Mark Haskell Smith maître de la satire loufoque

photo-1

Roman noir
Mark Haskell Smith Ceci n’est pas une histoire d’Amour

Mark Haskell Smith nous embarque dans une forme de road movie hilarant à travers les Etat-Unis en compagnie de Sepp Gregory star de téléralité.  L’homme élu « le plus sexy de l’année » parcourt les librairies du pays où des foules de lectrices l’ovationnent, surtout lorsqu’il soulève son tee-shirt pour exhiber ses tablettes de chocolats.

Sepp  connaît la musique et se prête à une discipline de fer pour assurer. Le livre qu’il dédicace est une idée de son agent. Il a été écrit par Curtis, un écrivain talentueux pas reconnu, qui accepte le rôle de nègre pour faire un max de blé. Mais le succès par procuration que rencontre son bouquin le plonge grave dans le calcaire.

images

Dans ce terrible jeu de dupe, se glisse la perfide  blogueuse littéraire, Harriet Post, qui se pique de révéler la vérité psychologique en mettant fin à l’escroquerie, mais sa quête pour révéler le nom du véritable auteur du livre ne va pas la mener où elle pensait…

A partir de ce casting de base, Mark Haskell Smith, déroule une intrigue parfaitement ficelée et complètement secouée qui fourmille d’idées brillantes. Les routes du récit sont aussi hasardeuses, que la réaction intime des personnages.

L’écrivain a le goût de la satire sociale féroce.  Il entremêle habilement la psychologie fragile de ses personnages en les plongeant – en guise de thérapie ?- dans le grand bain des addictions contemporaines. Les situations loufoques et onctueuses s’enchaînent dans un captivant rapport au temps.

Mark Haskell Smith signe une grande cavale des temps modernes pleine de provocations où l’on réalise que la téléréalité peut côtoyer la plus grande exigence littéraire et que tout le monde peut être prisonnier de son histoire  dans un monde « dirigé par les crétins, les demeurés, les nichons, et l’argent. »

Mark Haskell Smith était l’un des invités d’honneur du FIRN de Frontignan, cet été, dont la thématique était « Mort de rire ». Il y avait, sans l’ombre d’un doute, toute sa place.

JMDH

Source : La Marseillaise 10/09/2016

ceci n est pas une histoire d'amour.inddCeci n’est pas une histoire d’amour, Editions Rivages
Voir aussi : Rubrique Festival  Livre, rubrique  Roman noir, FIRN, Christa Faust Self–made–women dans le monde du X, La ville ouvre la porte au polar, Les amoureux du noir,

Roman. « Faillir être flingué » : western contemporain de Céline Minard.

céline minard

Céline Minard : La puissance brute de l’imaginaire.

Céline Minard a récemment fait escale à la librairie Sauramps pour évoquer son dernier livre  Faillir être flingué (Rivages), qui conserve ses chances dans les huit romans de la deuxième liste du prix Médicis.

L’auteur poursuit son exploration de la langue passant d’un genre à l’autre en ouvrant de nouveaux champs. Son livre est un western qui relève d’un territoire inconnu. Céline Minard dessine une galerie de portraits puissants des pionniers jouant leur va-tout dans l’appréhension d’une immensité sauvage. Indiens, pionniers, voleurs, filles de joie, les personnages sont bruts de décoffrage.

Minard s’est inspirée de la structure des Sept Samouraïs. Dans le grand Ouest, des destins se croisent et convergent vers un objectif incertain suivant une piste vers cette ville, « qui n’était une ville que si l’on voulait bien croire à son développement à venir. » Le rapport à l’espace et au temps se heurte aux pouvoir de la nature. On a le sentiment de se perdre dans cette plaine, et en même temps on y respire bien.

Dans cette longue procession, ce ne sont pas des hommes et des femmes qui façonnent la nature, c’est la flore et les animaux qui fuiront bientôt  l’avancée humaine, qui gardent le dessus. Céline Minard ne s’est jamais rendue aux Etats-Unis ce qui ne l’empêche pas de revenir avec justesse  et talent sur le fondement de cette nation. Faillir être flingué  c’est finalement être toujours en vie…

Jean-Marie Dinh

Céline Minard sur les traces des pionniers de la grande plaine. dr

 Faillir être flingué, éditions Rivages

Voir aussi :  Rubrique Livre, Littérature française,

William Bayer un as du clash psychologique

bayer-interview1Avec son dernier livre « Le rêve des chevaux brisés », l’enfant de Cleveland nous tient en haleine. D’un bout à l’autre le lecteur plonge sur la piste d’un parcours à double détente. Celui d’un couple improbable qui finit en clash. Et celui plus obsessionnel, d’une quête psychologique qui pousse le personnage principal sur les traces troublées de son enfance.William Bayer fait escale à Montpellier à l’occasion du Festival International du Roman noir qui se tient jusqu’à dimanche à Frontignan. Il a déjà commis une quinzaine de romans. Ce n’est pas le genre d’homme à laisser les choses au hasard. Ce qui ne veut pas dire qu’il soit maniaque. Il aime Hemingway, et comme lui, se fait adepte du style maigre, écriture concise, dépouillée… Mais là où l’auteur du Vieil homme et la mer fuit tant qu’il peut la psychologie, Bayer se délecte à tisser dans les méandres de l’inconscient. Dans Le rêve des chevaux brisés, David Weiss le narrateur, est témoin d’un acte criminel sans avoir vu la scène du meurtre, et il ne le réalise qu’à l’âge adulte. Le rythme du livre est assez lent comme celui de l’écriture « Plus j’avance dans l’âge plus je prends mon temps » confie l’auteur. La dimension du temps justement, est maniée avec finesse et dextérité. Bayer l’allie au lieu de l’action en jouant avec les allers-retours entre passé et présent.

Dans le livre tout commence par le retour de David dans sa ville natale Calista  ville fictive et espace physiquement et moralement vécu et parcouru par l’auteur lui-même. En réalité, Calista n’est rien d’autre que sa ville natale, Cleveland. « J’ai choisi un autre nom pour ne pas être prisonnier des détails. Je voulais faire un parallèle entre l’âge d’or de cette ville et ce qu’elle est aujourd’hui après le déclin économique. C’est pourquoi le meurtre a lieu 25 ans plus tôt. Je voulais aussi évoquer le fonctionnement de ces villes pleines de secrets et de non dits. »

reve-chevaux-brisesWilliam Bayer a un parcours plutôt atypique. Diplômé de Harvard et Cambridge en histoire de l’art, le sexagénaire affiche aujourd’hui les traits d’un bon vivant. Sous la présidence de Kennedy, il a travaillé aux affaires culturelles du Département d’Etat américain qu’il dit avoir quitté, même si certains de ses collègues de l’époque sont aujourd’hui nommés à des postes de pouvoir. « Je n’avais pas envie de passer ma vie à lécher des bottes pour ça.» Alors il a basculé dans le roman noir, pour trouver sa vraie place et pour notre plus grand plaisir.

Jean-Marie DINH

William Bayer Le rêve des chevaux brisés, éditions Rivages.

Voir aussi : Rubrique Roman noir,