…) un escroc, soit (…) un petit soldat qui constitue un trésor de guerre pour payer des sondages durant la prochaine campagne électorale sans que ce soit visible dans les comptes de campagne du futur candidat Sarkozy ».

Dans un jugement rendu mercredi, la 17e chambre civile a estimé que ces propos étaient bien « diffamatoires », mais elle a octroyé à M. Garrigou le bénéfice de la bonne foi. Elle a en effet estimé qu’il était « légitime » pour l’universitaire d’évoquer cette question alors qu’une importante polémique était née à propos des sommes dépensées par l’Elysée dans les sondages d’opinion. En outre, le tribunal considère que « l’hypothèse envisagée » par Alain Garrigou « n’a pas excédé les limites de la liberté d’opinion volontairement polémique ».

M. Buisson devra par ailleurs rembourser à M. Garrigou 3.588 euros de frais d’avocat. Le tribunal a également débouté M. Buisson de ses poursuites contre Libération qui selon lui n’a fait que « reproduire les propos de la personne interviewée, sans les déformer ».

AFP

Voir aussi : Rubrique Médias, rubrique  Science, Un procès pour intimider les chercheurs, Mam fait taire les chercheurs français en Egypte,

Streaming : pour Peter Sunde, une technologie centralisée qui peut être censurée

Peter Sunde co-fondateur de the pirate bay

Alors que le procès du gestionnaire du site eMule-Paradise, soupçonné d’avoir permis le téléchargement illégal de sept mille films sur le réseau peer-to-peer eMule en 2005 et 2006, s’ouvre lundi 31 janvier à Paris, Peter Sunde, cofondateur de The Pirate Bay, dresse un état des lieux du P2P.

Le service Limewire a dû fermer à la fin de l’année 2010. Après son procès initié par la Recording industry association of America, Napster a été racheté par Bestbuy, et est aujourd’hui un service légal de musique. Kazaa a suivi le même chemin. Le modèle de partage des services de P2P peut-il se maintenir ?

Je pense que si vous gênez les grandes industries, elles finiront par vous combattre, et tenteront de s’en sortir en utilisant leurs importants moyens financiers. Dans un système de distribution comme The Pirate Bay, la valeur se situe dans les gens qui composent son réseau, pas dans le site lui-même.

Pour moi, cela veut dire que The Pirate Bay n’est pas « rachetable », même s’il y a eu des tentatives par le passé. Au final, la seule valeur financière du site est dans son nom – et cette valeur disparaîtra s’il est racheté. The Pirate Bay est un site légal, tout comme Napster le serait probablement s’il était créé aujourd’hui. Ce n’est pas parce que la loi est en retard sur l’évolution technologique et que des gens riches se sentent menacés qu’ils ont raison.

Concernant The Pirate Bay, la justice suédoise a confirmé la condamnation en première instance. Qu’allez-vous faire désormais ?

Nous attendons notre procès en appel devant la Cour suprême. En attendant, rien ne change.

Google vient d’annoncer le blocage des recherches de fichiers Torrent dans ses suggestions de recherche. Va-t-on vers une diabolisation du P2P ?

C’est une pente dangereuse pour Google. J’espère qu’ils vont prendre conscience que c’est une porte ouverte pour d’autres organisations, qui vont être de plus en plus nombreuses à faire pression sur eux pour qu’un système similaire, correspondant à leurs demandes, soit mis en place. Et tout d’un coup, plus personne ne fera confiance à Google. C’est une mauvaise chose pour nous, pour les utilisateurs, pour tout le monde.

La France vient de mettre en place son système de « riposte graduée », avec la loi Hadopi, dans un but « pédagogique », selon le gouvernement. Cela a-t-il eu un impact sur le trafic de The Pirate Bay en provenance de France ?

Je ne sais pas précisément, mais c’est très peu probable. Dans les autres pays qui ont mis en place des mesures similaires, de plus en plus de personnes se sont mises au partage de fichiers, tout simplement parce qu’elles en ont assez de voir des multinationales dicter leurs lois. Ce type de lois ne profite évidemment qu’aux grandes entreprises ; c’est un lobbying révoltant. En Suède, ces entreprises ont dépensé sans compter pour que soit votée une loi sur le téléchargement conforme à leurs attentes, qui n’aurait jamais dû passer au Parlement.

Nous avons vu une légère baisse du trafic en Suède lorsque la loi Ipred a été votée. Nous ne sommes pas sûrs que cette chute ait été directement liée à la loi, car d’autres choses se sont passées au même moment – des fermetures de services, une diminution du nombre de contenus publiés – mais la fréquentation du site est aujourd’hui supérieure à ce qu’elle était avant le vote.

Les FAI français et plusieurs études jugent qu’en France, les utilisateurs se détournent massivement du P2P pour se tourner vers le téléchargement direct et le streaming. Le P2P peut-il faire face à cette « concurrence » ?

La concurrence est une bonne chose. Il est sain qu’il n’y ait pas un seul système permettant d’échanger des informations. La centralisation est un important problème du réseau, j’espère donc que nous verrons apparaître d’autres solutions ! Nous constatons que l’utilisation des services de VPN [réseau privé virtuel, permettant d’utiliser l’Internet de manière anonyme] est également en forte hausse. Quasiment dix pour cent de la population suédoise utilise aujourd’hui un système d’anonymisation, comme IPREDator [édité par The Pirate Bay]. C’est probablement une réponse directe aux nouvelles lois répressives. Les services de téléchargement direct ont une importante faiblesse, cependant : comme ils sont centralisés, ils peuvent facilement être contrôlés.

En décembre, vous avez annoncé le projet d’un système de gestion des noms de domaine, un DNS (Domain Name Server) en P2P. Comment fonctionnerait-il ?

Le but est de créer une alternative au système DNS [qui gère la manière dont les informations sont « orientées » sur Internet]. Nous voulons attirer l’attention des gens sur le fait que la structure actuelle d’Internet, avec quelques nœuds centraux – les serveurs racine et les domaines de premier niveau .com, .net et .org, par exemple – est dangereuse et peut facilement être bloquée par quelqu’un.

Les Etats-Unis envisagent de voter une loi leur permettant de couper Internet en cas d’urgence, et comme l’ensemble des organisations qui gèrent Internet sont sous leur juridiction, nous sommes face à un problème majeur. Si nous pouvions faire en sorte qu’Internet soit géré plutôt par la communauté internationale, ce serait une bonne solution, et nous n’aurions pas autant besoin d’un système de DNS distribué. J’espère que nous y parviendrons.

Le projet semble au point mort.

Il n’est pas abandonné, mais il est vrai qu’il avance lentement. Pour l’instant, nous en sommes à la conception théoriques de systèmes. Nous avons déjà une ou deux solutions possibles, mais elles ne nous satisfont pas entièrement. Nous voulons aboutir à une solution qui soit techniquement irréprochable, nous prenons donc notre temps.

Bram Cohen, le créateur de BitTorrent, a récemment présenté son projet « Pheon », qui vise à utiliser les technologies P2P pour la diffusion en continu (streaming). De tels services sont-ils le futur du P2P ?

Toutes les formes de P2P ont un rôle à jouer sur Internet. Je pense que dans les années à venir, nous verrons plus ou moins toutes les utilisations possibles adaptées au P2P, qui permet de mieux gérer les problèmes d’échelle que les services centralisés. Je suis quelque peu inquiet en ce qui concerne le streaming tel qu’il se pratique aujourd’hui : c’est une technologie massivement centralisée. Si nous pouvions avoir accès à un système de distribution d’informations sans possibilités de contrôle ou de censure, ce serait bien mieux.

Si vous deviez refaire aujourd’hui The Pirate Bay, y a-t-il quelque chose que vous changeriez ?

Pas vraiment. Je suis très content de ce que nous avons fait, et de ce que nous avons appris.

Recueillis par Laurent Checola et Damien Leloup (Le Monde)

Voir aussi : Rubrique Internet Megaupload en plein boom:merci Hadopi ? rubrique On line, L’Hadopi face aux mutations du téléchargement illégal ,

Garde à vue: itinéraire d’une réforme suspecte

6OO OOO garde à vue par an. Photo AFP.

Le cheminement de cette loi capitale pouvait-il être plus retors ? Cet après-midi, la réforme de la garde à vue passera en première lecture à l’Assemblée nationale. L’avocat pourra désormais assister son client lors des interrogatoires des policiers. Mais impossible encore de savoir jusqu’où les parlementaires oseront porter cet aggiornamento du code de procédure pénale.

C’est en fait l’histoire d’une réforme que le gouvernement ne voulait pas faire, portée par un ministre qui ne l’a pas écrite et qui divise jusque dans les rangs de l’UMP… Le scandale provoqué par l’explosion du nombre de gardes à vue (800 000 en 2009, dont 175 000 pour des infractions routières) et la guérilla judiciaire menée par des avocats ont porté la question devant le Conseil constitutionnel. Cet été, celui-ci a contraint le gouvernement à renforcer les droits de la défense avant le 1er juillet prochain. «Michèle Alliot-Marie, alors garde des Sceaux, a fait le service minimum en proposant son premier texte à l’automne», note Alain Mikowski, du Conseil national des barreaux (CNB).

«Pénible». Le texte donne avec mauvaise grâce le droit au gardé à vue de se taire et à son avocat de l’accompagner lors des auditions, mais il ne modifie pas les régimes dérogatoires (terrorisme et stup notamment), et instaure une «audition libre» très controversée : après avoir interpellé un suspect, les policiers pourraient lui proposer d’être entendu «librement», hors du cadre de la garde à vue… c’est-à-dire sans avocat et sans visite médicale (obligatoire en cas de garde à vue). Une manière de contourner la présence de l’avocat, s’insurgent ces derniers. «Elle risque d’être l’antichambre de la garde à vue», regrette aussi Clarisse Taron, du Syndicat de la magistrature (SM, gauche).

Puis, patatras, la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l’homme rendent elles aussi des décisions condamnant la garde à vue à la française, rendant chaque fois plus caduc le projet du gouvernement. MAM doit amender son propre projet.

En décembre, c’est finalement Michel Mercier (lire aussi son portrait en dernière page), le nouveau garde des Sceaux, qui présente de son air patelin le nouveau texte à la commission des lois de l’Assemblée (c’est elle qui examine les textes relatifs à la justice avant leur débat dans l’hémicycle). Surprise à nouveau : les députés de droite y sont plus virulents que leurs collègues de gauche. Les avocats Perben, Houillon et Goasguen revoient de fond en comble le projet du gouvernement, renforçant encore les droits de la défense. «Très franchement, je ne vois pas l’intérêt d’introduire une audition libre dans notre système», tacle Dominique Perben. «La présentation de ce texte me laisse une impression un peu amère et pénible, ajoute Claude Goasguen. 800 000 gardes à vue ce n’est pas rien : ça veut dire que tous les Français sont potentiellement concernés. On ne doit pas avoir peur quand on va en garde à vue, et c’est aujourd’hui malheureusement le cas.»

Les députés de la commission des lois font sauter l’audition libre et donnent le contrôle de la garde à vue à un juge indépendant (le juge des libertés et de la détention, JLD). La droite du parti s’étrangle, les syndicats de policiers aussi. Eric Ciotti et Jean-Paul Garraud, représentants de la droite sécuritaire, s’empressent de déposer leurs propres amendements…

Résultat, un gouvernement mis en difficulté sur un texte qu’il souhaiterait derrière lui et un projet de loi «qui n’a désormais plus ni queue ni tête : un amendement contredit l’autre, c’est une usine à gaz !» s’agace Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats (USM, modérée).

Désaccord. Dès cet après-midi, à l’Assemblée, «ça va bagarrer un petit peu», euphémise le rapporteur (UMP) du texte, Philippe Gosselin. Pour lui, au-delà d’un débat entre «pro-avocats» et «pro-flics», «c’est un enjeu qui oppose deux conceptions du droit, et donc du monde. Notre droit continental doit sans doute se mâtiner d’autres droits, mais pas forcément s’aligner sur les règles anglo-saxonnes, qui supposent une autre vision de la société. Nous aboutirons à un texte équilibré».

Le gouvernement a fait savoir hier qu’il pliait sur l’audition libre : il ne demandera pas sa réintégration dans le projet de loi. «La voix de la sagesse, estime Alain Mikowski. Créer l’audition libre était sans doute la meilleure manière de faire à nouveau condamner la France par la Cour européenne.» Elle sera tout de même débattue, puisqu’un amendement Ciotti la remet sur le tapis. Le second point de désaccord concerne le contrôle de la garde à vue : le gouvernement s’oppose à ce qu’il soit donné au JLD. Des socialistes, comme Dominique Raimbourg, avancent que c’est bien à un juge indépendant de décider du prolongement de la garde à vue. Les députés ont jusqu’à mardi prochain pour en discuter.

Soynia Faure Libération

Voir aussi : Rubrique Justice, entretien avec la bâtonnière,

Garde-à-vue le projet reste insatisfaisant

Michelle Tisseyre :    . Photo Rédouane Anfoussi.

Michelle Tisseyre : . Photo Rédouane Anfoussi.

Entretien avec Michelle Tisseyre la nouvelle bâtonnière de Montpellier

Réforme de la garde-à-vue, budget de la Justice en baisse, pouvoir du Parquet, solidarité internationale…, la nouvelle bâtonnière du Barreau de Montpellier Michelle Tisseyre a pris ses fonctions le 1er janvier. Elle analyse la situation et son incidence pour les avocats.

On vous dit très attachée aux droits de l’Homme, ce qui vous laisse l’embarras du choix… sur quels dossiers travaillez-vous actuellement ?

Nous organisons le 31 mars prochain une fête des droits de l’Homme. Cette soirée sera consacrée à la défense de la défense. Les droits de l’Homme sont universels et inaltérables. Aujourd’hui, ils doivent de toute évidence être mieux respectés. Pour cela, il faut rappeler partout que tout être humain doit pouvoir avoir recours à un avocat. Le barreau est très mobilisé sur cette question. Nous sommes très attentifs à ce qui se passe en Chine où des confrères sont pourchassés, parfois emprisonnés parce qu’ils sont avocats.

Qu’en est-il de la situation tunisienne ?

Les avocats tunisiens ont été récemment pris à partie. Ils sont régulièrement victimes de violences et d’entraves à leur liberté d’exercice. Le Barreau tunisien a lancé un appel au Conseil national des Barreaux (CNB) qui représente les avocats français pour les alarmer. A Montpellier nous avons voté une motion d’émotion et de soutien, le CNB devrait envoyer une mission sur place.

Vous êtes-vous joints à l’initiative du Syndicat des avocats de France qui vient de demander au président français de condamner le régime tunisien avec plus de fermeté ?

Cette démarche est une action indépendante du SAF. En tant qu’institution, notre engagement est nécessairement différent. Chaque syndicat, il en existe quatre pour les avocats, a sa vie propre et développe ses priorités qui trouvent parfois une expression commune. Nos relations avec les syndicats sont excellentes. Les bâtonniers de Montpellier ont exercé pour la plupart d’entre eux des responsabilités syndicales.

Quelles relations votre ordre entretient-il avec le Parquet ?

D’institution à institution nos relations sont très correctes dans l’exercice de nos métiers respectifs. Nous faisons entendre notre voix afin d’obtenir pour nos confrères pénalistes la reconnaissance de leur place et de leur rôle dans les premières heures d’une garde à vue.

Votre position sur la réforme de la procédure de garde-à-vue dont le réexamen a débuté le 18 janvier ?

Nous sommes très préoccupés. Le projet de réforme a été toiletté mais il n’est toujours pas satisfaisant. Nous nous sommes engagés dans une action pour alerter les parlementaires et leur expliquer en quoi cette réforme n’est pas acceptable. On maintient la possibilité de retarder la présence de l’avocat pour les infractions les plus graves, or justement dans ce cas, si la cible est mal choisie la personne a d’autant plus la nécessité d’être soutenue par un avocat. Il convient aussi de restaurer les droits fondamentaux de toute personne gardée à vue comme le droit de garder le silence. De la même façon, pour assister le gardé à vue l’avocat doit avoir accès aux actes de l’enquête.

Où en est-on sur les questions liées au statut et au pouvoir du Parquet ?

Ce sont les avocats qui ont structuré la critique qu’il y avait lieu de formuler, en soulignant par anticipation que les textes ne seraient pas conformes à la Constitution. A Montpellier, nous avons accueilli Robert Badinter en 2010 qui s’est exprimé sur ces questions. Cela fait partie des règles de notre métier et nous devons les appliquer face à la mise en jeu de la liberté. Avec les arrêts de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), les hautes juridictions ont confirmé qu’un procureur n’était pas une autorité judiciaire indépendante du fait de sa subordination à la Chancellerie. Celle-ci est censée revoir sa copie avant le 1er juillet 2011. C’est un vrai casse tête chinois car respecter les injonctions de la Cour de cassation et de la CEDH suppose qu’il faut y mettre les moyens.

Un nouveau besoin pour un système judiciaire qui traverse déjà une crise sans précédent…

Effectivement c’est le débat cornélien chez les juges. D’une inauguration solennelle à l’autre, on retrouve le même discours sur la situation, les réductions budgétaires et le manque d’effectif. Les avocats ne sont pas opposés à des réformes, mais à l’heure où l’on parle d’avoir recours à des jurés populaires dans les complexes audiences correctionnelles, la Cour d’appel de Montpellier affiche entre 25% et 30% de sous effectifs.

La déliquescence de la justice ne touche-t-elle pas en priorité les populations les plus défavorisées ?

Le budget de la justice n’est pas une priorité en France. Il n’est pas en augmentation, cette année, loin s’en faut. A cela s’ajoute la crise qui frappe les catégories sociales les plus fragiles et une augmentation de la TVA. Selon l’exigence de l’UE qui a remis en cause le taux réduit de TVA applicable dans les dossiers bénéficiant de l’aide juridictionnelle, depuis le 1er janvier on est passé de 5,5% à 19,6%. Désormais soit l’avocat peut obtenir du client qu’il accepte l’augmentation, soit il doit la prendre à sa charge.

Menez-vous des actions pour l’égalité des droits ?

Nous sommes toujours présents pour défendre l’égalité de droit à travers différentes initiatives comme l’assistance juridique gratuite mais avec une limite. on ne peut plus supporter toute la charge. Il n’est pas légitime pour les avocats d’assurer la prise en charge du service public. A un moment donné, il doit y avoir un arbitrage, des priorités. La conséquence d’une justice à moindre coût se répercute à travers l’allongement des délais de traitements. Ce qui va à l’encontre des justiciables qu’ils soient victimes ou auteurs.

Votre mandat de deux ans implique un plan d’action rapide. Quelles sont vos priorités ?

Je souhaite m’attacher à faciliter l’exercice professionnel de mes confrères. Il faut davantage expliquer le rôles des avocats dans la démocratie. Notre profession sera toujours debout pour défendre les droits de l’Homme. Je m’efforcerai de valoriser nos règles déontologiques : probité, mesure dignité, respect du secret professionnel. J’entends enfin privilégier un partenariat de coopération avec les institutions, les collectivités, les chambres consulaires dans l’intérêt du justiciable ».

 Recueilli Par Jean-Marie Dinh (La Marseillaise) 

Voir aussi : Rubrique Justice, La garde à vue non conforme au droit européen, Des magistrats dans le mouvement social, Loppsi 2 : un fourre-tout législatif sécuritaire et  illisible ,

 

 

Loppsi 2: Le syndicat de la Magistrature denonce un fourre-tout législatif sécuritaire et illisible.

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Le projet de « loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure » (dite « LOPPSI 2 ») s’inscrit dans un contexte d’inégalités et de régressions sociales majeures. Fourre-tout législatif, sécuritaire et illisible, ce texte annonce un nouveau modèle de société. Populations pauvres et précarisées, jeunes, militants ou internautes sont spécialement visés, mais toute la population est concernée car ce projet marque un recul général des libertés individuelles.

Répression des populations ciblées : Expulsion en 48h et sans contrôle du juge de tous occupants d’habitats hors norme (tente, cabane, caravane, yourte, mobile home, maison auto construites, bidonville, bus ou camion aménagé …) sur terrain public ou privé, et destruction de leur habitat ; Contrôle accru sur les prestations sociales et obligation pour les travailleurs sociaux de faire de la délation ; vente à la sauvette et vente de métaux sont pénalisées ; expulsion immédiate des transports en commun .… Face aux difficultés sociales d’un nombre croissant de familles, un « couvre-feu » pour les mineurs de 13 ans, une extension du « contrat de responsabilité parentale », un renforcement du contrôle administratif des mineurs délinquants et une procédure de comparution immédiate devant le tribunal pour enfants sont prévus…

Fichage et vidéo surveillance généralisés : Les fichiers de police et de gendarmerie actuels, truffés d’erreurs, incontrôlables et, de fait, incontrôlés sont reconduits, étendus et interconnectés. Les personnes innocentées resteront fichées. La LOPPSI 2 systématise l’espionnage de l’espace public : toutes les entreprises privées pourront installer des caméras aux abords de leurs établissements et les préfets le long des manifs ; la police pourra avoir accès en direct aux images captées par les caméras dans les hall et parties communes d’immeubles ; les images de vidéosurveillance publique pourront être exploitées par des entreprises privées agréées par le Préfet ; dans certains cas, des logiciels de reconnaissance faciale automatique seront utilisés pour identifier les sujets…

Durcissement du droit pénal : Confiscation automatique du véhicule ; peines-planchers de six mois à deux ans d’emprisonnement dès la 1ère infraction en cas de violence ; bracelet électronique sur décision administrative pour les sans-papiers ; pénalisation des chahuts lors de la réunion des instances électives ; nouvelles périodes de sûreté de 30 ans ; dispositions visant à augmenter le nombre de « doubles peines »…

Pouvoirs policiers accrus : Filtrage et censure de sites internet ; renforcement des pouvoirs de la police municipale ; instauration d’un vague « Conseil national des activités privées de sécurité » qui entérine et annonce la privatisation croissante de la sécurité ; création d’une milice supplétive, dites « réserve civile », de 200 000 gendarmes et policiers à la retraite, et étudiants, rémunérés…

La LOPPSI 2 est la 11e loi exclusivement répressive depuis 2002. Elle vient s’ajouter à l’insécurité sociale qui s’étend à chaque remise en cause des droits sociaux pour tous.

Cette loi nous prépare une société du contrôle, fondée sur la tension et la stigmatisation. Elle concrétise le fantasme de l’ennemi intérieur et assimile tout acte de contestation à une atteinte de l’Etat. Elle affaiblit la prévention et les garanties judiciaires. Examinée au Sénat à la mi-janvier, elle pourrait entrer en application au printemps 2011.

Cette loi menace nos libertés et aggrave l’injustice sociale, elle doit être retirée ou abrogée !

Syndicat de la Magistrature

Mobilisons nous partout : Si tu ne t’occupes pas de la LOPPSI 2, elle s’occupera de toi ! MANIFESTATIONS le 15 janvier – à Paris 14h30 à ODÉON

Voir aussi : Rubrique Justice, Les dictateurs en ont rêvé Sarkozy l’a fait,