Choc
A l’heure où le parti de Marine Le Pen arrive en tête du premier tour dans six régions sur treize et concentre déjà ses efforts pour les présidentielles de 2017, force est de constater que le FN consolide son ancrage dans les banlieues et les zones rurales délaissées par la sphère politique. Reportage à Beaucaire dans le Gard où Julien Sanchez a pris la mairie en mars 2014 sous l’étiquette Front National.
Dimanche 6 décembre, le jour baisse sur les routes du sud-est gardois, Dans le couloir rhodanien, c’est un crépuscule plutôt morne qui s’annonce avec une bande brumeuse, et le soleil comme un ballon rouge enseveli sous les nuages gris. A l’entrée de Beaucaire l’immense cimenterie toujours en activité s’érige comme le dernier vestige d’un passé ouvrier.
Dans la petite ville de 16 000 âmes, les rues sont clairsemées. A l’arrivée d’un journaliste près du canal trois vieux messieurs de la génération des chibanis prêtent l’oreille aux questions sans y répondre. Ont-ils constaté des changements depuis l’arrivée du maire FN ? : « Quand les choses sont bien on peut en parler mais quand ça va mal, mieux vaut se taire,» lâche l’un d’entre eux en indiquant gentiment la direction de la mairie.
Rue nationale se concentrent les commerces maghrébins. En juillet dernier, le maire a fait voté l’interdiction du commerce nocturne uniquement dans cette rue. L’arrêté municipal est toujours en vigueur, mais jugeant cette décision discriminatoire, les commerçants ont porté l’affaire en justice. Le rendu est attendu le 7 janvier 2016.
Marrakech Café
Escale au café Marrakech, le gérant revient sur l’affaire tout en se demande à qui il a à faire. « Nous sommes sept commerçants à avoir porté plainte. Il n’est pas normal que notre rue soit la seule concernée par cette interdiction. Et le maire n’a pas choisi son moment au hasard, le décret correspond précisément au premier jour du Ramadan. »
Rassuré par le tenant de la conversation, il poursuit, » Le maire n’est jamais venu nous voir pour parler de ses projets. Il a préfèré aller au crash direct. Sinon la vie suit son cours la police municipale, on l’a connaît depuis dix ans. Je vais aller voter pour faire mon devoir citoyen mais je sais que fondamentalement ça ne changera rien.»
Où sont les électeurs du FN ?
Les autres rues du village sont silencieuses, quasi désertes hors mis quelques silhouettes aux pas rapides. Les terrasses sont vides, on se demande où sont les électeurs frontistes. L’animation se concentre à l’intérieur d’un café et d’une salle où l’on joue au Loto.
Attablés devant leurs cartons, les gens poussent des soupirs. Les yeux cerclés de rouge par des années de misère une femme d’une cinquantaine d’année s’écrie « oui » comme si elle se remettait à vivre à l’énoncé du chiffre 27. Puis, son visage s’assombrit de nouveau en regardant le carton par dessus l’épaule de son voisin.
« Le maire dit qu’il veut nous associer, confie l’élue de l’opposition Rose-Marie Cardona. Il m’a nommée dans plusieurs commissions mais toutes les décisions sont prises sans concertation par son cabinet venu de l’extérieur.»
« La majorité municipale est composée d’encartés disposant de peu d’expérience ajoute Francis Froussard du collectif Réagir pour Beaucaire On sent bien que le cabinet bien rodé à la politique doit apprendre ce qu’est la gestion d’une commune. Toutes les décisions du maire sont prises pour faire levier médiatique mais il n’a pas encore les résultats de Ménard. »
L’ action municipale se concentre sur la moitié de la population excédée par la gabegie du précédent maire (UDI puis UMP) l’autre partie qui réside dans les deux zones urbaines sensibles est laissée dans un dénuement complet.
« Côté pile le maire s’est vu intenter plusieurs procès. Côté face Julien Sanchez s’occupe du bonheur des vieilles dames en leur offrant des roses. Pour la fête d’Halloween la mairie a distribué des bonbons aux enfants. C’est un maire parfait,» ironise Rose-Marie Cardona.
Sur la façade de la mairie deux panneaux noirs ont été tendus en » Hommage aux victimes du terrorisme islamiste « . A l’intérieur une grande crèche de santons de Provences clignote sous l’escalier. Les hommes du cabinet du maire à l’allure solide et responsable sont repérables. On sent la force qui contrôle la ville sur le qui vive. On approche de la fermeture des bureaux de vote.
Dans la salle de dépouillement, Julien Sanchez croise les bras devant l’urne en gardant le menton levé, sa voix n’a rien d’autoritaire. On passe au dépouillement, dans le rôle du démocrate le jeune maire veille sur ses coéquipiers, il tente de flatter les membres de l’opposition tout en gardant les yeux fixés sur les petits paquets d’enveloppes bleues.
Après le comptage de la première centaine, les voix de Louis Aliot s’entassent comme l’affirmation d’une adhésion à une chose peu définie. Il y en a plus de quatre dizaines sur la table des assesseurs.
D’un signe de tête, le maire FN, répond positivement aux journalistes qui le sollicitent. Il sort de la salle, se retourne brièvement, quand il reporte son regard sur le tas qui reste à dépouiller, une lueur de légèreté et de soulagement brille dans ses yeux.
Jean-Marie Dinh
Julien Sanchez travaille son image
Elu maire en 2014 avec 39,82% des voix à la faveur d’une quadrangulaire, ce jeune trentenaire au sourire hésitant est né en 1983 à Aubervilliers. Il a fait des études supérieures de communication à Montpellier. Membre du Comité central du FN, il est Conseiller régional du Languedoc-Roussillon depuis 2010. C’est un proche de la famille Le Pen. En charge de la presse régionale pour la campagne présidentielle de Marine Le Pen. Il fut aussi un interlocuteur privilégié de Jean-Marie Le Pen. Il rendait compte de son journal de bord. Depuis le 30 mars 2014 Julien Sanchez cultive son image de maire attentionné en l’articulant systématiquement à l’idéologie de l’extrême droite.
Source : La Marseillaise 08/12/2015
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