Plusieurs milliers de manifestants, accompagnés de centaines de tracteurs et de cyclistes, ont commencé à bloquer, samedi 9 janvier en milieu de journée, le périphérique de Nantes, à l’appel des organisations hostiles au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Ils entendent protester contre d’éventuels arrêtés d’expulsion, qui pourraient être prononcés par le tribunal de grande instance de Nantes, le 13 janvier. Ils concerneraient les opposants historiques, onze maisons et quatre fermes, représentant plus de 400 hectares de terres agricoles sur les quelque 1 220 ha que couvre le projet d’aéroport.
La manifestation réuni 20 000 personnes sur le périphérique de Nantes, et des centaines de tracteurs, selon les organisateurs, la police avançant le chiffre de 7 200 manifestants. « La mobilisation paysanne est au rendez-vous au-delà des espérances », a commenté Julien Durand, porte-parole de l’Acipa, la principale association d’opposants au projet d’aéroport nantais.
Les opposants manifestent aussi à Paris, Bordeaux, Toulouse, Marseille, Strasbourg, Albi, Rennes, Lille, Chambéry… ou encore au cap Sizun. Plus d’une trentaine de rassemblements sont annoncés, preuve du symbole national que représente la lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, un combat historique pour un dossier ancien d’une cinquantaine d’années. C’est en effet au milieu des années 1960 que les autorités choisissent cette zone, située à une quinzaine de kilomètres au nord de Nantes, entre les villages de Notre-Dame-des-Landes et de Vigneux-de-Bretagne, pour construire un nouvel aéroport, destiné à accueillir le Concorde, emblème national de la politique aéronautique en ce temps-là. Mais ce projet est devenu symbole de discorde et d’une méthode de lutte contre des projets jugés « inutiles ».
A l’été 2009, lors du premier « camp action climat » se tenant en France, l’occupation de la zone d’aménagement différé, devenue zone à défendre, commence. La ZAD est née, devenant un modèle repris dans de nombreuses autres luttes environnementales, à Sivens (Tarn), contre un projet de barrage, ou à Roybon (Isère), contre un Center Parcs. Le bocage nantais, pittoresque patchwork de prés et de bois, de taillis et de petits chemins, est aujourd’hui parsemé de dizaines de cabanes, de caravanes, de fermes et de maisons réoccupées par des militants écologistes, « antisystème », des agriculteurs.
Les « pour » et les « contre »
Dans l’attente d’une éventuelle confrontation, les deux camps fourbissent leurs arguments. Les pro-aéroport sont très largement majoritaires chez les élus de la région Pays de la Loire, à la mairie de Nantes ou au conseil départemental. L’ancien président socialiste de région Jacques Auxiette, comme le nouveau, Bruno Retailleau (Les Républicains), partagent la même position. L’ex-premier ministre (2012-2014), et ancien maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, a aussi toujours défendu la nécessité d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes, ce qui a valu à cette infrastructure d’être rebaptisée l’« Ayraultport » par ses opposants. Droite et Parti socialiste se retrouvent sur ce dossier, tout comme le Parti communiste ou encore les élus locaux de l’Union démocratique bretonne (UDB) — qui refusent la centralisation du trafic aérien par les plates-formes parisiennes. Favorable au projet, l’association Des ailes pour l’Ouest regroupe un certain nombre de chefs d’entreprise, avançant « 154 décisions de justice favorables au projet, le soutien de 3 Présidents de la République, 6 premiers ministres, 2 régions, 4 agglomérations ».
Le camp adverse n’est pas composé des seuls « zadistes », décrits par M. Retailleau comme une « minorité bornée, bruyante et ultraviolente », dans un entretien au Point, le 8 janvier. Les écologistes, une partie du Front de gauche, l’extrême gauche, des associations de défense de l’environnement, mais aussi des syndicats comme la CGT régionale, la FSU (les enseignants) ou Solidaires sont résolument opposés au projet. Du côté des agriculteurs, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) refuse l’artificialisation de terres agricoles qu’entraînerait le futur aéroport, mais rejette toute manifestation aux côtés des zadistes, alors que la Confédération paysanne milite activement au côté des opposants.Des groupes chrétiens du diocèse de Nantes, dans l’esprit de l’encyclique du pape François Laudato si’« sur la sauvegarde de la maison commune », en mai 2015, ont exprimé au début de janvier leur souhait que soient « réexaminés l’ensemble du projet et ses alternatives, avec une procédure transparente et démocratique », et que soit arrêtée « toute procédure d’expulsion des habitants de la zone concernée ».
Le Front national a aussi fait état de son hostilité au transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique à Notre-Dame-des-Landes. Le parti d’extrême droite réclame dans le même temps l’évacuation de la ZAD. Une pétition de riverains, qui serait signée par plus d’un millier de personnes, sans prendre position sur le projet lui-même, réclame aussi le départ des zadistes.
Au niveau gouvernemental, enfin, Manuel Valls a exprimé son souhait de voir l’aéroport se construire et le premier ministre entend évacuer la ZAD et restaurer l’autorité de l’Etat. Seule la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, a exprimé des doutes sur la pertinence d’ouvrir ce chantier, et préfère en appeler à de nouvelles expertises indépendantes afin d’envisager de possibles autres solutions. Ce point avait fait l’objet d’un accord pour le deuxième tour des élections régionales entre le PS et les écologistes, malgré leur opposition sur le fond du dossier.
Démocratie et transparence
Parmi les nombreux arguments avancés d’un côté comme de l’autre, la question de la démocratie est souvent évoquée. Pour les pro-aéroport, cela signifie le respect des décisions prises, notamment le décret d’utilité publique de février 2008, et les conclusions des diverses enquêtes d’utilité publique. L’unanimité n’était pourtant pas de mise. Ainsi que le rappelle la Commission nationale du débat public, « la Communauté de communes d’Erdre et Gesvres, rassemblant les communes les plus directement intéressées par le projet, s’est prononcée à une assez nette majorité en faveur de la création d’un nouvel aéroport dans l’Ouest, mais a formulé un avis négatif à l’issue d’un vote assez serré quant à son implantation sur le site de Notre-Dame-des-Landes ».
Aujourd’hui, les opposants, regroupés entre autres dans l’Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport (Acipa), dénoncent le manque de transparence et l’absence de démocratie. Dans une lettre publique du 21 décembre 2015, ils accusent les autorités de « rétention d’informations capitales », notamment sur le cahier des charges initial de l’appel d’offres, sur des données comme « le gain de temps pour les passagers », qui aurait justifié la nécessité du transfert de l’actuel aéroport, le coût de sa rénovation « majoré de façon abusive » ou encore sur l’étude des zones de bruit. Selon l’Acipa, auteure du courrier, alors que l’intérêt général vers Notre-Dame-des-Landes serait justifié par « les nuisances sonores et la santé publique », l’Etat « a renoncé au transfert de l’aéroport de Toulouse alors que les logements inclus dans le Plan de gêne sonore y sont au nombre de 20 453 contre 1 751 à Nantes ».
S’appuyant sur leurs propres expertises, en opposition à celles présentées par l’Etat, la région ou la direction générale de l’aviation civile, ils dénoncent « un projet inutile, coûteux et destructeur » et demandent l’ouverture d’un débat sur la possible « optimisation » de l’actuel aéroport. Les « pro » évoquent l’augmentation du trafic aérien, la saturation prochaine de Nantes-Atlantique et défendent le transfert pour des raisons environnementales. Vinci Airport, concessionnaire du futur aéroport du Grand Ouest, annonce des bâtiments basse consommation et une plate-forme certifiée « haute qualité environnementale ». Le transfert permettrait d’éviter le survol de l’agglomération nantaise et l’existence de deux pistes, au lieu d’une actuellement, réduirait les nuisances sonores et améliorerait la sécurité. Un collectif de deux cents pilotes, s’opposant au transfert, conteste cette analyse.
Sur la biodiversité et les espèces protégées, sur la préservation des zones humides, la possibilité de compenser leur destruction et la méthode de calcul pour y parvenir, les contestations sont aussi nombreuses. Le futur plan de transport régional, avec la construction de lignes à grande vitesse vers l’ouest, l’existence de nombreux aéroports dans la région (Saint-Nazaire, Rennes…), comme le coût global de l’opération constituent aussi des points d’affrontement. Autant de raisons, selon les opposants, de rouvrir le dossier.
Ultime argument, si les contestations ont toutes été rejetées par la justice, les dernières en juillet 2015, certaines procédures (en appel notamment) sont encore en cours. Julien Durand, porte-parole de l’Acipa, n’a de cesse de rappeler l’engagement du chef de l’Etat à ce qu’aucune intervention des forces de l’ordre n’ait lieu avant l’épuisement de tous les recours juridiques. Une promesse qui devrait éviter, selon lui, de prochains affrontements autour du paisible bourg de Notre-Dame-des-Landes.
Dominique Reynié seul candidat LR arrivé dernière le FN. Photo Dr
LR-UDI-MoDem. L’électorat de droite n’a pas cédé aux appels du pied du frontiste Aliot. Son score reste médiocre.
La contre-performance républicaine du 1er tour s’était soldée pour le candidat LR-UDI-MoDem Dominique Reynié, par un mauvais résultat : 18,8% des voix sur la grande région. Avec 21,6% des voix au 2e tour le candidat confirme son échec.
En 2010, Raymond Couderc réalisait pour l’UMP 26,4%tandis que son homologue Brigitte Bareges en Midi-Pyrénées recueillait 32,2% des suffrages. En revanche la stratégie de l’entre-deux tour menée par Louis Aliot sur le thème du vote utile à droite n’a pas fonctionné. L’électorat traditionnel de droite a probablement réaffirmé son vote sans le reporter sur le candidat frontiste.
Dominique Reynié améliore son score de deux petits points entre les deux tours. Il n’a pas profité de l’apport de voix massif de la mobilisation des abstentionnistes qui ont joué un rôle crucial dans la victoire de Carole Delga. Le maintien de sa candidature y contribue également partiellement. Si Dominique Reynié s’est inscrit à cette occasion dans la stratégie prônée par Nicolas Sarkozy, cela n’efface pas les querelles intestines qui ont émaillé la campagne dans le camp de la droite.
Une partie de ses ténors régionaux n’ont jamais admis le parachutage du politologue ex-star des plateaux télés, notamment dans le Gard. En novembre, Dominique Reynié avait modifié sa liste en excluant le secrétaire général héraultais Arnaud Julien contre l’avis de Sarkozy.
Cette bataille interne se ressent dans les résultats puisque Dominique Reynié, est le seul candidat LR arrivé derrière le FN au second tour. Dans bon nombre des treize départements il ne dépasse pas la barre des 20% : Hérault 19,17%, Gard 19,95%, Lozère 32,16%, Aude 16,92%, PO 19,01%, Ariège 17,26%, Haute-Garonne 21,08%, Hautes-Pyrénées 22,32%, Gers 23,45, Tarn-et-Garone 22,86%, Tarn 23,29%, Lot 24,5%, Aveyron 32,7%. Dans beaucoup de villes du Gard et de l’Hérault la progression du FN s’opère en défaveur de la droite classique comme en témoigne le résultat de Dominique Reynié à Béziers (16,67%), Nîmes (23,05%), Lunel (17,41%) et Montpellier (18,75%). La droite occupera 25 sièges dans la future assemblée régionale.
Choc régional. Dans le sud-est du Gard les résultats du premier tour tournent au plébiscite pour le parti d’extrême droite. Le maire FN Julien Sanchez engrange près de 60% des voix. Reportage.
A l’heure où le parti de Marine Le Pen arrive en tête du premier tour dans six régions sur treize et concentre déjà ses efforts pour les présidentielles de 2017, force est de constater que le FN consolide son ancrage dans les banlieues et les zones rurales délaissées par la sphère politique. Reportage à Beaucaire dans le Gard où Julien Sanchez a pris la mairie en mars 2014 sous l’étiquette Front National.
Dimanche 6 décembre, le jour baisse sur les routes du sud-est gardois, Dans le couloir rhodanien, c’est un crépuscule plutôt morne qui s’annonce avec une bande brumeuse, et le soleil comme un ballon rouge enseveli sous les nuages gris. A l’entrée de Beaucaire l’immense cimenterie toujours en activité s’érige comme le dernier vestige d’un passé ouvrier.
Dans la petite ville de 16 000 âmes, les rues sont clairsemées. A l’arrivée d’un journaliste près du canal trois vieux messieurs de la génération des chibanis prêtent l’oreille aux questions sans y répondre. Ont-ils constaté des changements depuis l’arrivée du maire FN ? : « Quand les choses sont bien on peut en parler mais quand ça va mal, mieux vaut se taire,» lâche l’un d’entre eux en indiquant gentiment la direction de la mairie.
Rue nationale se concentrent les commerces maghrébins. En juillet dernier, le maire a fait voté l’interdiction du commerce nocturne uniquement dans cette rue. L’arrêté municipal est toujours en vigueur, mais jugeant cette décision discriminatoire, les commerçants ont porté l’affaire en justice. Le rendu est attendu le 7 janvier 2016.
Marrakech Café
Escale au café Marrakech, le gérant revient sur l’affaire tout en se demande à qui il a à faire. « Nous sommes sept commerçants à avoir porté plainte. Il n’est pas normal que notre rue soit la seule concernée par cette interdiction. Et le maire n’a pas choisi son moment au hasard, le décret correspond précisément au premier jour du Ramadan. »
Rassuré par le tenant de la conversation, il poursuit, » Le maire n’est jamais venu nous voir pour parler de ses projets. Il a préfèré aller au crash direct. Sinon la vie suit son cours la police municipale, on l’a connaît depuis dix ans. Je vais aller voter pour faire mon devoir citoyen mais je sais que fondamentalement ça ne changera rien.»
Où sont les électeurs du FN ?
Les autres rues du village sont silencieuses, quasi désertes hors mis quelques silhouettes aux pas rapides. Les terrasses sont vides, on se demande où sont les électeurs frontistes. L’animation se concentre à l’intérieur d’un café et d’une salle où l’on joue au Loto.
Attablés devant leurs cartons, les gens poussent des soupirs. Les yeux cerclés de rouge par des années de misère une femme d’une cinquantaine d’année s’écrie « oui » comme si elle se remettait à vivre à l’énoncé du chiffre 27. Puis, son visage s’assombrit de nouveau en regardant le carton par dessus l’épaule de son voisin.
« Le maire dit qu’il veut nous associer, confie l’élue de l’opposition Rose-Marie Cardona. Il m’a nommée dans plusieurs commissions mais toutes les décisions sont prises sans concertation par son cabinet venu de l’extérieur.»
« La majorité municipale est composée d’encartés disposant de peu d’expérience ajoute Francis Froussard du collectif Réagir pour Beaucaire On sent bien que le cabinet bien rodé à la politique doit apprendre ce qu’est la gestion d’une commune. Toutes les décisions du maire sont prises pour faire levier médiatique mais il n’a pas encore les résultats de Ménard. »
L’ action municipale se concentre sur la moitié de la population excédée par la gabegie du précédent maire (UDI puis UMP) l’autre partie qui réside dans les deux zones urbaines sensibles est laissée dans un dénuement complet.
« Côté pile le maire s’est vu intenter plusieurs procès. Côté face Julien Sanchez s’occupe du bonheur des vieilles dames en leur offrant des roses. Pour la fête d’Halloween la mairie a distribué des bonbons aux enfants. C’est un maire parfait,» ironise Rose-Marie Cardona.
Sur la façade de la mairie deux panneaux noirs ont été tendus en » Hommage aux victimes du terrorisme islamiste « . A l’intérieur une grande crèche de santons de Provences clignote sous l’escalier. Les hommes du cabinet du maire à l’allure solide et responsable sont repérables. On sent la force qui contrôle la ville sur le qui vive. On approche de la fermeture des bureaux de vote.
Dans la salle de dépouillement, Julien Sanchez croise les bras devant l’urne en gardant le menton levé, sa voix n’a rien d’autoritaire. On passe au dépouillement, dans le rôle du démocrate le jeune maire veille sur ses coéquipiers, il tente de flatter les membres de l’opposition tout en gardant les yeux fixés sur les petits paquets d’enveloppes bleues.
Après le comptage de la première centaine, les voix de Louis Aliot s’entassent comme l’affirmation d’une adhésion à une chose peu définie. Il y en a plus de quatre dizaines sur la table des assesseurs.
D’un signe de tête, le maire FN, répond positivement aux journalistes qui le sollicitent. Il sort de la salle, se retourne brièvement, quand il reporte son regard sur le tas qui reste à dépouiller, une lueur de légèreté et de soulagement brille dans ses yeux.
Jean-Marie Dinh
Julien Sanchez travaille son image
Elu maire en 2014 avec 39,82% des voix à la faveur d’une quadrangulaire, ce jeune trentenaire au sourire hésitant est né en 1983 à Aubervilliers. Il a fait des études supérieures de communication à Montpellier. Membre du Comité central du FN, il est Conseiller régional du Languedoc-Roussillon depuis 2010. C’est un proche de la famille Le Pen. En charge de la presse régionale pour la campagne présidentielle de Marine Le Pen. Il fut aussi un interlocuteur privilégié de Jean-Marie Le Pen. Il rendait compte de son journal de bord. Depuis le 30 mars 2014 Julien Sanchez cultive son image de maire attentionné en l’articulant systématiquement à l’idéologie de l’extrême droite.
Espoir à gauche. » Un rassemblement politique réunit en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées six formations promettant une autre pratique de la politique, cette liste plurielle se place dans le sillage des victoires aux municipales d’Éric Piolle à Grenoble et d’Ada Colau à Barcelone, devant le PS « , lit on dans le bon papier de Barnabé Binctin pour Reporterre publié dans le post ci-dessous
Oui mais, il y a la candidature du député Christophe Cavard, ex-PC, ex-EELV, vu d’un très très bon oeil par le PS, qui financerait sa campagne affirment certains. De fait, Cavard n’a aucune chance d’être élu aux Régionales mais les 3 à 5 % que lui créditent les derniers sondages permettraient à la candidate officielle du PS Carole Delga de coiffer l’union de la gauche écologiste sur le poteau. Et d’assurer à Christophe Cavard de rester député aux prochaines législatives ?
Un rassemblement politique réunit en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées six formations politiques pour les élections régionales de décembre. À leur tête, l’écologiste Gérard Onesta. Promettant une autre pratique de la politique, cette liste plurielle se place dans le sillage des victoires aux municipales d’Éric Piolle à Grenoble et d’Ada Colau à Barcelone, devant le PS.
Toulouse, reportage
« Je n’aurais jamais été candidat sur une liste uniquement EELV ou Front de gauche », assure Serge Regourd. C’est le rassemblement de ces deux formations politiques, en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, qui l’a convaincu. À un mois des élections régionales, l’ancien doyen de la faculté de droit et de sciences politiques de Toulouse a même accepté de mener cette liste plurielle, intitulée « Nouveau monde », dans le Tarn-et-Garonne. « Le département où le FN est le plus fort », précise celui qui ne revendique aucune appartenance politique ni syndicale. « Le rassemblement est la condition de l’alternative, le seul truc en lequel je peux encore croire. Sinon, c’est le désespoir politique. »
Une sinistrose contre laquelle veut lutter ce rassemblement « inédit », selon sa tête de liste, Gérard Onesta. Le candidat, estampillé EELV, conduit un liste unissant pas moins de cinq partis politiques aux côtés des Verts : le parti régionaliste occitan (Partit occitan), la Nouvelle Gauche socialiste – parti nouvellement fondé par l’ancien député européen et frondeur socialiste Liem Hoang Ngoc – mais surtout le Front de gauche, au complet. Avec PACA, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées est la seule région de France où les écologistes sont unis avec le Parti de gauche, le Parti communiste et Ensemble !
Mais n’allez pas parler de « ralliements » à Gérard Onesta : « Le mot est faux, personne n’a fait allégeance. On est égaux, on partage le projet. On parle de partenariat, pas d’ouverture : cela sous-entendrait qu’il y en a un qui tient la clé pour fermer. » Un partenariat qui fait justement grincer plus d’une dent du côté socialiste : « C’est une alliance contre-nature », soutient Laurent Méric, élu local et membre actif dans la campagne de Carole Delga, l’ancienne secrétaire d’État au Commerce et à l’Artisanat, qui mène la liste PS.
Un autre notable socialiste dénigre le « fantasme Onesta » : « Il n’y a aucun élément de convergence entre tous ces partis, si ce n’est celui de virer le PS. Ce sera leur seul slogan de campagne. Mais historiquement, on est en territoire radical-socialiste, on ne gagne pas en faisant campagne à l’extrême-gauche. » Pourtant, Gérard Onesta invoque d’autres héritages. « C’est un terre cathare, de révolte. C’est une terre de Larzac, pour ‘’un autre monde possible’’. C’est une terre de Sivens. »
Les deux difficultés : le nucléaire et le projet de LGV Sud-Ouest
Et pour cause. Le Testet a joué un rôle clé dans l’impulsion de cette dynamique politique. « Dès notre appel à moratoire d’octobre 2013, EELV, le Parti de gauche et le Parti communiste ont été des soutiens indéfectibles, de toutes les manifestations, en signature de chacun des communiqués », témoigne Ben Lefetey, le porte-parole du collectif du Testet. La lutte crée alors les conditions du travail commun, comme une première expérimentation de l’unité possible. « Il n’y avait pas d’enjeu fondamental de pouvoir et on veillait à les mettre strictement sur un pied d’égalité », poursuit M. Lefetey qui s’est, depuis, engagé à leur côté. Non comme candidat, mais comme coordinateur de la campagne dans le Tarn : « Cela fait quinze ans que je suis dans le contre-pouvoir. Mais pour mener une vraie politique de transition, il faut aussi changer les gens au pouvoir et être élu. En cela, l’action des partis politiques est légitime et importante. »
« Un emploi utile et responsable, non-précaire et non-délocalisable »
« Là où il a été impossible de s’entendre avec les communistes sur des sujets comme Roybon ou le Lyon-Turin en Rhône-Alpes-Auvergne, la construction des échanges dans le Sud-Ouest a permis de lever tous les verrous pour un véritable accord écologiste », analyse Julien Bayou, porte-parole national d’EELV. Presque tous, car la fédération Haute-Garonne du Parti communiste – la plus importante de la région – ferait encore sécession. Mais le soutien officiel du PCF est désormais acquis, Marie-Pierre Vieu, porte-parole du parti dans la campagne, ayant joué un rôle important dans le rassemblement des troupes tandis que Martine Pérez, conseillère régionale communiste sortante en Aveyron, confiait son optimisme (à écouter ici).
Sur quelle base ont été trouvés ces accords ? « Sur l’emploi, explique Gérard Onesta. Pas n’importe lequel, mais un emploi utile et responsable, non-précaire et non-délocalisable. Ainsi redéfini, l’emploi réinvente l’agriculture, l’énergie ou le transport et dessine un nouveau paradigme. Voilà comment on se met d’accord sur un projet foncièrement écologiste sans jamais dire que nous le sommes. » Trouver les bons angles pour regarder les objets de débat autrement : selon Patric Roux, ancien directeur de l’Estivada (un festival inter-régional des cultures occitanes) et secrétaire fédéral du Partit occitan, c’est la méthode qui fait consensus, comme dans la lutte autour de l’usine de Malvési : « Il ne s’agissait plus de lutter ou non contre le nucléaire, mais d’extraire des emplois de la pression du néo-libéralisme qui domine ce secteur, explique la tête de liste dans l’Aude. Là-dessus, tout le monde était d’accord. »
Un projet trop à « contre-emploi », justement ? Gérard Onesta l’assure, « le projet écologiste est totalement respecté, nous n’avons rien retranché ». L’emploi ancre le projet écologiste dans le concret : « C’est la vraie préoccupation des gens, la première des dignités qui ouvre la porte à de la santé, du logement, de l’éducation… » Il traverse ainsi les autres thèmes de campagne, parmi lesquels les lycées, premier poste d’investissement du Conseil régional Midi-Pyrénées avec 2 milliards d’euros prévus entre 2001 et 2019. « Un symbole de la défense d’un idéal de service public », estime Myriam Martin, porte-parole d’Ensemble !.
« Une véritable aspiration à faire de la politique autrement »
Autre compétence majeure des conseils régionaux : les transports. « On veut montrer qu’on peut faire autrement en privilégiant la rénovation des lignes inter-régionales, avance Liem Hoang Ngoc. La LGV représente une logique de métropolisation poussée jusqu’au bout. » L’idée de solidarité entre les territoires, c’est la raison de l’engagement de Judith Carmona : « Il y a un vrai souci de la ruralité et de sa place dans le développement de la région, un souci qui se ressent dans la composition des listes. » Éleveuse dans les Pyrénées-Orientales, elle a dû se mettre en congés de ses fonctions nationales auprès de la Confédération paysanne pour s’engager comme porte-parole « citoyenne » dans la campagne. Afin de défendre, par d’autres voies, son modèle d’agriculture, dit-elle.
Comme elle, Pascal Dessaint se lance pour la première fois dans des élections. « On ne peut pas toujours être dans la contestation sans prendre de dispositions par rapport à la vie réelle. C’est la limite de la posture face aux menaces qui pèsent », justifie l’écrivain, réputé pour ses polars mêlant nature et critique sociale. Il raconte avec enthousiasme le premier meeting de campagne et les 2.000 personnes devant lesquelles il a lu sa profession de foi : « C’est excitant, il y a une véritable aspiration à faire de la politique autrement. »
Ce « citoyennisme » fait la fierté de la liste et se revendique l’héritage direct de Grenoble, où Éric Piolle avait emporté la mairie en mars 2014 sur la dynamique d’un mouvement similaire. La volonté de poursuivre ce laboratoire politique à plus grande échelle place la future troisième plus grande région de France (5,7 millions d’habitants) en possible jonction – pas seulement géographique – de Grenoble et de Barcelone.
Car de la cité catalane est né le « projet en commun » – l’intitulé étant directement inspiré du « Barcelona en Comú » qui a porté Ada Colau à la tête de la mairie au mois de mai. Sur cette plateforme publique, 4.000 contributions (consultables ici) ont été déposées de juin à août, à partir desquelles se sont construits les thèmes de campagne. La clef du succès pour Gérard Onesta : « Le juge de paix, c’est le projet, pas les tambouilles de parti. C’était un vrai défi : nous, formations politiques, étions-nous encore capables de pondérer ce qui fait combat commun chez les citoyens plutôt que ce qui fait différence entre nous ? »
Il en a tiré son slogan : Se rassembler, non se ressembler.