Politique culturelle Montpellier Hérault. Les publics demandent un engagement clair

Le collectif des spectateurs du domaine d’O en débat jeudi dernier  Crédit Photo dr

Le collectif des spectateurs du domaine d’O en débat jeudi dernier Crédit Photo dr

Mobilisation

A la recherche d’actions pour le maintien d’un projet artistique de qualité,  le collectif des spectateurs du Domaine d’O envisage de converger avec d’autres collectifs dans l’Hérault

Le maintien de la saison culturelle d’hiver du Domaine d’O annoncé tardivement par le Conseil Départemental de l’Hérault n’a pas levé les inquiétudes du public sur l’avenir de la politique culturelle départementale.

Au court de plusieurs décennies, celle-ci s’est enracinée dans l’Hérault avec le soutien sans faille du président Saumade, puis Vezinhet. Elle a forgé un réseau d’acteurs culturels d’associations et de collectivités efficaces dans les zones les plus reculées.

Le maillage culturel du territoire, s’est organisé autour de deux pôles : Le Domaine d’O à Montpellier,  et sortieOuest à Béziers, ainsi que plusieurs festivals  singuliers : Saperlipopette, Arabesques, Le Printemps des Comédiens… L’ensemble de ces structures s’inscrit dans un projet global – soutenir la création, défendre l’art, la réflexion et l’ouverture des esprits sur le territoire –  aujourd’hui menacés.

Si le conflit sur la compétence culturelle qui oppose le Conseil départemental de l’Hérault à la  Métropole de Montpellier est à l’origine de la problématique, c’est aujourd’hui la volonté politique du président  Kleber Mesquida, de poursuivre cette action, unanimement reconnue pour sa qualité, qui semble clairement mis en cause.

Jeudi soir une nouvelle réunion organisée par le collectif des spectateurs du Domaine d’O s’est tenue au Théâtre d’O. Spectateurs, personnels, directeurs de festivals, programmateurs, syndicalistes, acteurs culturels appartenant à d’autres structures, membres de différents collectifs… La palette des forces en présence s’accorde sur la nécessité démocratique d’une vraie politique culturelle.

Elle ne se contentera pas de déclarations d’intention. Elle attend un calendrier et des actes concrets et significatifs.

SORTIEOUEST.  TOUJOURS EN ALERTE ROUGE !

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Le 15 octobre devait se tenir un Conseil d’Administration de l’association sortieOuest  qui aurait pu être le dernier puisque le Conseil départemental de l’Hérault avait annoncé sa volonté de  dissoudre l’association. Le collectif les Amis de SortieOuest s’était mobilisé à cette occasion mais la réunion a finalement été annulée pour cause d’alerte rouge.

Depuis, le collectif maintient les feux au rouge, malgré le courrier, adressé au public, du Président Kléber Mesquida dans lequel il réaffirme son engagement en faveur de la culture. Et en dépit du communiqué du président de l’association Phillipe Vidal  qui assure lui aussi, son engagement pour la culture, en listant les  travaux d’aménagement entrepris, tout en pointant  les déficits successifs de l’association.

Dans la même missive, le maire de Cazouls-lès-Béziers, annonce la création de l’EPIC Hérault qui remplacerait l’EPIC du Domaine d’O en y associant le Domaine de Bayssan. Cette nouvelle  entité, dont la validation juridique n’a pas encore été démontrée  assurerait la programmation de SortieOuest.

Un nouveau CA suivi d’une AG est convoqué durant les vacances le 24 octobre. Le collectif a décidé de ne pas appeler à un rassemblement ce jour-là. Il envisage les suites à donner au mouvement citoyen  à l’issue de ces rencontres.

JMDH

Source : La Marseillaise 22/10/2016

Voir aussi : Rubrique Politique Culturelle, Théâtre en péril, fin d’un modèle à Montpellier et dans l’Hérault ?, Rodrigo Garcia s’explique sur son départ annoncéDernière saison d’hiver au Domaine d’O ?Saison Montpellier Danse. « Le juge de paix, c’est la salle Berlioz du Corum »Montpellier Danse : La création face à la noirceur comme un phare dans la nuit,

Patrick Boucheron « L’histoire nous aide à résister contre l’idéologie de séparation »

«?On veut nous faire croire que l’identité est ce qui résiste à l’autre.?» Photo Jérôme Bonnet

« On veut nous faire croire que l’identité est ce qui résiste à l’autre. » Photo Jérôme Bonnet

L’historien Patrick Boucheron inaugure ce soir le cycle de conférences gratuites des Chapiteaux.

Professeur à l’université Panthéon-Sorbonne, Patrick Boucheron est entré au collège de France en 2015. Ce médiéviste se préoccupe de rendre audible sa discipline à travers la société d’aujourd’hui. Il aime bouleverser l’ordonnancement des disciplines, recourir à de nouveaux découpages intellectuels pour mieux percevoir le présent, quitte à déranger les traditions épistémologiques les mieux établies.

Vous ouvrez ce soir le cycle de conférences sur le thème  « De l’histoire comme art de résister ».  L’histoire serait un art ?
Je suis médiéviste,  au Moyen-âge on entendait l’art comme une modeste technique, juste un savoir-faire qui renvoyait à un groupe social qui se reconnaissait lui-même dans ce groupe et dans ce savoir-faire. J’aime cette définition, comme l’idée de l’atelier de l’historien qui se rêve artiste. Notre matière première c’est un passé qui ne nous attend pas. Un passé à construire, qui peut inspirer un autre rapport à la vie. Un des historiens qui m’a inspiré, Georges Duby, se présentait comme un travailleur dans l’atelier.

Selon vous, qu’est-ce que résister veut dire ?
Cela n’a rien de martial, de véhément. C’est une manière modeste et obstinée d’opposer une résistance à l’air du temps, à l’arrogance du présent. On ne peut affirmer n’importe quoi si l’histoire résiste comme on pourrait le dire d’un matériau. Après bien-sûr,  je ne méconnais pas ce qu’est historiquement l’histoire. Elle est née de la nécessité de célébrer le pouvoir, c’est un discours d’escorte. C’est pourquoi, ce que j’énonce reste une vision minoritaire.

Comment s’est opérée votre rencontre avec l’histoire ?
Très simplement, ce sont des enseignants qui avaient une certaine manière de dire l’histoire. Cette voix m’a entraîné  et je l’ai suivi. Les livres, je les ai lus après.  Je trouvais ces profs libres. Ils pratiquaient l’art de l’émancipation.

L’histoire comme libération… Comment divulguer ce message aux jeunes pour qui elle renvoie plutôt au passé ?
Tout dépend du rapport que l’on entretient avec le présent et avec la possibilité collective d’imaginer le futur. Si celui-ci nous paraît prometteur et source de progrès, de réalisation, le passé peut  être une ressource de consolation. On peut avoir de l’histoire un usage nostalgique, ce qui entraîne souvent la fonction de conservation de l’histoire. On peut aussi, ce qui est assez fréquent chez les jeunes, avoir le sentiment qu’il faut faire évoluer les choses parce que le futur qui nous est promis n’est pas satisfaisant. Moi je pense qu’à chaque révolte, ce qui encourage à se révolter est un exemple. Le passé rappelle que l’on a pu sortir de certaines conditions. Nous avons actuellement des exemples d’emprunts au passé. Les jeunes pensent aujourd’hui à l’espérance communale. Faire commune, c’est faire résonner une histoire ancienne.

Dans ce rapport au temps, on touche à votre terrain de prédilection, celui de déjouer l’ordre des chronologies pour produire une intelligibilité du présent…
Oui, déjouer les chronologies et les généalogies, désarmer la question des origines qui est une notion démobilisatrice. Cette question des origines est un point d’arrêt. C’est l’endroit où commence la généalogie de l’autorité, mais aussi de la contestation qui ne vaut guère mieux. User de l’histoire pour répéter le roman de la commune ne vaut pas mieux que de répéter le roman des rois. Il n’y a pas de vérité en soi,  pas de vérité absolue. Il n’y a que des vérités que l’historien doit construire pour mieux savoir les défendre, quitte à les défendre contre ses propres enthousiasmes?: il faut accepter que l’on va décevoir.

Où situez-vous les ponts entre histoire et littérature ?
Pour moi, la littérature et l’histoire sont toutes deux des sciences sociales et partagent à ce titre l’art de la description du réel. Dans le choix que j’ai fait pour le Moyen-âge, il y avait cet attrait pour les médiévistes qui sautaient les barrières avec la capacité d’être  sociologues, politistes, anthropologues…

Dans votre livre « Léonard de Vinci et Machiavel »*, vous usez de cette double source, historique et littéraire…
Avec ce livre, j’ai voulu tester la frontière entre histoire et littérature. C’est un essai où j’ai tenté quelque chose qui n’a rien à voir avec le fait de bien écrire. J’avais le souci du récit et lorsque se pose la question de qui ordonnera le récit, cela  devient politique. Ce livre se situe au-delà de la frontière de la confrontation, puisque l’histoire et la littérature ont été rivales pour comprendre le monde. D’une certaine manière, Balzac est un historien et Michelet est un écrivain. Cependant, éprouver les frontières ne signifie pas vouloir les abolir. Je n’écris pas pour déstabiliser. Ma génération a défendu l’histoire. Il a fallu réarmer la notion de réel pour lutter contre les négationnistes.

Ce combat semble aujourd’hui devoir se poursuivre sous de nouvelles formes...
Effectivement, quand on est enseignant, c’est important parce que cela relève de notre responsabilité. Il n’est pas simple de lutter contre la vision complotiste en argumentant et en poussant la réflexion sans jeter le bébé avec l’eau du bain, car certains complots existent.

Dans votre leçon inaugurale au Collège de France vous évoquez à propos de la théorie du pouvoir, donc au-delà de la religion, le christianisme comme une structure anthropologique englobante qui semble particulièrement d’actualité dans le monde  contemporain…
Les structures englobantes sont beaucoup plus robustes qu’on ne se l’imagine et on est beaucoup plus gouvernés qu’on ne le pense. Nous avons construit certaines idées fausses sur le Moyen-âge. On dit des hommes de cette époque qu’ils étaient crédules et obéissants et qu’aujourd’hui nous sommes libres. Mais quand on va chercher des ressources dans le passé pour comprendre le présent, on les trouve plus libres et on se trouve plus dépendants.

La théologisation politique du monde occidental s’oppose-t-elle, comme le prétendent les grands leaders politiques, au fondamentalisme ?
Sur ce point, il ne faut pas tergiverser parce que l’heure est grave. L’idéologie de la séparation se répand partout. On veut nous faire croire que l’identité est ce qui résiste à l’autre. Ce qui veut se confirmer à elle-même.  Etre fidèle à son identité serait être soumis à ses intolérances. Je ne veux pas polémiquer mais lorsque j’entends Wauquiez appeler à « résister » contre le prétendu afflux des réfugiés, je trouve ces propos effrayants. L’histoire nous aide à résister contre la progression des idéologies de la séparation et à dire calmement que nous sommes plus nombreux à ne pas nous sentir menacés par la différence.

Propos recueillis par Jean-Marie Dinh

« Léonard de Vinci et Machiavel », Verdier 2013

Source: La Marseillaise 22/09/2016

Ecouter ; Leçon inaugurale de Patrick Boucheron au Collège de France

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Hussein Bin Hamza. Obsédé par les ratures

 Un Poème

Il y a peu j’ai écrit un poème

et comme je suis mineur et avare comme vous le savez

le poème était court

mais je l’ai trouvé trop long

j’en ai effacé quelques lignes

et j’ai dégraissé ça et là

on a dit de moi un jour

que j’étais obsédé par les ratures

et que si je continuais à écrire ainsi

je finirais impuissant et silencieux

certes c’est arrivée

j’ai poursuivi l’amincissement du poème

jusqu’à ce qu’il soit comprimé en une seule phrase, maigre et éteinte

une phrase dont au final

je pouvais me passer aussi

et que ce poème dont je vous ai parlé

demeure une idée morte dans ma tête.

 

contributor_20141113155131_1Hussein Bin Hamza poète Syrien

Source : Voix Vives Anthologie Sète 2016 Editions Bruno Doucey

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Mark Haskell Smith maître de la satire loufoque

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Roman noir
Mark Haskell Smith Ceci n’est pas une histoire d’Amour

Mark Haskell Smith nous embarque dans une forme de road movie hilarant à travers les Etat-Unis en compagnie de Sepp Gregory star de téléralité.  L’homme élu « le plus sexy de l’année » parcourt les librairies du pays où des foules de lectrices l’ovationnent, surtout lorsqu’il soulève son tee-shirt pour exhiber ses tablettes de chocolats.

Sepp  connaît la musique et se prête à une discipline de fer pour assurer. Le livre qu’il dédicace est une idée de son agent. Il a été écrit par Curtis, un écrivain talentueux pas reconnu, qui accepte le rôle de nègre pour faire un max de blé. Mais le succès par procuration que rencontre son bouquin le plonge grave dans le calcaire.

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Dans ce terrible jeu de dupe, se glisse la perfide  blogueuse littéraire, Harriet Post, qui se pique de révéler la vérité psychologique en mettant fin à l’escroquerie, mais sa quête pour révéler le nom du véritable auteur du livre ne va pas la mener où elle pensait…

A partir de ce casting de base, Mark Haskell Smith, déroule une intrigue parfaitement ficelée et complètement secouée qui fourmille d’idées brillantes. Les routes du récit sont aussi hasardeuses, que la réaction intime des personnages.

L’écrivain a le goût de la satire sociale féroce.  Il entremêle habilement la psychologie fragile de ses personnages en les plongeant – en guise de thérapie ?- dans le grand bain des addictions contemporaines. Les situations loufoques et onctueuses s’enchaînent dans un captivant rapport au temps.

Mark Haskell Smith signe une grande cavale des temps modernes pleine de provocations où l’on réalise que la téléréalité peut côtoyer la plus grande exigence littéraire et que tout le monde peut être prisonnier de son histoire  dans un monde « dirigé par les crétins, les demeurés, les nichons, et l’argent. »

Mark Haskell Smith était l’un des invités d’honneur du FIRN de Frontignan, cet été, dont la thématique était « Mort de rire ». Il y avait, sans l’ombre d’un doute, toute sa place.

JMDH

Source : La Marseillaise 10/09/2016

ceci n est pas une histoire d'amour.inddCeci n’est pas une histoire d’amour, Editions Rivages
Voir aussi : Rubrique Festival  Livre, rubrique  Roman noir, FIRN, Christa Faust Self–made–women dans le monde du X, La ville ouvre la porte au polar, Les amoureux du noir,

Pèse-nerfs

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Toute l’écriture est de la cochonnerie.

Les gens qui sortent du vague pour essayer de préciser quoi que ce soit de ce

qui se passe dans leur pensée, sont des cochons.

Toute la gent littéraire est cochonne, et spécialement celle de ce temps-ci.

Tous ceux qui ont des points de repère dans l’esprit, je veux dire d’un certain

côté de la tête, sur des emplacements bien localisés de leur cerveau, tous ceux

qui sont maîtres de leur langue, tous ceux pour qui les mots ont un sens, tous

ceux pour qui il existe des altitudes dans l’âme, et des courants dans la

pensée, ceux qui sont esprit de l’époque, et qui ont nommé ces courants de

pensée, je pense à leurs besognes précises, et à ce grincement d’automate que

rend à tous vents leur esprit,

– sont des cochons.

Ceux pour qui certaines mots ont un sens, et certaines manières d’être, ceux qui

font si bien des façons, ceux pour qui les sentiments ont des classes et qui

discutent sur un degré quelconque de leurs hilarantes classifications, ceux qui

croient encore à des « termes », ceux qui remuent des idéologies ayant pris rang

dans l’époque, ceux dont les femmes parlent si bien et ces femmes aussi qui

parlent si bien et qui parlent des courants de l’époque, ceux qui croient encore

à une orientation de l’esprit, ceux qui suivent des voies, qui agitent des noms,

qui font crier les pages des livres,

– ceux-là sont les pires cochons.

Vous êtes bien gratuit, jeune homme !

Non, je pense à des critiques barbus.

Et je vous l’ai dit : pas d’oeuvres, pas de langue, pas de parole, pas d’esprit,

rien.

Rien, sinon un beau Pèse-Nerfs.

Une sorte de station incompréhensible et toute droite au milieu de tout dans

l’esprit.

Et n’espérez pas que je vous nomme ce tout, en combien de parties il se divise,

que je vous dise son poids, que je marche, que je me mette à discuter sur ce

tout, et que, disuctant, je me perde et que je me mette ainsi sans le savoir à

PENSER, – et qu’il s’éclaire, qu’il vive, qu’il se pare d’une multitude de mots,

tous bien frottés de sens, tous divers, et capables de bien mettre au jour

toutes les attitudes, toutes le nuances d’une très sensible et pénétrante

pensée.

Ah ces états qu’on ne nomme jamais, ces situations éminentes d’âme, ah ces

intervalles d’esprit, ah ces minuscules ratées qui sont le pain quotidien de mes

heures, ah ce peuple fourmillant de données, – ce sont toujours les même mots

qui me servent et vraiment je n’ai pas l’air de beaucoup bouger dans ma pensée,

mais j’y bouge plus que vous en réalité, barbes d’ânes, cochons pertinents,

maîtres du faux verbe, trousseurs de portraits, feuilletonistes, rez-de-

chaussée, herbagistes, entomologistes, plaie de ma langue.

Je vous l’ai dit, que je n’ai plus ma langue, ce n’est pas une raison pour que

vous persistiez, pour que vous vous obstiniez dans la langue.

Allons, je serai compris dans dix ans par les gens qui feront aujourd’hui ce que

vous faites. Alors on connaîtra mes geysers, on verra mes glaces, on aura appris

à dénaturer mes poisons, on décèlera mes jeux d’âmes.

Alors tous mes cheveux seront coulés dans la chaux, toutes mes veines mentales,

alors on percevra mon bestiaire, et ma mystique sera devenue un chapeau. Alors

on verra fumer les jointures des pierres, et d’arborescents bouquets d’yeux

mentaux se cristalliseront en glossaires, alors on vera choir des aérolithes de

pierre, alors on verra des cordes, alors on comprendra la géométrie sans

espaces, et on apprendra ce que c’est que la configuration de l’esprit, et on

comprendra comment j’ai perdu l’esprit.

Alors on comprendra pourquoi mon esprit n’est pas là, alors on verra toutes les

langues tarir, tous les esprits se dessécher, toutes les langues se racornir,

les figures humaines s’aplatiront, se dégonfleront, comme aspirées par des

ventouses desséchantes, et cette lubrifiante membrane continuera à flotter dans

l’air, cette membrane à deux épaisseurs, à multiples degrés, à un infini de

lézardes, cette mélancolique et vitreuse membrane, mais si sensible, si

pertinente elle aussi, si capable de se multiplier, de se dédoubler, de se

retourner avec son miroitement de lézardes, de sens, de stupéfiants,

d’irrigations pénétrantes et vireuses,

alors tout ceci sera trouvé bien,

et je n’aurai plus besoin de parler.

 

Antonin Artaud.

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